
2l’Avant-Garde Vol. 8 No1 Hiver 2008
Éditorial Mot de la directrice
que l’erreur est humaine et que certaines conditions dans notre travail
quotidien nous placent dans des situations à risque (ex. : stress, fatigue,
instabilité des équipes, demandes multiples, temps supplémentaire obliga-
toire). Malgré tout, la double vérification était la dernière chance de
détecter une erreur de ce type dans le système actuel de préparation des
médicaments.
La double vérification est-elle efficace ?
La recherche nous indique que si une personne vérifie le travail d’une autre,
elle détecte l’erreur dans 95 % des cas (Grissinger, 2006). La double véri-
fication est une mesure particulièrement efficace pour détecter des erreurs
de préparation de médicaments. Elle nécessite toutefois d’être effectuée
de manière indépendante (Bates, 2002; Institute for Safe Medication
Practices Canada, 2005). Ce qui signifie que le vérificateur doit avoir la
possibilité de vérifier la démarche sans être influencé par le préparateur.
Ce dernier ne doit pas communiquer ses attentes ou ses conclusions au
vérificateur. Traditionnellement, les consignes visant à éviter ce qu’on
appelle le biais de confirmation ne sont pas suffisamment mises en évidence
pendant la formation de base des infirmières. Conséquemment, elles sont
peu familières avec cet aspect de la procédure.
Comment effectuer une double vérification
de manière indépendante ?
Le préparateur met à la disposition du vérificateur tous les éléments pour
effectuer cette vérification sans chercher à l’influencer : seringue préparée,
étiquette déjà apposée, ampoule ou fiole vide et formulaire d’enregis-
trement des médicaments (FEM) ou autres documents bien en vue.
Le vérificateur procède dans cet ordre :
1. Il consulte l’un des documents de référence afin de connaître
la posologie du produit destiné au patient :
•FEM en vigueur;
•Plan de soins, section « Médication », où l’ordonnance
est transcrite à l’encre et vérifiée par deux infirmières;
•Ordonnance médicale originale, lors d’une transcription
manuelle au FEM ou dans toute autre circonstance.
2. Il vérifie si les renseignements indiqués sur l’étiquette apposée
concordent avec les inscriptions apparaissant au document de
référence. Il lit à haute voix afin de mieux se concentrer et
de lire toutes les données nécessaires à la préparation : le nom
du patient, le nom du produit, la dose à administrer, la voie
et l’heure d’administration.
3. Il vérifie si le produit de la fiole utilisée concorde avec
le document de référence.
4. Il effectue le calcul du volume nécessaire à partir de la concentration
de la fiole et vérifie s’il concorde avec le document de référence.
5. Il vérifie si le volume prélevé concorde avec le document
de référence.
6.Il appose sa signature au dossier, nom et prénom au complet,
afin de confirmer que la vérification a été faite et que tous
les renseignements concordent.
7. Lors d’une discordance entre le document de référence et
le produit préparé, il avise le préparateur et clarifie tout
doute concernant la médication.
La gestion des risques reliés à l’hospitali-
sation représente une composante impor-
tante de notre travail. L’augmentation des
clientèles vulnérables et âgées de même
que la durée des épisodes de soins de plus
en plus courte sont deux éléments qui
exacerbent le phénomène. La contribu-
tion des infirmières est essentielle afin de
prévenir que les risques identifiés se
traduisent en accidents pour les patients.
Outre les médecins, les infirmières sont les professionnelles de
la santé que tous les patients rencontrent dans les premiers
instants suivant leur admission. Le Code des professions a
d’ailleurs réservé une place privilégiée aux infirmières dans l’é-
valuation physique et mentale du patient pendant cette période.
La période d’admission où le patient est habituellement accom-
pagné de ses proches est un moment privilégié pour évaluer les
risques, qu’il s’agisse de chutes, de delirium, d’infections ou
autres. Une fois l’évaluation réalisée, il s’avère tout aussi impor-
tant de déterminer les actions à entreprendre en fonction des
constats établis. L’information recueillie doit se traduire en un
plan d’intervention où est consignée chaque action à mettre en
place pour éviter un accident ou un incident. De plus, l’infir-
mière voit à transmettre l’information pertinente aux membres
de l’équipe intra et interdisciplinaire et s’assure qu’ils compren-
nent tous les mesures à mettre en place pour prodiguer des soins
sécuritaires.
Parmi les risques, celui des chutes est fréquent et doit être traité
avec beaucoup de rigueur. Dans plusieurs situations, ce risque
est souvent invoqué pour justifier l’utilisation de contentions
physiques, y compris l’utilisation des ridelles, sans que l’on ait
nécessairement réfléchi à d‘autres alternatives. Il ne faut pas
perdre de vue que restreindre la mobilité physique d’un patient
au moyen de contentions physiques comporte aussi des risques
importants et peut entraîner des conséquences indésirables pour
le patient. C’est pourquoi toute décision concernant la prévention
des chutes doit faire l’objet d’une discussion sur le choix des
moyens et les résultats attendus avec le patient et si requis, avec
son répondant ou ses proches. Ainsi, un patient ou son répondant
pourrait décider de tolérer un risque de chutes dit « calculé »
plutôt que d’accepter le recours à une contention physique.
Si plusieurs risques sont inhérents à la condition de santé des
patients, d’autres, malheureusement trop nombreux, découlent
de gestes infirmiers tels qu’oublier de vérifier le bracelet d’identité
ou négliger la double vérification de certains médicaments. Le
manque de temps, raison souvent invoquée pour justifier cette
prise de risque, ne peut en aucun cas légitimer un accident.
Je remercie les infirmières et les infirmières auxiliaires qui, par
leurs efforts constants et leur vigilance quotidienne, contribuent
à rendre les soins les plus sécuritaires possibles. Vous relevez le
défi de la gestion des risques dans un univers de soins complexes
en constante évolution.
Esther Leclerc, inf., M. Andragogie, M.Sc.
Directrice des soins infirmiers