Economie industrielle Master Théorie et Pratique de l’Innovation Année 2007-2008 Economie industrielle Yann Ménière (CERNA, Mines Paris Tech) Gildas de Muizon (Directeur de Microeconomix) Economie Industrielle 7 séances Assurées par : Yann Ménière (chercheur à l’école des Mines et à l’Université de Louvain) Gildas de Muizon (consultant, directeur du cabinet Microeconomix) Comprendre le fonctionnement d’une industrie: structures de marché et jeux concurrentiels Théorie microéconomique + cas pratiques Examen écrit de 3 heures Plan général du cours 1. Introduction générale : concurrence et organisation industrielle 2. Prix et produits : différentiation et discrimination 3. Droit de la concurrence : abus de position dominante 4. Ententes et contrôle des concentrations 5. Coopération en R&D 6. Introduction au droit de la concurrence 7. Régulation dans les télécommunications Plan de la séance 1 Structure de marché Rappel sur la concurrence pure et parfaite Monopole (de fait et naturel) Oligopole (concurrence en prix/quantités ; pouvoir de marché ; contraintes de capacité ; barrières à l’entrée) « Faire ou faire-faire » : relations verticales Coûts de transaction et frontières de la firme (actifs spécifiques et relations de sous-traitance) Doubles marges et intégration verticale Structure de marché La demande: Approche simple: la quantité demandée dépend du prix: Q=D(p) Ou, ce qui est équivalent: p=d(Q) Cas des “commodités” (matières premières notamment) p=d(Q) p Q* Q L’offre: Coût de production standard (pour une firme): Coût total: CT(Q)=CF+CV(Q) Coût marginal (croissant): Cm(Q)=CT’=CV’ Coût moyen : CM(Q)= CT(Q)/Q p Cm(Q) CM(Q) CF Q La concurrence pure et parfaite Les firmes sont « preneuses de prix » Cm(q) p p q*(p) Q Pour maximiser son profit, chaque firme produit jusqu’à égaliser son coût marginal au prix : Max [ p.q - CT(q) ] => p = Cm(q*) La courbe de coût marginal la fonction d’offre de la firme. La courbe d’offre est croissante avec le prix La concurrence pure et parfaite (2) Les firmes sont « preneuses de prix » Cm(q) p CM(q) CM(q*) q* Le profit est égal à : q*.CM(q*) > 0 Q La concurrence pure et parfaite (3) Atomicité + homogénéité + libre entrée Cm(q) p CM(q) p’ q*(p’) q*(p) Q Comme les profits sont positifs, il est rentable pour des firmes identiques d’entrer à leur tour sur le marché. L’entrée de nouvelles firmes fait baisser le prix de marché jusqu’à ce que le prix soit égal au minimum du coût moyen (profit nul). L’économie industrielle étudie la concurrence imparfaite La Concurrence Pure et Parfaite rend bien compte du mécanisme fondamental de la concurrence, qui conduit dans ce cas à l’optimum social. Mais elle ne fonctionne réellement qu’à certaines conditions : Les fonctions de coût sont normales (coût marginal croissant) Or, monopoles naturels, industries de réseaux (chemin de fer, distribution de l’électricité) les firmes sont « preneuses de prix » Or, les firmes peuvent souvent exercer un contrôle réel sur les prix (cas extrême du monopole) Les produits sont homogènes Or, les produits sont souvent différenciés (différentiation pas la marque, la qualité, la localisation géographique) Les firmes sont nombreuses et identiques Or, il existe des oligopoles (la téléphonie mobile (3 opérateurs), pays producteurs de pétrole, Airbus et Boeing) Les firmes peuvent entrer librement Or, il peut exister des barrières à l’entrée (brevets, « sunk costs », publicité, normes nationales) Origines du monopole Monopole naturel Coût moyen de production décroissant Il est socialement bénéfique qu’une seule entreprise produise le bien Mais il n’est pas socialement bénéfique de la laisser fixer son prix… Exemples : installation portuaire, station d’épuration, transport de l’électricité, téléphonie fixe, réseau ferré, salle de cinéma unique dans une petite ville Monopole de fait Monopole juridique: temporaire (brevet) ou légal (tiercé…) Position de monopole acquise (et si éventuellement maintenue) au mérite: innovation drastique (Microsoft?), création d’un nouveau marché (ouverture d’un cinéma dans une petite ville) Comportement du monopole Le monopole est confronté seul à l’ensemble des demandes individuelles La demande qui s’adresse à lui se confond avec la demande totale sur le marché. Le monopole en choisissant son volume de production détermine via la fonction de demande, le prix. S’il produit plus, il vend plus, mais le prix baisse… Pour maximiser son profit, le monopole arbitre donc entre produire plus à un prix moins élevé ou produire moins pour bénéficier d’un prix plus élevé. Au final il va « rationner » la demande… Equilibre du monopole Maximisation du profit Max p.q-CT(q) => p’.q+p-Cm(q)=0 Soit : p+ p’.q = Cm(q) Le monopole produit une quantité qui égalise sa recette marginale au coût marginal En situation de monopole le prix est supérieur au prix de concurrence parfaite. La quantité produite est inférieure à celle de concurrence parfaite Exemple: le prix du vol Paris-Toulouse a baissé depuis que Air France n’est plus la seule compagnie sur ce segment. Et il est probable que plus de gens prennent l’avion! Equilibre du monopole Interprétation de l’équation : p’.q + p = Cm(q) Élasticité prix de la demande : e(q)=p/q . (dp/dq) On en déduit : p [ 1+1/e ] = Cm(q) Conclusion : moins la demande est élastique (c’est-à-dire moins les consommateurs sont sensibles au prix), plus le prix de monopole s’éloigne du prix de concurrence parfaite. Interprétation graphique Oligopole Etude des interactions d’un petit nombre d’entreprises sur un marché Une situation intermédiaire entre la concurrence parfaite et le monopole. 2 cas de figure Les firmes se font concurrence en quantités (chimie, acier, pétrole, essence) Les firmes se font concurrence en prix (entre cinémas sur les grands boulevards, entre taxis dans certains pays) De manière générale, la concurrence en prix a lieu lorsque les capacités de production sont fixées, la concurrence en quantité lorsqu’il faut fixer des capacités de production. Duopole à la Cournot avec 2 entreprises Hypothèses : Les deux entreprises produisent un bien homogène : quantités y1 et y2. Production totale : Y = y1 + y2 Prix de marché (fonction de demande inverse) : p(Y) = a – b.Y Coût de production de l’entreprise i : CT1(y1)=c1y12 Equilibre non-coopératif : situation où chacun des concurrents n’a pas intérêt à modifier unilatéralement ses décisions, compte tenu de la réaction anticipée de l’autre concurrent Equilibre de Cournot (1) Fonctions de réaction Chaque firme considère la production de son concurrent comme une donnée L’entreprise 1 considère y2 comme une donnée et détermine y1 de façon à maximiser son profit Maxy1 p.y1-CT1(y1) = [a – b.(y1 + y2 )].y1 - c1y12 Condition du premier ordre : a-2(b+c1).y1-b y2=0 Fonction de réaction de l’entreprise 1 : y1= (a-b.y2) / 2(b+c1) Fonction de réaction de l’entreprise 2 : y2= (a-b.y1) / 2(b+c2) Equilibre de Cournot (2) Représentation graphique y2 a/b Fonction de réaction de l’entreprise 1 a/2(b+c2) Fonction de réaction de l’entreprise 2 C y1 a/2(b+c1) a/b Equilibre de Cournot (3) Conclusion L’équilibre de Cournot est défini au point C à l’intersection des deux droites représentatives des fonctions de réaction En C, aucune des firmes n’a intérêt à modifier sa production Généralisation : duopole => oligopole à n firmes Quand n augmente, on se rapproche de l’équilibre de concurrence parfaite Relations verticales Coûts de production Division du travail et spécialisation Economies d’échelle Dynamiques d’apprentissage Théorie du cycle de vie de l’intégration verticale (Stigler, 1951) Les industries tendent à se désintégrer verticalement à mesure qu’elles se développent et se complexifient Equipementiers automobiles téléphones mobiles Doubles marges Humour d’économiste Qu’est-ce qui est pire qu’un monopole ? Deux monopoles !! Intuition : 2 monopoles, l’un en amont (par exemple un producteur moteurs), l’autre en aval (par exemple un producteur voitures) Le monopole amont exerce son pouvoir de monopole restreignant les quantités de moteurs qu’il offre Le monopole aval exerce son pouvoir de monopole restreignant les quantités de voitures qu’il offre Bilan : double pouvoir de marché de de en en Théorie des coûts de transaction Question : pourquoi certaines transactions se font sur des marchés tandis que d’autres se font à l’intérieur de l’entreprise ? Coase (1937) : la nature de la firme Deux modes de coordination alternatifs : le marché et la firme (hiérarchie) Ces deux modes de coordination permettent de conclure des transactions et engendrent des coûts différents Coûts de transaction du marché : coûts de recherche, coûts de négociation, coûts de contrôle et d’application Coûts de transaction de l’intégration interne : par exemple coûts de mise en place d’une structure administrative Théorie des coûts de transaction Question : pourquoi certaines transactions se font sur des marchés tandis que d’autres se font à l’intérieur de l’entreprise ? Williamson : prolonge l’analyse en développant une typologie des contrats à conclure selon les caractéristiques comportementales des acteurs en présence Coûts de transaction = coûts de fonctionnement du système économique Enjeu : trouver la meilleure organisation possible de l’entreprise c’est-àdire celle minimisant les coûts totaux Hypothèses et variables Coûts de transaction : Coûts de recherche d’un partenaire Coût de négociation du contrat Coût de rédaction du contrat Coût d’ajustement Hypothèses sur le comportement des individus au sein de la firme et sur le marché : Rationalité limitée Opportunisme : l’agent peut ne pas révéler une information inconnue de son partenaire ou chercher à le manipuler en fournissant une information erronnée Hypothèses et variables Trois variables à prendre en compte : L’incertitude (entre les parties) => contrats incomplets La spécificité des actifs => hold up La fréquence des transactions entre les parties Les coûts de transaction sont une fonction croissante du niveau de fréquence, d’incertitude et de spécificité des actifs Hypothèses et variables Spécificité des actifs « se réfère au degré avec lequel un actif peut être redéployé vers des usages alternatifs et des utilisateurs alternatifs sans perte de valeur productive » La présence d’actifs spécifiques dans une transaction entraîne l’impossibilité de rompre sans coût la relation contractuelle, du fait des coûts de redéploiement. Spécificité de site (proximité des sites de production pour économiser sur les dépenses de stock et de transport) Spécificité des actifs physiques lorsque des outils spécialisés sont requis pour produire un composant Spécificité de l’actif humain, qui émerge lors de l’apprentissage (learning by doing) ou suite à la connaissance des membres de l’équipe Actifs dédiés qui sont des investissements ponctuels dans des sites généralistes effectués à la requête d’un client particulier Tableau de synthèse Spécificité des actifs Faible pour les deux Elevée pour les deux Incertitude élevée Contrat ou intégration Intégration verticale verticale Incertitude faible Contrat spot Faible pour l’un, élevée pour l’autre Intégration verticale Contrat de long terme Intégration verticale Transition Rappel Concurrence pure et parfaire Oligopole (en prix/quantités) Monopole Exemple de l’oligopole de Cournot L’équilibre de Cournot Nash Concurrence et dilemme du prisonnier Plan de la séance Différentiation des produits Différentiation pour obtenir un pouvoir de marché local Libre entrée et concurrence monopolistique Information et publicité Antisélection et signal Publicité et intensité concurrentielle Discrimination par les prix 1. Différenciation des produits Differentiation des produits Rappel : la concurrence en prix conduit à un profit nul et à un prix égal au coût marginal (Bertrand) Conséquence : recherche d' avantages compétitifs sur les concurrents. Exemple : offrir des produits bien valorisés par les consommateurs et pour lesquels la concurrence est aussi faible que possible. Stratégies concurrentielles possibles : Prix : recherche de l' efficacité productive maximale (économies d' échelle et/ou de gamme) pour réduire les prix, discrimination Différenciation du produit : soit en offrant des caractéristiques différentes d’un produit en apparence homogène (IBM/Apple dans les ordinateurs personnels), soit en commercialisant un produit avec une haute (ou basse) qualité reconnue. Localisation géographique (position dans le marché): recherche d' un monopole de proximité Motivation commune : construire un monopole (temporaire) sur une partie du marché Les deux dimensions de la différenciation Deux biens ne sont jamais parfaitement substituables mais toujours différents. Comment décrire cette différence au sein d’un marché ? Deux cas sont à