Histoire du

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Histoire du
Japon préhistorique et protohistorique
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Le modèle chinois
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La période de Heian
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La période de Kamakura
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La période de Muromachi
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Les trois unificateurs
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Le shogunat des TOKUGAWA : la période d'Edo
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L'Ere Meiji
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L'Ere Taisho et la 1ère partie de l'Ere Showa
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2e partie de l'Ere Showa et début de l'Ere Heise
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- Histoire du Japon, 1ère partie Japon préhistorique et protohistorique
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 10 000 av. JC au milieu du VIe siècle ap.
JC.
Le cadre géographique
Le Japon est formé d'un archipel tout en longueur, d'une superficie de 378 000 km2. Quatre îles composent, du
nord au sud, la majeure partie de son territoire : Hokkaido, Honshu, Shikoku et Kyushu. Au large de cette
dernière, les Ryukyu (Okinawa) n'entrent, comme Hokkaido, que tardivement dans le giron japonais, à partir du
XVIIe siècle.
Les quatre îles principales s'étendent d'une latitude correspondant à la région lyonnaise, jusqu’à une autre,
voisine du sud du Maroc. Elles appartiennent à la zone tempérée de l'hémisphère nord, mais connaissent de
grandes variations climatiques, d'Hokkaido, affectée par la froidure sibérienne, aux Ryukyu subtropicales. Les
eaux du Japon sont rendues poissonneuses par la rencontre du courant froid Oyashio et du courant chaud
Kuroshio. Depuis les temps anciens, la mer Intérieure, située entre Honshu, Shikoku et Kyushu, n'a pas
constitué un obstacle pour les communications. En revanche, depuis l'archipel nippon, il faut compter au
minimum180 km pour rejoindre la Corée, et 800 km pour
rallier la Chine. Aussi, suivant les époques, celui-ci s'est ouvert
sur le continent asiatique ou replié sur lui-même.
Géologiquement, le Japon est une terre récente et volcanique.
Située dans la zone de contact de deux plaques tectoniques,
elle est secouée par de fréquents tremblements de terre.
Extrêmement montagneuse, ses plus grandes plaines, rares, se
trouvent dans les régions du Kansai (Osaka, Kobe, Kyoto) et
du Kanto (région de Tokyo). L'archipel nippon se révèle
également pauvre en matières premières.
Les hommes
La population du Japon s'élève à environ 126 millions d'habitants. Elle présente des caractéristiques homogènes
et des traits physiques mongoloïdes proches de ceux des Coréens ou des Chinois. Il est cependant difficile de
dater à quel moment advint ce processus d'homogénéisation.
Car, si la présence humaine est attestée dans l'archipel 30 000 ans av. J.-C., notamment par l'existence d'une
civilisation précéramique, le peuple japonais est issu, à la base, du mélange de plusieurs apports de populations
successifs. Ceux-ci vinrent, depuis la Préhistoire, de différentes parties du continent asiatique ; voire étaient, en
partie, d'origine malayo-polynésienne.
Un tel creuset a abouti à l'émergence des ancêtres des Japonais actuels qui, à défaut d'unité anthropologique, se
sont différenciés de leurs voisins continentaux par leur insularité, leur langue et leur culture. Ils ont colonisé
l'ensemble de l'archipel, aux dépens des Ainu (lien article id=129), peuple peut-être d'origine sibérienne ou de
Protocaucasiens, plus proches des Blancs que des Mongoloïdes et caractérisés par une pilosité abondante. Les
Ainu furent progressivement repoussés vers le nord (Hokkaido), assimilés par la force et le métissage, jusqu'à
pratiquement disparaître aujourd'hui. Le Japon actuel compte également deux minorités importantes : le peuple
des îles Ryukyu, et les Coréens, descendants des travailleurs forcés venus durant la première partie du XXe
siècle. Jomon
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De 10 000 av. J.-C. à 300 av. J.-C., une civilisation de
chasseurs-pêcheurs-cueilleurs, venant peut-être de Sibérie
et centrée sur le Nord-Est du Honshu, s'étend à tout
l'archipel nippon, d'Hokkaido aux îles Ryukyu. Elle va
même se prolonger encore durant de nombreux siècles dans
les villages de montagne ou chez les Ainu du nord du
Japon.
Les hommes d'alors se confectionnent des ustensiles divers
et des pointes de flèches à l'aide de pierres taillées ou polies
et à partir d'os. À l'aide d'arcs, ils chassent le sanglier, les
cervidés et le petit gibier, en compagnie de chiens, les seuls
animaux domestiqués. De nombreux amas de restes de coquillages (kaizuka), souvent devenus des dépotoirs ou
des lieux de sépulture, ont été retrouvés près de campements de pêcheurs, sur les zones littorales. On y
consommait aussi des mammifères marins et divers poissons.
Le nom de civilisation Jomon provient des "motifs cordés" qui caractérisent les céramiques de cette époque,
décorées à cru au moyen de bâtonnets enveloppés de cordelettes roulés sur leurs flancs. Ces poteries permettent
de cuire et de mieux conserver les aliments. Mieux nourrie, la population augmente en nombre et se sédentarise.
Celle-ci se concentre dans des hameaux comprenant une douzaine d'habitations semi-enterrées (tateana),
recouvertes d'un toit de branches et de feuillages, percé d'un trou afin de laisser s'échapper la fumée du foyer.
Ultérieurement, ces villages adoptent une disposition en arrondi, autour de places ou de monuments
mégalithiques (cromlechs) pouvant servir à la célébration de rites, ou utilisés comme tombeaux.
Les morts sont inhumés en position accroupie, et la coutume de l'extraction des dents est très répandue. En fin
de période, les fouilles ont révélé l'enterrement des petits enfants défunts dans des jarres.
La question de savoir si l'agriculture fait son apparition pendant la civilisation Jomon reste très discutée. La
basse époque voit sans doute l'émergence de la culture de céréales sur terrain sec.
Yayoi
Du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C. intervient
une nouvelle civilisation. Venue probablement du sud de la
Chine, elle est centrée sur la partie septentrionale de l'île de
Kyushu, puis s'étend graduellement vers le nord de
l'archipel nippon. Elle est nommée Yayoi, d'après le
quartier de l'actuelle Tokyo où ont été découverts les
premiers exemples de céramiques caractéristiques de cette
période.
Outre les poteries, fabriquées avec un tour, la civilisation
Yayoi se distingue, bien que l'élevage ne se développe
guère, par la généralisation d'une agriculture fondée sur la riziculture sur terrain inondé. Celle-ci va demeurer,
jusqu'à la deuxième partie du XIXe siècle, la base de l'économie japonaise et ses techniques d'exploitation,
nonobstant quelques améliorations, vont se perpétuer jusqu'à nos jours. Les habitations, proches de celles de la
période Jomon, et des greniers sur pilotis, sont regroupées au sein d'agglomérations éventuellement fortifiées de
talus en terre battue et de rondins de bois.
En dehors de la maîtrise de la riziculture, cette époque voit l'apparition des objets en bronze, dont l'usage est
limité d'abord à des rituels religieux (dotaku), puis en fer, en fin de période. Pour ce qui concerne plus
particulièrement le travail des métaux, les modèles pour les armes (hallebardes) et pour les outils provenant de
Chine.
Cette dernière rayonne alors culturellement, suite à son unification par le premier empereur QIN
SHIHUANGDI (221-210 av. J.-C.) ; puis à la poursuite de son oeuvre de centralisme politique par la dynastie
HAN (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.). C'est également sous ces monarques que le bouddhisme est introduit dans
l'Empire du Milieu. Les chroniques chinoises de la dynastie WEI, leWeizhi (IIIe siècle ap. J.-C.), font référence
aux Japonais d'alors, parlant d'un "Pays des Wa" (Pays des "Nains"...).
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À ce moment, l'organisation politique de l'archipel est marquée par une division en de nombreux petits États
tribaux. Une reine-prêtresse, HIMIKO ("Fille du Soleil"), serait à la tête d'une confédération regroupant une
partie d'entre eux. Ce mystérieux "Pays de la Reine" ou royaume du Yamatai, vraisemblablement situé dans le
nord de Kyushu, aurait envoyé un tribut aux Chinois en 238 ap. J.-C. Ces sociétés agraires, plus ou moins
structurées, où les guerriers doivent jouer un rôle important, obéissent à des monarques-chamanes, guides
spirituels plus encore que politiques. Ainsi, HIMIKO, qui n'apparaissait jamais au commun de ses sujets, aurait
gouverné en tandem avec son frère cadet, par l'intermédiaire duquel elle aurait commandé à son peuple.
Kofun et État du Yamato
À partir de la fin du IIIe siècle ap. J.-C., des cavaliers lourdement armés d'arcs et d'épées de fer, protégés de
cuirasses de métal et de cuir, imposent progressivement, partis du nord de Kyushu, un pouvoir centralisé dans la
plaine du Yamato (région de Nara, île principale de Honshu).
La question de leur origine est discutée. Il s'agirait peut-être de "peuples cavaliers" altaïques arrivés, depuis
steppes continentales et via la Corée, par vagues successives dans l'île de Kyushu. Ils auraient formé une
aristocratie qui aurait imposé sa suzeraineté aux populations rurales Yayoi, en se plaçant au sommet de leur
hiérarchie sociale. À moins que l'évolution économique locale n'ait abouti à la création d'une couche sociale
supérieure de guerriers autochtones, nourris par le travail des paysans.
Ces cavaliers sont à l'origine d'une nouvelle civilisation dite des "Anciens Tertres" (ou kofun). En effet, ce ne
sont plus des poteries, mais des monuments funéraires qui servent de critère déterminant pour cette période. Ces
tombeaux monumentaux, des tumuli en forme de "trou de serrure" pour les plus connus, sont bâtis pour les
hauts dignitaires de leur aristocratie, dans le Kyushu et le Honshu, du IIIe jusqu'au VIIe siècle ap. J.-C. Ils sont
entourés de plusieurs rangs de cylindres-figurines en terre cuite. Ces haniwa serviraient, sur le modèle des
coutumes chinoises, de substituts à des victimes sacrificielles accompagnant, à l'origine, le défunt dans sa
dernière demeure. À moins que leur usage ne se résume à retenir la terre du tumulus. Quoi qu'il en soit, de telles
sépultures n'ont commencé à être fouillées que tardivement, après la Deuxième Guerre mondiale. Car certaines
font l'objet d'une vénération particulière, vues comme les tombes des premiers empereurs japonais.
Selon le Kojiki et le Nihon Shoki, les plus anciennes sources historiques traditionnelles japonaises (début du
VIIIe siècle ap. J.-C.), la cour impériale japonaise aurait été établie dans les années 660 av. J.-C. par le premier
empereur JIMMU . Celui-ci aurait quitté Kyushu pour, guidé par un faucon, faire la conquête du Yamato.
Cependant, comme JIMMU, les dix, sinon les trente premiers monarques japonais (660 av. J.-C. à 538 ap. J.-C.)
ont vraisemblablement été inventés pour soutenir la comparaison avec les très anciennes dynasties chinoises.
Cependant, cette légende nationale repose certainement sur le
souvenir de la soumission progressive de peuplades
antagonistes par un groupe unique de cavaliers venus de
Kyushu, jusqu'à la fondation du royaume de Yamato. Mais
cette unification politique daterait en fait du IVe siècle ap. J.C. Ainsi, les premiers dirigeants de cet État du Yamato
donnent naissance à la famille impériale. Sa dynastie règne
encore aujourd'hui sur le Japon.
Pétris de croyances chamaniques, ces monarques se
réclament alors de la descendance de la déesse solaire
AMATERASU. Le grand sanctuaire d'Ise, dont les bâtiments
en bois sont aujourd'hui encore reconstruits tous les 20 ans, renferme les trois trésors impériaux : un miroir en
bronze symbole de la divinité, un sabre de fer et un bijou magique en forme de croc (magatama). De tels
mythes se greffent à ceux dus aux périodes antérieures Jomon et Yayoi pour former la religion proprement
indigène du Japon. Celle-ci est appelée ultérieurement shinto (voie des dieux), pour la différencier du
bouddhisme, importé au Japon au VIe siècle ap. J.-C. Outre la vénération de la déesse solaire et de multiples
divinités (kami), notamment protectrices des clans guerriers, ou la célébration du culte des ancêtres, le shinto
fait la part belle au panthéisme et à l'animisme. On établit des fêtes religieuses et des sanctuaires, entre autres
dans des lieux naturels propices à des manifestations surnaturelles. Les pratiques rituelles sont marquées par un
grand souci de pureté : importance des ablutions et des bains chez les Japonais, défiance à l'égard de tâches
incompatibles qui mettent en contact avec la mort, le sang et la souillure en général.
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À partir du Ve-VIe siècles ap. J.-C., le roi du Yamato, appelé Okimi, et sa cour vivent dans un palais, dont
l'emplacement est changeant, dans la région de Nara. De grandes familles forment des clans (uji), chargés d'une
fonction spécifique auprès du souverain, comme les NAKATOMI, prêtres shintoïstes, ou les MONONOBE et
les OTOMO, employés à des fonctions militaires. Ces uji sont eux-mêmes à la tête de corporations regroupant
des artisans spécialisés (be). Les chefs de ces clans tentent de s'allier le plus possible à la dynastie régnante, en
lui fournissant des épouses et en occupant les plus hautes fonctions d'une hiérarchie de titres honorifiques. Les
plus puissants d'entre eux se font construire des kofun comparables par leur taille à ceux de leurs monarques,
portant de plus en plus ombrage à leur puissance.
Après la fondation du royaume du Yamato, son autorité ne va s'étendre que progressivement à la totalité de
l'archipel nippon, du fait de la résistance contre les ancêtres des Japonais actuels de populations aborigènes. Il
s'agit en particulier des Hayato (Kumaso) du sud de Kyushu, combatifs jusqu'au VIIIe siècle ; ou des Ainu
(Emishi, Ezo), graduellement repoussés jusqu'au nord du Honshu et à Hokkaido, où ils ne sont définitivement
soumis qu'au XIXe siècle. On trouve dans le Kojiki et le Nihon Shoki une symbolisation de ces luttes en la
personne du légendaire prince YAMATO TAKERU , futur treizième empereur SEIMU, qui affronte ces
"barbares" du Sud et du Nord.
De 369 jusqu'à 562 ap. J.-C., le Yamato aurait également disposé d'une tête de pont sur la péninsule coréenne
(Mimana), suite aux conquêtes de l'impératrice-régente JINGU KOGO. De nombreux immigrés coréens
affluent alors dans l'archipel nippon et y sont à l'origine d'apports culturels très importants.
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- Histoire du Japon, 2e partie Le modèle chinois
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon du milieu du VIe siècle après J.-C. à 794.
L'introduction du bouddhisme (538/552 - 645)
L'histoire du Japon ancien, ou royaume du Yamato, ne débute réellement qu'avec l'introduction du bouddhisme,
en 538 ou 552 ap. J.-C. selon les sources. Il n'est alors qu'un État aux structures assez primitives, dont la cour
est divisée par des rivalités claniques. Il ne domine encore que partiellement les trois îles de Honshu, Kyushu et
Shikoku. Pour fortifier son unité et étendre son influence à tout l'archipel, il va s'appuyer, tout en conservant ses
spécificités, sur le modèle politique que lui offre la Chine et sur une doctrine religieuse importée : le
bouddhisme.
Fondé au VIe siècle av. J.-C., dans le nord-est de l'Inde, par un prince népalais, Siddhartha Gautama (Bouddha)
, le bouddhisme s'appuie sur une philosophie qui vise à l'extinction du désir, source de souffrances, dans le but
d'atteindre l'"éveil" et la suprême félicité (nirvana) permettant de s'affranchir du cycle des réincarnations. Il
donne lieu à la création de nombreuses écoles réparties en deux branches principales, nommées le Petit et le
Grand Véhicule, et se diffuse dans différentes parties de l'Asie, dont la Chine et la Corée actuelles.
À partir du début du IIe siècle ap. J.-C., la Chine des HAN installe des commanderies et influence grandement
la péninsule coréenne. Celle-ci, outre le Mimana (ou pays de Kaya) bientôt conquis par les Japonais d'alors, est
divisé en trois royaumes antagonistes : Koguryo, Silla et Paekche. En 538 ou 552, le roi de ce dernier fait partir
pour Asuka – l'une des premières capitales du Yamato, située près de l'actuelle Nara – une mission
diplomatique sollicitant l'alliance de son souverain. Le monarque du Paekche envoie notamment une lettre
vantant les mérites de la nouvelle religion, des rouleaux de saintes écritures, et une représentation de Bouddha.
Malgré cette introduction officielle du bouddhisme au Japon, il y est certainement connu depuis au moins le
siècle précédent, amené par des réfugiés coréens, voire chinois ; les mêmes qui ont contribué à la sinisation
culturelle croissante de l'archipel. L'esprit de tolérance du bouddhisme s'accorde d'ailleurs bien de la
préexistence de croyances locales (shinto), voire favorise les syncrétismes.
Mais son adoption contribue à aggraver au Yamato les rivalités claniques qui opposent les NAKATOMI,
prêtres shintoïstes de la cour et les MONONOBE, guerriers favorables aux croyances autochtones, aux SOGA,
tenants de la nouvelle religion. Au point que, si certains historiens font des SOGA une famille issue de la plaine
du Yamato, d'autres leur attribuent une origine coréenne.
SOGA no Iname, chef des SOGA qui s'est appuyé sur le changement pour accentuer sa puissance, occupe une
position dominante équivalente à celle de premier ministre du souverain du Yamato. Il accapare en fait la réalité
du pouvoir au profit de son clan, tout en se gardant de remettre en cause l'existence de la dynastie régnante. Un
tel schéma politique allait se répéter constamment dans l'histoire du Japon.
Après la mort de YOMEI, monarque du Yamato, et les luttes de succession qui s'ensuivent, SOGA no Umako,
fils d'Iname, défait les MONONOBE et les NAKATOMI à la bataille de Shigisan (587). Il fait intrôniser
SUSHUN, fils de YOMEI de mère SOGA, puis le fait assassiner et remplacer par une parente, SUIKO. Un
certain nombre de femmes vont d'ailleurs ainsi régner jusqu'à la fin du VIIIe siècle. Mais un autre fils de
YOMEI, également de mère SOGA, SHOTOKU Taishi (572-622) est nommé prince héritier et régent. Grâce à
SHOTOKU, homme politique, saint bouddhiste et lettré familier des classiques chinois, la nouvelle religion
renforce ainsi son statut de religion d'État, aux côtés du shinto. Les membres de la cour et de la noblesse
clanique s'y rallient en grand nombre. En 593, le premier grand temple bouddhique, le Shitenno-ji ou "temple
des Quatre Rois gardiens", est fondé (actuelle Osaka). D'autres suivront, construits sur des modèles coréens.
