SOM1MT05 Université d’Orléans
Analyse Fonctionnelle 2014-2015
Cours, Chapitre n±2
Luc Hillairet.
1 Espaces d’applications linéaires
1.1 Continuité des applications linéaires, norme subordonnée
Soient Eet Fdes espaces vectoriels normés. En tant qu’espaces métriques, on sait définir la
notion d’application continue de Evers Fainsi que la notion d’application lipschitzienne.
Dans le cas des applications linéaires, on a des critères spécifiques, qui sont rappelés dans le
théorème suivant.
Théorème 1. Soit (E,k·k
E)et (F,k·k
F)deux espaces vectoriels normés et u une application linéaire
de E dans F.Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Il existe une constante C telle que
8x2E,ku(x)kFCkxkE.
2. L’application linéaire u est lipschitzienne sur E.
3. L’application linéaire u est continue sur E.
4. L’application linéaire u est continue en 0.
L’hypothèse de linéarité de uest essentielle.
Démonstration. 1)2 En effet en appliquant l’inégalité à x°yet en utilisant la linéarité on obtient
le caractère Lipschitz.
2)3)4 est standard.
4)1 Puisque uest continue en 0 on a
8">0, 9¥>0|8x2B(0,¥), u(x)2B(0,").
Fixons "=1 et choissisons ¥1fourni par cette propriété. Pour tout xnon nul, ¥1
2kxkE·x2B(0,¥1), et
donc, par la propriété de continuité
uµ¥1
2kxkE
·x
F
1.
Par linéarité, on en déduit
ku(x)kF2
¥1
·kxkE.
Comme cette inégalité est évidemment vraie pour x=0, on en déduit 1.
1
Notons qu’une application linéaire n’est pas nécessairement continue. D’après le premier point,
pour montrer qu’une application linéaire n’est pas continue, il suffit d’exhiber une suite (xn)n0et
un ±>0 tels que (kxnkE)n0tend vers 0 et 8n,ku(xn)kF±.
Corollaire 1. Les normes sur E et F ayant été fixées, on note L(E,F)l’ensemble des applications
linéaires continues de E vers F.Pour u 2L(E,F), on a alors la propriété suivante :
supΩku(x)kF
kxkE
,x2E,x6=0æ<+1.
Démonstration. La propriété 1 de la continuité dit que l’ensemble considéré est borné par C. Son
sup existe donc et est fini.
Pour u2L(E,F) on peut donc définir
ÅuÅ:=supΩku(x)kF
kxkE
,x2E,x6=0æ<+1.
Observons tout d’abord que par définition, on aura, dès que uest linéaire continue
ku(x)kF∑ÅuÅ·kxkE. (1)
On utilisera souvent l’implication suivante suivante qui résulte de la définition du sup.
Lorsque uest linéaire, si on trouve une constante Mtelle que
8x2E,ku(x)kFMkxkE, (2)
alors on peut en déduire que uest continue et que
ÅuÅ∑M.
On peut aussi définir ÅuÅcomme un infimum :
ÅuÅ=inf{M|(2) est vraie}.
Proposition 1. L’application L(E,F)![0,1)qui à u associe ÅuÅest une norme. On l’appelle
norme subordonnée aux normes k·k
Eet k·k
F.
Démonstration. La preuve consiste à faire des aller-retours entre les estimations (1) et (2)
La positivité est claire.
Séparation. Supposons ÅuÅ=0 alors, pour tout xnon-nul, on a
ku(x)kF
kxkE
0.
Donc u(x)=0etuest bien l’application linéaire nulle.
Homogénéité. Par définition, ·uest l’application linéaire définie par x7! ·u(x). En utili-
sant (1) on a alors pour tout x2E,
k(·u)(x)kF=||ku(x)kF||ÅuÅkxkE.
Ce qui donne en utilisant (2)
Å·uÅ∑||ÅuÅ.
2
Cette inégalité est vraie pour toute application linéaire uet tout de sorte qu’on peut rem-
placer upar uet par 1
pour trouver
ÅuÅ∑|
1
|Å·uÅ.
On en déduit l’homogénéité.
Pour l’inégalité triangulaire, on rappelle que la somme de deux applications linéaires conti-
nues uet vest définie par (u+v)(x)=u(x)+v(x). Ainsi, en utilisant (1) on trouve
k(u+v)(x)kF∑ku(x)kF+kv(x)kF(ÅuÅ+ÅvÅ)·kxkE.
En utilisant maintenant (2) on en déduit que u+vest continue et
Åu+vÅ∑ÅuÅ+ÅvÅ.
Ce qui termine la preuve.
Comme d’habitude, la continuité d’une application linéaire dépend a priori des normes utili-
sées au départ et à l’arrivée. On peut toutefois changer une norme pour une norme équivalente
sans changer la continuité.
Bien sûr, il existe a priori des applications linéaires qui ne sont pas continues sauf quand l’es-
pace de départ est de dimension finie.
Proposition 2. Soit E un espace vectoriel normé de dimension finie et (F,k·k
F)un espace vectoriel
normé de dimension quelconque alors toute application linéaire de E dans F est continue.
On ne précise pas la norme utilisée sur Ecar elles sont toutes équivalentes. La norme utilisée
sur Fimporte a priori mais le résultat de la proposition est indépendant du choix initial.
Démonstration. On fixe une base E:=(e1,...,en) de E. Soit uune application linéaire, pour tout x
on a
u(x)=u(
n
X
i=1
xiei)=
n
X
i=1
xiu(ei).