distinguer : Deux biens étant vendus au même prix, certains consommateurs préféreront le premier, d’autres le second (préférences subjectives. On parlera alors de différenciation horizontale. Lorsqu' entre deux biens proposés au même prix, tous les consommateurs s’accordent sur le même bien préféré («qualité» supérieure), il s' agit de différenciation dite verticale. Ils peuvent cependant acheter le bien de moindre qualité (fonction des prix et de la contrainte budgétaire) Différenciation horizontale porte sur les différences de goût des consommateurs Différenciation verticale porte sur des différences de qualité (réelle ou perçue) des produits Effets de la différenciation En l' absence de différenciation, l' homogénéité du produit limite les stratégies des firmes aux quantités (Cournot) ou aux prix (Bertrand). La différenciation des produits se traduit par une élasticitéprix croisée finie entre les produits des différentes firmes : si son concurrent baisse son prix la firme ne perd pas la totalité de sa clientèle. => Chaque firme possède un « mini-monopole » local En conséquence les prix sont supérieurs au coût marginal. Notion de concurrence monopolistique : A l’équilibre de long terme avec libre entrée, les profits des firmes sont nuls bien que les prix restent supérieurs au coût marginal. Differenciation horizontale Le modèle linéaire (Hotelling + d’AGT): Différentiation sur une seule dimension finie Géographique: plage, ville linéaire Subjective: “ringard => classique => fashion” Hypothèses du modèle: Consommateurs répartis le long d’un axe Deux vendeurs, et deux variables stratégiques: 1. Position sur l’axe 2. Prix du produit Les concommateurs subissent un coût de déplacement en fonction de la distance à parcourir jusqu’à un vendeur Vendeur 1 Prix 1 Vendeur 2 Prix 2 Differenciation horizontale Le modèle linéaire (Hotelling + d’AGT): Plus les vendeurs sont proches, plus la concurrence en prix est dure L’équilibre final dépend des coûts de transport: Coûts linéaires => pas d’équilibre Coûts quadratiques => différentiation maximale Les vendeurs cherchent à se différencier au maximum pour bénéficier d’un pouvoir de marché Vendeur 1 Prix 1 Vendeur 2 Prix 2 Application à un oligopole à la Cournot (n firmes) La firme i a une fonction de demande inverse: avec et où représente le niveau de différenciation Quantité et profit d’équilibre, coûts fixes et équilibre de libre entrée Concurrence monopolistique = différentiation horizontale + libre entrée Les firmes ont un pouvoir de marché local Mais de nouveaux concurrents entrent jusqu’à ce que les profits soient nuls A l’équilibre de libre entrée, le prix est supérieur au coût marginal, ce qui permet de couvrir les coûts fixes Cas de la ville circulaire Coûts fixes Différenciation horizontale : modèle de Salop (1979) Un cercle de consommateurs pour qui se déplacer sur le cercle est coûteux Les firmes se répartissent sur le cercle et bénéficient d’un pouvoir de marché local ’(n) < 0 Equilibre de libre entrée à (n)-c = 0 A l’équilibre, le prix est supérieur au coût marginal (chaque firme produit moins et plus cher par rapport à l’équilibre de concurrence parfaite) Coûts fixes Différenciation horizontale : modèle de Salop (1979) Un cercle de consommateurs pour qui se déplacer sur le cercle est coûteux Les firmes se répartissent sur le cercle et bénéficient d’un pouvoir de marché local ’(n) < 0 Equilibre de libre entrée à (n)-c = 0 A l’équilibre, le prix est supérieur au coût marginal (chaque firme produit moins et plus cher par rapport à l’équilibre de concurrence parfaite) Coûts fixes Différenciation horizontale : modèle de Salop (1979) Un cercle de consommateurs pour qui se déplacer sur le cercle est coûteux Les firmes se répartissent sur le cercle et bénéficient d’un pouvoir de marché local ’(n) < 0 Equilibre de libre entrée à (n)-c = 0 A l’équilibre, le prix est supérieur au coût marginal (chaque firme produit moins et plus cher par rapport à l’équilibre de concurrence parfaite) 2. Information et publicité Biens d’expérience et asymétries d’information Définition des biens d’expérience On n’en connait la qualité qu’en les consommant biens culturels (livres, films), restaurants (hors chaînes), L’asymétrie d’information entre offre et demande peu entraîner des échecs de marché Market for lemons (Akerlof) Crise financière Asymétries d’information et signal Signal = un investissement visant à faire passer une information Ne fonctionne que si il est crédible Un signal permet d’informer sur la qualité supérieure d’un produit Engagement de type garantie Crédible car la garantie n’est pas rentable si la qualité est mauvaise Investissement dans la construction d’une réputation Les investissement dans la qualité sont rentabilisés sur le long terme Marque commerciale (Rolls, rolex) Publicité informative Grosses dépenses publicitaires pour annoncer un produit de qualité Rentabilisées seulement si les consommateurs achètent plusieurs fois le produit Publicité informative versus Publicité persuasive Probabilité d’achat de Yoplait 150 = 1,85 * exposition à la publicité - 0,24 * exposition à la publicité * nb d’achats antérieurs Pourquoi? Information sur les qualités du produit Information sur l’existence du produit Effet de la publicité informative sur la concurrence Équivalent à de la différentiation horizontale… Moins de concurrence par les prix … mais au détriment des autres firmes Publicité et barrières à l’entrée Si toutes les firmes font de la publicité, l’effet s’annule Mais les firmes restent alors obligées d’investir dans la publicité pour ne pas perdre de parts de marché => dilemme du prisonnier firme 2 Firme 1 Pub Pas de pub Pub Pas de pub (1,1) (0,3) (3,0) (2,2) Les dépenses de publicité fonctionnent alors comme un coût fixe supplémentaire; qui peut avoir un effet de barrière à l’entrée lessives 3. Discrimination par les prix Discrimination par les prix Jusque là, hyp de prix uniforme pour tous les consommateurs Discrimination par les prix = vente d’un même bien à des prix différents Rabais Prix décroissant avec la qualité Prix en fonction de l’âge Vente liée (bundling) Cela nécessite de pouvoir distinguer entre les consommateurs Éviter les arbitrages (marché de seconde main) 3 degrés de discrimination par les prix + bundling Discrimination du premier degré Le prix fixé à chaque consommateur égale son consentement à payer Tous les consommateurs sont servis Le profit est maximum Suppose une position de monopole et une information parfaite sur les consommateurs… Lorsque tous les consommateurs sont identiques, la discrimination du 1er degré est possible avec un tarif en deux parties (fixe+variable) T = F + vQ T Cm = v Discrimination du second degré Le monopole connaît les différences entre consomateurs, mais il ne sait pas reconnaître les consommateurs Il propose des formules « prix quantité » ou « prix qualité » et laisse les consommateurs choisir Application: vente jointe (bundling) Certains profils de consommateurs vont préférer acheter des biens liés Billets aller-retour Single versus album Bien + assurance Discrimination du troisième degré Plusieurs groupes de consommateurs identiques Le monopole est capable de reconnaître à quel groupe chaque consommateur appartient Un tarif linéaire différent par groupe suffit p1 p3 p5 p2 p4 Exemples Tarifs SNCF g1 g2 g3 g4 g5 Abus de position dominante Gildas de Muizon Master Théorie et Pratique de l’Innovation – Université de Paris Dauphine – 2007-2008 Plan de la séance Présentation générale des abus de position dominante Base juridique: l’article 82 Position dominante et délimitation du marché pertinent Exemples de pratiques abusives Focus sur les pratiques de prédation Le principe d’une stratégie de prédation Les limites d’un simple test de coût L’approche en deux temps proposée par Bolton, Brodley & Riordan Exemples Abus de position dominante Base juridique européenne : l’article 82 du traité CE Il s'agit d'éviter que les entreprises jouissant d'une position dominante dans leur secteur d'activité abusent de cette position et créent des distorsions de concurrence affectant les échanges intracommunautaires L’article 82 ne réprime pas la position dominante en tant que telle, mais seulement l'abus de cette position sur un marché déterminé lorsque cet abus est susceptible d'affecter le commerce entre États membres L’article ne définit pas l'abus de position dominante. Il se contente de donner des exemples de pratiques abusives Position dominante “La position dominante […] concerne une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs” Arrêt Hoffman-La Roche (1979) Question : comment mesurer une éventuelle position dominante ? Approche fondée sur un faisceau d’indices visant à apprécier le pouvoir de marché de l’entreprise Position dominante et part de marché La part de marché de l’entreprise constitue l’élément central dans l’évaluation d’une position dominante Une part de marché inférieure à 25% rend peu probable l’existence d’une position dominante Une position dominante est en revanche présumée si la part de marché s’avère supérieure à 50% Problème : pour calculer une part de marché, il faut au préalable définir un marché pertinent Exemple : comment calculer la part de marché de Coca-Cola ? Si l’on suppose que le marché n’est constitué que des boissons gazeuses au goût de cola, la part de marché de Coca-Cola : 90% Si l’on suppose que le marché inclut également les autres sodas, les jus de fruits, etc., la part de marché de Coca-Cola tombe à moins de 50% Si l’on suppose que le marché pertinent inclut toutes les boissons sans alcool, eau minérale comprise, la part de marché de Coca-Cola n’est plus que de quelques % !! Délimitation du marché pertinent Définition : “un marché pertinent peut-être défini comme un ensemble de produits présentant entre eux une forte substituabilité au niveau de la demande et de l’offre à l’intérieur d’un espace géographique donné“ Combe (2005) Une double délimitation : dans l’éventail des produits et dans l’espace géographique Du point de vue économique, il n’y a qu’un seul marché pertinent lorsque les conditions concurrentielles qui prévalent sur chaque sous-marché de produits ou géographiques sont analogues Communication Européenne 9/12/1997 : “Un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auxquels ils sont destinés. Le marché pertinent géographique comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées concourent à l’offre et à la demande des produis ou services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable“. Méthode de délimitation du marché pertinent (1) Analyse des pressions concurrentielles pouvant discipliner une hausse de prix à court, moyen et long terme Pressions concurrentielles émanant de la demande : A la suite d’une hausse de prix d’un bien, les consommateurs réagissent en fonction de leurs préférences et de leur contrainte budgétaire, en se tournant vers des biens de substitution ou en réduisant leur consommation. L’ensemble des biens de substitution constitue le marché pertinent des biens Pressions concurrentielles émanant de l’offre : A court terme : à la suite d’une hausse du prix d’un bien, des entreprises déjà présentes sur le marché réagissent en pratiquant un prix inférieur. L’ensemble des entreprises susceptibles de réagir ou d’entrer sur le marché avec des stratégies de court terme définit le groupe des entreprises intervenant réellement sur le marché pertinent. A long terme : résultant du risque d’entrée de concurrents potentiels qui pourraient estimer que le marché actuel leur laisse des opportunités de rentabilité suffisante. Méthode de délimitation du marché pertinent (2) Test de délimitation du “monopoleur hypothétique “ Il consiste à identifier le plus petit panier de biens qui, s’il était produit par une seule et unique entreprise, lui permettrait d’augmenter ses prix de façon durable (i.e., 1 à 2 ans), significative (i.e., 5%) et profitable (i.e., en gagnant plus d’argent que sans l’augmentation) Appliqué à la définition du marché des produits, ce test revient à ajouter au produit de l’entreprise concernée, celui de son concurrent le plus proche et à se demander si les deux entreprises une fois réunies sont en mesure d’augmenter leur prix. Si la réponse est négative, il faut ajouter le produit d’une troisième firme. L’itération s’arrête quand l’entreprise hypothétique ainsi constituée parvient à augmenter son prix. Le panier de produits définit alors les frontières du marché pertinent Pour la définition géographique du marché, le principe est le même on raisonne de façon itérative en ajoutant dans le panier les zones desservies par les concurrents jusqu’au moment où le monopoleur hypothétique est en mesure d’augmenter son prix La réforme de l’article 82 : une plus