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Après une longue période de division, l'empire chinois réunifié retrouve à ce moment toute sa magnificence
sous la dynastie SUI (581-618), puis leurs successeurs les TANG (618-907). La cour du Yamato va s'inspirer
du modèle politique offert par la Chine et échanger avec cette dernière
de nombreuses ambassades (600-838) qui entraînent l'arrivée dans
l'archipel de moines, d'artistes, d'artisans chinois et de textes
bouddhiques.
Dans ses relations avec la Chine, le monarque du Yamato est, pour la
première fois, désigné sous le nom de tenno, encore en vigueur
aujourd'hui. Plus que l'appellation occidentale d'empereur, il désigne un
"Souverain céleste", assimilé à l'étoile polaire. Entre alors également en
usage le mot Nihon (Japon), grosso modo le pays du Soleil levant. Le
temps va être désormais mesuré en ères, plusieurs intervenant parfois
sous le règne d'un même empereur.
Vers 603-604, SHOTOKU institue à la cour, sur le modèle de la Chine
et de sa culture prestigieuse, un système de "rangs" et de fonctions
distingués par le port de chapeaux de différentes couleurs. Mais les
cadres du système administratif de l'État vont rester plutôt des membres
de la grande noblesse clanique acquérant leur fonction par la naissance
plutôt que par le mérite comme les mandarins chinois recrutés par
concours.
On attribue également à SHOTOKU la promulgation d'une "Constitution
en dix-sept articles" inspirée par le confucianisme et le bouddhisme. À
sa mort, selon les chroniques japonaises, l'archipel compte "46
monastères, 816 moines et 569 nonnes". Mais le premier bouddhisme japonais se cantonne aux cercles
aristocratiques et aux communautés monastiques. Il ne va se diffuser que lentement parmi le peuple.
Le renforcement du régime impérial (645-710)
Après la mort de SHOTOKU, les SOGA gagnent encore en puissance, se retournant même contre son héritier,
qu'ils assassinent. Ils constituent de plus en plus un danger pour la dynastie régnante. Mais ils sont finalement
éliminés par une conspiration qui vise à consolider le régime impérial (645). Le coup de force est dirigé par
NAKATOMI no Kamatari, dont le clan avait été évincé un temps par les SOGA, et le prince NAKA no Oe.
Celui-ci, futur empereur TENCHI, préfère exercer le pouvoir réel en coulisse et laisse pour le moment le trône à
son parent KOTOKU (règne : 645-654).
Dès lors, toute une série de réformes et de codes, inspirés de la Chine des TANG, vont être instaurés afin de
renforcer l'autorité impériale et de doter le Japon d'un gouvernement centralisé. Ainsi, les réformes de l'ère
Taika (du "Grand Changement") réaffirment le principe de primauté de l'empereur et de l'appartenance au seul
État de la terre et des hommes. Les grandes familles, dont on veut ainsi réduire le pouvoir, doivent se contenter,
en principe, de charges de fonctionnaires et de compensations financières.
Une nouvelle organisation administrative et son personnel sont également mis en place. Les régions entourant
la capitale forment une circonscription particulière, nommée le Kinai. Le reste des territoires de l'archipel sous
la domination de l'empereur forme sept provinces divisées en "pays", "préfectures" et "villages" de cinquante
familles. En outre, le Kyushu connaît une forme de gouvernement militaire particulier.
Une division de la société en classes sociales est fixée : l'aristocratie, le peuple des hommes libres, constitué par
la masse des paysans, et les "gens vils" (semmin), descendants d'anciens esclaves. Une répartition par
découpage géométrique des terres, en fonction du nombre de bouches à nourrir par famille, révisée
périodiquement par des recensements, est aussi instaurée. Une telle rationalisation vise à optimiser la collecte
centralisée de l'impôt, payé en nature, riz et tissu (développement de la sériciculture). Les paysans doivent des
corvées à l'État, tâches agricoles et périodes de garde militaire, notamment dans l'est du Honshu, encore
insoumis à la cour à l'époque. Parmi les autres mesures prises sous le règne de KOTOKU pour réduire la
puissance de la grande noblesse clanique, un édit interdit la construction de nouvelles tombes monumentales
privées (fin des kofun), dont la splendeur portait atteinte au prestige impérial.
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Peu après, les relations que le Japon entretenait avec la Corée connaissent une fin brutale car il doit y faire face
à une intervention des Chinois et au royaume coréen de Silla. Ce dernier, déjà vainqueur du Mimana en 562, va
bientôt réaliser l'unité de la péninsule à son profit. Une flotte japonaise envoyée à l'aide de son rival le Paekche
est défaite à la bataille d'Haksukinoe (663) .
L'empereur TENCHI fait bâtir de nouvelles
fortifications dans l'archipel afin de prévenir une
éventuelle invasion chinoise.
Aussi, l'établissement d'un pouvoir fort va se
poursuivre, sous le règne de TENCHI (662-672) et,
après une querelle de succession et la mise au pas de
nobles non encore soumis, sous celui de son frère
TEMMU (673-686). Les réformes de Taika trouvent
des améliorations dans celles du code Taiho (701).
Au tournant du VIIe siècle, le Japon dispose donc d'un
gouvernement centralisé, imité des institutions
chinoises, dont les caractéristiques vont perdurer très
longtemps. À sa tête, se trouve l'empereur et le Grand Conseil d'État, avec son premier ministre et deux
ministres, l'un de la Droite et l'autre de la Gauche, chapeautant une administration divisée en huit départements.
Bien que le bouddhisme fasse alors figure de religion officielle, la présence d'un département du culte shinto
dans les plus hautes sphères de l'État marque cependant la spécificité nationale du Japon.
La période de Nara (710-794)
En 710 est achevé la construction de Heijo (Nara). La nouvelle ville, bâtie sur le modèle de Chang'an, la
capitale des TANG, forme presque un carré, avec un palais impérial au nord, une large avenue qui coupe la cité
en deux à partir du sud de cet édifice et des rues qui se coupent en angle droit. Elle occupe une position
stratégique centrale dans l'archipel facilitant la transmission des ordres et le recouvrement de l'impôt.
Pour la première fois, le Japon se dote d'une capitale qui se veut permanente. Auparavant, les interdits religieux
liés à la souillure faisaient changer de capitale après la mort de chaque souverain. Mais les rouages de l'État
deviennent trop lourds pour tolérer de continuels déménagements.Les premières pièces de monnaie japonaises,
en cuivre, font également leur apparition à ce moment (708).
Le Kojiki et le Nihon Shoki, chroniques achevées respectivement en 712 et 720, assoient la légende nationale
de l'origine divine de la dynastie impériale. Les lettrés de la cour écrivent en chinois, langue des intellectuels.
Mais une littérature proprement japonaise, utilisant les caractères chinois, commence à se développer avec,
notamment, le Man'yoshu, une anthologie de plus de 4500 poèmes d'auteurs appartenant à toutes les couches de
la population.
Une grande Statue de Bouddha (Daibutsu) et le temple en bois du Todai-ji
devant l'abriter (749-752) sont construits à Nara. L'enceinte de ce dernier
accueille également bientôt le "musée" (Shoso-in) des collections de
l'empereur SHOMU (règne : 724-749) : des objets précieux venus de Chine,
d'Asie mineure, Perse et Inde par la route de la soie. Ce monarque généralise
aussi la fondation de temples bouddhiques d'État dans tous les territoires sous
son autorité.
Cependant, malgré la nationalisation des terres au siècle précédent, qui visait à
réduire la puissance des grandes familles, celles-ci se constituent de vastes
domaines exemptés de taxes, du fait du défrichement de nouvelles terres, des
donations impériales et de mesures gouvernementales contradictoires. Ainsi,
les NAKATOMI, rebaptisés FUJIWARA par faveur impériale d'après le nom
d'une éphémère capitale de la fin du VIIe siècle, occupent une place éminente
et marient leurs filles aux souverains. Les monastères bouddhiques bénéficient
aussi de dons de grands domaines défiscalisés de la part de pieux empereurs et
impératrices, constituant de plus en plus un nouveau pouvoir et un danger
pour la dynastie en place.
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Le phénomène est amplifié par une ordonnance de 743 qui reconnaît la propriété privée à perpétuité des
nouveaux territoires, formant des manoirs (shoen), gagnés à l'agriculture par défrichement, notamment dans
l'est du Honshu, au dépens des peuples aborigènes.
D'autant que les paysans préfèrent échapper à un impôt impérial trop lourd en se plaçant sous l'autorité des
nobles et des institutions religieuses. Par ailleurs, vers la fin du VIIIe siècle, ils voient supprimer leurs corvées
militaires. Ce qui va renforcer la formation, avec le temps, d'une nouvelle classe de guerriers professionnels,
recrutés parmi les cadets des grandes familles et la petite noblesse.
À Nara, des rivalités opposent six grandes écoles (sectes) bouddhiques, héritières de courants de pensée chinois.
Ces divisions sont d'ailleurs entretenues par des bonzes originaires du continent.
Un moine guérisseur appelé DOKYO, Raspoutine de son temps, exerce son ascendant sur une impératrice
régnante, fille de SHOMU, mais est banni quand il tente de s'approprier le pouvoir. Il est alors décidé que les
femmes ne pourront plus monter sur le trône.
Les empereurs KONIN (règne : 770-781) et KAMMU (règne : 782-806) vont tenter de réduire la puissance des
monastères. Un nouveau déménagement de Nara vers une autre capitale est même décidé pour échapper à leur
influence.
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- Histoire du Japon, 3e partie La période de Heian
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 794 à 1192 après JC.
La domination politique et culturelle des Fujiwara (794-1068)
En 794 est achevée Heian, construite près de Heijo (Nara) et calquée - comme cette cité, presque un siècle plus
tôt - sur le modèle de la Chang'an des monarques chinois TANG. Heian (Kyoto) allait rester la capitale
impériale jusqu'en 1868.
SAKANOUE no Tamuramaro (758-811) est envoyé par la cour impériale pacifier le nord-est du Honshu
(Shotoku) et repousser les populations aborigènes (Ainu). L'empereur KAMMU crée alors pour lui, en 797, le
titre appelé à un grand avenir de "général en chef contre les barbares" (sei i tai shogun, abrégé en shogun). Ses
conquêtes sont parachevées par BUN'YA no Watamaro (763-821).
Au début du IXe siècle sont fondées deux nouvelles sectes, qui trouvent leur inspiration dans des écoles
chinoises ésotériques du Bouddhisme. Contrairement aux monastères de Nara, dont l'influence envahissante a
conduit à un changement de capitale, celles-ci offrent des perspectives d'illumination spirituelle et de salut,
accessibles à un plus grand nombre. Il s'agit de la secte Tendai (d'après la secte chinoise du Tiantai), créée par
le moine SAICHO (767-822), fondateur du temple Enryaku-ji sur le mont Hiei, au nord-est de Kyoto ; ainsi que
de la secte Shingon (de la "Vraie Parole"), créée par le moine KUKAI (774-835), fondateur du temple
Kongobu-ji, sur le mont koya, au Sud-Est de la capitale. Toutes deux vont dominer la vie religieuse au Japon
pour les trois siècles à venir et sont à l'origine de nombreux établissements religieux. Les moines créateurs des
deux sectes ont pu partir étudier en Chine, en faisant partie d'une des ambassades visitant les empereurs TANG.
Mais après 838, l'envoi de ces dernières est interrompu, et l'archipel nippon connaît une phase de repli sur luimême.
Dans le courant du IXe siècle, la famille des FUJIWARA s'approprie de plus en plus les rênes de l'État, au
détriment de la dynastie régnante, bien que les FUJIWARA descendent paradoxalement des NAKATOMI,
prêtres shintoïstes de la cour, qui avaient contribué en 645 à renforcer la puissance impériale en éliminant le
clan SOGA probouddhiste.
Toutefois, selon un schéma politique typiquement japonais, qui devait se
reproduire souvent dans l'histoire du pays, le clan alors dominant des
FUJIWARA préfère gouverner en coulisses. Sans porter atteinte au prestige
moral et religieux attaché à la personne de l'empereur et, à plus forte raison,
sans tenter de le supplanter. Même si, dans les faits, ce dernier n'occupe plus
qu'un rôle purement honorifique.
Le moyen trouvé par les FUJIWARA pour s'emparer du pouvoir consiste pour
le chef du clan à marier ses filles à de jeunes empereurs, incités à abdiquer après
avoir eu un héritier. Le grand-père FUJIWARA devient alors "régent de
minorité" (sessho) durant le jeune âge du nouvel empereur, puis "régent de
majorité" (kampaku) du souverain devenu adulte.
En outre, les membres de la famille FUJIWARA, qui croît de façon pléthorique
avec le temps, s'accaparent les plus hautes charges de l'État. De plus, en se
faisant attribuer de grands domaines fonciers défiscalisés dans tout l'archipel, ils
deviennent plus riches que la lignée impériale elle-même.
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Les FUJIWARA atteignent le sommet de leur gloire avec FUJIWARA no Michinaga (966-1028), beau-père de
plusieurs empereurs et détenteur du pouvoir réel, qui donne le ton et lance les modes à la cour impériale de son
temps. Celui-ci aurait inspiré à la dame MURASAKI Shikibu le prince protagoniste de son célèbre roman, Le
Dit du Genji.
Car, si des troubles et des famines agitent les provinces, voire la capitale, la cour y vit en vase clos. Plutôt
qu'imiter strictement la Chine, elle commence à développer les caractéristiques d'une culture brillante
typiquement nippone. Au point que, pour les Japonais d'aujourd'hui, le période de Heian représente le temps
fort de leur histoire nationale, souvent idéalisé par la suite. Les courtisans, caparaçonnés de nombreuses
couches de riches vêtements, y sont soumis à l'observance d'une stricte étiquette. Les hommes, lettrés,
délaissent les armes pour s'adonner à la calligraphie ou composer des vers en chinois. Les femmes rédigent
journaux et romans, contribuant à la constitution d'une littérature en langue japonaise, facilitée par l'invention
des deux syllabaires hiragana et katakana (caractères chinois simplifiés).
Le régime des empereurs retirés (1068-1156)
Jusqu'à 1068, les FUJIWARA restent maîtres du Japon. Mais leur suprématie commence à décliner avec
l'avénement de GO SANJO. Cet empereur présente la caractéristique, alors exceptionnelle, de n'entretenir
aucun lien familial avec ces derniers.
GO SANJO s'applique à restaurer une autorité impériale indépendante de l'influence des FUJIWARA. Il
abdique bientôt volontairement (1072) et fait mine de se retirer dans un monastère. En fait, il se libère ainsi des
tâches accaparantes liées à la fonction d'empereur et des intrigues de la cour, pour mieux exercer le pouvoir par
l'entremise de son héritier monté sur le trône à sa place. Mais, GO SANJO meurt trop rapidement (1073) pour
réaliser toutes les réformes qu'il a en tête.
Néanmoins, son oeuvre politique est reprise par son fils
SHIRAKAWA (règne : 1073-1086) et ses successeurs,
qui institutionnalisent ce mode de gouvernement des
empereurs retirés (insei). L'empereur retiré, depuis son
monastère (in), devient donc le régent de parenté de
l'empereur en titre par ligne masculine, et non par les
femmes comme dans le système instauré précédemment
par les FUJIWARA. Outre le fait qu'il conserve la réalité
du pouvoir, le premier constitue, en parallèle, sa propre
cour, une clientèle, et cherche à restaurer les finances de
la famille impériale dans le but de contrecarrer les
FUJIWARA.
Significativement,
l'une des mesures parmi les plus importantes prises par GO SANJO avait
consisté à créer un bureau de contrôle des titres domaniaux, souvent
illégaux. Afin d'enrayer la réduction constante des domaines impériaux au
profit des grands manoirs (shoen) des familles aristocratiques, dont les
FUJIWARA, et des monastères bouddhistes et shintoïstes.
Cependant, la maison impériale n'en demeure pas moins divisée.
Notamment quand, par le biais d'abdications successives, plusieurs
empereurs retirés sont amenés à coexister en même temps. Des rivalités
similaires existent au sein des FUJIWARA, très nombreux, et les opposent
aussi à d'autres grandes familles aristocratiques de la cour. Ce qui explique
que la capitale, Kyoto, où se concentrent tous ces pouvoirs rivaux, connaisse
de nombreux troubles. D'autant que, peu sûre, elle est parfois menacée par
les brigands.
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En outre, les monastères, pour protéger leurs intérêts et s'imposer, contre d'autres monastères, voire contre
l'empereur, se mêlent au jeu politique. Ils entretiennent des troupes de moines-soldats, qui n'ont de bonze que le
nom, et recourent à toutes les armes à leur disposition, y compris des palanquins porteurs de reliques sacrées,
objets de la dévotion populaire. Ainsi, les adeptes du temple Enryaku-ji du mont Hiei ou des monastères de
Nara viennent-ils faire des démonstrations de force dans la capitale. Face à de telles situations, empereurs et
familles aristocratiques de courtisans raffinés, qui ne disposent pas de réelles forces armées à leur service, ont
de plus en plus recours, même s'ils les méprisent, à des clans de guerriers venus de leurs domaines provinciaux.
Ces guerriers (bushi), appelés plus tard samourai (au sens premier : serviteurs armés de la noblesse), constituent
alors une nouvelle classe. Elle est issue, à l'origine, de cadets des grandes familles aristocratiques partis
chercher fortune et se mêler aux notables locaux dans les provinces, parfois reculées, y menant une vie de
pionnier. Même s'ils conservent un souvenir idéalisé de la cour, ces guerriers vont conquérir progressivement
leur liberté d'action par rapport à celle-ci en adoptant un mode de vie plus rustique centré sur le métier des
armes : équitation, tir à l'arc et escrime.
Dans les régions excentrées par rapport à la capitale où ils sont installés, ils instaurent une nouvelle société.
Celle-ci tend à s'approprier les terres et vers la féodalité, avec la création de liens de vassaux à suzerain
organisés au sein de ligues de guerriers (bushidan), consolidées par des mariages. Ces organisations sont
destinées à combattre un seigneur concurrent, des bandits, des pirates ou les incursions ainues dans les marches
du Honshu.
Théoriquement dépendants des grandes familles aristocratiques comme les FUJIWARA, des clans guerriers
comme les TAIRA (ou HEIKE) et les MINAMOTO (ou GENJI), qui descendent de branches cadettes de la
lignée impériale, sont de plus en plus autonomes de fait. Ils ne demandent qu'à revenir à Kyoto se mêler des
rivalités de la cour, voire à appuyer l'un ou l'autre des empereurs retirés.