Ainsi, si on pose C=max{ku(ei)kF,i=1...n} on obtient grâce à l’inégalité triangulaire :
ku(x)kFCmax{|xi|,i=1, ..., n}Ckxk1.
Ce qui donne la continuité de u.
Si l’espace d’arrivée est de dimension finie, on ne peut rien dire a priori.
Exemple : Soit E=C0([°1,1],R) et §:E!Rla forme linéaire définie par §(f)=f(0). On munit R
de la norme de la valeur absolue. Etudions la continuité de §.
Premier cas : on munit Ede la norme de la convergence uniforme :
kfk1=sup{|f(x)|,x2[°1,1]}.
Dans ce cas, on a évidemment
|§(f)|∑kfk1.
3
Ce qui prouve que §est continue et que ŧÅ∑1. Pour montrer que ŧÅ=1 il suffit de trouver une
fonction continue telle que sup|f|est atteint en 0 (par exemple la fonction cos).
Deuxième cas : on munit Ede la norme L1:
kfk1:=Z1
°1
|f(x)|dx.
La question est de savoir si la valeur en 0 d’une fonction continue est controlée par sa norme L1.
La réponse est non : il suffit de construire une suite de fonctions telle que la norme L1tend vers 0
mais qui vaut tout le temps 1 en 0. Par exemple la suite (fn)n1où chaque fnest définie par
fn(x):=(1 °n|x|)1[°1
n,1
n](x).
(On pensera à vérifier que ce sont bien des éléments de E.)
Remarque : De façon peut-être surprenante, il n’est pas besoin de chercher des applications li-
néaires très compliquées pour mettre en défaut la continuité. Ainsi l’application linéaire id n’est
pas toujours continue. Plus précisément, soit Eun espace vectoriel sur lequel on peut mettre deux
normes N1et N2. Dire que id est continue de (E,N1) vers (E,N2) équivaut à dire qu’il existe une
constante Ctelle que
8x2E,N2(x)CN1(x).
Ainsi id est continue de (E,N1) vers (E,N2) si et seulement si N1contrôle N2.
1.1.1 Norme et composition
On considère trois espaces vectoriels normés (E,k·kE), (F,k·kF), et (G,k·k
G), uune application
linéaire continue de Evers F,etvune application linéaire continue de Fvers G. Par composition
des applications continues, on sait déjà que v±uva être continue. Ce fait est précisé par l’estima-
tion suivante
Åv±uÅ∑ÅvÅ·ÅuÅ.
On prendra garde que l’écriture Å·Ådésigne ici trois choses différentes (mais on ne garde pas la
références aux normes initiales pour ne pas surcharger les notations).
Pour montrer cette égalité, on utilise de nouveau (1) et (2). En utilisant (1) pour vpuis uon
obtient, pour tout xdans E,
kv±u(x)kG∑ÅvÅ·ku(x)kF∑ÅvÅ·ÅuÅ·kxkE,
En utilisant (2) on obtient l’inégalité affirmée.
Dans le cas des endomorphismes continus de (E,k·k
E) dans lui-même on obtient le résultat
suivant, en notant unle composé de unfois avec lui-même.
Lemme 1. Soit (E,k·k
E)un espace vectoriel normé et u un endomorphisme continu.
8n1, ÅunÅ∑ÅuÅn
4
1.1.2 Complétude
On montre le théorème suivant.
Théorème 2. Soit (E,k·kE)et (F,k·kF)deux espaces vectoriels normés. On munit L(E,F)de la norme
subordonnée Å·Å.Si(F,k·k
F)est complet, alors (L(E,F),Å·Å
)est aussi complet.
Autrement, l’espace des applications linéaires continues à valeurs dans un Banach est un Ba-
nach.
Démonstration. Soit (un)n0une suite de Cauchy de L(E,F). Pour tout x2E, on a
kup(x)°uq(x)kF∑Åup°uqÅ·kxkE. (3)
On en déduit donc que la suite (un(x))n0est de Cauchy dans Fet donc elle converge vers un
élément que l’on note v(x). Il reste à montrer que l’application vainsi définie est linéaire, continue
et que Åun°vÅtend vers 0. Par linéarité de la limite, il est clair que vva être linéaire. La continuité
s’obtient en passant à la limite dans (3) : on écrit (critère de Cauchy pour "=1 et définition de la
norme subordonnée) qu’il existe n1tel que
8p,qn1,8x2E,kup(x)°uq(x)kF∑kxkE.
On utilise cette inégalité pour p=n1et on fait tendre qvers l’infini, on en déduit
8x2E,kv(x)kF(Åun1Å+1) ·kxk.
Le même argument donne que pour tout ", il existe ntel que
8pn,8x2E,kup(x)°v(x)kF"kxkE.
Ce qui dit exactement Åup°vÅ∑"dès que pnet finit donc la preuve.
On retient les cas particuliers suivants.
Exemples :
1. Soit (E,k·k) un espace vectoriel normé. L’espace des formes linéaires continues sur Eest
un Banach pour la norme subordonnée. On le note E§et on rappelle
8§2E§,k§kE§=supΩ|§(x)|
kxkE
,x2E,x6=0æ.
2. Soit (E,k·k
E) un espace de Banach, l’espace des endomorphismes continus de Eest un
espace de Banach que l’on note soit End(E) soit L(E,E).
2 Applications multilinéaires
2.1 Produits d’espaces normés
Soient (Ei,k·k
Ei), i=1...nune collection finie d’espaces normés. On rappelle que le produit
cartésien E:=E1£E2£···£Enest l’ensemble des n°uplets x=(x1,...,xn) et est muni naturelle-
ment d’une structure d’espace vectoriel.
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