grande place à l’analyse économique des effets L’application de l’article 82 constitue la dernière étape de la réforme de la politique de concurrence de l’Union Européenne. Traditionnellement, l’approche de la Commission européenne est fondée sur la qualification de comportements en termes de pratiques anticoncurrentielles (prix prédateurs, échange d’information etc.). Cette réforme accorde à l’analyse économique une plus grande place au détriment de l’approche formaliste. Cette qualification repose sur la mise en évidence de caractéristiques souvent formelles et de tests plus ou moins élaborés selon la jurisprudence. Cette analyse per se dispense d’analyser les effets économiques réels des pratiques condamnées. Les économistes défendent une approche différente se concentrant sur l’analyse des effets plutôt que sur la qualification des pratiques. L’analyse cherche alors à répondre successivement aux trois questions suivantes : La stratégie ou comportement observé est-il non conforme à l’intérêt de l’entreprise ? Cette stratégie est-elle effective, au sens où elle conduit réellement à l’exclusion d’un concurrent (ou à dissuader un entrant)? Si oui, en résulte-t-il une perte de surplus pour le consommateur ? Exemples de pratiques abusives Stratégies d’exclusion (dont l’effet peut être de dissuader l’entrée ou de forcer les concurrents à sortir) Stratégies de prix Prix prédateurs (voir deuxième partie du cours) Discrimination en prix et remises de fidélité Autres stratégies Refus de vente Tying Quelques rares cas de pratiques exploitatives (prix excessifs) Affaires devant la Commission Européenne Microsoft (2004) Ventes liées: couplage Microsoft Windows et Media Player Refus de Microsoft de fournir à ses concurrents des informations afin de leurs permettre le développement de produits tiers interopérables avec les serveurs sous Windows 497 M$ d’amende Wanadoo (2003) Prix prédateurs sur les abonnements ADSL entre 1999 et 2002 10 M€ d’amende Michelin (2001) Système de rabais et de primes pour rendre les distributeurs tributaires de ses produits et les empêcher de choisir librement leurs fournisseurs 20 M€ d’amende Affaires devant le Conseil de la Concurrence France Télécom (2005) : 80 M€ d’amende Roquefort Société (2004) : 5 M€ d’amende Refus aux opérateurs téléphoniques concurrents, notamment à Neuf Télécom, la possibilité de substituer, pour partie, leurs installations aux siennes propres, les empêchant ainsi de faire des offres en gros aux FAI (1999-2002) Accords d'exclusivité négociés avec les grandes enseignes de la distribution dans le but d'évincer les concurrents JC Decaux (2004) : 700 000 € d’amende Mise en œuvre de pratiques dilatoires dont l'objet était, d'une part, de retarder le changement effectif de prestataire sur la ville de Rennes et, d'autre part et à plus long terme, de décourager les collectivités locales d'envisager l'attribution du marché à un autre prestataire que lui lors du renouvellement des contrats d'exploitation de mobiliers urbains arrivant à échéance et de dissuader ses concurrents de répondre aux appels d'offres lancés par ces collectivités. Focus sur les pratiques de prédation Le principe d’une stratégie de prédation Modélisation économique des stratégies de prédation Les limites d’un simple test de coût L’approche en deux temps proposée par Bolton, Brodley & Riordan Exemples Prix prédateurs Principe : une firme en position dominante consent un sacrifice en pratiquant un prix bas dans le but d’évincer du marché ses concurrents et récupère plus que son sacrifice en augmentant son prix une fois les concurrents évincés Une stratégie de prédation peut s’interpréter comme un investissement dans un pouvoir de marché futur (i.e. la possibilité de pratiquer un prix supérieur à celui qui aurait prévalu en présence des concurrents évincés) Prix de monopole Prix d’équilibre Prix de prédation Récupération des pertes une fois les concurrents évincés Sacrifice pendant la période de prédation Prix prédateurs : modèles économiques Analyse de McGee (1958, 1980) : la prédation est une stratégie peu rentable Les concurrents peuvent revenir sur le marché lorsque la firme prédatrice tente de remonter ses prix La prédation est très coûteuse pour la firme en position dominante qui l’initie Il existe des moyens moins coûteux d’acquérir une position de monopole (par exemple en rachetant son concurrent) Si les concurrents anticipent qu’il s’agit d’une stratégie de prédation, ils peuvent emprunter pour résister et faire échouer la prédation Trois modèles de prédation La prédation financière (s’il existe une asymétrie de moyens financiers entre le prédateur et sa proie et une asymétrie d’information des banquiers) La prédation par effet de réputation : une guerre des prix initiée à l’encontre d’un nouvel entrant permet de se construire une réputation d’être agressif et peut dissuader l’entrée de nouveaux concurrents sur d’autres marchés La prédation par effet de signal : en baissant son prix la firme prédatrice fait croire au nouvel entrant qu’elle est plus efficace que lui et le dissuade ainsi d’entrer Prix prédateurs : difficultés Une notion simple mais difficile à évaluer dans la pratique : comment distinguer un effet d’éviction lié à une moindre efficacité du concurrent d’une pratique de prédation ? Sanctionner à la légère la pratique d’un prix bas risque de favoriser le maintien de firmes inefficaces et d’inciter les firmes à ne pas faire bénéficier les consommateurs de gains d’efficience de peur d’être accusées de prédation La prédation se traduit par une première période bénéfique pour le consommateur (puisque le prix baisse). Ce n’est que dans un second temps, si la stratégie de prédation réussit, qu’il y aura une perte pour le consommateur. Importance d’analyser la possibilité de récupération des pertes : ce n’est pas parce qu’un concurrent est évincé du marché qu’il ne peut par y revenir dès que le prédateur tente de remonter son prix (cela dépend notamment des barrières à l’entrée et des coûts échoués) Prix prédateurs : le test Akzo L’arrêt Akzo du 13 juillet 1991 (Cour de Justice des Communautés Européennes) : définit des seuils pour évaluer le caractère prédateur d’un prix Justification économique : il n’est pas rationnel pour une firme de pratiquer un prix inférieur à son coût marginal car cela lui fait perdre de l’argent Pour des raisons pratiques, le coût marginal est approximé par le coût variable moyen Pas de prédation Prix > coûts totaux moyens Prix < coûts totaux moyens Prix < coûts variables moyens Zone grise : nécessité de démontrer l’intentionnalité de la prédation Zone noire : prix considéré de facto comme prédateur Les limites d’un simple test de coût Il existe des situations dans lesquelles une entreprise peut être amenée à pratiquer un prix inférieur à son coût marginal sans intention prédatrice Evaluer les coûts est un exercice difficile, long et coûteux Effets de réseaux Marchés à deux faces (two-sided markets) Difficulté de distinguer coûts variables et coûts fixes Les pratiques de prédation ne se limitent pas à des pratiques de prix bas Prédation par excès de capacité (Air Canada 2003) Test du coût évitable L’approche en deux temps de Bolton, Brodley, Riordan (2002) Bolton, Brodley & Riordan (2000) proposent une approche comprenant cinq conditions cumulatives permettant de caractériser une pratique de prédation. Le premier temps de l'analyse est constitué de trois conditions nécessaires qui permettent d'exclure un certain nombre de cas pour lesquels l'une de ces conditions ne serait pas vérifiée, sans entamer une analyse longue et difficile des prix et des coûts. Une structure du marché favorable ("facilitating martket structure"). Il s'agit principalement de démontrer que les caractéristiques du marché, notamment en termes de barrières à l'entrée et à la réentrée peuvent faciliter la réussite d'une stratégie de prédation. Un plan de prédation étayé de faits ("scheme of predation and supporting evidence"). Il s'agit d'identifier une stratégie parmi les modèles de prédation développés par la théorie économique, et de démontrer qu'une telle stratégie pouvait être rationnelle et documentée pour l'entreprise considérée. Une probable récupération des pertes consenties en première période ("probable recoupment"). Il s'agit de démonter que l'entreprise suspectée de prédation pouvait s'attendre à ce qu'une stratégie de prédation lui confère un pouvoir de marché suffisant pour récupérer plus que ses pertes une fois les concurrents éliminés ou marginalisés. L’approche en deux temps de Bolton, Brodley, Riordan (2002) Si les trois conditions précédentes sont réunies, une stratégie de prédation est rendue possible par la structure du marché et une entreprise initiant une telle stratégie peut s'attendre à ce qu'elle réussisse et lui permette de gagner de l’argent à long terme. Le deuxième temps de l'analyse doit apporter la preuve que l'entreprise suspectée de prédation a consenti des pertes en première période et que cette stratégie ne peut rationnellement s'expliquer que par la perspective de récupérer plus que les pertes consenties une fois les concurrents éliminés ou marginalisés Le prix pratiqué par l'entreprise suspectée de prédation doit être inférieur à ses coûts ("Price below cost"). Il s'agit de démontrer l'existence d'un sacrifice. L'entreprise suspectée ne peut apporter de justifications à sa stratégie, ni démonter l'existence d'efficiences ("absence of a business justification or efficiencies defense"). Il s'agit de démontrer que la stratégie observée ne peut rationnellement s'expliquer que par une stratégie de prédation. La prédation, un abus de position dominante ? La jurisprudence française et européenne aborde l'examen d'une pratique de prédation dans le cadre des abus de position dominante. L'exigence d'une position dominante est ainsi, du point de vue de la jurisprudence, une condition préalable à l'examen d'une pratique de prédation. Du point de vue de l’analyse économique, nul besoin d’être en position dominante pour faire de la prédation Pas besoin de disposer d’un pouvoir de marché pour baisser ses prix ! La logique d'une stratégie de prédation n'est pas d'abuser d'une position dominante mais de la créer, la renforcer ou la préserver Traditionnellement, l’examen de la position dominante joue le rôle d’un premier test permettant d’exclure les situations où le comportement de l’entreprise ne risque pas d’être anticoncurrentiel Ce test n’est pas adapté aux pratiques de prédation Le premier volet de l’approche de Bolton, Brodley & Riordan le remplace avantageusement Bibliographie Manuels Combe, E. (2002). La politique de la concurrence, Collection Repère, 8,5€ Combe, E. (2005). Economie et politique de la concurrence, Précis Dalloz, 38€ Encaoua, D. & R. Guesnerie (2006). Politique de la concurrence, Rapport du Conseil d'Analyse Economique, téléchargeable gratuitement http://www.cae.gouv.fr/rapports/dl/060.pdf Motta, M. (2004). Competition Policy, theory and practice, Cambridge University Press, 51€ Texte de référence sur la prédation Bolton, P., J.F. Brodley & M.H. Riordan (2000). Predatory pricing: strategic theory and legal policy, The Georgtown Law Journal, vol. 88(8) Cartels & contrôle des concentrations Gildas de Muizon Master Théorie et Pratique de l’Innovation – Université de Paris Dauphine – 2007-2008 Plan de la séance Cartels Contrôle des concentrations Cartels Cartels Base juridique : l’article 81 La lutte contre les cartels au niveau européen Analyse économique des cartels Les effets des programmes de clémence Ententes et pratiques concertées Base juridique européenne : l’article 81 du traité CE L’article 81 du traité CE interdit les ententes et pratiques concertées entre entreprises qui « sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ». Une entente est un accord entre entreprises destiné à limiter ou à éliminer la concurrence s'exerçant entre elles, dans le but d'augmenter les prix et les bénéfices des entreprises participantes, sans produire d'avantages compensatoires objectifs. La pratique concertée se situe à un niveau inférieur à l'entente. Il s'agit d'une coordination entre entreprises qui n'a pas été poussée jusqu'à la réalisation d'un accord proprement dit. Une pratique concertée peut consister dans une prise de contact directe ou indirecte entre entreprises dont l'intention ou l'effet est soit d'influer sur le comportement du marché, soit de faire connaître aux concurrents le comportement qu'elles entendent adopter à l'avenir Ententes et pratiques concertées Très grande variété de comportements d’entente Ententes de prix entre entreprises concurrentes Mise au point et diffusion de barèmes, recommandations ou directives en matière de prix ou de remises par des