d’exclusion ou exclus est-il en capacité de se mettre en projet, de prétendre à
l’autonomie ?
Comment envisager de se projeter quand le principal enjeu est de chercher à
assurer le quotidien ? A ce sujet, Boutinet (2002, p. 245) nous dit que chez
des personnes en situation difficile, l’injonction au projet a accentué les
formes de dépendance, en faisant achopper des illusions d’autonomie face à
des contraintes insupportables, celles de la déqualification, celles de la
flexibilité, celles d’un marché du travail très capricieux.
Ainsi, dans cette même société où dominent les injonctions au projet et à
l’autonomie, le taux de chômage, la précarité de l’emploi et les difficultés
d’insertion progressent. De fait, il se dessine une réalité angoissante sinon
désespérante, tant l’incertitude est grande, les voies diverses et
contradictoires, le discernement difficile. On est dans une ambiance
d’insécurité, de doute, d’absence d’horizon ; on a du mal à s’assurer de ce qui
est crédible ou non, de ce qui est normal (Le Bouëdec, 2002, p 15).
Face à des parcours professionnels comme personnels jamais assurés,
jalonnés de crises et de transitions incertaines, face à une recherche de sens
toujours plus difficile parce que singulière, surgissent le besoin et l’offre
d’accompagnement. « A la fois expression d’un mal de vivre dans nos
environnements post-modernes et révélateur d’un déplacement
anthropologique dans nos constructions culturelles, tel semble être le paysage
dominant qui entoure l’accompagnement et ses pratiques » (Boutinet, 2002, p
241). S’il nous parait dès lors avéré que l’accompagnement émerge en
réponse au risque de désadaptation sociale « d’un public dit “en difficulté”
mais soumis à une injonction d’autonomie » (Paul, 2007, p 253), ce terme
reste à cette étape de notre recherche un « mot valise », une étiquette verbale
dont le sens échappe. Puisque « sans travail sur les mots, on ne peut pas faire
de recherche » (Vial, 2007, p.2), nous proposons une première tentative de
clarification qui prendra appui sur une analyse sémantique.
1.2. Eclairage sémantique du mot « accompagner ».
Le mot « accompagner » est un parasynthétique, il est composé d’un radical,
d’un préfixe et d’un suffixe. Le suffixe « er » désigne l’action de. Le radical
est lui-même un composé de « com/co » et « pain ». Accompagner est donc
de la famille de « co-pain » : partager le pain, être copain. Dans cette famille,
sont d’usage courant les mots « compagnon » et « compagnie » qui expriment
l’idée de partage, partage du plaisir de voyager, pour le compagnon de
voyage, partage des épreuves de la guerre, pour le compagnon d’armes,
partage de la vie de l’autre, pour la dame de compagnie. Pour ce qui est du
préfixe « ac », il exprime le fait de devenir, d’aller vers, il exprime un
processus.
L’accompagnement est le processus pendant lequel deux personnes,
partenaires temporairement, deviennent compagnons. Elles ne sont pas
compagnons d’emblée, sinon on aurait le verbe « compagner ». Le préfixe
« ac » dit que c’est le fait d’être ensemble à ce moment là qui fait qu’au bout
du compte, ils seront compagnons. Autrement dit, on est compagnon quand
on se quitte dans l’accompagnement, pas quand on démarre […]