L'ascension des guerriers (1156-1192)
Au gré d'allégeances fluctuantes, les TAIRA et les MINAMOTO servent donc les empereurs retirés ou les
FUJIWARA, combattant les moines-soldats ou les pirates de la Mer Intérieure. Mais des querelles de
succession entre empereurs retirés au sein de la maison impériale et des oppositions au sein de la famille des
FUJIWARA vont aboutir à deux affrontements successifs dits troubles de "l'ère Hogen" (1156) et de "l'ère
Heiji" (1160), auxquels participent ces clans guerriers.
Au terme de ces combats, les TAIRA, évinçant les MINAMOTO, se hissent brutalement à une position
dominante dans la capitale, qu'ils vont occuper de 1160 à 1180. Leur chef TAIRA no Kiyomori (1118-1181),
déjà le plus important des seigneurs des provinces, se fait attribuer les postes les plus honorifiques de la cour, et
reprend à son compte la tactique matrimoniale des FUJIWARA. Il devient ainsi le grand-père de l'enfantempereur ANTOKU.
Préoccupé de fortifier son pouvoir neuf à Kyoto, en s'insinuant dans les rouages de l'État, Kiyomori tente aussi
de développer le commerce avec la Chine des SONG sur les côtes de la
Mer Intérieure, qu'il contrôle. Mais il parvient moins bien à affermir son
autorité sur les bouillants lignages de guerriers des provinces.
D'autant qu'après 1160, il a commis l'erreur d'épargner un fils du chef
défait des MINAMOTO, MINAMOTO no Yoritomo (1147-1199), confié
à un vassal des TAIRA, HOJO Tokimasa. Parmi ses autres frères
survivants, son demi-frère MINAMOTO no Yoshitsune (1159-1189), est
élevé dans un temple près de Kyoto, promis par contrainte à l'état de
moine.
Parvenu en âge de combattre, Yoritomo saisit le prétexte d'un différend
entre la maison impériale et les TAIRA pour se rebeller et se venger.
Après avoir retourné ses gardiens, les HOJO de la péninsule d'Izu, il
s'installe à Kamakura, dans le Kanto (maintenant région de Tokyo), fief où
ont été confinés après 1160 les partisans des MINAMOTO. Pour la
première fois, cette province de l'est du Honshu commence à jouer un rôle
central dans l'archipel.
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De 1180 à 1185, une guerre oppose les TAIRA et les MINAMOTO, durant laquelle Yoritomo se montre un fin
politique agissant en retrait. Depuis Kamakura, il rallie à sa personne une coalition d'opposants aux TAIRA et,
au fur et à mesure que ses armées avancent vers l'Ouest, gagne au bushidan MINAMOTO le soutien des
seigneurs à la tête des ligues locales de guerriers. Il s'emploie également à assurer la richesse de son clan en
favorisant le commerce du port de Kamakura avec la Chine.
En 1181-1182, la sécheresse provoque une famine qui touche plus durement les régions de l'Ouest, et donc
davantage les soldats des TAIRA qui y cantonnent. L'année suivante, ceux-ci évacuent Kyoto prise par un
parent et rival de Yoritomo, KISO Yoshinaka (1154-1184). Mais ce dernier est battu par Yoshitsune qui se
montre, sur le terrain, un brillant général et tacticien oeuvrant pour son demi-frère resté à Kamakura.
Yoshitsune défait aussi à Ichi no Tani (1184) les troupes des TAIRA, qui retraitent toujours plus à l'Ouest. Il ne
reste plus alors aux TAIRA que leur puissance navale, anéantie à la bataille de Dan no Ura (1185), dans le
détroit entre Honshu et Kyushu, où périt le jeune empereur ANTOKU et la fine fleur du clan TAIRA.
Yoritomo se brouille alors avec le très admiré - et devenu très encombrant - Yoshitsune. Celui-ci est poursuivi
et acculé au suicide avec les siens. Une branche des FUJIWARA du nord du Honshu qui l'avait soutenu contre
son demi-frère est aussi éliminée par la même occasion (1189).
Pendant les siècles à venir, les chansons de geste, la littérature - notamment le Dit des Heike - et le théâtre
japonais, vont s'inspirer des combats épiques entre les TAIRA et les MINAMOTO . Une place particulière y
sera faite au preux Yoshitsune, archétype du paladin du Japon médiéval, sorte d'équivalent du Roland de
Roncevaux occidental.
Yoritomo reste seul vainqueur, s'imposant comme un nouveau pouvoir face à l'institution impériale et au
gouvernement antique de Kyoto. Il se fait reconnaître par la cour, a posteri, des pouvoirs étendus en matière de
maintien de l'ordre, qu'il exerce déjà de fait dans tout l'empire.
En 1192, pour honorer le nouvel homme fort venu de l'est du Japon, l'ancienne zone "retardataire" au contact
des Ainu, l'empereur remet en vigueur le titre de shogun (sei i tai shogun ou "général en chef contre les
barbares" ).
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- Histoire du Japon, 4e partie La période de Kamakura
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 1192 1333 après JC.
L'affermissement du régime de Kamakura (1192-1221)
Au cours du conflit qui oppose, de 1180 à 1185, les TAIRA et les MINAMOTO, MINAMOTO no Yoritomo,
vainqueur à la tête de ces derniers, passe rapidement du statut de rebelle à celui de seul interlocuteur de la cour
impériale. Le titre de shogun, donné en 1192 à Yoritomo, ne fait qu'entériner le fait que, devenu le plus puissant
chef des clans guerriers, il s'est hissé à la position d'une sorte de dictateur militaire détenteur du pouvoir réel, au
nom et à la place de l'empereur. Yoritomo instaure un nouveau régime dit du bakufu, littéralement du
"gouvernement sous la tente", ce qui souligne son caractère guerrier, appelé également shogunat.
Un système politique dualiste, fondé sur un fragile compromis, se met en place entre la maison impérale et la
cour de Kyoto face à Yoritomo, soutenu par leurs "ennemis", les guerriers de l'est du Japon. Depuis son centre
de commandement du Kanto, excentré par rapport à la capitale, le "Sire de Kamakura" a fait reconnaître par la
cour sa ligue militaire, le bushidan MINAMOTO, comme la seule force armée publique. Ce qui lui confère un
ascendant sur l'ensemble de la classe des guerriers.
D'autant que Yoritomo met en place diverses institutions, notamment pour renforcer son pouvoir sur ses
vassaux directs et bientôt héréditaires, les gokenin, noyau de son armée. Il s'agit de quelque 2 000 familles de
guerriers possédant des droits reconnus sur un domaine par le shogun ou le Bureau des samourai, office
nouvellement créé pour les contrôler. Dès 1185, l'édit de l'ère Bunji donne aussi à Yoritomo le droit de nommer
certains de ses hommes liges comme protecteurs ou gouverneurs militaires d'une province (shugo), ou
intendants militaires (jito) de domaines agricoles. L'administration impériale déficiente se trouve donc ainsi
doublée progressivement par une organisation de vassaux attachés par des liens féodaux à leur suzerain-shogun.
Yoritomo meurt en 1199. Même s'il s'est débarrassé de tous ses rivaux potentiels, le pouvoir qu'il désire
transmettre à ses descendants n'est pas consolidé. Depuis 1177, il était marié à HOJO Masako (1157-1225), fille
d'HOJO Tokimasa (1138-1215), ex-féal des TAIRA et ex-gardien de Yoritomo rallié à lui. Aux côtés de son
père, habile politique, négociateur de l'édit de l'ère Bunji et gouverneur de Kyoto depuis 1185, Masako va jouer
un rôle capital dans le règlement de la succession de son mari au profit des HOJO.
Yoritomo laisse plusieurs enfants dont deux fils. Le premier, Yoriie, shogun à sa suite, tombe sous l'influence
du clan HIKI, des vassaux des MINAMOTO. En 1203, ceux-ci sont écartés du pouvoir par Masako et
Tokimasa, qui se décerne le poste de régent (shikken) du shogun. Yoriie est déposé puis assassiné par un
homme de main des HOJO.
Sanetomo, deuxième fils de Yoritomo et de Masako, devient alors shogun. En 1205, cette dernière et son frère,
HOJO Yoshitoki (1163-1224), obligent leur père Tokimasa à se retirer pour, trop amoureux de sa seconde et
jeune épouse, avoir comploté contre les intérêts des HOJO. Les vassaux des MINAMOTO les plus réticents
face à l'ascension du clan HOJO sont éliminés par Masako et Yoshitoki. Celui-ci, devenu régent, concentre sur
sa personne tous les pouvoirs du shogunat, surtout après la mort de Sanetomo, tué en 1219 par son neveu, fils
de Yoriie. Ce meurtre crispe les relations entre Kyoto et Kamakura. GO TOBA, l'empereur retiré, tente alors de
redonner la première place à la maison impériale en se retournant contre Yoshitoki. Mais, aidé par Masako, le
régent se forge une légitimité en ralliant à lui les guerriers du Kanto, principaux soutiens des MINAMOTO dont
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il se veut le continuateur. Il défait ensuite les troupes de GO TOBA lors de la guerre dite de l'ère Jokyu, en
1221.
Les Hojo maîtres de Kamakura (1221-1274)
La guerre de 1221 permet au régime de Kamakura de prendre l'ascendant sur Kyoto. La grande aristocratie de
la cour impériale est désormais contrainte de partager le pouvoir avec les seigneurs provinciaux de l'est de
l'archipel. Le réveil de la maison des empereurs retirés est muselé par l'envoi en exil de plusieurs de ses
membres et la confiscation d'une grande partie des domaines qui faisaient sa richesse.
Les HOJO sortent grandis de l'épreuve aux yeux des vassaux de Kamakura, et renforcent leur domination par la
création d'une série d'institutions. Le chef de ce clan va continuer jusqu'en 1333 à exercer la réalité du pouvoir
en tant que régent (shikken) du shogun. Un vice-régent
(rensho) le seconde, également issu de la famille HOJO.
Après 1221, un contrôleur militaire (tandai) et une garde
spéciale surveillent Kyoto et sa cour au nom du régent. Il
nomme le plus souvent à ce poste son futur successeur, fils
aîné ou frère cadet. Cette antenne du régime de Kamakura,
abritée par le Rokuhara, l'ancien palais des TAIRA, renforce
l'emprise des HOJO sur la capitale. À partir de 1225, est
également fondé un conseil d'État aux fonctions politiques et
judiciaires de treize membres, dont le régent et le vicerégent. Les HOJO de la branche principale et leurs alliés y
sont toujours majoritaires.
À partir de 1219, le poste de shogun, dépossédé de toute autorité au profit de celui de régent, est laissé à un
descendant d'une branche cadette des FUJIWARA. Par la suite, ce rôle est assumé par des princes impériaux,
également fantoches des HOJO. Dès lors, le régime de Kamakura sous les régents HOJO va s'efforcer, tout au
long du XIIIe siècle, de préserver la stabilité politique à laquelle il est parvenu, en rassérénant ses rapports avec
la maison impériale, la cour de Kyoto et les grands monastères. Par ailleurs, un code de lois en 51 articles (Joei
Shikimoku) est promulgué en 1232. Il devait perdurer, nonobstant quelques amendements, jusqu'en 1868.
Soucieux de légitimer leur mainmise sur le shogunat, les HOJO s'appuient sur les préceptes du confucianisme
chinois, cherchant notamment à favoriser une certaine équité en matière de justice et à préserver le statu quo
social. Ils y parviennent assez bien, hormis les révoltes rapidement matées de certains vassaux turbulents,
jaloux de l'exclusivité de leur pouvoir.
Paysans et commerçants profitent du calme relatif de la période.
L'agriculture augmente ses rendements grâce à des progrès techniques.
La reprise du négoce avec la Chine contribue au développement des
échanges monétaires, grâce à la circulation de pièces chinoises. Les
grands monastères arment des navires et constituent un acteur majeur du
trafic marchand avec le continent. Les bénéfices ainsi engrangés servent
à la construction de nouveaux édifices religieux ou à la fonte du grand
Bouddha (ou Daibutsu) de bronze de Kamakura (1252).
Le bouddhisme japonais, dont l'audience a souvent du mal jusque-là à
dépasser les cercles aristocratiques de Kyoto et Nara, connaît un
renouveau dû à l'apparition de nouvelles sectes. Celles-ci mettent
l'accent sur des perspectives de salut accessibles à tous, qui trouvent un
grand écho parmi les couches populaires, voire les plus pauvres, et dans
les provinces.
Deux de ces sectes sont dites amidistes. La vision pessimiste du
bouddhisme indien des débuts, fondée sur le renoncement en vue
d'atteindre un éventuel Éveil au terme d'un cycle de réincarnations, s'est
transformée dans le Japon du XIIIe siècle. On y insiste donc, selon une
conception qui rappelle le Paradis et l'Enfer du christianisme, sur la possibilité d'un salut individuel centré sur la
foi et l'invocation d'une divinité particulière du panthéon bouddhique. Ce Bouddha Amida recevrait les âmes
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des défunts dans son "Paradis de l'Ouest" ou de la "Terre pure". Après 1175, le moine HONEN (1133-1212)
crée la secte de la Terre pure (Jodo-shu). En 1224, l'un de ses disciples radicalise son enseignement et fonde la
Nouvelle secte de la Terre pure (Jodo shin-shu). SHINRAN (1173-1263) se montre hostile au monachisme,
autorise le mariage des religieux et fait traduire, pour les rendre accessibles au peuple, les écrits bouddhiques
rédigés en chinois classique.
À partir de 1253, NICHIREN (1222-1282) commence sa propre prédication en s'appuyant sur le Sutra du
Lotus, texte sacré du bouddhisme. Mais, contrairement à l'esprit de tolérance de ce dernier, sa secte (Hokke-shu
ou Nichiren-shu) adopte une démarche de combativité envers ses rivales. Son nationalisme avant l'heure
voudrait faire du Japon la terre d'élection de la forme de bouddhisme qu'il professe, la seule orthodoxe pour lui.
Le Zen est un mode de pensée et de méditation emprunté à la secte chinoise Chan, qui trouve ses origines en
Inde. Il connaît un regain de faveur au Japon, mais auprès des couches dirigeantes cette fois, grâce à EISAI
(1141-1215), fondateur de la secte Rinzai, et à DOGEN (1200-1253) , créateur de la secte Soto. Le Zen se
détourne des textes et des spéculations métaphysiques, voire du rationalisme, pour privilégier une quête
spirituelle sous la conduite d'un maître, passant par l'ascèse du corps et de l'esprit, qui doit amener à
l'illumination
intérieure
(satori).
La
progression du disciple vers l'éveil spirituel
passe par son incitation à la réflexion à partir
de questions absurdes et la méditation en
position assise (zazen). La simplicité et la
discipline physique et mentale préconisées
par le Zen correspondent bien aux moeurs
rustiques des nombreux guerriers, tenants du
régime de Kamakura, qui se font ses
adeptes. Il ne présente que des avantages
pour les HOJO, soutenant l'équilibre social
précaire, se montrant tolérant avec les autres
sectes et favorisant la vie monastique, ainsi
que l'ouverture du Japon sur le continent par
la venue de maîtres chinois.
Des débarquements mongols à la fin du pouvoir des Hojo (1274-1333)
Suite à l'unification de leurs tribus par GENGIS KHAN, au début du XIIIe siècle, les Mongols, cavaliers
nomades des steppes asiatiques, ont créé un vaste empire s'étendant de la Corée et la Chine jusqu'aux portes de
l'Europe. En 1260, KOUBILAI KHAN, petit-fils de GENGIS KHAN, établit sa capitale à Pékin et réduit par la
conquête la dynastie Song (960-1279), repliée dans le sud de la Chine. Il fonde sa propre dynastie, mongole
mais au nom chinois, celle des Yuan (1279 -1368).
Or, dès le milieu des années 1260, KOUBILAI KHAN s'intéresse au Japon et à ses richesses supposées,
désirant achever de dominer toute l'Asie. La demande de soumission formulée par une ambassade envoyée dans
l'île de Kyushu est ignorée par l'administration du jeune HOJO Tokimune, régent du bakufu de Kamakura de
1256 à 1284. Néanmoins, celui-ci organise la défense de l'archipel nippon en vue d'une attaque mongole. Une
première tentative d'invasion survient en 1274. Neuf cents bateaux et vingt-cinq mille soldats mongols et
auxiliaires chinois et coréens ravagent les îles de Tsushima et d'Iki avant de débarquer dans le nord du Kyushu.
Après les premiers combats, une tempête oblige les envahisseurs à se retirer vers la péninsule coréenne, d'où ils
étaient venus.
En 1281, une nouvelle flotte adverse de quatre mille navires et cent quarante mille hommes rejoint le Kyushu
septentrional. Les Japonais se sont préparés à cette deuxième confrontation, notamment en bâtissant sur les
plages un mur peu élevé mais suffisant pour gêner les manoeuvres de la cavalerie ennemie. Cependant, les
Mongols auraient sans doute triomphé sans la nouvelle intervention providentielle d'un typhon. Ce "vent des
dieux" (kamikaze) détruit leur impressionnante armée.
Ces deux victoires face à une terrible menace extérieure passent pour être celles des HOJO. Elles contribuent à
une plus grande unité politique et culturelle du Japon, sous l'égide du régent, qui a su galvaniser les combattants
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japonais et préparer la résistance aux troupes d'invasion. Celui-ci profite d'ailleurs de la menace pour, homme
de l'est du Japon, renforcer son autorité dans l'ouest de l'archipel, par la nomination de gouverneurs liés à son
clan et par la mise en place d'une administration militaire et juridique spéciale à Kyushu. La nécessité d'opposer
un front uni face aux Mongols a également rapproché lebakufu de Kamakura de la cour de Kyoto.
Un excès de confiance fait croire aux guerriers qui ont refoulé les Mongols que le Japon bénéficie désormais
d'une protection divine. Le régent en profite pour faire passer dans son giron les seigneurs de l'Ouest qui ne le
sont pas encore. Mais, tous vont se montrer, à la longue, insatisfaits. Car, comparablement aux chevaliers
occidentaux à la même époque, ils se sont
endettés pour s'armer, en vue d'une victoire
qui, cette fois, ne leur rapporte aucun avantage
matériel. En effet, le shogunat n'a plus de
nombreux domaines confisqués à redistribuer
à ses partisans, comme il l'a fait après les
guerres de 1185 ou de 1221. Et les
mécontements
ainsi
suscités
sont
annonciateurs de la déliquescence du régime
de Kamakura.Sans parler des religieux qui
estiment être bien mal récompensés pour avoir
contribué à sauver l'archipel grâce au vent
divin invoqué par leurs prières...