organismes professionnels Échanges d'informations ou ententes entre soumissionnaires à un appel d'offres Ententes de répartition sur des marchés Pratiques concertées de boycottage Deux situations de collusion sont à distinguer Collusion explicite : cartel, entente plus ou moins organisée Cartel ou entente organisé avec instructions explicites sur les prix à pratiquer, la politique commerciale, les quantités à produire, etc. Rencontres à l’occasion de conférences, déjeuners etc. permettant un échange d’informations ou l’adoption d’un ligne d’action commune Collusion tacite : résulte d’un équilibre non coopératif, les firmes se comportant indépendamment les unes des autres, sans s’entendre sur un comportement à adopter Politique européenne en matière de cartels La lutte contre les cartels: une priorité 1998 : mise en place d’une première unité dédiée aux cartels au sein de la DG Comp 2002 : création d’une deuxième unité 2005: création d’une direction dédiée aux cartels composée de trois unités (60 personnes dont 40 chargées de l’instruction des cas) 89 cartels sanctionnés depuis 1969 (dont 47 depuis 1998) Source: UE Les dix plus fortes amendes par cartel depuis 1969 Source: UE Les dix plus fortes amendes par entreprise depuis 1969 Source: UE Quelques exemples d’ententes sanctionnées Devant le Conseil de la Concurrence : 12 mars 2004 : entente sur le prix de la baguette de pain 1er décembre 2005, entente sur le marché de la téléphonie mobile : Le Conseil de la Concurrence sanctionne la Fédération départementale de la Boulangerie et Boulangerie Pâtisserie de la Marne ainsi que 26 artisans boulangers : sanctions pécuniaires pour la Fédération (15000€) et pour 26 boulangers (de 300 à 5700€) Grief : consignes d'augmentation du prix de la baguette fixées par la Fédération départementale de la Boulangerie et Boulangerie Pâtisserie de la Marne Le Conseil de la Concurrence sanctionne à hauteur de 534 millions d'euros les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom. Griefs : échange d’informations, entente sur les parts de marché Devant la Commission Européenne 3 mai 2006 : cartel (peroxyde d’hydrogène et du perborate) La Commission inflige des amendes d'un montant de 388,128 millions d'euros à sept entreprises ayant participé à des ententes dans le secteur des agents blanchissants 20 septembre 2006 : cartel (raccords en cuivre) La Commission inflige aux producteurs de raccords en cuivre des amendes d'un montant de 314,7 millions d'euros pour avoir participé à une entente portant sur la fixation des prix Source : Hogan & Hartson Décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile : 534 millions d’€ d’amende Source : Conseil de la Concurrence Décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile : 534 millions d’€ d’amende Source : Conseil de la Concurrence Définition économique de la collusion Intérêt de s’entendre : organiser la rareté pour faire monter les prix Justification économique : la maximisation d’un profit joint permet d’atteindre un niveau de profit supérieur à celui résultant d’un comportement non coordonné des firmes (le profit de monopole est toujours supérieur à la somme des profits d’un oligopole) Mais il s’agit d’un équilibre instable (dilemme du prisonnier) : chaque firme participant à l’entente à intérêt à ne pas respecter l’accord => nécessité d’un dispositif de détection de la défaillance et de sanction Définition économique de la collusion : situation dans laquelle les firmes fixent un prix plus élevé que celui qui prévaudrait en l’absence de collusion Par exemple dans le cadre d’une concurrence à la Bertrand (en prix) pour un bien homogène, une situation de collusion se caractérise par un prix supérieur au coût marginal Dans le cadre d’une concurrence à la Cournot (en quantités), une situation de collusion se traduira par une quantité produite inférieure à celle résultant de l’équilibre de Cournot On ne peut donc évaluer une situation de collusion que par rapport à une situation de référence traduisant le fonctionnement concurrentiel du marché considéré (concurrence parfaite, oligopolistique à la Bertrand ou à la Cournot, avec bien homogène ou différenciation, concurrence monopolistique, etc.) Facteurs favorables à la collusion Quelques facteurs structurels facilitant la collusion La concentration du marché considéré : il est plus facile de s’entendre à 2 qu’à 10. Les barrières à l’entrée : si l’entrée sur un marché est très facile, les firmes en places auront du mal à maintenir un équilibre collusif L’élasticité de la demande : effet indéterminé sur l’incitation à la collusion (moins d’incitation à augmenter le prix, mais plus grande efficacité de la sanction d’un désistement), mais limite la capacité de la collusion à augmenter le prix Symétrie des firmes : par exemple gamme de produits similaire, parts de marchés identiques, utilisation de la même technologie, etc. Influence de la transparence du marché et des échanges d’informations Deux effets opposés Effet pro concurrentiel : stimulation des employés (permet de séparer une mauvaise performance liée à un conjoncture économique défavorable d’une mauvaise performance liée à une meilleure efficacité des concurrents), réduction des incertitudes sur les coûts et la demande (permet d’opérer de meilleurs choix en matière de rationalisation de sa production et de programmation de ses investissements) Effet anticoncurrentiel : une information précise sur les prix et les quantités produites par chaque firme facilite l’identification des déviations et donc accroit l’efficacité d’une entente L’instabilité intrinsèque de la collusion Dilemme du prisonnier Le profit joint des membres d’un cartel est supérieur à la sommes de leur profit en l’absence de cartel Mais individuellement, chaque entreprise a intérêt à dévier de l’accord : son profit augmente si elle est la seule à ne pas respecter l’accord A fait défection A respecte l’accord B fait défection (30 ; 30) Profit de concurrence (20 ; 60) B respecte l’accord (60; 20) (50 ; 50) Profit de Monopole Répétition du dilemme du prisonnier à l’infini En dynamique, on peut ajouter un règle supplémentaire : par exemple, les firmes respectent l’accord tant qu’aucune firme de fait défection. Dès qu’une firme fait défection, plus personne ne respecte l’accord Calcul des gains (a étant le taux d’actualisation des profits futurs) En respectant l’accord : 50 par période => gain total de En faisant défection : 60 la première période, puis 30 par période : Le cartel est stable si le gain en respectant l’accord est supérieur au gain obtenu en faisant défection soit dans notre exemple : a > 1/3 Les programmes de clémence Objectifs de la politique de lutte contre les cartels Principe d’un programme de clémence : récompenser la délation Faciliter la condamnation des cartels détectés Faciliter la détection des cartels Accentuer l’instabilité des cartels non détectés Décourager la formation de nouveaux cartels Exonération totale ou partielle accordée à un ou plusieurs membres d’un cartels qui apportent des éléments de preuve significatifs Un élément clé de la lutte contre les cartels 1996 : introduction du premier programme de clémence européen En cinq ans, 16 cartels ont été défaits, 80 entreprises ont fait une demande de clémence, 3 ont obtenu une exonération totale 2002 : nouvelle politique de clémence En quatre ans, 80 cartels ont été défaits, 167 entreprises ont fait une demande de clémence, 51 entreprises on obtenu une réduction d’amende Les programmes de clémence Trois designs différents de programmes de clémence Union Européenne 1er 2ème 3ème 4ème Avant le lancement d’une enquête 100% 30-50% 20-30% <20% Après le lancement d’une enquête 30-100% 20-30% <20% <20% Etats-Unis 1er 2ème 3ème 4ème Avant le lancement d’une enquête 100% 0% 0% 0% Après le lancement d’une enquête 100% 0% 0% 0% Japon 1er 2ème 3ème 4ème Avant le lancement d’une enquête 100% 50% 30% 0% Après le lancement d’une enquête 30% 30% 30% 0% Synthèse sur les effets des programmes de clémence Effets positifs Confondre les suspects : la réduction d’amende permet à l’autorité de concurrence d’être plus efficace dans l’instruction et la poursuite judiciaire Inciter à la défection : le programme de clémence accorde un bénéfice supplémentaire à l’entreprise qui trahit Déclencher la course au bureau de l’autorité de concurrence : le programme de clémence favorise le basculement de l’équilibre coopératif (personne n’avoue) à l’équilibre non-coopératif (les entreprises avouent) Effet pervers Faciliter la collusion en allégeant les sanctions Solutions envisageables pour limiter cet effet pervers : compenser la réduction d’amende accordée au demandeur de clémence par une hausse des amendes infligées aux autres membres du cartel Bibliographie Combe, E. (2004). Cartels et ententes, PUF, 8€ Motta, M. (2004). Competition Policy, theory and practice, Cambridge University Press, 51€, chapitre 4 : collusion and horizontal agreements Statistiques européennes sur les cartels http://ec.europa.eu/comm/competition/cartels/statistics/statistics.pdf Harrington, J.E. (2006). Corporate Leniency Programs and the Role of the Antitrust Authority in Detecting Collusion Contrôle des concentrations Contrôle des concentrations Politique européenne en matière de contrôle des concentrations Fusions horizontales Fusions verticales Contrôle des concentrations Fondement juridique Le traité CEE n'avait rien prévu à cet égard, c'est la jurisprudence de la Cour de justice qui a d'abord comblé ce vide Règlement n°4064/89 du 21 décembre 1989 : établit le critère de "position dominante", selon lequel "les opérations de concentration de dimension communautaire, qui créent ou renforcent une position ayant comme conséquence qu'une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci est entravée de manière significative doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun " Nouveau règlement sur le contrôle des concentrations, le règlement (CE) n° 139/2004 : encourage la participation des autorités nationales de la concurrence et simplifie la procédure de notification et d'enquête. Une concentration d'entreprises (par fusion ou acquisition) peut évidemment créer ou renforcer une position dominante susceptible de donner lieu à des abus. Ce risque justifie un contrôle a priori sur les opérations de concentration de la part de l'autorité communautaire Le contrôle des concentrations n’a pas pour objectif d’accroître la concurrence sur un marché donné Il agit en prévention afin d’éviter la constitution ou le renforcement d’une position dominante risquant de générer des abus Procédure européenne Statistiques européennes Fusions horizontales Rappel économique Dans un oligopole à la Cournot, le prix diminue avec le nombre de concurrents : une fusion horizontale se traduit donc par une augmentation du prix d’équilibre Dans un oligopole à la Bertrand produisant un bien homogène, le prix est toujours égal au coût marginal. Ce n’est plus vrai si les biens sont différenciés L’effet d’une fusion horizontale dépend du type de concurrence Une fusion horizontale accroît la concentration du marché Indice de concentration du marché : l’indice de Hirfindahl-Hirshman (HHI) HHI = somme du carré des parts de marché Exemple : monopole (HHI = 10000), duopole symétrique (HHI = 5000), dix firmes ayant chacune 10% du marché (HHI = 1000) Une fusion horizontale se traduit toujours par une augmentation du HHI a2+b2<(a+b)2 Lignes directrices de la Commission Européenne Si HHI <1000 ou si 1000<HHI<2000 mais ∆HHI<250 : pas d’effets anticoncurrentiels Si HHI > 2000 ou si 1000<HHI<2000 mais ∆HHI>250 : susceptible d’identifier des effets anticoncurrentiels Concentration de quelques secteurs Calcul du HHI pour quelques secteurs Téléphonie mobile en France : 3 acteurs, Orange (47%), SFR (36%), Bouygues (17%) => HHI = 3794 ADSL (triple-play) : Orange (50%), Free (18%), Neuf (18%), Autres (Alice, Darty, SFR etc.) (14%) => HHI = 3148 Indicateur simple mais partiel Certains secteurs concentrés peuvent néanmoins être très concurrentiels (exemple de l’ADSL) Le calcul du HHI n’est qu’une première étape permettant de déterminer si un analyse plus fine du marché considéré doit être entreprise Analyse économique des fusions horizontales Effets unilatéraux (ou non coordonnés) Effets coordonnées (position dominante collective) Une fusion horizontale augmente la concentration du marché, conduisant à un accroissement du pouvoir de marché des firmes et une diminution du surplus du consommateur Une fusion horizontale peut modifier le mode de concurrence et faciliter une collusion tacite Gain d’efficacité Une fusion horizontale peut générer des gains d’efficacité Baisse absolue des coûts : pouvoir de négociation accrue vis-à-vis des