
 
LA RENTRÉE THÉÂTRALE DE JANVIER
Invisibles
TEXTE ET MISE EN SCÈNE  
NASSER DJEMAÏ
JEUDI 5 JANVIER À 19H30 
VENDREDI 6  À 20H30  
AU GRANIT 
CAT. B / TARIFS DE 7 À 18 €
Rencontres avec l’équipe du spectacle 
à l’issue des représentations.
Le comédien et metteur en scène Nasser Djemaï est au Granit 
pour présenter deux spectacles appartenant à une trilogie.  
Nous accueillons d’abord la nouvelle création, “Invisibles”  
qui clôt la série de trois spectacles. “Une Étoile pour Noël”, 
le premier volet, sera présenté en avril 2012, en collaboration 
avec le CIE Les 3 Chênes.  
Récits personnels et contes universels, les spectacles de Nasser 
Djemaï, s’ancrent dans le réel pour se l’approprier et le dépasser.
Invisibles,  c’est  l’histoire  bouleversante 
d’une  rencontre.  Martin,  la  trentaine, 
hérite  d’un  petit  coffret  avec  un  nom 
et  une  adresse  qui  vont  être  le  point 
de  départ  d’une  quête  d’identité.  Les 
invisibles : qui sont-ils ? Des travailleurs 
immigrés, écartelés entre les deux rives 
de la Méditerranée, qui ont vieilli ici, en 
France.  Ils  y  ont  apporté  leurs  rêves, 
mais  ils  sont  devenus  des  fantômes. 
Nasser Djemaï
“Le texte de Nasser Djemaï, publié chez 
Actes  Sud-Papiers,  est  tenu,  équilibré, 
écrit avec élégance. La mise en scène est 
sobre,  efficace.  Les  comédiens  Angelo 
Aybar,  Azzedine  Bouayad,  Kader  Kada, 
Mostefa Stiti et Lounès Tazaïrt imposent 
leur  présence  humaine  et  forte.  Sans 
en rajouter, ils créent l’émotion. On suit 
avec une intensité peu commune et une 
conscience douloureuse cette “Tragédie 
des  Chibanis”.  Quand  le  théâtre  dit  le 
monde mieux qu’un documentaire, c’est 
qu’il rime avec art. Bravo, Nasser Djemaï.”  
Philippe Chevilley, Les Echos, novembre 2011
“Le  spectacle  Invisibles  allie  avec 
bonheur  la  justesse  sociologique  et 
un  lyrisme  pudique.  Récit  initiatique 
mené sur un mode poétique indéniable, 
sous  lequel  se  faufile  en  sourdine  une 
réflexion d’ordre  politique  irréfutable, la 
réalisation d’Invisibles témoigne à l’envi 
de l’essence du talent de Nasser Djemaï.”
Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité
Rencontre avec Nasser Djemaï
“Une  Étoile  pour  Noël”,  “Les  Vipères  se 
parfument  au  jasmin”  et  maintenant 
“Invisibles”  forment  un  triptyque  qui 
traite  de  questions  sociales.  Comment 
êtes-vous  venu  à  intégrer  ces  discours 
sur la société à une pratique de théâtre ?
Cela remonte à mon parcours, à travers 
des codes  sociaux. C’est un  peu ce que 
j’ai vécu à travers ma famille et l’école. 
J’ai senti le fossé entre ces deux mondes. 
J’ai aussi eu un parcours dans un milieu 
bourgeois  et  catholique,  à  l’Aumônerie, 
à Grenoble. Des amis m’avaient proposé 
de les rejoindre, simplement parce qu’ils 
avaient des activités le week-end et que 
moi, je ne faisais rien. Cela me permettait 
de m’évader un peu. C’est cette sorte de 
schizophrénie  sociale  dans  laquelle  j’ai 
grandi, que l’on retrouve dans mes créa-
tions théâtrales.
Vous avez suivi une formation de comé-
dien.  Comment  et  pourquoi  êtes-vous 
passé à l’écriture et à la mise en scène ?