Avant de se voir reprocher de ne rien faire
pour enrichir ses vassaux victorieux à la
guerre, le régent HOJO jouit encore d'assez de prestige pour arbitrer, en 1272, une querelle de succession.
Celle-ci oppose deux fils du défunt empereur retiré GO SAGA, à la tête d'une branche aînée et cadette de la
famille impériale, dans lesquelles seront dorénavant choisis en alternance les empereurs. Ce différend sera à
l'origine, au siècle suivant, de la confrontation d'une cour dite du Nord et d'une cour dite du Sud, pourtant issues
de la même dynastie impériale.
En 1318 intervient l'accession au trône de GO DAIGO, de la branche aînée, résolu à faire retrouver à la
fonction impériale son pouvoir et ses fastes d'antan. Après avoir mis fin à l'institution de l'empereur retiré
(insei), facteur de division dans le passé, il regroupe des forces afin d'attaquer frontalement les HOJO et les
mener à leur perte.
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- Histoire du Japon, 5e partie La période de Muromachi
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière.
A travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le
coeur historique et géographique du pays, de sa préhistoire à
nos jours. Aujourd'hui : le Japon de 1333 à 1573 après JC.
La guerre civile entre les cours du Nord et du Sud (1333-1392)
L'empereur GO DAIGO rêve d'un retour au passé et d'un rétablissement de l'autorité impériale aux dépens des
HOJO, maîtres du shogunat de Kamakura. Après un complot éventé en 1324 et l'échec d'une première révolte
armée en 1331, qui lui vaut un exil temporaire, il fomente un nouveau soulèvement victorieux. La classe des
guerriers, déçue après les combats contre les deux tentatives d'invasion mongole de l'archipel japonais en 1274
et 1281, est en proie à l'agitation dans les cinquante années qui suivent. En outre, des petits guerriers rallient à
eux des paysans mécontents, voire des hors-la-loi, et forment des bandes de "brigands" (akuto). Ensemble, ils
pratiquent une forme de guérilla avant l'heure contre les troupes du shogunat et les grands propriétaires de
domaines seigneuriaux. GO DAIGO recrute parmi eux des partisans. Ainsi, KUSUNOKI Masashige (12941336) chef akuto, fera figure d'archétype du samurai dévoué à l'empereur pour les générations futures,
notamment sous l'effet de la propagande impériale et des régimes militaires nippons de la première partie du
XXe siècle.
ASHIKAGA Takauji (1305-1358) est alors l'un des plus puissants seigneurs du Japon et, en particulier, du
Kanto. Dans cette région de l'Est, où se situe Kamakura, les HOJO croient conserver leurs vassaux les plus
fiables. À l'origine général des HOJO chargé de mater la rébellion, ce descendant d'une branche cadette des
MINAMOTO, parmi lesquels furent choisis les premiers shoguns de Kamakura, décide pourtant de prendre le
parti de GO DAIGO. Les HOJO, mis en difficulté par cette défection majeure, sont également encerclés à
Kamakura par un autre de leurs généraux du Kanto qui s'est aussi révolté contre eux. Ils se suicident en masse
et leur défaite précipite la fin du régime de Kamakura.
La "restauration de l'ère Kemmu", éphémère tentative par GO DAIGO de rétablir l'autorité impériale, ne dure
que de 1333 à 1336. ASHIKAGA Takauji se retourne rapidement contre GO DAIGO, se trouvant injustement
récompensé de son ralliement à l'empereur. Il le chasse du pouvoir et le remplace par un autre prétendant.
Takauji prend peu après le titre de shogun (1338), se prévalant de sa parenté avec les MINAMOTO.
Takauji crée ainsi un deuxième shogunat (ou bakufu) dit de Muromachi, d'après le nom du quartier de Kyoto où
s'établit le siège du pouvoir shogunal. Pour une énième fois dans l'histoire du Japon, Takauji et ses héritiers
vont commander au pays au détriment d'empereurs fantoches qu'ils ont mis sur le trône à Kyoto. Ceux-ci sont
d'ailleurs affaiblis par un schisme qui divise la dynastie impériale en deux factions.
Les monarques de cette cour dite du Nord, soutenus par
les ASHIKAGA, ne verront finalement leur légitimité
reconnue qu'au terme d'une longue guerre civile
(nommée Nambokucho). Celle-ci partage en deux camps
la classe des guerriers et s'accompagne de nombreuses
destructions, y compris dans la capitale "nordiste". En
face, GO DAIGO a été vaincu militairement par
ASHIKAGA Takauji à la bataille de Minatogawa (1336),
en partie pour n'avoir pas suivi les conseils du fidèle
KUSUNOKI Masashige, qui se suicide après cet
affrontement. Mais l'empereur défait se réfugie avec ses
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principaux soutiens dans les régions montagneuses et boisées de Yoshino, dans le Kinai, non loin de Nara. Lui
et ses descendants y forment une cour du Sud et opposent une tenace résistance armée, avant de devoir
s'incliner en 1392. À ce moment, les belligérants s'entendent pour voir régner le seul empereur GO KOMATSU
de la cour du Nord, à la condition que soit rétablie la règle antérieure d'une alternance du pouvoir entre les deux
factions. Mais l'accord n'est finalement pas respecté et la cour du Sud est définitivement supplantée par sa
rivale.
Les hauts et les bas du shogunat de Muromachi (1392-1467)
Contrairement à leurs prédécesseurs, les shoguns ASHIKAGA
choisissent de gouverner depuis la capitale impériale de Kyoto, et non
depuis l'Est excentré, à Kamakura. Malgré cela, ils ne parviendront
jamais à contrôler le Japon aussi bien que les HOJO et leur action
gouvernementale va, dès le départ, connaître de nombreuses faiblesses.
Ainsi, l'instauration d'un vice-shogunat dans le Kanto approfondi les
divisions entre la branche cadette à laquelle il est confié et la branche
aînée des ASHIKAGA. Dans le même temps leurs plus importants
vassaux se montrent indociles. Néanmoins, l'archipel est divisé en trois
entités administratives regroupant Kyoto et les régions centrales, le
Kanto et Kyushu, confiées à des gouverneurs généraux (kanrei) issus de
grandes familles alliées des ASHIKAGA. Cependant, les gouverneurs
militaires (shugo) à la tête des provinces s'émancipent de plus en plus
par rapport au pouvoir du shogun. Ces shugo-daimyo (daimyo : "grand
nom") s'assurent, à titre personnel, l'appui de ligues féodales de
guerriers. Ils s'emploient également à contrôler les domaines fonciers de
la vieille aristocratie de la cour de Kyoto, alors en pleine déliquescence,
comme la maison impériale. Tandis que les grands monastères et
sanctuaires religieux parviennent davantage à préserver leurs intérêts.
ASHIKAGA Yoshimitsu (1358-1408) devient le troisième shogun de Muromachi en 1367. Homme d'une
certaine trempe, il met au pas plusieurs gouverneurs provinciaux révoltés et son "règne" voit la fin de la guerre
civile. Comme les anciens empereurs retirés, il abdique en 1395 en faveur de son fils, Yoshimochi (1386-1428),
et se fait moine tout en continuant à influencer fortement la vie politique du Japon. Yoshimitsu s'installe en
1397 dans la demeure de ses rêves, le Pavillon d'or (Kinkaku-ji) de Kitayama (aujourd'hui à Kyoto) . Les nobles
de la cour impériale ne veulent toujours voir dans les guerriers que des rustauds ignares. Comme pour démentir
cette analyse retardataire, Yoshimitsu cultive là son goût pour les lettres chinoises, l'étude érudite du Zen ou le
théâtre Nô, alors à ses débuts. Dans ce petit paradis, à l'écart du
monde, s'épanouissent ainsi les fondements d'une culture dite de
Kitayama.
Depuis sa retraite, Yoshimitsu diligente aussi une reprise
officielle (1401-1419) des relations commerciales avec la dynastie
chinoise des Ming (1368-1644), avec envois d'ambassades. Mais
ces échanges s'interrompent rapidement sous le shogun
Yoshimochi, qui les fait capoter, en partie par haine de son père
ou bien trop occupé à faire tuer son frère. Mais, surtout, ces
activités vont être durablement mises à mal par les attaques des
pirates japonais (waco) contre les côtes chinoises et coréennes. Le
shogunat de Muromachi se révèlera incapable de les arrêter.
Cependant, ses insuffisances profitent aux grands monastères et
aux gouverneurs militaires provinciaux (shugo-daimyo) qui
reprennent à leur compte le profitable commerce avec les Ming.
Les affaires des ASHIKAGA ne vont pas s'arranger avec le
cordialement détesté Yoshinori (1394-1441), qui tente de
renforcer son contrôle sur le Kanto et de réduire la puissance des
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gouverneurs militaires. Mais, il est assassiné par l'un de ses vassaux, évènement dont ne se relèvera jamais
vraiment cette dynastie shogunale . Malgré une époque troublée, parmi une bourgeoisie urbaine en
développement se signale, spécialement dans le centre du Japon, le groupe des prêteurs d'argent. Outre ces
profiteurs d'une première économie monétaire japonaise à base de pièces chinoises, les fabricants de saké
(alcool de riz) prospèrent également. Tous sont d'ailleurs vite taxés par un shogunat toujours plus avide de
rentrées fiscales. Certains agriculteurs se convertissent à des métiers liés au transport, comme les loueurs de
chevaux de Sakamoto, près du mont Hiei et de Kyoto. D'autres s'enrichissent en devenant marchands, voire
armateurs. En revanche, dans les campagnes, les paysans s'appauvrissent et sont de plus en plus ponctuellement
menacés par la famine. À partir de 1428 et tout au long du XVe siècle, les jacqueries se multiplient, dans les
régions périphériques mais aussi aux portes de Kyoto. On voit ainsi des petits guerriers (ji-samourai) endettés
s'unir aux paysans dans des ligues militaires (ikki) et entreprendre des soulèvements contre les usuriers et les
seigneurs féodaux. Les turbulents loueurs de chevaux se joignent souvent à eux. Nombre de ces révoltes, à
l'échelle d'une ou plusieurs provinces, exigent par la force et obtiennent de la part du shogun ASHIKAGA en
poste des actes d'annulation des dettes (tokusei). Les observateurs de cette époque assistent donc à la défaite des
plus puissants par les paysans et les couches les plus miséreuses de la population, qui n'avaient compté pour
rien jusque-là dans la société. Il leur semble donc voir advenir un "monde à l'envers", dans lequel "ceux du bas
dépassent ceux du haut" (gekokujo)
L'"Époque des pays en guerre" (1467-1573)
Le Japon n'en finit pas de connaître des boulversements suite aux défaillances de la lignée shogunale des
ASHIKAGA. Ainsi, de 1467 à 1477, une querelle de succession provoque un nouveau conflit, dit de l'ère Onin,
qui déchire l'archipel. En 1464, ASHIKAGA Yoshimasa (1435-1490), huitième shogun de Muromachi, sans
héritier, adopte son frère cadet Yoshimi, ancien moine bouddhiste choisi pour lui succéder. Mais, un fils,
Yoshihisa, lui naît alors de son épouse Tomiko, qui veut en faire l'héritier de son père. Deux camps se forment
pour soutenir les deux prétendants, menés par deux clans pourtant apparentés, les HOSOKAWA et les
YAMANA. Leur opposition devait se perpétuer, même après la mort des dirigeants des deux parties et que
Yoshihisa soit reconnu comme shogun.
Cette guerre de l'ère Onin ravage une nouvelle fois Kyoto et, sur le plan tactique, confirme l'importance
grandissante des ashigaru. Ces fantassins légèrement armés, qui sont recrutés parmi la paysannerie, quand le
besoin s'en fait sentir, évincent le samurai-cavalier, ancien roi des batailles. De son côté, Yoshimasa, sur le
modèle de son ancêtre Yoshimitsu, se retire dans sa tour d'ivoire, indifférent aux vicissitudes de son temps. Il
s'enferme dans son Pavillon d'argent (Ginkaku-ji) à Higashiyama (Kyoto), où s'épanouit une culture du même
nom. Il s'y adonne à sa passion pour les arts, la cérémonie du thé ou le Nô. On y élabore un style architectural à
l'origine de la maison japonaise traditionnelle d'aujourd'hui. Pourtant, à partir de1467, les guerres civiles vont
en fait se prolonger pendant un peu plus de cent ans, une période nommée l'"Époque des pays en guerre"
(Sengoku Jidai), référence historique à la Chine divisée des "Royaumes combattants" (481-221 av. J.-C.).
Les daimyo, devenus des seigneurs féodaux quasiment
indépendants et chacun maître d'un fief équivalent à
environ deux ou trois départements français,
s'affrontent les uns les autres. Le shogunat se révèle
incapable d'arbitrer leurs rivalités. Après les shugodaymo, apparaît au tournant du XVe siècle une
nouvelle génération de sengoku-daimyo. Suite à la
confusion de la guerre de l'ère Onin, le gekokujo joue
pleinement. Certains des anciens gouverneurs militaires
restent en place. Mais ces personnages de haut rang
sont aussi fréquemment remplacés par des vassaux
devenant de grands seigneurs à leur place ; voire par
des hommes neufs, de simples aventuriers non issus de
lignées prestigieuses. Ces sengoku-daimyo légifèrent en toute autonomie sur leurs terres, font établir des
cadastres pour maximiser les collectes fiscales, creuser des mines et battent monnaie. Malgré les conflits
incessants et les déprédations de la soldatesque, la population urbaine commence à s'accroître significativement.
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La ville de Sakai (sud de l'actuelle Osaka) connaît un essor particulier à la fin du XVe siècle grâce au négoce
avec la Chine. Des voyageurs européens bientôt en visite au Japon la compareront à Venise. La même
prospérité se rencontre dans un autre port comme Hakata (nord de Kyushu). Les commerçants et les artisans
font partie des gens qui s'enrichissent durant cette période et les daimyo les incitent à venir habiter autour des
châteaux qu'ils commencent à se faire construire. Ces "villes nées d'un château" (joka machi), capitales de fiefs
de daimyo, vont former les noyaux de nouveaux centres urbains comme, par exemple, Nagoya ou Hiroshima.
Toutefois, les émeutes de révoltés ruraux continuent dans les campagnes, en partie menées par des groupements
formés sur une base religieuse. Ces ikko ikki sont des ligues chapeautées par la secte Jodo shin-shu et son guide
spirituel du moment RENNYO (1415-1499). Elles défont même les troupes des daimyo sur les champs de
bataille et gouvernent des provinces entières, devenant notamment un potentat avec lequel il faut compter dans
le centre du Japon. En 1453, intervient également un évènement lourd de conséquences pour la suite de
l'histoire du Japon : un navire avec à son bord des Chinois et des Portugais rejoint l'île de Tanegashima (sud de
Kyushu). Des mousquets à mèche, armes inconnues dans l'archipel, y sont ainsi introduits et immédiatement
copiés par les forgerons locaux. En 1549, le jésuite espagnol François XAVIER (1506-1552) aborde à son tour
à Kagoshima (sud de Kyushu) et commence à convertir des Japonais au christianisme, y compris des daimyo.
Dans le même temps, la décadence de la dynastie shogunale des ASHIKAGA se poursuit, faite de dérobades,
voire de fuites face aux oppositions multiples et de morts violentes. Son dernier représentant, Yoshiaki (15371597), tombe sous la coupe du daimyo ODA Nobunaga (1534-1582), qui le met en place, puis l'exile de Kyoto.
Ainsi prend fin le bakufu de Muromachi (1573)..
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- Histoire du Japon, 6e partie Les trois unificateurs
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 1573 - 1616 après JC.
ODA Nobunaga (1534-1582)
Après une longue période de guerres civiles (Sengoku Jidai) et la fin du shogunat des ASHIKAGA (1573),
l'archipel nippon est réunifié sous la férule de trois dictateurs militaires. Alliés entre eux, ils vont réduire la
résistance des autres grands seigneurs féodaux (daimyo) et détenir entre leurs mains, à tour de rôle, les
destinées du Japon. La période correspondant au faîte de leur puissance (1573-1616) est appelée "époque
d'Azuchi-Momoyama" d'après les noms de célèbres châteaux des deux premiers d'entre eux.
Au départ, ODA Nobunaga devient l'un des quelque trente daimyo qui se partagent le contrôle de l'archipel
nippon dans les années 1550-1560. Mais, à partir de 1568, il se hisse à une position dominante et s'approprie
tous les pouvoirs. Il s'empare de Kyoto et s'impose comme le "protecteur" de l'empereur du moment,
OGIMACHI, et du dernier shogun ASHIKAGA, ensuite exilé par lui (1573). Il continue néanmoins à combattre
jusqu'à ses derniers jours pour assurer sa suprématie sur les régions centrales du Japon. Ses succès acquis par
les armes sont couronnés par son accession au poste de shogun, accordée par une cour impériale moribonde
mais qui conserve le prestige d'attribuer des titres (1582).
Cependant, avant d'en arriver là, le jeune Nobunaga doit surmonter de sérieux handicaps. Toute sa vie, il fera
figure de parvenu, car non issu d'une lignée de guerriers prestigieux, mais fils d'un vassal aux origines obscures
du clan SHIBA, ODA Nobuhide (1510-1551). Ce dernier s'est cependant rendu maître du château de Nagoya et
constitué un fief dans la riche province agricole d'Owari. Mais, pour recueillir son héritage, Nobunaga doit
écarter ou éliminer la plupart des autres membres de sa famille.
Une étape décisive est ensuite franchie quand Nobunaga défait et tue son rival à l'est de ses terres, le daimyo
IMAGAWA Yoshimoto, seigneur de Totomi, à la bataille d'Okehazama (1560). À la tête de provinces proches
du centre du Japon, il se met à rêver d'un destin national et d'une progression militaire vers Kyoto, afin d'y
devenir le nouvel homme fort du Japon et de le réunifier sous sa bannière. Outre cet atout géographique, il va
faire avancer son projet par un habile mélange de recours à la guerre, à la diplomatie et aux alliances
matrimoniales. Ainsi, il parvient à s'entendre avec le jeune daimyo MATSUDAIRA Motoyasu (futur
TOKUGAWA Ieyasu), pourtant à l'origine allié de ses ennemis les IMAGAWA.
Le sort des armes favorise décidément Nobunaga puisque, se rapprochant de la capitale, il s'empare de la
province de Mino, puis fonde le château et la ville de Gifu (1567). Même si ses conquêtes et le nombre de ses
vassaux augmentent, il s'appuie en priorité sur ses très proches parents, comme l'un de ses frères ou son fils
aîné, ou un groupe d'hommes lui devant tout, comme KINOSHITA Tokichiro (le futur TOYOTOMI
Hideyoshi).