fournisseurs, technologie plus efficace de l’une des firmes Economie d’échelles : baisse du coût unitaire de production lorsque le volume augmente Complémentarité technologique Efficience dynamique Bilan : effet ambigu sur le bien-être du consommateur d’une fusion horizontale Analyse économique des fusions verticales Effets pro concurrentiels Effets anticoncurrentiels Elimination de la double marge Forclusion de clients ou d’intrant L’évaluation des effets d’un fusion verticale nécessite de mettre en balance les effets pro concurrentiels et les effets anticoncurrentiels A priori, une fusion verticale pose moins de problèmes anticoncurrentiels qu’une fusion horizontale En cas de problème anticoncurrentiel vertical, les autres concurrents sont plus incités à contester la fusion qu’en cas de problème anticoncurrentiel horizontal (l’accroissement de la concentration d’un marché ne bénéficie pas qu’aux entités qui fusionnent mais également aux autres concurrents) Mécanisme de forclusion de clients La forclusion de clients revient à fermer une partie des débouchés à l'aval des entreprises concurrentes de l’entreprise intégrée, cette dernière ne s’approvisionnant plus qu’auprès de sa filière amont. Mécanisme de forclusion d’intrant La forclusion d'intrant désigne une pratique d'exclusion menée par la division amont de la firme intégrée à l'encontre des concurrents de sa division aval, soit en les privant d'un accès à un intrant nécessaire à leur activité, soit en augmentant le coût de cet intrant. Synthèse Concentration verticale Risque de pouvoir de marché Forclusion Contrôle d’accès à une ressource rare Elimination de la Sources d’efficiences double marge Concentration horizontale Concentration conglomérale Effets unilatéraux Dominance collective Contacts multimarchés Effet de portefeuille Economies d’échelle Economies de coût absolu Economies de gamme Source : Combe (2005) Décisions de la Commission en matière de fusions Interdiction de la fusion (très rare) Autorisation sans condition Autorisation sous condition Avec des remèdes structuraux (modifient les droits de propriété) Exemple : cession ou rétrocession d’actifs Problème : il faut trouver un repreneur, s’assurer de la viabilité de la cession, etc. Avec des remèdes comportementaux Exemples : accès non discriminatoire au réseau, engagement de ne pas accorder de distribution exclusive, mise en place d’une muraille de Chine entre plusieurs activités, etc. Problème : il faut surveiller leur mise en œuvre Bibliographie Combe, E. (2005). Economie et politique de la concurrence, Précis Dalloz, 40€, partie 4 : Le contrôle des concentrations Motta, M. (2004). Competition Policy, theory and practice, Cambridge University Press, 51€, chapitre 5 : Horizontal mergers et chapitre 6 : Vertical restraints and vertical mergers Economie industrielle Y. Ménière et G. de Muizon Master Théorie et pratique de l’innovation – Université de Paris Dauphine – 2007/2008 Compatibilité et concurrence Informatique Télécommunications Plan de la séance Les mécanismes fondamentaux Effets de réseaux Coûts de sortie et verrouillage Effets de réseaux et concurrence Choisir les règles de la concurrence… Les mécanismes fondamentaux 1. Effets de réseaux 2. Coûts de sortie et verrouillage Effets de réseau et dynamique d’adoption Effet de réseau = Lorsque la valeur d’un bien pour un consommateur augmente avec le nombre d’autres consommateurs qui possèdent ce bien. Effets de réseaux directs Plus il y a d’utilisateurs, plus c’est utile Fax, téléphone, emails, Msn/Skype , internet, suite Office Effets de réseaux indirects dans le cas des biens systèmes L’existence d’une «base installée» importante de consommateurs va susciter la production de produits complémentaires… … qui vont eux même augmenter la valeur du bien pour chaque consommateur… … et donc attirer de nouveaux consommateurs Minitel, Matériels PC, Consoles de jeux et jeux, Système d’exploitation et applications, Services pour téléphones cellulaires, sites web et e-commerce Feedback positif: les consommateurs (« tipping markets» = marchés « à bascule ») attirent Windows, téléphones cellulaires, internet, consoles de jeu Modification des mécanismes de la concurrence: Importance d’avoir une base installée (stratégies de gratuité…) Importance des anticipations (effets d’annonce…) les consommateurs Coûts de sortie et verrouillage Coût de sortie = coûts subis par un consommateur lorsqu’il veut changer de fournisseur Investissements spécifiques/irrécupérables… … matériels Cas classique: voie ferrée, machine pour honorer un contrat précis, frais de clôture de compte bancaire … ou immatériels Capital humain spécifique (= compétences « sur le tas ») Settings, maîtrise d’un logiciel, carnet d’adresse, favoris Les effets de réseaux créent aussi des coûts de sortie Biens complémentaires Logiciels, cartouches de jeu, hardware La base installée de consommateurs peut devenir captive Cela est vrai lorsque les consommateurs ne sont pas capables de se coordonner pour tous changer de fournisseur en même temps Dans ce cas, il est possible que les consommateurs restent « prisonniers » d’une offre qui n’est pourtant pas la meilleure (Microsoft et Linux??) Coûts de sortie et verrouillage (suite) En présence de coût de sortie, un mauvais choix de départ coûte cher aux consommateurs, ce qui renforce l’importance des anticipations Grâce aux coûts de sortie, les firmes tiennent les consommateurs captifs et peuvent leur imposer des prix plus élevés P = prix du concurrent + coût de sortie Notion de «add-on pricing »: le fournisseur fait ses marges sur la vente de biens complémentaires après avoir « capturé » les consommateurs Consommations et services dans les hôtels consoles+ jeux, Tél. mobile + abonnement ERP (parfois open source)+add-ons Stratégies d’élévation des coûts de sortie: cookies, carnet d’adresse, favoris… Effets de réseaux et concurrence 1. Guerre des standards 2. « Petit frère collant » 3. Standards coopératifs Concurrence et effets de réseaux Que se passe-t-il quand deux firmes se disputent un marché en présence d’effets de réseaux? Une première décision stratégique concerne l’interopérabilité entre les offres des firmes i.e.: Faut-il rendre les produits compatibles pour bénéficier d’effets de réseaux entre les bases installées de consommateurs et de produits complémentaires de chaque concurrent? Plusieurs scénarios possibles (cas avec 2 firmes) Aucune firme ne veut la compatibilité Seule une firme veut la compatibilité Les firmes veulent toutes 2 la compatibilité Le trade off: Incompatibilité: plus risqué, mais plus à gagner si ça marche car les consommateurs sont captifs Compatibilité: réduit les risques d’échec mais véritable concurrence au mérite en l’absence de verrouillage Hypothèse pour la suite: la firme 1 possède la meilleure technologie Scénario 1: guerre des standards Firme 2 Chaque firme refuse la compatibilité et cherche à imposer son standard au marché Techno 1 Techno 2 Tactiques possibles: Chercher à profiter d’un temps d’avance IPod Attirer des compléments Windows, Techno 1 2,2 4,3 Techno 2 0,0 1,1 Firme 1 processeurs Intel versus Motorola Attirer des vendeurs de compléments Windows, processeurs Intel versus Motorola Manipulation des anticipations Différentes générations de Windows, buzz Une forme de concurrence coûteuse et risquée… Scénario 2: « petit frère collant » Firme 2 La firme la plus forte peut imposer son standard au marché et ne veut donc pas de compatibilité Techno 1 Techno 2 Meilleure technologie Base installée Réputation d’établir les standards Techno 1 4,3 5,2 Techno 2 0,0 2,4 Firme 1 Mais l’autre firme sait que sa technologie n’est pas assez bonne et souhaite donc la compatibilité Elle va essayer de forcer la compatibilité Reverse engineering Sega vs Accolade, Apple vs « clones » compatibles La firme dominante va au contraire essayer de verrouiller son standard Cryptage (Fairplay), Droits de propriété intellectuelle (Microsoft) Améliorations régulières du standard Scénario 3: Standard coopératif Lorsqu’une guerre des standards est trop coûteuse et risquée, les firmes peuvent se mettre d’accord ex ante en amont sur un standard commun Firme 2 Techno 1 Techno 2 GSM, UMTS, DVD, MPEG etc Rôle des standard setting bodies Patent pools Dans ce cas les firmes se font une concurrence normale « dans » le standard Techno 1 5,3 2,1 Techno 2 0,0 3,4 Firme 1 Le problème est alors de savoir quelle technologie va être mise dans le standard ? La négociation entraîne généralement des délais supplémentaires Evolution des « standard setting bodies » au cours des dernières années Dans certains cas, les firmes choisissent ex post des formes intermédiaires de compatibilité Accords MS Apple et MS Red Hat Paris Dauphine - Master Théorie et Pratique de l’Innovation Introduction au droit de la concurrence, focus sur « L’abus de dominance » (12 nov. 07) Me Michel Debroux, Avocat associé, Hogan & Hartson MNP (Paris) 1. Introduction sommaire au droit de la concurrence 1.1. Un droit hybride et mondialisé Le droit de la concurrence est le produit du modèle d’économie libérale de marché, en dehors duquel il ne peut pas se comprendre. Il est le rejeton d’une quadruple lignée et il multiplie les emprunts : Théorie économique : Droit pénal : Droit administratif : Droit civil : emprunt des principaux concepts théoriques et de l’approche pragmatique emprunt de certaines procédures et de l’arsenal de sanctions emprunt de l’essentiel de ses procédures dont le rôle est croissant en matière d’indemnisation du dommage. Le droit de la concurrence est un droit mondialisé par excellence : Les principaux concepts et outils du droit de la concurrence sont très similaires à travers le monde (dominance, ententes, définitions de marché). Influence des « best practices » (ex : OCDE, ICN). Meilleur exemple : l’Union Européenne, et l’application du droit communautaire de la concurrence par les juridictions nationales. Ne jamais oublier qu’en droit communautaire, le droit de la concurrence est un outil au service d’un objectif politique : la réalisation du marché intérieur. Interactions et collaboration entre les autorités de concurrence (réseaux ICN, ECA, etc.), accords de coopérations bilatéraux Europe – USA, etc. 1.2. Le contenu du droit de la concurrence Dans une optique transversale, qui ne distingue pas entre le droit français et le droit communautaire, on décrira quatre principaux « piliers », pour la plupart communs aux deux droits, mais qui peuvent présenter pourtant quelques différences : Ententes et abus de position dominante (approche « comportementale » et sanctions a posteriori) Contrôle des concentrations (approche « structurelle » et mesures a priori) Aides d’Etat (spécificité communautaire : contrôle a priori et a posteriori des interventions de l’Etat dans le champ de l’économie) Le droit de la distribution Les délimitations entre ces sujets sont parfois floues : le contrôle des concentrations sert parfois à prescrire des comportements (cessions, engagements) que les autorités de concurrence ne pourraient pas toujours imposer par le biais d’une procédure contentieuse. Il existe un concept commun, supposé être un préalable à toute application du droit de la concurrence : le marché pertinent (en termes de produits et en termes géographiques) : Concept du « monopoleur hypothétique » et test SSNIP Analyse de la substituabilité de la demande et –moins- de la substituabilité de l’offre Examen des caractéristiques empiriques du marché … mais la définition de marché est moins cruciale dans une approche « effect-based ». 1 Paris Dauphine - Master Théorie et Pratique de l’Innovation Introduction au droit de la concurrence, 12 novembre 2007 (Me Michel Debroux) 1.3. Revue sommaire des principaux piliers du droit de la concurrence 1.3.1. Les ententes La forme de l’entente est sans importance. Distinction entre l’objet anticoncurrentiel et l’effet anticoncurrentiel, même potentiel. Le « cartel » est la forme la plus aboutie et la plus lourdement sanctionnée d’entente, mais pas la seule (exemple : les échanges d’information sur un marché « oligopolistique »). Développement des politiques de clémence, à l’image des USA. Risques pénaux, encore rares, mais la tendance est à l’accroissement. Tendance croissante aussi à la réparation civile des dommages subis en raison d’une pratique anticoncurrentielle (y compris via de futures class actions ?) 