J’ai  eu  la  chance  de  faire  deux  bonnes 
écoles,  celle  de  la  comédie  de  Saint-
Etienne et une école de théâtre à Birmin-
gham en Angleterre. Ces deux formations 
m’ont permis  à  la  fois  de  me former au 
jeu  de  comédien,  mais  également  à  la 
mise  en  scène  et  à  la  dramaturgie.  J’ai 
appris à étudier les scènes du répertoire, 
à comprendre pourquoi ces scènes fonc-
tionnent,  comment  elles  sont  écrites, 
quelles  sont  les  forces  qui  entrent  en 
interaction, qu’est-ce qui fait que le récit 
avance,  l’intérêt  de  la  pièce…  C’est  une 
alchimie. Cela forme un tout.
Quand  vous  terminez  l’écriture  d’une 
pièce, avez-vous besoin de l’expérimen-
ter sur la scène ?
Truffaut disait  :  “On  corrige  un  scénario 
au tournage et on corrige le tournage au 
montage”. Il y a des choses que l’on écrit 
et  l’on  se  dit,  enthousiaste,  que  cela  va 
fonctionner  sur  le  plateau.  En  fait,  cela 
ne donne absolument rien. Inversement, 
sur la scène, un acteur fait une proposi-
tion, un déplacement par exemple, qui va 
être signifiant. Il y a une autre écriture qui 
est celle de  la scène,  où l’on va essayer 
de trouver la justesse. Ces réajustements 
sont indispensables, car rien ne se passe 
comme prévu.
Sur  “Invisibles”,  le  processus  d’écriture 
a  été  particulier.  Pourriez-vous  nous 
rappeler votre cheminement ?
C’est  en  effet  un  processus  particulier. 
J’ai  mené  des  enquêtes  assez  longues 
et  fastidieuses  à  travers  des  cafés  de  
chibanis,  dans  des  mosquées,  dans  les 
quartiers.  J’ai  recueilli  également  les 
histoires  de  mon  père  entendues  dans 
mon enfance. Je me suis également beau-
coup documenté. Beaucoup d’études, de 
thèses  universitaires  ont  été  réalisées 
sur ces hommes. Grâce à cette matière, 
j’ai  pu  en  tirer  une  histoire.  De  manière 
intuitive,  j’ai  réalisé  que  les  choses  se 
recoupaient. C’est dans ce regroupement  
d’informations  que  le  mot  “Invisibles” 
m’est apparu.
En écrivant la pièce, la première question 
qui s’est posée pour moi était celle de la 
langue. Dans quelle langue ces hommes 
vont se parler ? Si j’avais voulu m’appro-
cher de la réalité, ils se seraient parlé en 
arabe.  Dans  ce  cas,  comment  pouvais-
je justifier la langue française ? J’ai donc 
eu  l’idée  d’utiliser  un  personnage  qui  
s’appelle  Martin,  qui  n’est  pas  d’origine 
arabe  ou  musulmane,  et  qui  va  entrer 
dans ce monde par accident. Le specta-
teur est ainsi amené à découvrir la vie de 
ces hommes par ce regard neuf et naïf.
Invisibles  est  l’histoire  d’une  rencontre 
entre  un  jeune  homme  qui  n’a  jamais 
connu  son  père,  en  face  d’hommes  qui 
n’ont  jamais  connu  leurs  enfants.  J’ai 
souhaité aussi qu’il y ait de l’humour. Les 
chibanis sont des hommes avec qui l’on 
rit beaucoup.
Qui sont les chibanis précisément? 
En  arabe  dialectale,  Chibanis  veut  dire 
“vieux”,  “cheveux  blancs”.  Pour  parler 
de  ces  hommes,  pour  parler  de  leur 
parcours,  il  faudrait  raconter  cinquante 
ans d’histoire. Pour l’aborder, j’ai pris une 
petite fenêtre, qui est celle des hommes 
qui  n’ont  pas  fait  venir  leur  famille  en 
France  et  qui  sont  aujourd’hui  prison-
niers  entre  deux  mondes,  très  isolés 
pour  la  plupart,  de  santé  fragile,  avec 
des  retraites  misérables…  Ces  hommes 
ont tellement pris l’habitude d’être seuls 
qu’ils se mettent à parler à des fantômes. 
Ils ont aussi conservé de leurs pays d’ori-
gine, une vision de carte postale.