Devenu un acteur politique incontournable dans le centre du Japon, Nobunaga prend le contrôle de Kyoto
(1568). Après avoir mis au pas l'empereur et le shogun ASHIKAGA Yoshiaki, il réduit avec brutalité
l'autonomie acquise par les moines soldats de la secte Tendai du mont Hiei (1571) ou les ligues de ruraux
révoltés ikko ikki de la secte Jodo shin-shu.
En outre, Nobunaga défait successivement tous les daimyo qui tentent de lui résister, même si, un temps,
TAKEDA Shingen (1521-1573), illustre chef de guerre maître de la province de Kai, semble devoir lui tenir
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tête. Mais, après la mort de celui-ci, son héritier, allié aux ikko ikki, est battu à Nagashino (1575) par
Nobunaga, TOYOTOMI Hideyoshi et TOKUGAWA Ieyasu. Cette bataille marque un tournant dans l'art de la
guerre et une rupture avec l'esprit de chevalerie tels qu'ils sont pratiqués jusque-là au Japon.
Car, sur le plan stratégique, le pragmatique Nobunaga est le premier à saisir l'importance de l'utilisation des
mousquets à mèche et des fantassins légers (ashigaru), face à la cavalerie lourde que ses adversaires prennent
encore pour la reine des batailles. Aussi, il s'emploie à faire copier les arquebuses venues d'Occident, quitte à
faire les yeux doux aux "Barbares du Sud" (Namban), Portugais et Espagnols, afin de s'en procurer. Ainsi, à
Nagashino, un corps de 3 000 arquebusiers (teppo ashigaru) constitué par Nobunaga joue un rôle crucial au
cours de l'affrontement. Alignés sur trois rangs derrière une palissade, ils déciment de leur feu nourri la charge
de la fière cavalerie des TAKEDA.
En 1576, Nobunaga se fait construire une somptueuse résidence, une
forteresse avec donjon, à Azuchi (province d'Omi), qui deviendra le
modèle de ce genre de château édifié par la suite au Japon. Il prend
également des mesures concrètes pour raffermir sa dictature militaire.
Pour mettre un terme à la confusion entre les classes sociales qui s'était
établie durant le Sengoku Jidai, il sépare strictement les militaires des
paysans, désarmés par une "chasse aux sabres" (katanagari).
L'établissement d'un cadastre à l'échelle de toutes les provinces sous sa
domination est aussi décidé afin de servir de base à la perception des
impôts.
Néanmoins, Nobunaga doit encore combattre les ikko ikki et leur templeforteresse, le Hongan-ji d'Ishiyama, se trouvant sur le site de la future
Osaka (1580). Il doit aussi en finir avec les TAKEDA et une coalition de
daimyo de l'ouest du Japon s'opposant à lui. Après avoir été nommé
shogun, Nobunaga, en visite à Kyoto, est attaqué dans le Honno-ji. Ce
temple est encerclé et incendié par l'un des propres généraux, AKECHI
Mitsuhide, qui le rend responsable de la mort de sa mère. Le premier
unificateur s'y suicide en compagnie de son fils aîné (1582).
TOYOTOMI Hideyoshi (1536-1598)
ODA Nobunaga est promptement vengé par un autre de ses généraux, TOYOTOMI Hideyoshi, qui dirige les
troupes combattant les daimyo de l'Ouest. Hideyoshi défait AKECHI Mitsuhide à la bataille de Yamazaki
(1582). Il fait alors donner le titre de shogun à un fils cadet de Nobunaga,mais va tout de suite concentrer sur sa
personne les rênes du pouvoir et devenir le deuxième unificateur du Japon.
Celui qui finit par s'appeler TOYOTOMI Hideyoshi a d'abord porté divers noms et s'est inventé, la gloire
venant grâce au métier des armes, un pedigree prestigieux pour masquer sa très humble origine. Il est le fils
d'un paysan d'Owari, en temps de guerre fantassin léger des ODA. Après s'être essayé à différents
apprentissages auprès d'artisans, il opte pour une carrière militaire. Il se place
d'abord sous les ordres d'un vassal des IMAGAWA, ennemis des ODA, avant
de finalement rallier le camp de Nobunaga (1558).
Malgré son physique particulier, qui le fait surnommer "le singe" (saru) par
Nobunaga, Hideyoshi sait faire valoir ses nombreuses qualités au service de
son nouveau maître, y compris un sens consommé de l'intrigue. Désormais, il
est de toutes les guerres menées par Nobunaga et reçoit en récompense divers
fiefs et châteaux, dont celui d'Himeji, dans l'ouest de Honshu.
Après la mort de Nobunaga et après avoir neutralisé ou éliminé d'autres
prétendants possibles, Hideyoshi recueille son héritage. Il fortifie sa position
dominante sur les provinces centrales et poursuit l'unification du Japon. Suite
aux batailles sans grand résultat de Komaki et de Nagakute, il fait la paix avec
TOKUGAWA Ieyasu, évitant que ce dernier ne devienne son plus puissant
opposant (1584). Dans le même temps, sur les ruines du temple-forteresse des
ikko ikki, il fonde le château et la ville d'Osaka.
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Maître du Japon dans les faits, sa très modeste origine lui interdit d'être nommé shogun. Il fait alors "exhumer"
pour lui le titre, remontant à la période de Heian, de kampaku ("régent de majorité" de l'empereur) et se fait
adopter (1585) par la famille FUJIWARA, à laquelle il est réservé depuis lors.
Dans les années qui suivent, Hideyoshi s'applique à "pacifier" définitivement l'archipel nippon, en soumettant
les daimyo qui lui résistent encore à Kyushu, à Shikoku et dans le nord de Honshu. Il fait détruire leurs
châteaux et s'attribue leurs terres ou les répartit entre ses partisans. Les daimyo sont hiérarchisés par un
classement qui évalue en koku (180 litres) la récolte annuelle de riz dans leurs domaines. Ils sont assujettis à
Hideyoshi par un système qui les obligent à venir lui rendre ponctuellement visite et à laisser leur famille en
otage à Kyoto.
Hideyoshi s'y est d'ailleurs fait construire les châteaux du Jurakutei, puis de Momoyama, où il joue les mécènes
et s'adonne au plaisir de cultiver les arts, comme certains des ASHIKAGA, sous le shogunat de Muromachi. Il
peut se le permettre pour être devenu l'homme le plus riche du Japon. À la suite de Nobunaga, il a perfectionné
l'établissement de cadastres et la rentrée des recettes fiscales. En outre, il se montre très attentif au
développement de la prospection minière qui lui permet de battre les premières monnaies japonaises en or,
notamment grâce aux gisements de l'île de Sado (nord-ouest de Honshu). Ainsi, il préfigure l'industrie du Japon
moderne.
Lui, qui a pu s'élever grâce à sa réussite en tant que combattant, enlève aux autres cette possibilité en achevant
de figer la mobilité entre les classes sociales. De plus, une nouvelle "chasse aux sabres" confisque les armes des
paysans sous le prétexte de construire avec une grande statue de Bouddha.
Hideyoshi se préoccupe également du fructueux commerce
avec la Chine, mais reprend aux Européens le contrôle du
port de Nagasaki, concédé par un daimyo chrétien de
Kyushu. Échaudé par les rivalités entre Portugais et
Espagnols, il redoute surtout que l'extension du christianisme
au Japon ne préfigure une tentative de conquête étrangère, et
le fait interdire (1587). Il fait même supplicier 26 religieux
chrétiens de Nagasaki pour l'exemple (1597).Afin d'occuper
la classe toujours remuante des guerriers, il organise deux
grandes campagnes de conquête de la Corée (1592 et 1597)
qui, au-delà, visent la Chine. Mais elles se soldent, au final,
par une déroute.
Cependant, Hideyoshi a d'autres préoccupations en tête car vient de lui naître tardivement un fils, TOYOTOMI
Hideyori (1592-1615) et il rêve de fonder une dynastie quand la dysenterie l'emporte brusquement (1598). Il a
juste eu le temps de confier la garde de son cher rejeton à un conseil de régence où domine la personnalité du
puissant TOKUGAWA Ieyasu.
TOKUGAWA Ieyasu (1543-1616)
À l'origine le plus favorisé par la naissance des trois unificateurs,
TOKUGAWA Ieyasu est paradoxalement celui qui doit attendre le plus
patiemment son heure. Il finit néanmoins par capter l'héritage de ses deux
prédécesseurs et, contrairement à eux, fonder une dynastie shogunale durable.
Fils du daimyo MATSUDAIRA Hirotada (1526-1549), TOKUGAWA Ieyasu
naît sous le nom de MATSUDAIRA Takechiyo, au château d'Okazaki, dans la
province de Mikawa. Très jeune, il est envoyé comme page - en fait otage et
garant d'une alliance - auprès d'IMAGAWA Yoshimoto, ennemi des ODA. En
chemin, il est capturé par ces derniers qui le retiennent un temps prisonnier,
puis il regagne le giron des IMAGAWA. Après la bataille d'Okehazama
(1560), celui qui se fait appeler maintenant MATSUDAIRA Motoyasu se
range aux côtés d'ODA Nobunaga, qui a pris le dessus sur son père et sur son
tuteur IMAGAWA.
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Dès lors, MATSUDAIRA Motoyasu va collaborer avec Nobunaga dans ses entreprises guerrières. Depuis son
château d'Okazaki et le Mikawa, il étend progressivement son influence sur 5 provinces. Après la mort de
Nobunaga, il combat TOYOTOMI Hideyoshi dans un premier temps, puis parvient à s'entendre avec lui.
Entre-temps, il a obtenu de la cour impériale, dès 1566, de s'appeler TOKUGAWA Ieyasu. L'adoption de ce
nom, indice de sa très grande ambition, lui permet de rapprocher son lignage familial de celui des MINAMOTO
et des ASHIKAGA. Une ascendance dont il faut se réclamer pour fonder éventuellement un shogunat comme
ceux de Kamakura et de Muromachi...
En 1590, après avoir défait avec Hideyoshi le clan des HOJO - sans lien de parenté avec les régents de
Kamakura -, il transporte le centre de son pouvoir vers l'Est. Avec l'accord d'Hideyoshi, il échange ses
possessions contre sa domination sur le Kanto, qui lui procure un revenu de 2 500 000 koku, faisant de lui le
daimyo le plus riche du Japon. Il s'installe à Edo (future Tokyo), ancien village de pêcheurs pourvu d'un
château et commençant à devenir une ville à partir de 1457.
Désigné comme l'un des cinq membres du conseil de régence instauré avant sa mort par Hideyoshi, Ieyasu va
s'approprier son héritage aux dépens de l'héritier de ce dernier. Comme Hideyoshi l'avait fait lui-même à la
mort de Nobunaga. Deux coalitions de daimyo, l'une de l'Est soutenant Ieyasu, l'autre de l'Ouest acquise à
TOYOTOMI Hideyori, fils d'Hideyoshi, se font alors face pour le contrôle du pays. Elles s'affrontent lors de la
bataille décisive de Sekigahara (1600) .
Vainqueur, Ieyasu procède à une redistribution des fiefs de
ses ennemis à ses partisans et attend sans s'impatienter - il a
l'habitude - que la cour impériale le nomme shogun (1603).
Ainsi est fondé le troisième shogunat (ou bakufu), celui des
TOKUGAWA (ou d'Edo) qui, comme le premier, celui des
MINAMOTO, a son siège dans l'est du Japon. Très
préoccupé d'assurer solidement sa succession, Ieyasu
transmet rapidement ce titre à l'un de ses fils (1605), mais
continue à diriger les affaires du pays.
Par tactique politique, Ieyasu se montre grand seigneur avec
Hideyori, le perdant de Sekigahara, en le mariant à sa petitefille. Mais il l'enferme néanmoins dans une cage dorée au
château d'Osaka. Ce qui n'empêche pas les opposants au nouveau régime de se regrouper autour de lui. Au
point qu'Ieyasu finit par faire mettre le siège autour de cette forteresse (1614-1615), puis par la faire incendier,
acculant Hideyori au suicide. Le très jeune fils de ce dernier, petit-fils d'Hideyoshi et arrière-petit-fils d'Ieyasu,
est également décapité. Ce dernier épisode sanglant assure l'exclusivité du pouvoir aux seuls TOKUGAWA,
peu avant le décès d'Ieyasu (1616). Sa main de fer va cependant procurer au Japon deux siècles et demi de paix
à venir.
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- Histoire du Japon, 7e partie Le shogunat des TOKUGAWA : la période d'Edo
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 1616 à 1867 après JC.
L'instauration de la dictature de la paix (1616-1651)
TOKUGAWA Ieyasu (1543-1616) devient shogun en 1603. Il fonde le troisième shogunat (ou bakufu)
japonais, celui des TOKUGAWA, dit aussi celui d'Edo, d'après le nom de la ville (aujourd'hui Tokyo) de l'est
de Honshu, où il installe le centre de son autorité. Cette dernière éclipse dès lors Kyoto, la cité impériale, dans
son rôle de capitale et devient le vrai centre politique du pays.
Théoriquement, le shogun TOKUGAWA est un dictateur militaire qui détient son pouvoir par délégation de
l'empereur du Japon. En réalité, c'est bien le premier qui gouverne l'archipel, tenant le second et sa cour sous sa
coupe et l'obligeant à se contenter de vivre de revenus financiers relativement modestes.
La bataille de Sekigahara (1600) a rendu Ieyasu maître du pays. Ensuite, le shogunat établit son administration
directe sur de nombreux domaines. Les autres fiefs sont redistribués aux seuls grands seigneurs féodaux
(daimyo) ayant soutenu Ieyasu. Outre Edo et Kyoto, le shogunat étend également sa domination sur les grandes
villes, souvent riches et commerçantes, comme Osaka, Sakai, Nara et Nagasaki. Ieyasu et ses successeurs, son
fils Hidetada (1579-1632) et son petit-fils Iemitsu (1604-1651), renforcent le caractère autoritaire du régime et
le dotent de diverses institutions. Ainsi, le shogun est assisté par un "conseil des anciens" (roju), de cinq
membres, présidé par un "grand ancien" (tairo), et appuyé par un conseil auxiliaire de "moins anciens"
(wakadoshiyori). Des préfets sont placés à la tête des grandes villes contrôlées directement par le régime et un
gouverneur surveille Kyoto.
La grande décision du shogunat des TOKUGAWA
demeure la fermeture du Japon aux étrangers,
progressive à partir de 1616, puis quasiment complète à
partir de 1639. Elle va couper l'archipel du reste du
monde pendant plus de deux siècles. Dans un premier
temps, les ports d'Hirado et de Nagasaki (Kyushu)
continuent à être ouverts. Puis, Portugais, Espagnols et
Anglais, présents depuis le début du XVIIe siècle avec
les Hollandais, sont sommés de partir. En 1637,
intervient l'insurrection des catholiques japonais de
Shimabara (Kyushu), réprimée dans le sang par les
troupes du shogunat, aidées par les navires et les canons
des Hollandais, protestants. Ces derniers, confinés dans
l'îlot artificiel de Dejima, dans le port de Nagasaki, sont désormais les seuls Européens autorisés à venir au
Japon. Le christianisme y est à nouveau prohibé. Tandis que les Japonais expatriés sont interdits de retour,
l'archipel ne reçoit plus que, quelques fois par an, la visite de quelques bateaux chinois, coréens et hollandais
dûment autorisés. Shimabara constitue d'ailleurs la dernière grande manifestation de violence collective connue
sous le shogunat.
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Dans les affaires intérieures, le nouveau régime instaure sa dictature de la paix. Afin d'en finir avec les
anciennes divisions régionales, un contrôle sévère s'exerce sur les daimyo. Ceux-ci sont inclus dans une
hiérarchie en fonction de leur degré d'alliance aux TOKUGAWA. Leur autonomie par rapport à l'autorité
centrale du shogun est supprimée par un système coercitif qui les menace d'une plus ou moins grande disgrâce.
Surveillés par des inspecteurs, ils sont éventuellement punis par leur déplacement dans un fief au revenu moins
important, voire en sont privés ou obligés de se suicider. Leurs finances sont affaiblies par le paiement des
travaux du château shogunal édifié à Edo et l'obligation de fournir des troupes.
Ils sont aussi contraints à une "présence alternée" (sankin-kotai) d'une année sur deux à Edo, où ils laissent
leurs principales épouses et leurs héritiers sous la menace du shogun durant l'année passée dans leurs domaines.
Ce devoir d'entretenir une double résidence, un seul château par fief, irréparable sans autorisation, mais aussi un
palais dans la capitale shogunale, est conçu pour les appauvrir. Tout comme le fait de se déplacer vers Edo et en
revenir avec leur suite en un dispendieux cortège, le long de routes imposées, comme celle du Tokaido, qui
conduit de Kyoto à Edo en 53 étapes. Elle comporte d'ailleurs autant de barrières où la police des
TOKUGAWA vérifie les possibles déplacements frauduleux d'armes, voire des femmes du daimyo, assujetti
jusque dans sa vie privée. En l'occurrence, il lui est même interdit de se marier sans en référer au shogun...
En ce XVIIe siècle, le groupe des guerriers représente 6 à 7 % des
Japonais. Il se distingue du reste de la population (paysans,
commerçants et artisans), sur lequel il a le droit de vie et de mort, par le
port de deux sabres, le long (katana) et le court (wakizashi). En fait, le
shogun TOKUGAWA a domestiqué cette classe et l'a organisée dans
une structure pyramidale. Il en constitue la tête avec, au-dessous de lui,
les daimyo, commandant et regroupant au sein de leurs clans respectifs
ces samurai. Ceux-ci se répartissent en différentes catégories en
fonction du fief ou du revenu dont ils ont l'usufruit en échange de leur
fidélité à leur seigneur. Ils obéissent à un code moral fixé à cette
époque, le bushido (voie des guerriers), prônant des valeurs de maîtrise
de soi, de frugalité, de chevalerie et de dévouement qui trouvent leur
manifestation ultime dans le suicide ritualisé (seppuku, appelé
improprement en Occident hara-kiri). Ce dernier va demeurer l'une des
rares manifestations de violence individuelle. En effet, une fois que le
shogunat des TOKUGAWA a établi sa dictature de la paix, il va
réduire progressivement les samurai à devenir des guerriers virtuels,
maniant surtout le sabre de bois (développement dukendo). Le pouvoir,
bien que militaire à l'origine, va les inciter à se cultiver pour se
transformer en bureaucrates au service du régime.
Vassaux de perdants de la bataille de Sekigahara ou de daimyo disgraciés plus tard, certains samurai se
transforment en errants sans maître, devenant des ronin (littéralement hommes de la vague). Le shogunat
interdit d'ailleurs les suicides collectifs par fidélité après la mort d'un daimyo destitué, qui tendaient à se
généraliser. De plus en plus nombreux, ces déclassés se font donc enseignants pour les plus instruits, artisans
ou, plus prosaïquement, brigands. Leur révolte est réprimée après la mort du shogun Iemitsu (1651), puis ils
finissent par se fondre dans le reste de la population.