1.3.2. Les abus de position dominante La position dominante n’est pas sanctionnée, seule l’est l’abus Qu’est-ce qu’une position dominante ? (les parts de marché restent un indicateur important, mais ne suffisent plus) Typologie très vaste des abus possibles : refus de vente, discrimination, ventes liées, prix abusifs ou prix prédateurs, ciseaux tarifaires, etc. Réforme en cours : privilégier un approche économique au cas par cas, fondée sur l’examen des effets Sanctions non pécuniaires (à la fois pour les ententes et les abus de position dominante) : en France, 10 % du CA consolidé mondial, dans l’Union, 10 % du CA de l’« entreprise concernée », sachant que la notion d’ « entreprise » peut être très floue, la Commission tentant de développer une théorie de l’imputabilité automatique des pratiques d’une filiale à sa société mère. Sanctions non pécuniaires : sanctions pénales, dommages et intérêts, atteintes à l’image, etc. 1.3.3. Contrôle des concentrations Contrôle a priori visant à interdire la création et/ou le renforcement d’une position dominante susceptible d’altérer la concurrence sur un marché, sans examens des abus (en principe …) Concepts proches, voire identiques, en droit français et en droit communautaire Délais très courts (contrairement aux dossiers contentieux) Importance considérable de l’analyse économique Il y a des cas « simples » : position dominante simple (ex : GE / Honeywell) … et des cas compliqués : position dominante collective, effets congloméraux, etc. (ex : GE / Honeywell) 1.3.4. Les aides d’Etat Spécificité communautaire, dialogue entre les Etats et la Commission, rôle limité des bénéficiaires et des plaignants. Les critères sont : mobilisation de ressources d’Etat (notion vaste …), … bénéficiant à une entreprise ou un groupe d’entreprises et … faussant la concurrence. Paris Dauphine - Master Théorie et Pratique de l’Innovation Introduction au droit de la concurrence, 12 novembre 2007 (Me Michel Debroux) 1.4. Les institutions appliquant le droit de la concurrence France Conseil de la concurrence - DGCCRF « Autorités de régulation » ou « quasi-juges » ? Contentieux objectifs, en charge du bon fonctionnement du marché Peuvent imposer des remèdes et des sanctions, mais ne peuvent attribuer des dommages et intérêts Aucun rôle en aides d’Etat. Les tribunaux – la Cour d’appel de Paris Juridictions => saisies de contentieux subjectifs ; peuvent accorder des D.I. ; rôle limité mais crucial en aides d’Etat la CA de Paris est le juge d’appel des décisions du CC Union Européenne Commission européenne Triple casquette : o Législateur / régulateur o Autorité d’enquête et de poursuite o « quasi-juge » Aucun pouvoir pour accorder des D.I. Pas de droit pénal européen Le TPI – la CJCE Juge d’appel des décisions de la CE La CJCE rend également des avis préjudiciel au profit des juridictions nationales Les autorités de régulation sectorielle Appliquent aussi, à leur niveau et dans les limites de leurs attributions, les principes du droit de la concurrence 1.5. Les relations parfois floues entre le droit de la concurrence et la régulation La régulation est sectorielle, et elle vise essentiellement à intervenir a priori En principe, la régulation est transitoire, surtout dans les secteurs économiques en phase de libéralisation La régulation mobilise de nombreux « outils » (réglementaires, règlement des différends, contrôle a priori de certaines conditions sur le marché, avis aux législateur et aux autorités de concurrence, etc.) L’ARCEP, la CRE, l’AMF, sont des autorités de régulation ; est-ce le cas du Conseil de la concurrence ? (ex : les modes alternatifs de traitement des affaires, type ‘transaction’ et surtout ‘engagements’). Paris Dauphine - Master Théorie et Pratique de l’Innovation Introduction au droit de la concurrence, 12 novembre 2007 (Me Michel Debroux) 2. Focus sur l’abus de position dominante, après l’arrêt Microsoft Cas étudiés : « Wanadoo » : Arrêt du TPI, aff. T-340/03, 30 janvier 2007 « EDF » : Décision 07-MC-04 (mesure conservatoires) du Conseil de la concurrence, 28 juin 2007 « Microsoft » : Arrêt du TPI, aff. T-201/04, 17 septembre 2007 [insérer slides powerpoint « Après Microsoft »] *** Après Microsoft Abus de position dominante : développements récents, tendances et perspectives Michel Debroux, Mastère Dauphine (12 novembre 2007) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. Plan • Introduction : Portée et impact de l‟arrêt Microsoft 1. Enjeux, finalité et cadre analytique de l‟approche fondée sur les effets 2. En – pratique : examen de quelques pratiques abusives récurrentes: Prix prédateurs, ciseaux tarifaires, ventes liées / ventes couplées, refus de vente / discrimination, rabais et discounts 3. Articulation entre les abus de position dominante et d‟autres problématiques: – Cartels, propriété intellectuelle, contrôle des concentrations, régulation ex ante (“Trinko”) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 2 Introduction : l‟arrêt Microsoft du 17 septembre 2007 (1) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 3 Introduction: Portée et impact de l‟arrêt Microsoft (2) • Bref rappel chronologique – Décembre 98 : plainte de Sun Microsystem (interopérabilité serveurs) – 2000 – 2001 : extension de la portée de l‟enquête (couplage Windows Media Player) – 24 mars 2004 : décision sur deux griefs, amende de 497 M€ et injonction (i) de communication d‟informations permettant l‟interopérabilité de certains serveurs avec les PC Windows et (ii) de découplage les systèmes d‟exploitation Windows avec WMP – Juin 2004 : recours + demande de suspension (qui sera rejettée en décembre 2004) – Été 2005 – été 2007 : bras de fer autour de la question des injonctions © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 4 Introduction: Portée et impact de l‟arrêt Microsoft (3) • • Les deux griefs retenus par la Commission – Le grief lié aux serveurs : non communication d‟informations relatives à l‟interopérabilité de certains types de serveurs (“work group server operating systems”) – Le grief lié à Windows Media Player : couplage entre Windows et WMP Les principaux arguments de Microsoft – Microsoft conteste avoir l‟obligation de permettre à un concurrent de développer des logiciels directement concurrents des siens, en divulguant pour ce faire des informations confidentielles et protégées par la propriété intellectuelle ; – Microsoft conteste l‟aspect anti-concurrentiel du couplage entre Windows et WMP © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 5 Introduction : Portée et impact de l‟arrêt Microsoft (4) L‟arrêt du Tribunal : un net succès pour la Commission (abus correctement identifiés et qualifiés ET remèdes appropriés et proportionnés) • • Grief “interopérabilité” : – Point de départ : le TPI admet la PI de Microsoft sur les informations – Le refus de licence est traité comme n‟importe quel autre type de “refus de prestation” de la part d‟une entreprise en position dominante – Reprise des critères “IMS”, mais appréciation souple du critère tiré du “risque d‟élimination de toute concurrence” Grief “couplage” : – Rejet des arguments de MS sur l‟unicité du produit – L‟effet de forclusion reconnu, sur la base d‟une „tendance‟ à la baisse des parts de marché des logiciels concurrents – Rejet de tous les arguments relatifs aux effets pro-concurrentiels © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 6 Introduction: Portée et impact de l‟arrêt Microsoft (5) Quelles conséquences ? • L‟affaire Microsoft est-elle transposable ou est-elle au contraire tributaire de circonstances liées à une “hyper-dominance” ? – IMS : refus de laisser émerger une concurrence nouvelle >< Microsoft : volonté d‟évincer une concurrence existante … – Des considérations politiques ont-elles jouées ? • Vers une “banalisation” des droits de propriété intellectuelle dans le débat sur les abus de position dominante ? • Si l‟arrêt se traduit par un recours plus fréquent aux licences obligatoires, à quel prix ? • Les risques liés au couplage : la forclusion peut-elle se déduire d‟une “tendance” ? • Un échec pourtant, pour la Commission, non dépourvu de conséquences : la question du rôle du Mandataire indépendant et du financement de son intervention. © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 7 Introduction: Portée et impact de l‟arrêt Microsoft (6) Divergences US – UE : “widening the gap … again ?” « We are concerned that the standard applied to unilateral conduct (…) may have the unfortunate consequence of harming consumers by chilling innovation and discouraging competition » « In the US, the antitrust laws are enforced to protect consumers by protecting competition, not competitors …» © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 8 Vers une nouvelle approche fondée sur les effets : Enjeux, finalité et risques © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 9 Enjeux, finalités et cadre analytique d‟une approche fondée sur les effets (1) L’approche traditionnelle repose (reposait ?) sur un tryptique assez simple et une analyse prévisible: 1. 2. Définition de marché, en fonction : - Des caractéristiques du produit du point de vue de la demande et plus rarement du point de vue de l’offre, - De l’élasticité croisée des prix / test SSNIP, - Des préférences des consommateurs, etc. Définition de la dominance - Rôle prépondérant des parts de marché : < 40 % (P Dom improbable) 3. 40 – 50 % (P Dom probable) > 50 % (P Dom quasi certaine) Catalogue plus ou moins détaillé d’abus « per se » : - Rabais fidélisant, prédation, refus de vente, discrimination, etc. © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 10 Enjeux, finalités et cadre analytique d‟une approche fondée sur les effets (2) • Depuis quelques années, la Commission a la volonté d‟adopter une approche plus économique • … Mais quelle est la finalité d‟une politique de concurrence dans une économie de marché ? • – Le surplus du consommateur ? – L‟incitation à l‟innovation ? – La croissance et l‟emploi ? – La protection du consommateur ? – La protection de la concurrence ou des concurrents ? … et la concurrence est-elle un but ou un moyen ? © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 11 Enjeux, finalités et cadre analytique d‟une approche fondée sur les effets (3) • Cadre analytique de la “nouvelle approche”: – Faut-il encore définir les marchés ? – Faut-il encore démontrer la dominance ? “In terms of procedure, the economic approach implies that there is no need to establish a preliminary and separate assessment of dominance. Rather, the emphasis is on the establishment of a verifiable and consistent account of significant consumer harm, since such an anti-competitive effect is what really matters and is already proof of dominance” (“An economic approach to Article 82”, EAGCP, 2005, p. 4) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 12 Enjeux, finalités et cadre analytique d‟une approche fondée sur les effets (4) • Cadre analytique de la “nouvelle approche”: – Le juge / l‟autorité sera à la recherche de l‟”histoire la plus plausible” ; pour démontrer un abus : • identifier un effet anticoncurrentiel (ex : dissuader les concurrents d‟entrer sur un marché par le biais de “signaux” de type variés, dont par exemple les prix prédateurs) • Identifier la théorie économique pertinente (“forclusion”) • Démontrer que les faits corroborent la théorie • … à moins que l‟on démontre des effets pro-concurrentiels ou des gains d’efficacité (bilan coût-avantage) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 13 Enjeux, finalités et cadre analytique d‟une approche fondée sur les effets (5) • • L‟équilibre (introuvable ?) entre : – Les interdictions per se (prévisibles mais rigides et souvent inadaptées); – L‟application systématique d‟une règle de raison (en principe mieux adaptée et souple, mais difficilement prévisible et très lourde en termes de charge de la preuve pour les entreprises) Qu‟est-ce que l‟approche fondée sur les effets (theory of harm) ? – L‟objectif ultime : accroître le surplus consommateur – La mesure : satisfaction des besoins des consommateurs – La règle d‟or : juger chaque situation au cas par cas – Les tests : “as efficient competitor” et “no economic sense” – Le risque : imprévisibilité accrue, voire être à la merci de “modes” passagères dans l‟analyse économique © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 14 Enjeux, finalités et cadre analytique d‟une approche fondée sur les effets (6) Typologie des abus les plus fréquents : • Refus de prestation / discrimination • Clauses d‟exclusivité • Prix prédateurs • Effets de ciseaux tarifaires • Remises et rabais fidélisants • Ventes liées / ventes couplées • Cas particulier des droits de propriété intellectuelle : “patent ambush” ou usage “abusif” de droits de propriété intellectuelle © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 15 Trois cas pratiques Les principaux types d’abus au travers de cas emblématiques © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 16 Cas pratiques (1) Prix prédateurs ( “Wanadoo”) TPI, T-340/03, 30 janvier 2007 1. Les faits • Marché: accès à Internet par