A LA UNE
4INFORMATION JUIVE Octobre 2007
Information juive : Comment analysez-
vous la question de la " bombe "iranienne ?
Jacques Attali : Pour moi, la situation
ressemble assez fortement à ce qu'elle fut
dans l'Europe d'avant Munich. Il arrive
un moment où il devient très important
de mettre en garde et de prendre les
mesures nécessaires pour que la
prolifération de l'arme atomique soit
impossible.
Pour l'instant, il nous faut simplement
réaffirmer de façon extrêmement formelle
que l'on ne peut pas admettre la violation
du traité de non-prolifération, qu'on doit
mettre en place toutes les conditions de
sanctions nécessaires. Celles-ci ont
fonctionné avec l'Afrique du sud , avec le
Brésil qui étaient à l'époque, je le rappelle,
des dictatures. J'ajoute qu'elles semblent
pouvoir fonctionner (même si ce n'est pas
certain) avec la Corée du Nord. Cela
rester la règle de droit.
Parler de " guerre " me paraît excessif.
Quand personnellement j'évoque
Munich, cela dit bien ce que je veux dire.
L'erreur de Munich a été en fait l'erreur
de 36 puisque c'est alors qu'a commencé
la lâcheté européenne.
I.J : La position de la France, dans ce
dossier, telle qu'elle a été exprimée il y a
quelques jours par le président Sarkozy, vous
paraît-elle judicieuse ?
J.A : C'est, en effet, une position qui me
paraît tout à fait raisonnable, si on
n'emploie pas le mot " guerre ".
I.J : Quelle doit être, selon vous, la réaction
d'Israël dans les circonstances actuelles ?
J.A : Israël est à l'évidence en première
ligne. Je n'aimerais pas que l'occident
considère l'Etat d'Israël, peuple veilleur
par son histoire, non pas aux avant-postes
mais comme l'avant-garde dans la
bataille. Faire d'Israël l'armée de l'occident
par procuration ou bien encore on ne sait
quel mercenaire de la démocratie
constituerait à mes yeux une faute
gravissime.
Il convient d'éviter, à la fois du point de
vue israélien et du point de vue
occidental, de considérer l'Etat d'Israël
comme une force supplétive. S'il y a une
réponse collective à faire, elle doit être
administrée par l'occident ou plus
exactement par les démocraties.
Le moment est venu, à l'occasion de
cette crise, de repenser l'ordre
international et de dire, par exemple, que
l'Otan n'a plus de raison d'être. On n'a
plus besoin de cette organisation puisque
nous n'avons plus d'Union Soviétique en
face de nous. En revanche, nous avons
besoin d'une alliance planétaire des
démocraties au sein de laquelle nous
aurions les pays membres de l'Otan ( ce
qui justifierait du même coup le retour de
la France à une force intégrée ). Ce serait
alors une force intégrée des démocraties.
On y trouverait à la fois les grandes
“Pour une alliance
des démocraties”
UN ENTRETIEN AVEC JACQUES ATTALI
démocraties des pays du sud - le Brésil,
l'Argentine, l'Afrique du Sud - mais
également certains pays africains et le
Japon, l'Indonésie sans oublier l'Inde
évidemment. Ces démocraties auraient
vocation à se battre contre l'ennemi mortel
de tous c'est-à-dire la dictature. Dans cette
alliance, Israël a le plus naturellement du
monde sa place.
L'armée intégrée de ces démocraties (
c'est la proposition que j'ai faite dans mon
dernier livre ) devrait constituer l'arme
de combat militaire ultime , une arme de
dissuasion, face à tous ceux qui
voudraient mettre en cause la démocratie.
I.J : Certains prétendent que le président
Bush est en train de préparer les esprits à une
guerre contre l'Iran. Qu'en pensez-vous ?
J.A : Il me semble qu'il est très difficile
pour un président américain de laisser
un bourbier pareil à son successeur. Je
suis tout de même frappé de ce que
l'erreur qu'a été l'entrée des Américains
en Irak a créé les conditions d'un désordre
général dans la région. D'une certaine
façon l'Iran est aujourd'hui l'allié des
Etats-Unis contre la désagrégation de
l'Irak. Il faut sans doute se préparer à un
important changement dans la région qui
est semblable à celui qu'on a vécu en
Jacques Attali
Faire d'Israël l'armée de l'occident par procuration
ou bien encore on ne sait quel mercenaire
de la démocratie constituerait à mes yeux
une faute gravissime.
Ancien conseiller spécial du président François Mitterrand, ancien
président de la Berd , essayiste et écrivain, Jacques Attali est
aujourd'hui président de la Commission pour la libération de la
croissance française. Il a bien voulu recevoir Information juive.