En outre, les problèmes d'argent, qui vont devenir récurrents pour les TOKUGAWA, commencent à apparaître
avec les dépenses somptuaires occasionnées par la construction des monuments funéraires des premiers
shoguns de la dynastie à Nikko (aujourd'hui au nord de Tokyo).
Apogée et déclin du shogunat des Tokugawa (1651-1853)
Du XVIIe au XIXe siècle, les TOKUGAWA ne vont pas cesser de se cramponner à leur objectif premier de
perpétuer leur régime. Dans ce but, ils ont imposé une paix civile qu'ils voudraient maintenir par l'immobilisme
politique et social à l'intérieur de l'archipel nippon, et l'isolationnisme envers l'extérieur. Leur conservatisme est
conforté par l'adoption d'une idéologie officielle néo-confucianiste, inspirée du modèle toujours présent de la
Chine.
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Cependant, le Japon tourne ainsi le dos au progrès technique et aux développements qui naissent en Europe à
l'époque de la Révolution industrielle. Au contraire, parmi l'élite dirigeante de la classe des guerriers va
continuer à prévaloir l'idée, de plus en plus rétrograde, que l'agriculture et, surtout, la production de riz, doivent
demeurer les fondements de l'économie.
En dépit du blocage social, un exode rural très important grossit les populations des grandes villes et y
augmente la misère. Mais, à côté, une bourgeoisie citadine (les chonin) s'y épanouit également. Elle profite de
l'essor du commerce, favorisé par la fin de la segmentation du Japon en fiefs de daimyo imposant anciennement
des entraves douanières. Cette situation disparaît au profit de la constitution d'un grand marché intérieur et
d'une économie monétaire enfin étendue à tout le pays. Daimyo et samurai, appauvris par le shogunat, vont
d'ailleurs de plus en plus s'endetter auprès des chonin et se lier à eux, notamment par le biais d'unions
matrimoniales.
La prospérité des chonin est aussi à l'origine de l'émergence d'une nouvelle culture, dite de l'ère Genroku. Plus
frivole que celle affectionnée par les guerriers, elle connaît son sommet au tournant du XVIIe siècle et
s'épanouit dans les quartiers des plaisirs, comme Yoshiwara à Edo. Ce "monde flottant" est notamment le
domaine de la geisha, courtisane et aussi experte dans la pratique de divers
arts, la musique notamment. Les auteurs d'estampes et de xylogravures sont
inspirés par des thèmes de cette culture urbaine dont deux des fleurons sont
le théâtre Kabuki et la vogue des poèmes haiku.
Pendant ce temps, après un début de "règne" prometteur, apogée du régime
des TOKUGAWA, le shogun Tsunayoshi (1646-1709) laisse la situation
péricliter. Ses prédécesseurs avaient, certes, pris le contrôle des gisements
de métaux précieux (or et argent) du pays et s'étaient attribués le droit
exclusif de battre monnaie. Mais, face à des difficultés financières
persistantes, lui et ses successeurs vont devoir prendre des mesures répétées
de dévaluation et d'augmentation de la pression fiscale. Tsunayoshi,
bouddhiste fervent préoccupé de la protection des êtres vivants plus faibles
dans lesquels on est susceptible de se réincarner, se signale par son amour
exagéré des chiens. Ce qui lui vaut d'être moqué. Il finit d'ailleurs fou et
assassiné par sa femme...
En 1701-1703 vient se placer l'incident des quarante-sept ronin. Ils
attendent deux ans dans la dissimulation de pouvoir venger leur ancien
maître, un daimyo contraint au suicide par les manigances d'un dignitaire de
la cour du shogun. Leur vendetta défiant l'ordre public accomplie, ce dernier les autorise néanmoins à se faire
seppuku. Leur déjà presque anachronique expression de l'esprit de chevalerie et de fidélité de vassaux envers
leur suzerain marque pourtant durablement les esprits.
Quoi qu'il en soit, le Japon continue à vivre replié sur lui-même, avec une économie essentiellement agricole.
Or, entre le début et la fin du shogunat, la population est multipliée par trois, pour
atteindre plus d'une trentaine de millions d'habitants, tandis que les rendements ne
suivent pas toujours. Le sort des paysans ne va pas s'en trouver amélioré. Les
famines vont donc se répéter, y compris dans la première moitié du XIXe siècle,
avec leur lot de rébellions impitoyablement réprimées s'étendant parfois aux
villes.
À cela s'ajoutent diverses catastrophes naturelles. À commencer par plusieurs
incendies ravageant Edo, première ville du monde par sa population et longtemps
construite en bois. Sans parler des tremblements de terre, comme celui du Kanto,
en 1703, ou des éruptions volcaniques, dont la dernière touchant le mont Fuji, en
1707.
Le shogun Yoshimune (1684-1751) tente bien par des mesures énergiques de
réduire les crises rurales et la pauvreté des campagnes. Il allège également les
restrictions qui pèsent sur la circulation des livres étrangers, facilitant
l'épanouissement des "études hollandaises" (rangaku). Les Hollandais restent les
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seuls étrangers autorisés à des contacts parcimonieux avec les Japonais, constituant leur principale source
d'information sur les techniques nouvelles, les sciences modernes et la médecine. À l'inverse, une autre école
d'intellectuels nippons (wagakusha) remet à l'honneur le shinto et les anciens mythes sur l'ascendance divine de
l'empereur. Elle annonce un nationalisme en devenir et un mouvement favorable à la restauration du pouvoir
impérial qui va remettre en question l'existence même d'un shogun.
Cependant, la pression sur les frontières toujours fermées de l'archipel se fait de plus en plus forte de la part des
puissances occidentales colonialistes. Entre autres, les Britanniques, menaçants champions du Libre Échange,
viennent de s'ouvrir le marché de la Chine avec leurs canonnières suite aux Guerres de l'opium (1839-1842). De
même, les Français s'intéressent aux îles Ryukyu, au sud du Japon, tandis que les Russes convoitent la nordique
Ezo (la future Hokkaido), alors seulement partiellement entrée dans le giron du shogunat.
Fin du shogunat des Tokugawa (Bakumatsu,1853-1867)
Après presque 250 ans de soumission collective, passés à l'écart du reste du monde, le Japon, encore
partiellement plongé dans la féodalité, est brutalement contraint à l'ouverture. Cet évènement se solde par la
capitulation du shogunat (ou bakufu) des TOKUGAWA face aux exigences étrangères. Il va provoquer une
crise de confiance à l'intérieur du pays qui va précipiter la fin du régime, à l'issue d'une période troublée appelée
Bakumatsu (la Fin du bakufu).
En 1853, profitant de la Guerre de Crimée qui occupe Anglais et Français, les Américains, en pleine expansion
dans le Pacifique, obtiennent la déclaustration du Japon. L'officier de marine Matthew PERRY (1794-1858), au
cours d'une promenade militaire dans la baie d'Edo, exhibe quelques navires et leurs canons, dont certains à
vapeur. Le shogun en poste doit s'incliner face à la supériorité technologique des étrangers et décide de traiter
lors du retour des "vaisseaux noirs", en 1854. Des accords commerciaux sont passés avec les États-Unis, leur
ouvrant deux ports : Shimoda (près d'Edo) où vient s'installer bientôt un consul américain, Townsend HARRIS
(1804-1878), et Hakodate (Ezo, aujourd'hui Hokkaido).
Très
rapidement,
d'autres
puissances
occidentales s'engouffrent dans la brèche à la
suite des Américains. Ainsi, outre les
Hollandais déjà présents, Anglais, Russes et
Français se voient reconnaître des conditions
commerciales favorables pour s'établir au
Japon. Certains ports comme Yokohama
(maintenant près de Tokyo) profitent de leur
implantation pour se développer.
Néanmoins, la venue des étrangers divise les
sphères dirigeantes japonaises en deux camps.
Les plus conservateurs et xénophobes
voudraient tout simplement s'en débarrasser.
On trouve parmi eux eux de jeunes samurai
très dynamiques, entraînés physiquement et
bien éduqués, issus des couches les plus basses des guerriers de clans éloignés géographiquement du pouvoir
central du shogun à Edo. C'est particulièrement le cas des hommes des fiefs de Choshu (extrême ouest de
Honshu) et de Satsuma (sud de Kyushu). Ces seigneuries, traditionnellement résistantes au shogunat, se sont
pourtant enrichies, malgré ses interdictions, en continuant à faire du négoce avec la Chine et la Corée. Leurs
samurai se réclament de l'empereur, dont ils veulent faire le défenseur de l'indépendance nationale. Ils se
rapprochent dans ce but des princes de la cour impériale de Kyoto qui sort d'un sommeil de nombreux siècles.
En revanche, les plus pragmatiques, shogun en tête, ont pris le parti de s'accommoder de l'intrusion occidentale,
au moins le temps d'apprendre d'elle comment moderniser le pays et, en premier lieu, son artillerie et sa flotte.
Leur différend va rapidement dégénérer et se régler en batailles rangées au sabre dans les rues. Ainsi, des
éléments conservateurs assassinent le "grand ancien" (tairo) II Naosuke (1815-1860), négociateur des "traités
inégaux", pour eux la personnalité symbolique de la compromission avec les étrangers. Les marines
occidentales se livrent cependant à des démonstrations de force contre les ports de Kagoshima (Satsuma) en
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1862 et Shimonoseki (Choshu) en 1863-1864, suite à des actes d'hostilité des clans locaux. Elles obligent le
shogunat à de nouvelles concessions.
Partisans d'une restauration de l'empereur, clan de Choshu au premier rang, et troupes shogunales comme la
milice nommée shinsen-gumi, s'affrontent au cours de diverses escarmouches. Ils se disputent notamment le
contrôle de Kyoto. Face à la progression des idées prônant le rétablissement du pouvoir impérial et à une
situation de guerre civile latente, le shogunat ne reste pas inactif. Il crée un embryon d'armée moderne équipée
de fusil. Mais les élites de Satsuma et de Choshu font de même, tirant les leçons de leurs affrontements perdus
contre les Occidentaux. Elles mettent une sourdine à leur xénophobie et reçoivent l'appui des Britanniques !
Dans le même temps, l'échec d'opérations militaires dirigées contre ces fiefs récalcitrants de 1864 à 1866
conforte le parti pro-impérial. Le dernier shogun TOKUGAWA, Yoshinobu (1837-1913), gouverne un an avant
de devoir renoncer à un pouvoir qu'il est censé détenir d'une délégation impériale. Le 9 novembre 1867, le
shogunat est supprimé au profit d'une restauration de l'autorité du jeune empereur Mutsuhito (nom posthume :
Meiji, 1852-1912).
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- Histoire du Japon, 8e partie L'Ere Meiji
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 1868 à 1912.
L'Occident pour modèle (1868-1877)
En janvier 1868, à Kyoto, les jeunes samurai des clans favorables à l'empereur proclament sa restauration. Il
s'agit, en particulier, de ceux de Choshu (extrême Ouest de Honshu) et de Satsuma (Sud de Kyushu), qui ont pu
jauger la supériorité technique et militaire des Occidentaux en les combattant en 1862-1864. Aussi, de
conservateurs xénophobes, les membres de leurs élites sont devenus rapidement en partie des progressistes
favorables à une modernisation du Japon, dans le but de rétablir son indépendance nationale. Ces hommes, qui
vont diriger le pays jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, vont en faire un État centralisé et fort,
ouvert sur le monde après plus de deux siècles d'isolationnisme. Dans ce but, l'archipel nippon, comme il s'était
jadis mis à l'école de la Chine, va prendre modèle sur les puissances occidentales pour se rénover et retourner
contre elles leurs propres armes.
Avant cela, les troupes pro-impériales doivent en finir avec la résistance d'une coalition de seigneurs féodaux
(daimyo) du nord de Honshu et une force navale repliée sur Hakodate (aujourd'hui à Hokkaido) restées fidèles
au dernier shogun TOKUGAWA (guerre civile de Boshin, 1868-1869).
Dès avril 1868, le jeune empereur Mutsuhito (18521912) prête cependant un serment en cinq articles,
qui annoncent les changements prévus par le
nouveau régime et l'ouverture officielle du Japon.
Le monarque proclame peu après une nouvelle ère
Meiji (du "Gouvernement éclairé"), qui va
correspondre au temps de son règne, Meiji lui
servant aussi de nom posthume après sa mort. Il
transfère également la capitale impériale de Kyoto à
Edo, prenant alors pour nom Tokyo (Capitale de
l'Est), où l'ancien château shogunal devient sa
résidence.
Les nouveaux dirigeants du Japon se recrutent
parmi les jeunes samurai des fiefs méridionaux
partisans de l'empereur, auxquels sont associés des dignitaires de sa cour, se contentant souvent de postes
honorifiques. Par certains aspects de leur action, ils engagent une véritable révolution tranquille en mettant fin à
certaines structures féodales et archaïsmes persistants. Ils vont chercher, par l'imitation de l'Occident, à placer le
pays sur les rails de la modernité, pour tenter d'en faire une locomotive, au moins en Asie, parmi les puissances
les plus avancées techniquement de la fin du XIXe siècle. Dans le même temps, ils forment une oligarchie qui,
née sous le shogunat des TOKUGAWA, conserve une conception assez retardataire du pouvoir, plus proche de
l'autocratie que des idées démocratiques.
Néanmoins, dès 1869, les daimyo, ceux de Satsuma et de Choshu montrant l'exemple, restituent leurs fiefs à
l'empereur. Ces derniers sont d'ailleurs supprimés en 1871 et refondus en un nombre moins important de
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préfectures (ou départements : ken). Dans le même temps, le shinto
redevient une religion d'État, insistant sur la fidélité au souverain et
refaisant de lui véritablement un dieu pour ses sujets. Même si d'autres
cultes sont également pratiqués, comme le bouddhisme ou le
christianisme redevenu autorisé mais restant très minoritaire.
L'éducation fait l'objet d'une attention spéciale. En 1872, un système
scolaire obligatoire est instauré. Des universités impériales ou privées
commencent à être créées, comme celle de Tokyo, entre 1869 et 1877.
Afin de former les Japonais aux sciences et aux techniques modernes, on
y fait venir des enseignants étrangers, attirés par de fortes rémunérations.
Des missions et des étudiants sont aussi envoyés en Europe et aux ÉtatsUnis pour se former et y copier ce qui se fait de mieux dans les
domaines des technologies, de la politique ou de la justice. Ce
mouvement a même débuté dès la période de la fin du shogunat des
TOKUGAWA. Les missionnaires protestants, entre autres, fondent des
écoles au Japon. Gratuites, elles représentent une charge de moins pour
le gouvernement.
Car le Japon a besoin d'argent pour mener à bien sa rénovation qui
poursuit, avant tout, deux buts primordiaux : industrialiser le pays et
mettre sur pied une armée moderne. Au-delà, il compte bien retrouver une complète indépendance par rapport
aux conditions des "traités inégaux" imposés par les puissances colonialistes occidentales. D'abord, pour mettre
un terme aux privilèges d'extraterritorialité dont bénéficient leurs ressortissants dans l'archipel, et afin de
pouvoir fixer à sa guise ses droits de douane.
Aussi, l'État japonais qui, outre les domaines des daimyo, a récupéré ceux de l'ancien shogunat, s'attelle à des
réformes fiscales et tente de récupérer ses prérogatives dans le domaine du commerce. Il favorise le
développement industriel qui se traduit par le dynamisme de la sériciculture ou des filatures. Il finance la mise
en place d'infrastructures : train, routes, ports, poste, télégraphe, etc. Une première ligne de chemin de fer,
reliant Tokyo à Yokohama, est inaugurée en 1872. Le yen, devise du pays, apparaît en 1871, et un système
bancaire se met en place.
Une armée devenue nationale prend la France
pour modèle, puis l'Allemagne prussienne après
la défaite de 1870. En 1873, la conscription
militaire est établie et ses effectifs, encadrés et
équipés à l'occidentale, sont désormais recrutés
en priorité parmi les paysans, auxquels une
réforme foncière donne au même moment la
propriété de la terre.
Dans le même temps, outre la famille impériale
(kozoku), la société est divisée en trois classes
sociales : noblesse (kazoku, incluant les
daimyo), samurai (shizoku) et roturiers
(heimin). Cependant, les samurai, vestiges de la
féodalité, sont voués à disparaître, bien que les
hommes qui gouvernent le Japon appartiennent à ce groupe. En 1876, le port du sabre leur est dorénavant
interdit et ils ne sont plus pensionnés par l'État. Une faction de mécontents ne veut pas se résoudre à se fondre
dans la masse des roturiers. Elle se soulève à Satsuma, en ralliant la personne du plus prestigieux d'entre eux,
un ancien général ayant combattu pour l'empereur, SAIGO Takamori (1827-1877). Ce dernier se suicide peu
après, constatant que les sabres de l'ancien monde ne peuvent rien contre les fusils de la nouvelle armée...
La modernisation s'accélère (1877-1894)
L'industrialisation rapide du Japon et l'imitation de l'Occident se poursuivent sous la houlette de l'État. Mais,
dans les années 1880-1890, les dépenses occasionnées par les rénovations contraignent le pays à des mesures
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d'austérité. Le ministre des Finances - et futur Premier Ministre - MATSUKATA Masayoshi (1835-1924) réduit
l'inflation, fait remonter la valeur du yen et crée la Banque du Japon.
C'est aussi à ce moment, après une phase de décollage économique initiée par la puissance publique, que
l'industrie, suite à des dénationalisations, se trouve concentrée entre les mains de quelques grands hommes
d'affaires. Ceux-ci, souvent d'anciens samurai, qui perpétuent l'esprit de cette classe dans leurs nouvelles
activités, se révèlent très liés aux gouvernants du pays. Leurs entreprises, familiales à l'origine, forment ainsi
des grands groupes financiers et industriels - ou zaibatstu (littéralement cliques financières) - en situation
d'oligopole sur le marché national. Il s'agit en particulier de trusts comme Sumitomo, Mitsui ou Mistubishi.
Entre 1875 et 1890, un conseil d'"aînés fondateurs"
(genro), nommé par l'empereur, est fondé. Celui-ci
s'inscrit dans la lignée du "conseil des anciens" (roju) de
l'ex-shogunat des TOKUGAWA et préfigure la future
Chambre des Pairs. Il prépare la promulgation d'une
constitution qui s'inspire de ce qui se fait dans les pays
occidentaux, comme l'organisation du gouvernement qui
se met alors en place avec ses cabinets ministériels. Mais
les constituants japonais se méfient cependant des idées
sur la démocratie et sur les libertés personnelles - voire
bientôt parfois socialisantes -, que les Japonais partis en
séjour à l'étranger ramènent avec eux.