ADSL (haut débit) • Problème: tarifs de détail de Wanadoo inférieurs aux coûts complets moyens • Commission: pratiques d‟éviction dirigées contre la concurrence, en phase émergente 2. Les enseignements de la décision • Le jugement confirme l‟approche statique: prix prédateurs même si l‟entreprise ne peut pas „récupérer‟ ses pertes initiales à long terme • Analyse dynamique, et non comptable, des coûts (amortissement sur cinq ans des coûts initiaux de lancement) • Position dominante même sur marchés dynamiques et émergents • Les entreprises dominantes ont „le droit de concurrencer‟ mais marge de manoeuvre limitée (limites au droit d‟alignement) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 17 Cas pratiques (2) Ciseaux tarifaires (“Direct Energie”), Cons. Conc., 07-MC-04, 28 juin 2007 1. Les faits • Contrat de fourniture d‟électricité avec EDF à prix fixe pour une durée de 5 ans assurant des volumes garantis jusqu‟en 2010 • Ce prix ne permet pas de proposer aux petits professionnels des prix en compétition avec les prix de détail EDF, … eux-mêmes régulés (tarifs “TaRTAM”) => hiatus entre prix de marchés (élevés) et prix régulés (plus faibles) 2. Les enseignements de la décision • Pas de concurrence possible sans subir de perte = pratique de ciseau tarifaire, … mais dans un contexte de tarifs régulés. • Demande du Conseil à EDF de proposer une solution dans les 2 mois © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 18 Cas pratiques (3) Ventes liées / Vente couplée (“Microsoft”, TPI, 17 septembre 2007) 1. Les faits • Refus de fourniture aux concurrents de certaines informations relatives à l‟interopérabilité et d‟en autoriser l‟usage pour le développement et la distribution de produits concurrents aux siens • Vente liée du lecteur windows Media Player avec le système d‟exploitation Windows pour PC 2. Les enseignements de la décision • Encouragement pour les concurrents à demander accès à informations? • Recours plus fréquent aux licences obligatoires lorsque l‟entreprise dominante dispose d‟un “standard” de marché ? • Ventes liées: abusif même si le „bundling‟ est avantageux pour le consommateur (meilleur produit, gains de temps, facilités d‟utilisation) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 19 Cas pratiques (4) … et la propriété intellectuelle ? (“IMS” et “Microsoft”, CJCE, 29 avril 2004 et TPI, 17 septembre 2007) 1. Les faits • IMS : système de „briques‟ rassemblant données et informations sur pharmacies en Allemagne • Commission: ce système est une „facilité essentielle‟ et justifie l‟octroi d‟une licence aux concurrents 2. Les enseignements de la décision • IMS : application relativement stricte des critères qualifiant les „circonstances exceptionnelles‟ dans lesquelles un abus de licence peut être abusif : • • • • Le refus porte sur des produits / services „amont‟ indispensables à l‟exercice de l‟activité „aval‟ (ou voisine) Le concurrent veut offrir des produits / services nouveaux pour lesquels il existe une demande potentielle ; le refus est de nature à exclure toute concurrence sur le marché aval ou voisin Le refus n‟est pas objectivement justifié (les droits de PI ne sont pas en soi une justification objective) • Microsoft : application plus souple de ces critères ? (en particulier sur l‟exclusion de “toute” concurrence) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 20 Articulation entre les abus de position dominante et d‟autres problématiques de concurrence © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 21 Articulation avec d‟autres problématiques (1) Abus de position dominante et cartels • Définition de la position dominante collective (ex : affaire des “enrobés bitumineux”) • La position dominante collective comme “facteur agravant” en cas d‟ententes (ex: l‟affaire des Mobiles) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 22 Articulation avec d‟autres problématiques (2) Abus de position dominante et propriété intellectuelle • A la recherche d‟un (impossible ?) équilibre • Deux moyens complémentaires et parfois conflictuels d‟encourager l‟innovation © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 23 Articulation avec d‟autres problématiques (3) Abus de position dominante et contrôle des concentrations • La probabilité d‟une sanction de pratiques abusives doit être prise en compte par la Commission dans l‟analyse des concentrations (arrêt CJCE 15 février 2005 Tetra Laval) • La Commission devrait prendre en compte à la fois la probabilité d‟un abus et la probabilité de détection de cet abus (cf. les lignes directrices sur les concentrations non horizontales, “Guidelines on the assessment of non-horizontal mergers under the Council Regulation on the control of concentrations between undertakings, Draft - for the purpose of public consultation”) © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 24 Articulation avec d‟autres problématiques (4) Abus de position dominante et régulation (ex post v. ex ante) • Les leçons de l‟arrêt “Trinko” de la Cour suprême américaine • Un “Trinko” est-il possible en France ou en Europe ? © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 25 Conclusions • La “théorie des effets” : au-delà de l‟effet de mode, une approche intellectuellement séduisante, mais aussi des risques sérieux et une imprévisibilité préoccupante • La jurisprudence de la Cour et du TPI intègre les bilans coûtsavantages, mais dans une approche qui reste encore à ce jour assez traditionnelle • Faut-il encore définir les marchés ? • Résurgence du vieux débat entre les Etats-unis et l‟Europe (“protéger la concurrence” versus “protéger les concurrents”) ? • Concurrence et propriété intellectuelle : comment favoriser au mieux l‟innovation ? © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. 26 Hogan & Hartson - Une vision globale Countries with Hogan & Hartson Offices Europe Amérique du Nord Baltimore Boulder Colorado Springs Denver Los Angeles Miami New York Northern Virginia Washington, D.C. © Hogan & Hartson LLP. All rights reserved. Amérique Latine Caracas Berlin Bruxelles Genève Londres Moscou Munich Paris Varsovie Asie Pékin Hong Kong Shanghai Tokyo www.hhlaw.com 27 Economie industrielle – Séance 7 - Télécommunications G. de Muizon Master Théorie et pratique de l’innovation – Université de Paris Dauphine – 2007/2008 Plan de la séance : 2 études de cas 1. Les services de téléphonie fixe sur IP appartiennent-ils au même marché pertinent que la téléphonie fixe traditionnelle ? 2. Ciseau tarifaire : Décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Télécom Etude de cas : marché pertinent de la téléphonie fixe Question : la téléphonie sur IP appartient-elle au même marché pertinent que la téléphonie fixe traditionnelle ? Plan de l’analyse : Présentation des différentes offres de services d’accès et de communication commercialisées en France Eléments d’analyse de la substituabilité de l’offre Analyse de la substituabilité de la demande Délimitation géographique des consommateurs de téléphonie fixe Comparaison des services offerts par la téléphonie fixe et la téléphonie sur IP Comparaison des prix des services Estimation des coûts de migration d’une offre de téléphonie fixe traditionnelle vers une offre de téléphonie sur IP Conclusion Offres de services d’accès et de communications (1) L’offre traditionnelle de France Télécom France Télécom Accès Communications Consommateurs Offres de services d’accès et de communications (2) Les offres proposés aux consommateurs disposant d’un abonnement principal France Télécom France Télécom Présélection Accès Dégroupage partiel Opérateurs alternatifs (Télé2…) FAI (Free, Neuf, Alice…) Communications Internet haut-débit + VoIP Consommateurs Offres de services d’accès et de communication (3) Les offres proposés aux consommateurs sans abonnement principal France Télécom France Télécom VGAST Opérateurs alternatifs (Télé2, Neuf…) Accès Communications ADSL nu FAI (Free, Neuf, Alice…) Accès Internet hautdébit + VoIP Consommateurs Dégroupage total FAI (Free, Neuf, Alice…) Accès Triple-play Eléments d’analyse de la substituabilité de l’offre Existe-t-il une substitution possible sur le marché de l’accès en gros à la boucle locale ? France Télécom est l’unique propriétaire de la boucle locale La boucle locale ne peut être dupliquée à l’identique par des opérateurs alternatifs à un coût économiquement raisonnable Les technologies alternatives (câbles, fibres optiques, boucle locale radio, WiFi, courant porteur de ligne, Wimax, satellite…) restent pour le moment trop coûteuses ou au stade d’expérimentation La boucle locale présente donc aujourd’hui les caractéristiques d’une facilité essentielle Il n’existe par aujourd’hui de substitution possible du côté de l’offre d’accès à la boucle locale C’est la raison pour laquelle, afin de développer la concurrence sur le marché de détail, il a été mis en place des réglementations sur les offres de gros que France Télécom doit proposer à des opérateurs alternatifs Comment satisfaire son besoin de téléphonie fixe ? Pour un consommateur ayant souscrit un abonnement principal France Télécom : Il peut souscrire à une offre de communication fixe traditionnelle commercialisée par France Télécom Il peut opter pour la présélection et souscrire une offre de communication fixe traditionnelle commercialisée par un opérateur alternatif Il peut opter pour le dégroupage partiel et souscrire une offre de communication sur IP commercialisée par un FAI Pour un consommateur n’ayant pas souscrit d’abonnement principal France Télécom : Il peut opter pour le dégroupage total et souscrire à une offre de téléphonie sur IP commercialisée par un FAI Il peut opter pour une offre de téléphonie traditionnelle commercialisée par un opérateur alternatif achetant en gros de l’accès VGAST Il peut opter pour une offre de téléphonie sur IP commercialisée par un FAI achetant en gros de l’accès ADSL nu Délimitation géographique des consommateurs de téléphonie fixe Selon la localisation géographique des consommateurs, toutes les offres ne leur sont pas offertes 62% de la population française se trouvent en zone dégroupée : ils peuvent choisir entre toutes les offres 36% de la population française se trouve en zone non dégroupée mais couverte par l’ADSL : ils ne peuvent pas bénéficier des offres de dégroupage total proposées par les FAI 2% de la population française se trouvent dans une zone non couverte par l’ADSL : ils ne peuvent bénéficier que d’un service de téléphonie fixe traditionnelle Conclusion 98% de la population française peuvent bénéficier de la téléphonie sur IP. Pour les 2% restants, la téléphonie fixe traditionnelle et la téléphonie sur IP n’appartiennent par au même marché pertinent Les offres de téléphonie sur IP sont proposées à travers une offre liée Les offres de téléphonie sur IP sont actuellement couplées à un accès Internet haut-débit (offres triple-play ou dual-play) Ce couplage n’est-il pas un frein à la substituabilité des offres de téléphonie sur IP aux offres de téléphonie fixe qui peuvent être souscrites indépendamment d’un accès Internet ? Lorsque le couplage entre deux services A et B est obligatoire, le coût de revient total d’accès à cet ensemble peut le rendre non substituable à un service A’, même si du point de vue du consommateur A et A’ rendent les mêmes services Exemple : pneus de voiture. Si un consommateur a besoin de pneus neufs pour sa voiture, il ne va pas acheter une voiture neuve pour en récupérer les pneus ! Est-on dans le même cas avec les offres dual/triple-play ? Un consommateur intéressé uniquement par une service de téléphonie peutil avoir intérêt à souscrire à une telle offre liant accès Internet haut-débit et téléphonie sur IP ? Téléphonie fixe traditionnelle illimitée Offre de France Télécom/Orange Offres avec présélection Optimale illimité : 39€/mois (téléphonie fixe traditionnelle) Télé2 : offre “plus illimité 24/7“ 19,90€ + abonnement principal FT 19€ = 38,90€/mois Offre basée sur VGAST Télé2 : forfait “ligne Télé2 illimitée“ = 29,90€/mois Neuf : forfait illimité = 29,90€/mois Source : d’après site internet des opérateurs (novembre 2007), liste des offres et opérateurs non exhaustive Téléphonie fixe sur IP Offre de France Télécom/Orange Offres en ADSL nu (dual-play) Avec abonnement téléphonique : 8 mégamax 29,90€ + Abonnement principal FT 19€ = 48,90€ /mois Sans abonnement téléphonique : 8 mégamax = 39,90 €/mois Neuf : internet haut-débit + téléphonie sur IP illimitée = 34,90 €/mois Free : internet haut-débit + téléphonie sur IP illimitée = 29,99 €/mois Offre en dégroupage total (triple-play) Neuf : internet haut-débit + téléphonie sur IP illimitée + TV = 29,90 €/mois Free : internet haut-débit + téléphonie sur IP illimitée + TV = 29,99 €/mois Source : d’après