Cet asile de l’ignorance” (textes de Spinoza)
Ce spectacle a été créé au Théâtre d’O - Montpellier (direction Christopher Crimes) le 7
décembre 2011, il est proposé en tournée pour la saison 2012-2013.
De l’éthique à l’optique
Le siècle d’or hollandais, celui des marchands, des penseurs, des peintres, est aussi
celui de Jan Vermeer, le prince de la lumière, exact contemporain de Spinoza, un
prince lui aussi. Le Prince des philosophes, comme l’avait appelé Gilles Deleuze
qui lui consacra plusieurs ouvrages. Dans une pièce entièrement transparente
éclairée comme un tableau de Vermeer, un homme ponce lentement des éclats de
verre. Il fabrique des lentilles, un outil indispensable aux nouveaux instruments
scientifiques, le télescope, le microscope. A travers cette loupe, un nouveau monde
s’écrit, infiniment grand, infiniment petit. Spinoza, l’homme qui ponce, pense. Sa
philosophie se construit, hésitante, errante, elle se crée lentement au rythme du
polissage du verre. Pensée, technique, science, le XVIIe siècle mélange les genres,
universalise les connaissances. Spinoza, l’homme au manteau troué d’un coup de
couteau donné par un fanatique religieux, était aussi physicien et mathématicien.
Tout naturellement, en polissant les lentilles, il s’intéresse à la science optique et
écrit un «calcul algébrique de l’arc-en-ciel ». En se glissant dans cette pièce de
verre, le spectateur côtoie sans peine, naturellement, le monde complexe et
transparent d’une des figures les plus extraordinaires de la philosophie européenne,
Benoît de Spinoza.
LA PRESSE
Didier Mahieu et Jean-Marc Bourg conduisent la pensée de Spinoza avec une simplicité
lumineuse.
Qu’il est doux de s’asseoir sur le fauteuil rouge d’un théâtre, de sentir la présence silencieuse
des autres tout autour, de voir la lumière du réel s’éteindre et de s’en remettre dans
l’obscurité aux acteurs d’un spectacle.
Le défi est de taille : embarquer l’auditoire dans un rodéo cérébral sans amants dans le
placard ni crime de sang froid. « Essayons de comprendre et d’ouvrir les yeux de l’esprit. »
Avec une démarche généreuse et exigeante, Didier Mahieu et Jean-Marc Bourg y
parviennent ; la mise ne scène, le jeu et le choix des extraits font que l’on suit avec bonheur
les mouvements de la pensée du philosophe d’Amsterdam.
La salle, éclectique, est combl(é)e.
Anne Leray, LA MARSEILLAISE
(Hérault du jour)
La pensée de Spinoza finement éclairée.
Installé dans un atelier-cube en verre à la fois réel et suggéré, Jean-Marc Bourg rend la
pensée de Spinoza vivante et donc compréhensible par son jeu sobre et investi. Dans ce lieu
façonné d’ombres et de lumières, se multiplie les perspectives, l’adaptation et la mise en
scène de Didier Mahieu, la scénographie signée Mahi, les éclairages de Patrick Chiozzotto
ou le travail vidéo de Fred Ladoué concourent grandement à faire de ce monologue une pièce
à part entière, sensible et sans temps morts.
Mireille Picard, MIDI LIBRE
“Cet asile de l’ignorance” - Benoît Spinoza
Spectacle disponible pour la saison 2012-2013
« …et ils ne cesseront ainsi de vous interroger sur
les causes des causes, jusqu’à ce que vous vous
soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile de
l’ignorance. »
(Ethique)
Pierre Sauvanet, philosophe, a publun article intitulé « Ethique et optique chez Spinoza »,
cette juxtaposition entend approfondir, au-delà de l’analogie classique lumière/raison, la
relation intime, presque nécessaire, entre le métier de polisseur de lentilles et celui de
philosophe qu’a pu exercer Spinoza. Cette réflexion corrobore l’intuition que nous avons eue
de présenter sur la scène le philosophe réfléchissant tout en polissant dans un environnement
la lumière serait un partenaire plus que décoratif. Une autre image vient aussi alimenter
notre idée : c’est celle des tableaux bien connus de Vermeer ou de Rembrandt
contemporains de Spinoza – où la lumière latérale vient d’une fenêtre pour éclairer un homme
qui étudie.
Fort de ces coïncidences qui, à vrai dire, n’en sont pas tout à fait, nous allons donc essayer à
notre tour de juxtaposer le cheminement de la pensée du philosophe avec un parcours
proprement lumineux, c’est-à-dire que nous utiliserons la lumière non seulement pour éclairer
les corps mais aussi la parole, espérant ainsi mettre à jour certaines obscurités du discours….
La lumière en tant que corpuscule, en tant qu’onde, réfléchie par des miroirs, concentrée par
des lentilles, décomposée par des prismes, ou matérialisée par de la vapeur. Au fil du
développement de la réflexion, un édifice lumineux se construira suggérant la structure
géométrique du texte voulue par Spinoza.
Jean-Marc Bourg incarne le philosophe d’Amsterdam,
il est costumé par Dominique Fabrègue,
la mise en scène est de Didier Mahieu,
la scénographie de Mahi,
la lumière de Patrick Chiozzotto
la musique est composée par Joël Drouin
et la video par Fred Ladoué.
Merci à Christopher Crimes, directeur du Domaine d’O, pour sa confiance renouvelée.
à Marc Leglatin du Théâtre de Chelles pour sa fidélité sans faille
à Fabrice Audié du site des Amis de Spinoza pour son aimable aide,
et à Jacques Bioulès du Théâtre du hangar, pour son hospitalité.
Une scénographie analytique
La géométrie explique presque tout.
Georgio Morandi
Chez Spinoza, la Pensée et l’Étendue sont les deux attributs d’une même substance. On peut
dire que la scénographie est justement une pensée de l’étendue, autrement dit de l’espace.
Il est une science inaugurée par Descartes (développée plus tard par Fermat) qui entend établir
une correspondance entre l’espace et des équations algébriques : c’est la géométrie analytique
et ses fameuses coordonnées dites « cartésiennes ». En donnant au mot « pensée » un sens
large, on pourrait dire que cette nouvelle géométrie exprime de la pensée (mathématisée) dans
un espace (ligne, plan, volume). Cela corrobore la proposition de Spinoza : l’ordre et la
connexion des idées (ici des équations) sont les mêmes que l’ordre et la connexion des
choses (ici des fonctions sous forme de lignes). Le philosophe ira même jusqu’à considérer les
sentiments comme si il s’agissait de lignes, de plans et de volumes !
Il s’agira donc ici de créer litttéralement une scénographie analytique figurant la pensée dans
l’espace ou plutôt une manière d’espace/pensée, métaphore de l’immanence spinozienne : un
monde où Pensée et Étendue ne sont que les attributs d’une même substance – la substance.
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