En 1889, ils préfèrent faire adopter une constitution plus
proche de celle de l'Allemagne prussienne, qui insiste sur la prépondérance de l'empereur, devant lequel le
gouvernement est responsable. Elle entre en vigueur l'année suivante et prévoit l'instauration d'un Parlement, la
Diète. Celle-ci se compose d'une Chambre des pairs, un sénat regroupant des nobles dont d'anciens daimyo, et
une Chambre des représentants, éligibles au suffrage censitaire par une très faible partie de la population
masculine. Les premières élections de 1890 tournent d'ailleurs en faveur de partis libéraux et progressistes créés
peu auparavant en réaction contre le régime en place. Ils ne l'incitent pourtant qu'à adopter une politique encore
plus autoritaire.
Cependant, la population, éduquée et formée, s'accroît régulièrement et ne trouve plus toujours d'emplois dans
l'industrie. Une partie d'entre elle est contrainte à l'émigration, notamment vers Hawaï, les États-Unis et
l'Australie. Dans le même temps, l'archipel a étendu ses frontières exiguës aux îles Ryukyu (1879), au Sud. Il
poursuit aussi au nord la colonisation d'Ezo (rebaptisée Hokkaido) et des îles Kouriles, au détriment du peuple
autochtone des Ainu.
Outre chez les capitaines d'industrie, l'esprit des samurai survit également au sein de l'armée nationale où les
officiers continuent à porter le sabre. Dès le début des années 1860, les dirigeants de Satsuma, après avoir été
bombardés par les navires des Britanniques, méditent rapidement leur échec et demandent à ceux-ci de les aider
à développer une flotte moderne. Des hommes de ce fief méridional servent bientôt de cadres à la nouvelle
marine japonaise de type occidental qui prend réellement son essor à la fin des années 188O. Le Japon,
dorénavant prêt à entrer dans le concert des puissances coloniales, dispose ainsi d'un outil militaire susceptible
d'appuyer sa volonté d'expansionnisme en Asie et dans le Pacifique.
Une puissance internationale (1894-1912)
Dès le milieu des années 1870, l'archipel renoue avec les appétits de conquête de TOYOTOMI Hideyoshi, trois
siècles plus tôt, visant la Corée. Il inaugure une politique interventionniste à son encontre et commence à s'y
implanter de la même manière que les Occidentaux ont fait intrusion chez lui. Au même moment, une
expédition militaire est également menée contre l'île chinoise de Formose (aujourd'hui Taïwan).
La Chine intervient d'ailleurs aussi dans les affaires de la Corée et ses intérêts y entrent en concurrence avec
ceux du Japon, aboutissant à un conflit sino-japonais (1894-1895). Les Nippons l'emportent facilement sur terre
et sur mer et leur pays démontre qu'il est devenu une puissance en Asie avec laquelle il faudra désormais
compter. À l'issue du traité de Shimonoseki (Japon, 1895), il reçoit une forte indemnité de la Chine et étend sa
domination sur Formose, les îles Pescadores et le Liaodong (Mandchourie, au nord-est de la Corée). Dans cette
péninsule se situe Port-Arthur, base militaire âprement disputée entre les deux camps.
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Toutefois, la Russie intervient, appuyée par l'Allemagne et la France, pour priver le Japon d'une partie de sa
victoire. Le Liaodong et Port-Arthur sont restitués à la Chine et passent peu après dans le giron des Russes
(1898) désireux, comme les Japonais, de contrôler la Mandchourie et la Corée.
Le Japon, qui a gagné du galon dans le concert des grandes nations, participe aux côtés des puissances
occidentales à la répression de la révolte des Boxers en Chine (1900). Mais il reste isolé diplomatiquement
tandis que ses ambitions se heurtent maintenant à celles de l'expansion tsariste. Avant d'en découdre, l'archipel
conclut une alliance avec la Grande-Bretagne (1902), rival de la Russie en Asie. Les Japonais se plaisent
d'ailleurs à établir des rapprochements avec cet autre État insulaire, qui a créé un vaste empire et qui a par le
passé soutenu la restauration du pouvoir de leur monarque.
Le conflit russo-japonais (1904-1905) débute
suite à une initiative nippone, sans déclaration de
guerre. Les combats terrestres et maritimes
principaux ont lieu autour de Port-Arthur,
Moukden (Mandchourie) et près des îles
Tsushima, entre le Japon et la Corée. Certes, la
Russie tsariste est affaiblie par des troubles
révolutionnaires et par les distances maritimes à
parcourir pour les renforts de sa flotte de la
Baltique venus se faire couler par les Japonais au
large de leur archipel.
Mais la victoire nippone est un véritable choc
pour l'Europe et les États-Unis. Le Japon est
désormais devenue la principale nation d'Asie et
le premier pays non occidental à défaire une puissance impérialiste avec un armement moderne. Parmi d'autres,
le journaliste américain Jack LONDON est alors correspondant de guerre en Corée et en Mandchourie.
Socialiste, il est aussi, paradoxalement, persuadé de la supériorité de la "race" anglo-saxonne et un Californien
inquiet de l'ampleur de l'immigration asiatique aux États-Unis. Aussi, il voit dans cette victoire du Japon une
manifestation concrète de ce "Péril jaune" qu'il redoute, comme beaucoup de Blancs de son époque...
Néanmoins, suite au traité de Portsmouth (États-Unis, 1905), la Russie abandonne ses prétentions sur la
Mandchourie, son chemin de fer, et sur la Corée au profit du Japon. Celui-ci y gagne également le Liaodong et
Port-Arthur, ainsi que la partie sud de l'île de Sakhaline. La péninsule coréenne devient un protectorat japonais,
avec pour résident général ITO Hirobumi (1841-1909), inspirateur de la constitution de 1889 et plusieurs fois
Premier ministre. Après son assassinat, la Corée est même annexée (1910).
Dans ses affaires intérieures, le Japon a en outre, entre 1894 et 1911, retrouvé sa complète autonomie par
rapport aux "traités inégaux" contractés avec diverses puissances occidentales. Il est ainsi débarrassé des
privilèges d'extraterritorialité dont jouissaient certains étrangers et peut fixer à nouveau librement ses droits de
douane.
Dans les années 1910-1911, le régime en place continue à gouverner avec poigne. Une police politique est
créée et l'opposition de gauche est mise au pas, notamment suite à la découverte d'un complot, peut-être un
prétexte fabriqué, contre l'empereur. Ce dernier, Mutsuhito (ou Meiji), meurt en 1912. À l'annonce du décès de
son souverain, le général NOGI, héros de la guerre russo-japonaise, se suicide avec son épouse. Ce geste
anachronique de fidélité inspiré par l'ancienne tradition des samurai conforte une montée constante du
nationalisme dans l'archipel.
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- Histoire
du Japon, 9e partie L'Ere Taisho et la 1ère partie de l'Ere Showa
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui : le Japon de 1912 à 1945.
L'ère Taisho (1912-1926)
Après le décès de son père, l'empereur MEIJI, YOSHIHITO règne sur le Japon de 1912 à 1926, période dite de
l'ère Taisho (de "Grande Justice"), appelée ainsi d'après le nom posthume de ce dernier souverain.
Lié à la Grande-Bretagne par un traité depuis 1902, le Japon combat durant la Première Guerre Mondiale aux
côtés des Alliés contre L'Allemagne et ses colonies d'Extrême-Orient, et contre le Pacifique. Sa participation au
conflit lui permet d'établir son hégémonie temporaire sur les Îles Mariannes, Carolines, Marshall et, en Chine,
sur les territoires allemands du Shandong. En outre, le pays du Soleil levant profite du fait que les puissances
occidentales s'entredéchirent au loin pour présenter "21 demandes" à la Chine, qui visent à faire d'elle un
protectorat nippon (1915). L'ancien Empire du Milieu, devenu en 1911 une république, doit partiellement
accepter ses conditions.
En 1918, suite à la révolution bolchevique en Russie, les Japonais participent en force à l'intervention alliée en
Sibérie (Vladivostok) et dans le nord de la Mandchourie, où ils veulent s'implanter durablement.
Le Japon, dans le camp des vainqueurs, participe en 1919-1920 à la Conférence de la Paix à Versailles, et
adhère à la SDN (Société des Nations), instance préfigurant l'ONU (Organisation des Nations Unies), créée à
l'issue de la Première Guerre Mondiale. Il en reçoit un mandat confirmant sa domination sur divers archipels du
Pacifique pris aux Allemands et son contrôle provisoire du Shandong.
Cependant,
la Chine
s'emploie à
contrecarrer les appétits de conquête
nippons, soutenue par les États-Unis. Ces
derniers encouragent aussi de graves
émeutes indépendantistees en Corée,
colonisée par les Japonais, où l'usage du
coréen a même été interdit...
En 1921-1922, est organisée la Conférence
de Washington, qui doit régler ces questions
de contentieux territoriaux. Le Japon est
contraint d'abandonner le Shandong et
d'évacuer ses troupes de Sibérie et de
Mandchourie du Nord. Il voit aussi le
tonnage de sa flotte de guerre limité par
rapport à celui des États-Unis et de la
Grande-Bretagne, une mesure ressentie comme vexatoire. Ce grave échec diplomatique renforce parmi les
militaires et dans le pays un vif sentiment anti-occidental.
En outre, cette conviction des Japonais d'être victimes d'un racisme anti-Jaunes de la part des leurs propres
alliés, en premier lieu anglo-saxons, est entretenue par la question de la forte immigration de leurs compatriotes
aux États-Unis, au Canada ou en Australie. Dans le courant des années 1920, ces pays mettent en place des
quotas d'entrée plus restrictifs, notamment à l'encontre des Asiatiques...
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À l'intérieur du Japon, la période est marquée par le tremblement de terre du 1er septembre 1923, qui ravage
Tokyo et la plaine du Kanto, faisant entre 120 000 et 170 000 morts. La fureur populaire, à la recherche de
responsables, prend pour cible la minorité coréenne (Zainichi). On dénombre ainsi 6 000 victimes de lynchages.
Des militants de gauche périssent également d'exactions policières. La capitale est ensuite reconstruite, dotée
d'infrastructures plus modernes.
Une démocratisation relative de la vie politique se poursuit néanmoins, caractérisée par un régime de partis,
dominé par les libéraux. En 1925, le suffrage universel est adopté pour tout électeur masculin âgé d'au moins 25
ans. Pourtant, la liberté d'opinion reste soumise à la surveillance policière. Un Parti socialiste modéré voit le
jour en 1906, et un Parti communiste est fondé en 1921. Ils sont cependant vite interdits. La démocratisation va
être de plus en plus entravée par une montée du nationalisme extrémiste, qui trouve notamment un écho
favorable dans l'Armée. Ainsi, dès 1921, le Premier ministre HARA Kei est assassiné, annonçant une escalade
du recours à la violence.
Dans le domaine social, malgré certains relents d'hostilité à son endroit, l'habitude de prendre pour modèle
l'Occident, initiée sous l'ère précédente Meiji, se perpétue ; surtout dans les villes, grossies par un fort exode
rural. Ainsi, par exemple, la presse et les habitudes de la culture de masse occidentale s'y développent : cinéma,
dancings, engouement pour le base-ball, sport "national"...
En revanche, les campagnes restent réfractaires
à ces transformations. Elles vont aussi être
durement touchées par les difficultés
économiques que va bientôt connaître l'archipel
nippon, qui vont renforcer ses réflexes
passéistes.
L'empereur YOSHIHITO (ou TAISHO) décède
en 1926. Diminué par une forme de méningite,
il est remplacé dans les faits depuis 1921 par
son fils HIROHITO, devenu régent. Ce dernier
règne alors officiellement, de 1926 à 1989,
durant l'ère SHOWA (nom posthume du
nouveau monarque). Cette période de "Paix
rayonnante" porte un nom paradoxal puisqu'elle
débute par des années de guerre.
La montée du militarisme (1926-1941)
Dès 1927, et avant même la crise de 1929, dont les effets ne l'affectent réellement qu'en 1930 (Crise de Showa),
le Japon est confronté à des problèmes économiques qui touchent d'abord les paysans et les petites entreprises.
La grogne populaire profite à l'ultranationalisme, qui voudrait rejeter le parlementarisme et établir un régime
autoritaire. Celui-ci serait alors susceptible d'appuyer une politique d'expansion territoriale en Asie, réclamée
par les militaires. Selon les tenants d'une telle option, l'établissement d'un grand empire colonial, protégé par
des mesures douanières protectionnistes, rétablirait la santé de l'économie nippone. Il lui offrirait des débouchés
importants et réduirait sa trop grande dépendance par rapport à ses marchés extérieurs.
Ce nationalisme extrémiste et expansionniste trouve ses racines dans la fondation en 1881-1901 - à Kyushu,
partie de l'archipel nippon -, au contact de la Corée et de la Chine, de sociétés patriotiques d'extrême-droite
comme la "Société de l'océan noir" (Genyosha) ou la "Société du Dragon noir" (kokuryukai). Les membres de
ces mouvements veulent créer une "Grande Asie" japonaise s'étendant jusqu'au fleuve Amour, séparant la
Sibérie de la Chine.
Un tel impérialisme nippon, à la fois imitation et réaction contre le colonialisme occidental, séduit les milieux
conservateurs de l'Armée. Il reçoit également le soutien des grandes entreprises, interessées par les profits
économiques à tirer de futures conquêtes, bien que ces zaibatsu concentrent sur elles, à égalité avec les hommes
politiques, le mécontentement populaire engendré par la récession. Le caractère péjoratif de leur nom, signifiant
"cliques financières", date d'ailleurs de cette époque.
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Ainsi, les conditions sont réunies pour que la population accepte la mise en place d'un régime de plus en plus
autoritaire, dont les militaires vont progressivement contrôler la politique extérieure, pour finir par le dominer
complètement.
L'expansion japonaise trouve même son origine dans des initiatives venant de la base de l'Armée, sur le terrain,
plutôt que de ses dirigeants, cependant prêts à assumer les actions de leurs subordonnés. Devant l'escalade
orchestrée par les militaires, les gouvernements successifs et l'empereur du Japon vont laisser faire.
En juin 1928, des membres de l'armée nippone du Guandong (Mandchourie) éliminent le général TCHANG
Tso-lin, faisant sauter son train blindé. Celui-ci, l'un de ces "seigneurs de la guerre" qui se partagent alors la
Chine, gouvernait la Mandchourie. Allié des Japonais, il montrait des velléités d'indépendance...
En septembre 1931, les mêmes cadres de l'armée du Guandong provoquent l'"incident de Mandchourie" qui
permet aux militaires nippons de conquérir cette dernière contre les Chinois. En février 1932 est ainsi créé un
État vassal, le Mandchoukouo, avec à sa tête l'ancien empereur chinois déchu POU YI.
Les militaires ne se contentent pas d'actions terroristes sur les théâtres d'opérations extérieurs. Ils durcissent
également le ton à l'intérieur du pays. En mai 1932, l'assassinat du Premier ministre INUKAI Tsuyoshi annonce
une perte rapide du pouvoir par les civils. Dorénavant, ses successeurs sont majoritairement des militaires
jusqu'à la défaite de 1945. De plus, l'Armée est divisée en différentes factions et de jeunes officiers extrémistes,
issus des campagnes appauvries par la crise économique, tentent un coup d'État en février 1936. Ils manquent
de peu d'abattre le gouvernement et font plusieurs victimes parmi les parlementaires et de hauts gradés. Les
mutins sont condamnés par l'empereur HIROHITO qui nomme cependant après cet incident un nouveau
Premier ministre ultranationaliste : HIROTA Koki (1878-1948). Il s'ensuit un basculement des alliances du
Japon qui a quitté la SDN dès 1933, suite à la création du Mandchoukouo. Le pays du Soleil levant se
rapproche de l'Allemagne nazie (Pacte anti-Komintern contre l'URSS en 1936), puis de l'Italie fasciste, glissant
vers le totalitarisme. Outre le nationalisme, le culte de l'empereur, remis en vigueur depuis l'ère Meiji, connaît
alors son paroxysme.
En juillet 1937 intervient l'"incident du pont Marco Polo", près de Pékin, prétexte à une tentative d'invasion
nippone de la Chine qui débouche sur une nouvelle guerre sino-japonaise. Empereur et gouvernement laissent
encore l'initiative à l'Armée sur le terrain qui progresse
vers Shanghaï, Nankin et les zones côtières chinoises.
Cette dernière se livre à des atrocités et à des massacres
mais ne parvient pas à conquérir l'ensemble de la
Chine.
Dès lors, deux options opposent les militaires japonais à
propos de la poursuite de l'expansion territoriale. La
Marine lorgne sur l'Asie du Sud-Est et, entre autres, sur
le pétrole - qui fait cruellement défaut au Japon - des
Indes néerlandaises (actuelle Indonésie). En revanche,
l'Armée de terre voudrait en découdre avec l'URSS au
Nord. En 1938 et 1939, au cours de deux brèves
périodes d'affrontement sans déclaration de guerre, les
Japonais sont défaits à plate couture par les Soviétiques
sur la frontière mandchoue. Ce qui détermine la direction future de l'impérialisme nippon...
Le Japon dans la Deuxième Guerre mondiale (1941-1945)
Quand débute le Second Conflit mondial, en 1939, le Japon combat donc déjà depuis plusieurs années, même
s'il ne fait son entrée officielle dans cette guerre qu'en décembre 1941. En septembre 1940, il signe le "Pacte
tripartite" avec l'Allemagne et l'Italie. L'armée japonaise profite de la défaite de la France contre les nazis pour
occuper alors partiellement sa colonie d'Indochine, puis entièrement en Juillet 1941. L'expansion nippone en
Asie se heurte cependant à l'opposition des États-Unis qui décrètent un embargo économique et pétrolier contre
le Japon, dont ils sont le principal fournisseur, misant sur sa dépendance énergétique, son talon d'Achille.
Mais un affrontement entre les deux nations se profile, même si les Américains se recroquevillent un temps sur
leur vieux réflexe isolationniste, hésitant à entrer en guerre contre l'Allemagne en Europe et, encore plus, à
ouvrir un deuxième front contre le Japon dans le Pacifique.
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Le Premier ministre japonais, le prince KONOE Fumimaro (1891-1945) échoue dans une négociation de la
dernière chance. Il est remplacé par le général TOJO Hideki (1884-1948), militaire favorable à l'entrée en
conflit avec les Américains.