site internet des opérateurs (novembre 2007), liste des offres et opérateurs non exhaustive Conclusion sur les offres illimitées Pour les consommateurs uniquement intéressés par un service de téléphonie fixe et téléphonant beaucoup, les offres multi-play sont plus attractives que les offres de téléphonie fixe traditionnelle illimitée ! Le fait que les offres de téléphonie sur IP fassent partie d’un bundle n’est donc pas un frein à leur substituabilité avec les offres de téléphonie fixe traditionnelle Ce résultat n’est valable que pour les consommateurs désirant une offre de téléphonie fixe illimitée. Qu’en est-il des petits consommateurs ? Offres de téléphonie fixe Prix de l’abonnement France Télécom : 19€/ mois Télé2 : 14,99€ / mois Prix de la communication France Télécom (Atout) : 2€/mois Télé2 (SIMPL’ECO) : Mise en relation : 0,11€ par appel Fixe France : 0,014€/min Mise en relation : 0,119€ par appel Fixe France : 0,01€/min Exemples Consommateur occasionnel : 10 appels par mois, 20 minutes au total FT = 19 + 2 + 10*0,11 + 20*0,014 = 22,36€/mois Télé 2 = 14,99 +10*0,119 + 20*0,01 = 16,36€/mois Consommateur régulier : 4 appels par jours de 5 minutes chacun FT : 42,6 €/mois ; Télé2 : 35,25€/mois Conclusion sur l’attrait des offres multi-play Pour les consommateurs de téléphonie fixe très occasionnels, les offres multi-play ne sont pas des alternatives intéressantes aux offres de téléphonie fixe traditionnelle Remarque : pour ces petits consommateurs, il peut être intéressant de souscrire une offre de téléphonie mobile pré-payée (exemple : mobicarte 45€ valable 3 mois => 82 minutes de communication) Pour des consommateurs réguliers, mêmes s’ils ne valorisent pas du tout l’accès internet ou la TV numérique, il peut être intéressant d’opter pour une offre multi-play Cet attrait des offres multi-play s’accroit si ce consommateur valorise l’accès à Internet, la TV numérique ou les autres services inclus (vidéo à la demande, téléchargement de musique…) Coûts de migration Nous avons montré Que la téléphonie sur IP rend les mêmes services au consommateur que la téléphonie fixe traditionnelle et que 98% de la population française peut souscrire ces deux offres, Que le prix des offres multi-play incluant un service de téléphonie sur IP ne constituent pas un obstacle à leur substituabilité aux offres de téléphonie traditionnelle. Avant de pouvoir conclure que les services de téléphonie fixe traditionnelle et de téléphonie sur IP appartiennent au même marché pertinent, il est nécessaire d’estimer les coûts de migration (switching-costs) supportés par les consommateurs souhaitant passer d’une offre de téléphonie fixe traditionnelle à une offre de téléphonie sur IP afin de vérifier qu’ils ne constituent pas un obstacle Liste des coûts de migration : Depuis le 1er janvier 2007 : portabilité du numéro de fixe gratuit et dans un délais maximal de 10 jours Interruption de service lié au dégroupage de la ligne de l’abonné : réduite à quelques jours Coûts psychologiques : difficiles à évaluer mais certainement en baisse (hausse de la notoriété des opérateurs alternatifs, etc.) Conclusions Sur l’étude de cas : téléphonie fixe et sur IP rendent le même service au consommateur sont proposés à des prix suffisamment proches les barrières au changement semblent de plus en puls faibles => pour 98% de la population française, la téléphonie fixe et la téléphonie sur IP appartiennent au même marché pertinent La délimitation des marchés pertinents n’est pas figée Elle évolue selon les usages et préférences des consommateurs Elle se modifie lorsque des innovations se diffusent Etude de cas : ciseau tarifaire Quand un effet de ciseau tarifaire peut-il se produire ? Entreprise verticalement intégrée disposant d’un pouvoir de marché élevé sur le marché amont (voire d’un monopole) En concurrence sur le marché aval Commercialise le bien aval à un prix qui, en comparaison avec le prix du bien intermédiaire, est trop faible pour permettre l’existence, le développement ou le maintien d’une concurrence sur le marché aval L’entreprise verticalement intégrée favorise sa filiale aval au détriment de ses concurrents sur le marché aval Monopole amont Filiale aval Concurrent aval Exemple France Télécom détient un monopole sur la boucle locale qui est un infrastructure essentielle pour commercialiser des services tels que Internet, téléphonie, etc. Les opérateurs alternatifs de téléphonie et les fournisseurs d’accès à Internet doivent se fournir auprès de France Télécom Si France Télécom leur vend un accès en dégroupage total à 30€/mois, les FAI ne peuvent concurrenceR Orange sur le marché aval Comment fixer le prix d’accès ? Question de la tarification de l’accès aux infrastructures Réseau de transport de l’électricité, réseau ferré, boucle locale, etc. Lorsque le monopole historique est séparé entre un gestionnaire du réseau et des concurrents sur les activités aval, il s’agit d’une réglementation classique d’un monopole naturel Rappel : il y a un monopole naturel sur un marché quand le coût de production du bien est minimisé lorsque la totalité de la production est assurée par une seule firme (rendement d’échelle croissants) Dilemme : il est plus efficace que l’entreprise soit en monopole, mais elle va abuser de son pouvoir de monopole au détriment des consommateurs Solution possible : réglementation des prix par une autorité publique Tarification au coût marginal : le monopole est alors déficitaire et doit être financé par un autre moyen Tarification maximisant le surplus social sous contrainte d’équilibre budgétaire (optimum de second rang) : règle de Ramsey-Boiteux Lorsque le monopole historique reste verticalement intégré, à la question de la gestion efficace du réseau, s’ajoute celle de l’exercice d’une concurrence loyale entre le monopole intégré et les nouveaux entrants sur le marché aval Exemple : la règle E.C.P.R. Efficient Component Pricing Rule de Baumol & Sidack (1994) Le tarif d’accès est fixé à la somme du coût incrémental direct qu’induit l’interconnexion et du coût d’opportunité (le manque à gagner) que subit l’opérateur historique en ne servant pas lui-même le client final T = ci + (p – c) où Avantages : cette règle de tarification ne permet l’entrée qu’aux entrants plus efficaces que l’opérateur historique Inconvénients : le monopole historique conserve sa rente de monopole, incitation à freiner la baisse du prix du service aval, à abaisser le coût unitaire du service aval à l’excès (en surinvestissant en productivité au détriment de du réseau T est le tarif d’accès ci est le coût incrémental de l’interconnexion p est le prix du service aval (avant entrée) c est le coût unitaire du service aval (du monopole historique) Principes de la réglementation dans les télécommunications Objectifs Empêcher l’opérateur historique de discriminer entre sa filiale aval et les nouveaux entrants Facilité l’entrée de nouveaux opérateurs efficaces Assurer que le gestionnaire du réseau couvre bien ses coûts et investit de manière efficace Pratique Négociations avec l’ARCEP Définition des services élémentaires dont la tarification sera réglementée Fixation du prix de ces services orientés vers les coûts supportés par l’opérateur historique Problèmes quand à la mesure des coûts des services élémentaires Allocation des coûts communs Mesure des coûts : coûts historiques ? Coûts d’un réseau optimal ? Objectif : tendre vers le Coût Moyen Incrémental de Long Terme (recommandation de la Commission Européenne) Décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Télécom Eléments de contexte Saisine d’une association regroupant des opérateurs de réseaux de télécommunication et des fournisseurs de services de télécommunication à l’encontre de France Télécom, de SFR et de Bouygues Télécom Griefs retenus par le Conseil de la Concurrence Grief initial : mise en œuvre par France Télécom de pratiques ayant pu avoir pour effet de limiter l’accès au marché de détail des appels fixes vers mobiles destinés aux entreprises Grief complémentaire 1 (France Télécom) et 2 (SFR) : pratiques discriminatoires limitant la possibilité d’opérateurs de téléphonie fixe de recourir à leurs services de téléphonie mobile en vue d’offrir des services de téléphonie fixe vers mobile via des mobile box Grief complémentaire 3 (France Télécom) et 4 (SFR) : fixation de prix de détail sur les marchés des services de téléphonie fixe vers mobile pour grands comptes et pour les entreprises de taille moyenne ne couvrant pas le coût direct supporté par un opérateur de téléphonie fixe efficace Grief complémentaire 5 (France Télécom) et 6 (SFR) : service permettant aux entreprises d’utiliser leurs services de téléphonie mobile pour acheminer leurs appels fixe vers mobile par le biais de boîtiers radio à des niveaux de prix qui se situent en deçà du coût technique supporté par un opérateur de téléphonie fixe efficace pour ce type de trafic Grief complémentaire 7 (Bouygues Télécom) : offres de communications fixes vers Bouygues Télécom à des prix largement inférieurs aux coûts techniques supportés Reproche général : pratiques mises en œuvre par des entreprises en position dominante (monopole) sur le marché de la terminaison des appels sur leur réseau GSM ayant pour effet d’évincer d’autres opérateurs de téléphonie fixes des marchés de téléphonie fixe vers mobile Décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Télécom Contexte réglementaire A la date de la saisine, les trois opérateurs mobiles fixaient les tarifs de détail de téléphonie fixe pratiqués par France Télécom pour les appels destinés à leur réseau GSM (système d’interconnexion indirecte) A partir de mars 1999, le trafic fixe vers mobile a été soumis au régime de l’interconnexion directe L’opérateur de l’appelé détermine une charge de terminaison d’appel qu’il facture à l’opérateur de l’appelant pour toute communication à destination de son réseau Modalité d’acheminement du trafic Opérateur de téléphonie fixe autre que France Télécom Reroutage international Le trafic collecté est acheminé sur le réseau longue distance (via un opérateur étranger proche comme British Télécom) puis amené sur le réseau de l’opérateur GSM de l’appelé Solution aberrante d’un point de vue technique mais financièrement attractive car les terminaisons d’appels facturées aux opérateurs étrangers était indépendante des réseau de destination (fixe ou mobile) Mobile box (hérissons) Boîtiers radio placés auprès du central téléphonique de l’entreprise cliente et permettant de transformer des appels fixe vers mobile en appels mobile vers mobile Solution rendue intéressante financièrement car les opérateurs GSM pratiquaient des tarifs de détail substantiellement inférieurs au prix des appels fixe vers mobile Décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Télécom Tests de ciseau tarifaire Comparaison des tarifs de France Télécom pour les appels fixe-GSM Orange et des coûts de terminaison d’appel d’Orange France Comparaison entre d’une part la recette moyenne par minute perçu par France Télécom pour les communications fixe vers Orange France Et d’autre part le coût moyen encouru pour la fourniture de ces services par un opérateur aussi efficace que France Télécom Résultats obtenus pour 19 profils de consommation Taux de marge négatif de janvier 1999 à janvier 2000 pour les profils 1 à 9 (entreprise de taille moyenne) Taux de marge négatif de janvier 1999 à janvier 2001 pour les profils 10 à 19 (grands comptes) Décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Télécom Résultats du test de ciseau tarifaire pour SFR Résultats du test de ciseau tarifaire pour Bouygues Télécom Comparaison des tarifs de la société Cegetel pour les appels fixe vers SFR et des coûts de terminaison d’appel de SFR Taux de marge négatif (jusqu’à -65%) de janvier 1999 à avril 2000 pour l’ensemble des profils de consommation Comparaison des tarifs de la société Bouygues Télécom pour les appels fixe vers Bouygues Télécom et son coûts de terminaison d’appel Taux de marge négatif sur l’ensemble de la période (-30% à -100% !!) Conclusions du Conseil Bouygues Télécom n’est pas un opérateur intégré sur la téléphonie fixe (il n’est présent que le marché des services fixes vers mobile qu’au travers de réseaux privés), et ne représente qu’un sixième des lignes mobiles => aucun grief retenu au final En revanche, France Télécom et SFR sont reconnues coupables de pratiques de ciseau tarifaire Circonstance aggravante pour France Télécom : position dominante sur le marché de la téléphonie fixe Circonstance aggravante pour SFR Cegetel : ampleur et durée des pratiques Amendes : France Télécom = 18 M€ (0,1% de son CA en 2003), SFR = 2 M€ (0,03% de son CA) Rappel Examen le 17 décembre sur les 7 séances + les textes du poly