Le marketing : connaissance ou production des besoins ?
Prenons un troisième exemple. Le marketing prétend étudier les besoins des consommateurs
pour mieux y répondre par une offre de produits et services adaptés. En même temps, il
fabrique des consommateurs gouvernables
, les regroupe en classes (segments de marché)
homogènes ; il leur apprend à se connaître et à se définir par référence à ces catégories et aux
besoins (de consommation) qui leur sont attachés ; besoins véhiculés par les journaux dont ils
sont la cible...
Une nouvelle approche du marketing passerait, plutôt que par un raffinement de ces
catégories, ou des techniques pour atteindre ces cibles et créer leurs besoins, par une critique
du fonctionnement de ces techniques et des conséquences de leur diffusion dans la sphère
politique.
Le knowledge management, dernier cri du taylorisme ?
Le knowledge management (KM) a émergé comme une approche qui reconnaît la
connaissance accumulée par les employés au sien de l’entreprise. Déjà, Taylor reconnaissait
le savoir-faire pratique développé par les ouvriers postés : des boites à idées ont été
popularisées pour recueillir les suggestions qui pouvaient améliorer la performance ou la
sécurité des processus de production.
Instrument de gestion, le KM cherche à extraire cette connaissance, la codifier et la transférer
au management. Cette approche reproduit en fait une conception taylorienne de l’entreprise.
Elle confie à la hiérarchie la responsabilité d’identifier les savoirs pertinents. Ces savoirs sont
formalisés, codifiés et évalués par des experts, qui statuent sur leur bien fondé et la valeur
qu’ils ajoutent pour l’entreprise.
Le rôle de la hiérarchie et des experts confirment que le knowledge management s’inscrit
dans une vision top-down du changement. Il s’oppose en fait à une représentation de
l’entreprise comme organisation qualifiante, définie par Zarifian comme une organisation qui
révèle et développe les savoirs de ses membres et qui accepte de modifier son organisation en
conséquence (voir Plane, 2008, pour une présentation synthétique).
Commentaires sur les modes en gestion
Les gestionnaires, frivoles ?
La question se pose de la valeur qu’il faut attribuer à cette évolution convergente des outils de
gestion. Cette évolution peut résulter de la réflexion rationnelle de praticiens, qui adoptent des
techniques et outils qui améliorent la performance de l’entreprise. La recherche ne semble pas
corroborer cette hypothèse. Il semble que des innovations peu performantes (ou dont la
performance n’est pas fermement établie) diffusent dans les entreprises et les structures qui
élaborent les normes et les standards de gestion (écoles de commerce, cabinets de conseil…),
alors que des innovations performantes ne sont pas adoptées par les praticiens.
Gl. Morgan (2008), Marketing and critique : prospects and problems, in M. Alvesson, H. Wilmott (eds.),
Studying management critically, Sage, London