S'ensuit l'attaque par surprise, sans déclaration de guerre, d'une grande partie de la flotte américaine du
Pacifique dans sa base de Pearl Harbor (Hawaï), le 7 décembre 1941. Les Japonais comptent sur ce coup
terrible pour faire fléchir la détermination des États-Unis à s'engager dans une guerre longue, qu'ils sousestiment. C'est pourtant le contraire qui advient.
Cependant, dans les six premiers mois de la guerre du Pacifique, les militaires nippons conservent l'initiative.
Ils font la conquête de la Malaisie, des colonies britanniques de Hong Kong et Singapour, des Philippines
américaines. Ils s'étendent jusqu'aux Indes néerlandaises et son précieux pétrole, à la Nouvelle-Guinée, aux îles
du nord de l'Australie et de divers archipels du Pacifique à la Birmanie.
Néanmoins, le bombardement de Pearl Harbor a épargné des porte-avions américains dont l'emploi va se
révéler crucial dans les batailles aéronavales de la Mer de Corail (nord de l'Australie) et de Midway (nord-ouest
des îles Hawaï), au printemps 1942. Avec la victoire de Guadalcanal (îles Salomon) s'amorce déjà, début 1943,
la reconquête du Pacifique dirigée par le général Douglas MAC ARTHUR (1880-1964).
Pendant ce temps, le Japon organise ses nouvelles
possessions en une éphémère "Sphère de Coprospérité de la
Grande Asie de l'Est" qu'il dit avoir arrachée au joug
occidental. Mais les populations autochtones, travaillées par
le nationalisme, se rendent bien compte qu'elles sont
incorporées dans un empire colonial auxquel elles résistent.
D'où un enlisement des Japonais dans des combats stériles
en Chine et en Asie du Sud-Est.
Bientôt massivement bombardé par les B-29 américains, le
Japon, qui n'a jamais connu d'invasion au cours de son
histoire, s'engage dans une défense acharnée pour forcer les
États-Unis à négocier. En avril-juin 1945, ceux-ci prennent
Okinawa (Îles Ryukyu), malgré une âpre résistance des
militaires japonais et des suicides collectifs de civils
fanatisés par la propagande, annonciateurs de ce qui pourrait
se passer dans l'archipel nippon. Mais, tandis que
l'Allemagne capitule le 8 mai 1945, les Américains sont
déterminés à ne pas transiger (déclaration de Postdam, juillet
1945).
Une majorité d'historiens occidentaux insistent avec raison
sur le fait que le recours à deux bombes atomiques sur
Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945) , deux villes
japonaises de moyenne importance choisies pour faire une
démonstration de force, a épargné la vie de nombreux
soldats américains en leur évitant de devoir conquérir le
Japon. Dans un deuxième temps, cette manifestation de
puissance des États-Unis sert accessoirement d'avertissement à distance pour son "allié" soviétique. Car, alors
que le conflit n'est pas encore achevé, se profile déjà la guerre froide et l'URSS ne possède pas encore (1949) la
maîtrise de l'arme absolue...
D'autant plus que celle-ci s'engage dans une opportuniste guerre contre le Japon une semaine avant l'armistice
américano-nippon, respectant tardivement un engagement pris par STALINE à la conférence de Yalta (février
1945). De ce bref conflit va naître le contentieux sur les îles Kouriles qui complique jusqu'à nos jours les
relations russo-japonaises.
Néanmoins, le 2 septembre 1945, le général MAC ARTHUR et des plénipotentiaires nippons signent la
capitulation du Japon à bord du cuirassé Missouri. L'empereur HIROHITO semble avoir usé de son influence
pour arrêter le conflit, demandant à son peuple de "supporter l'insupportable". Mais, la question du rôle plus ou
moins actif qu'il aurait joué durant la guerre n'en finit pas de diviser les historiens...
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- Histoire du Japon, 10e partie 2e partie de l'Ere Showa et début de l'Ere Heise
Son insularité confère au Japon une histoire riche et singulière. A
travers cet historique du Japon, décliné en plusieurs tranches
chronologiques, nous vous proposons une plongée dans le coeur
historique et géographique du pays, de sa préhistoire à nos jours.
Aujourd'hui, dernier article de notre série : le Japon de 1945 à nos
jours.
L'occupation américaine (1945-1952)
En 1945, le Japon sort ruiné de la Deuxième Guerre mondiale. La famine menace sa population alors que le
marché noir se généralise. En outre, il a perdu dans la défaite son immense et éphémère empire colonial
asiatique. Il doit donc rapatrier, de 1945 à 1947, plus de 6 millions de ses ressortissants expatriés, charge
supplémentaire pour son économie exsangue. Les Japonais en ont assez du militarisme, du nationalisme et de
leurs ravages. Désormais davantage tournés vers le pacifisme, ils sont prêts à reconstruire le pays dans un esprit
de coopération avec l'occupant américain.
Le général MAC ARTHUR est nommé commandant suprême des forces alliées au japon (en anglais et en
abrégé : SCAP). Il prend la tête d'un organisme du même nom et, devenu une sorte de "shogun" américain,
engage l'archipel nippon sur la voie d'importants changements vers plus de démocratie. Ceux-ci s'effectuent
sous les auspices d'une administration occupante composée en majorité d'officiers américains, travaillant de
concert avec un gouvernement de civils japonais.
Une nouvelle constitution est promulguée en 1947. Elle rétablit un régime des partis. La préséance à la Diète est
accordée à la Chambre des représentants (486 membres, élus pour 4 ans), qui choisit le Premier ministre, par
rapport à une Chambre des conseillers (250 membres, élus pour 6
ans). Cette dernière remplace l'ancienne Chambre des pairs. De plus,
depuis 1946, l'empereur HIROHITO, maintenu dans sa fonction, a
officiellement cessé à se réclamer d'une ascendance divine, et l'article
9 de la Constitution comporte une "renonciation à la guerre" du
peuple japonais.
À cela s'ajoutent la mise en place d'une réforme agraire, ainsi qu'une
refonte du système judiciaire et scolaire, sur le modèle américain.
Parallèlement, une épuration est menée pour écarter les anciennes
sphères dirigeantes militaristes. Le Tribunal de Tokyo, pendant du
Tribual de Nuremberg en Allemagne, siège de 1946 à 1948, faisant
notamment exécuter sept hauts responsables déchus, dont le général
TOJO.
Néanmoins, l'occupant américain évite diplomatiquement à l'empereur
HIROHITO de comparaître ou d'être seulement cité comme témoin
devant cette instance. En outre, la purge atteint ses limites tandis que
le monde se divise en deux blocs, et que se développe un contexte de
guerre froide entre l'URSS et les États-Unis. Ces derniers, dans leur
désir de faire du Japon un allié fiable dans le camp occidental, se
résolvent de plus en plus à ménager les cadres de l'ancien régime ;
d'autant plus que la Chine devient bientôt communiste (1949) et que
se profile la guerre de Corée (1950-1953).
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Dans un premier temps, la démocratisation avait été à l'ordre du jour, le droit de vote étant étendu aux femmes
ou les libertés des syndicats et des partis politiques, y compris le Parti communiste, étant rétablies. Dans un
deuxième temps, le régime d'occupation se fait plus restrictif dans ce
domaine et le redressement économique du Japon devient l'objectif
prioritaire d'Américains soucieux de s'adjoindre un pays capitaliste
ami en Asie. Ainsi, les mesures coercitives d'abord prises contre les
grandes entreprises (zaibatsu) compromises avec les militaristes sont
allégées.
Le traité de San Francisco (8 septembre 1951) met un terme à l'état de
guerre entre les États-Unis et le Japon, qui recouvre officiellement son
indépendance. Il s'accompagne d'un traité de sécurité qui lie les deux
pays en matière de défense, les Américains continuant à occuper
Okinawa et conservant des bases militaires. Quarante-huit autres
nations signent le traité, à l'exception notable de l'URSS. Un accord
particulier intervient entre Chinois et Japonais en 1952. La même
année, le SCAP est dissous et l'occupation américaine prend fin.
Une économie florissante (1952-1973)
Le pays du Soleil levant, à défaut de pleinement se démocratiser,
s'attache à redresser son parc industriel mis à mal par son isolement
international durant les années 1930, puis par les destructions du
Second Conflit mondial. Il bénéficie pour redémarrer de financements
américains, stimulés par la guerre de Corée.
Des années 1950 à nos jours, les efforts des Japonais se portent sur le développement successif de différents
secteurs moteurs pour leur économie : les industries lourdes (métallurgie et chantiers navals) ; les produits
manufacturés de grande consommation (textile, électroménager, photographie et automobile) ; puis les
domaines de pointe (électronique, informatique, robotique, biotechnologies et multimédia). Outre un marché
intérieur important sur lequel il peut s'appuyer, le Japon en reconstruction mise sur ses exportations pour
s'enrichir. Ainsi, il parvient à écouler ses productions dans de nombreux pays d'Asie malgré le souvenir
défavorable lié à l'occupation de certains d'entre eux par l'ex-armée impériale. En outre, son commerce
extérieur conquiert de nouveaux marchés plus lointains, aux États-Unis et en Europe.
Divers facteurs favorables accompagnent ce renouveau industriel. Le handicap constitué par la dépendance en
énergie et en matières premières de l'archipel nippon est réduit par la baisse du coût des transports
d'hydrocarbures. Mais, surtout, celui-ci peut compter sur une main-d'oeuvre nombreuse, bien formée et se
contentant de bas salaires. Un patronat paternaliste, évitant l'affrontement avec des syndicats coopératifs, assure
la sécurité de l'emploi et un avancement à l'ancienneté.
Des années 1960 aux années 1980, le Japon poursuit sa croissance économique florissante. Habile à capter les
savoir-faire étrangers, après avoir inondé ses marchés extérieurs de produits imités de ses concurrents
occidentaux, il surclasse désormais ces derniers par la qualité de ses productions.
Dans ce domaine, un rôle primordial est joué par le
MITI (Ministry of International Trade and Industry).
Ce super Ministère de l'Industrie et du Commerce
extérieur diffuse dans le pays de l'information
économique et technologique recueillie partout dans
le monde. De plus, par son intermédiaire, l'État
japonais intervient fortement, d'une manière
inhabituelle pour un pays capitaliste, aux côtés de ses
entreprises. Un tel dirigisme implique que toute
société s'adresse au MITI avant d'exporter une
marchandise. En outre, pour gagner des marchés à
l'extérieur, les Japonais n'hésitent pas à recourir à des
méthodes commerciales agressives, comme la vente à
prix trop bas dans un premier temps pour tuer la concurrence (dumping). À l'inverse, pour protéger son marché
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intérieur, le MITI utilise des formes détournées de protectionnisme en édictant des réglements fastidieux et
restrictifs limitant l'importation de produits étrangers...
Dans les années 1960, le PNB (Produit National Brut) du pays augmente de 10 % par an. En 1964 est inaugurée
la ligne du Shinkansen (TGV japonais) entre Osaka et Tokyo et la capitale organise les Jeux olympiques d'été,
deux symboles forts de la prospérité retrouvée. En 1968, le Japon devient, devant la République fédérale
d'Allemagne, la troisième puissance économique mondiale, derrière les États-Unis et l'URSS.
Si l'article 9 de sa nouvelle constitution l'interdit de guerre en dehors de ses frontières, il se dote pourtant d'une
armée professionnelle, appelée pudiquement forces d'autodéfense. Ces dernières répondent notamment au
besoin de faire face à la menace de la Corée du Nord et aux exigences de l'alliance militaire avec les États-Unis.
Leur budget reste longtemps inférieur à 1 % du PNB, mais leurs effectifs passent de 75 OOO à près de 240 000
hommes de 1950 à la fin du siècle.
Depuis 1955 jusqu'en 1993, la vie politique japonaise est dominée par le Parti libéral-démocrate (PLD ou JiyuMinshuto), conservateur. Cette longue période au pouvoir va être cependant marquée par sa division en factions
rivales et de la corruption (scandales Lockheed en 1976 ou Recruit en 1988).
Les reconductions du traité de sécurité militaire avec les États-Unis (1960 et 1970) entraînent de grandes
manifestations. Le débat suscité par l'alliance avec les Américains agite les tenants d'un retour du nationalisme
nippon et, à l'opposé, la Gauche et l'Extrême-Gauche qui se fourvoie parfois dans le terrorisme (Faction armée
rouge). En 1972, Okinawa est restituée au Japon mais la question de l'évacuation des bases américaines des îles
Ryukyu reste aujourd'hui d'actualité.
La même année, à l'imitation des Américains, le Japon esquisse un rapprochement avec la Chine dont il espère
des retombées économiques. Un traité est signé en 1978. Au milieu des années 1970, les suites judiciaires de la
contamination au mercure de la population de Minamata (Kyushu), remontant à 1956, interpellent l'opinion
publique japonaises sur les risques de pollution, revers d'une industrialisation à outrance non maîtrisée.
Poursuite de la croissance et crises (de 1973 à nos jours)
Malgré son problème de dépendance énergétique et la très forte augmentation du prix du baril de pétrole, le
Japon résiste bien aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Il connaît encore une croissance soutenue dans les
années 1970 et 1980, en continuant de miser sur ses exportations. Certes, le chomâge fait son apparition, mais
demeure plus faible que dans un Occident qui lui envie sa situation.
Il réussit également le redéploiement de son économie et son
adaptation à la mondialisation en marche en faisant porter son effort
sur les industries à haute valeur ajoutée et en délocalisant ses usines
dans les pays de sa périphérie asiatique.
États-Unis et Europe prennent d'ailleurs des mesures douanières pour
se protéger de ses exportations massives, entre autres d'automobiles.
Les Occidentaux s'inquiètent aussi de l'importance des investissements
nippons sur leur sol tandis que que la valeur du yen s'accroît, en faisant
une devise forte (1985).
Les années 1986 à 1989 se caractérisent par l'envolée de la spéculation
à la bourse de Tokyo et la flambée des prix de l'immobilier.
En matière de politique, NAKASONE Yasuhiro (né en 1918), Premier
ministre de 1982 à 1987, motivé par une politique agressive de l'URSS
(Afghanistan), ravive les relations avec les États-Unis. Il parle d'une
"communauté de destin" entre les deux pays ; notion vite devenue
obsolète avec la fin de la guerre froide (perestroïka). La période est
cependant marquée par son néonationalisme. Il instaure la pratique
décriée, reprise par plusieurs de ses successeurs jusqu'à nos jours, de la
visite annuelle au sanctuaire shintoïste de Yasukuni (Tokyo), en
hommage aux soldats morts de l'ex-armée impériale.
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Personnage au centre du contentieux polémique lié au passé militariste du Japon, l'empereur HIROHITO (ou
SHOWA) meurt en 1989, après 62 ans de règne. Son fils AKIHITO (né en 1933) prend sa succession. Ainsi
débute l'ère Heisei ("Paix et Accomplissement").
Après avoir connu un sommet dans ses activités économiques autour de 1989, le Japon doit faire face au début
des années 1990 à un renversement de la tendance boursière après l'emballement de la période faste 1986-1989.
La bourse de Tokyo s'effondre. L'éclatement la "bulle" spéculative et foncière entraîne la faillite de nombreuses
entreprises, banques, promoteurs et mine la confiance des ménages qui freinent leur consommation (crise de
Heisei). Ce contexte morose est entretenu par les bouleversements internationaux survenus à la charnière des
années 1989-1991 : écrasement du "printemps de Pékin", fin du bloc communiste et première guerre du Golfe.
En 1994, le Japon connaît un chômage réel de 5 à 6 % et multiplie les plans de relance. Il n'est plus le principal
créancier du monde. Les choses empirent en 1997. Les effets de la crise asiatique semblent sonner le glas du
système japonais de l'emploi garanti à vie et renforcer les troubles psychologiques d'une population partagée
entre modernité et tradition, qui se prend à douter. Mais la deuxième puissance économique mondiale reste
riche et dispose de nombreux atouts pour rebondir.
Dans cette société postindustrielle, de surconsommation et de surinformation, l'esprit de groupe fait place à
l'individualisme et certains trouvent de nouvelles certitudes auprès des 180 000 sectes qui prospèrent dans le
pays. L'une d'elles, la secte Aum, organise un spectaculaire attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en
1995 (12 morts et 5 000 intoxiqués). Au début de la même année, un grave
séisme avait déjà détruit en partie Kobe (près de 6 500 morts et 500 000
sinistrés).
Dans le domaine politique, le presque inamovible Parti libéral-démocrate,
discrédité par des scandales, doit faire face au désintérêt et à
l'abstentionnisme croissant des électeurs. Il cède brièvement le pouvoir en
1993, avant de revenir aux affaires en 1996. Ces dernières années sont
marquées par la participation au gouvernement du Komeito, parti
bouddhiste fondé en 1964, lié à la puissante et inquiétante secte Soka
Gakkai.
Sur le plan international, en dépit de sa défaite durant la Deuxième Guerre
mondiale, le Japon aspire aujourd'hui à jouer un rôle politique en rapport
avec sa puissance économique. Membre de l'ONU depuis 1956, il
ambitionne d'occuper un siège de membre permanent du Conseil de
Sécurité de cette organisation. Dans ce but, il a montré sa bonne volonté en
participant au financement de la première guerre du Golfe ou en envoyant
des soldats participer à des opérations de paix hors de ses frontières sous
l'égide de l'ONU dans les années 1990. Pour cela, il a dû passer outre le
caractère exclusivement défensif de ses forces d'autodéfense, suscitant les réactions des tenants du pacifisme
ou, au contraire, des partisans d'une révision de l'article 9 de la Constitution. Le débat sur cette question reste
vif en 2003 tandis que les Japonais se demandent s'il vont envoyer un contingent militaire participer à
l'occupation de l'Irak à l'issue de la deuxième Guerre du Golfe. Cependant, si le Japon a déjà conquis une
position internationale éminente, il le doit d'abord à ses prouesses économiques. Pour tenir réellement sa place
dans le concert des nations, il ne pourra pas faire plus longtemps l'économie de tordre le cou à certains de ses
vieux démons : révisionnisme concernant son passé militariste, lourd contentieux avec les pays asiatiques
dominés durant la Deuxième Guerre mondiale, recrudescence du nationalisme, maintien tenace d'un certain
anti-américanisme, etc.
Néanmoins, le pays du Soleil levant brille aussi dans le monde grâce à sa culture. Outre le japonisme de la fin
du XIXe siècle, ses arts traditionnels recommencent ainsi à fasciner l'Occident notamment après l'attribution du
Lion d'Or du Festival de Venise au film Rashomon de KUROSAWA Akira en 1951. Mais, aujourd'hui, se sont
des domaines artistiques réputés à tort plus mineurs qui font énormément pour la renommée internationale du
Japon, comme les manga et les anime...
Dossier fait par Florian RUBIS et reconstitué sur http://www.animeland.com
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