Chapitre 2
: Amorçage et dénomination d’objets
49
Chapitre 2: Amorçage et dénomination d’objets
1 Introduction
Notre problématique est centrée sur la perception des sons de l’environnement, et plus
particulièrement nous cherchons à comprendre comment ces stimulations pourraient activer
des structures de connaissances abstraites en mémoire sémantique. Si les sons de
l’environnement activent des connaissances abstraites, sont-elles propres à ce type de
stimulation ou utilisent-elles des structures dévolues à d’autres stimulations (langage,
images). Pour aborder ces questions, nous avons choisi d’utiliser le paradigme d’amorçage,
paradigme permettant l’étude de la mémoire et de manière générale l’étude de l’organisation
des connaissances en mémoire. Il a été largement employé pour évaluer le traitement du
langage et reste intimement lié aux théories de l’activation. Dans un premier temps, nous
détaillerons les différentes formes d’amorçage que nous trouvons dans la littérature, puis nous
présenterons quelques modèles explicatifs des effets d’amorçage en langage. Nous verrons
comment un mot et une image sont capables d’activer des connaissances, la comparaison
entre mot et image concerne directement la différence entre verbal et non-verbal qui nous
conduira au cœur de cette thèse, l’étude des sons de l’environnement. Le fil directeur
consistera à suivre l’avancée des recherches utilisant des objets visuels pour éclairer les
résultats obtenus avec des sons de l’environnement. Pour commencer, attachons-nous à
détailler le paradigme d’amorçage. Nous en donnerons d’abord une définition générale, puis
Chapitre 2
: Amorçage et dénomination d’objets
50
nous verrons quelles en sont les caractéristiques et comment différents modèles en expliquent
les effets.
L’amorçage
L’effet d’amorçage se définit comme l’influence de la présentation d’un événement
(communément appelé amorce) sur le traitement d’un événement consécutif (communément
appelé cible). Cette influence se traduit en général par une facilitation lorsqu’un lien existe
entre l’amorce et la cible. Cette facilitation se mesure en comparant le temps de traitement
et/ou la précision des réponses effectuées sur la cible en fonction de la nature de sa relation
avec l’amorce (reliée ou non). La nature de ces relations diffère selon les paradigmes, les plus
courants étant, la relation sémantique (avion-hélicoptère), la relation associative (clé-porte),
ou encore la répétition (avion-avion). On précise également «inter-modalité» lorsque
l’amorce et la cible ne sont pas présentées dans la même modalité (par exemple vision-
audition).
1.1 Amorçage à long terme et amorçage à court terme
Deux formes d’amorçage peuvent être distinguées, une forme dite à court terme
Short-term priming») et une forme dite à long terme («Long-term priming»). Ces deux
paradigmes diffèrent à plusieurs niveaux, en fonction de leur administration expérimentale,
des modèles qui rendent compte des effets observés, et enfin des enjeux théoriques. Nous
verrons dans quelle mesure les mécanismes de traitements sont différents pour ces deux
formes d’amorçage.
Chapitre 2
: Amorçage et dénomination d’objets
51
1.1.1 Les différences méthodologiques
Au niveau de la présentation des items
L’amorçage à court terme consiste à présenter l’amorce et la cible successivement,
séparées par une fenêtre temporelle relativement courte (en général inférieur à quelques
secondes). Le délai séparant l’amorce de la cible est appelé l’Intervalle Inter Stimuli («Inter
Stimuli Interval», ISI), le temps séparant l’apparition de l’amorce et de la cible s’appelle
quant à lui l’asynchronie de départ des stimuli («Stimulus Onset Asychrony», SOA). En
général, la tâche du participant consiste à répondre la plus rapidement et le plus correctement
possible à propos de la cible (par exemple, une tâche de décision lexicale, mot non-mot, en
langage; catégorisation sémantique; go-no go). La mesure la plus fréquemment utilisée est le
temps de réaction. L’effet d’amorçage se mesure en comparant les temps de réaction sur les
cibles précédées d’une amorce liée de celles précédées d’une amorce non liée. Un essai se
déroule en une seule phase, au cours de laquelle on mesure l’influence directe du traitement
de l’amorce sur celui de la cible, le participant n’étant pas informé des liens qui unissent ou
non les deux stimulations.
L’amorçage à long terme se déroule en deux phases, une phase d’étude et une phase de
test. L’ensemble des amorces liées est vu pendant la phase d’étude et on mesure l’impact de
cette phase sur celle de test. Une consigne particulière est souvent donnée durant l’encodage,
on peut par exemple, si le matériel est une liste de mots, demander aux participants de
compter le nombre de syllabes de chaque mot (encodage perceptif) ou de penser à un autre
mot qui pourrait lui être associé (encodage sémantique). Un délai pouvant varier de quelques
minutes à plusieurs jours sépare les amorces des cibles, pour les délais les plus courts les
chercheurs ont souvent recours à des tâches de remplissage ou de barrage (barrer tous les «
c
»
dans un texte, par exemple). Ces tâches sont employées pour éviter que le sujet utilise des
Chapitre 2
: Amorçage et dénomination d’objets
52
stratégies (l’autorépétition par exemple) pour retenir consciemment le matériel. Au cours de la
phase de test, le participant est soumis à des stimuli qu’il a déjà rencontrés ou non en phase
d’étude, les items non étudiés sont appelés des «leurres». En général, la mesure s’effectue en
calculant le pourcentage de réponses correctes (tâche de complètement de trigramme). On
compare la performance obtenue pour les items partageant des similarités avec ceux vus en
phase d’étude avec la performance des leurres.
Le délai entre l’amorce et la cible constitue la différence majeure au niveau descriptif
pour ces deux paradigmes d’amorçage. On peut remarquer qu’en amorçage à court terme, le
participant n’a en général pas de tâche spécifique à effectuer sur les amorces.
Au niveau de la tâche
Les différences au niveau de la présentation des items sont relativement simples à
appréhender. Les différences au niveau de la tâche sont plus à même de générer des
confusions, d’autant plus que le vocabulaire varie d’un auteur à l’autre. On distingue
habituellement l’amorçage répété de l’amorçage sémantique. Dans le cas de l’amorçage à
court terme ces deux formes sont faciles à différencier, le terme répétition correspond à la
présentation de la même stimulation en amorce et en cible. Le terme sémantique désigne une
amorce et une cible qui partagent un lien sémantique, on distingue l’amorçage associatif dans
le cas où les deux stimuli sont reliés associativement (clé-porte).
La terminologie devient plus compliquée quand on considère l’amorçage à long terme
(voir Roediger & McDermott, 1993, pour une revue). Les tests s’organisent autour de la
distinction mémoire explicite/mémoire implicite (tests implicites et tests explicites) et se
réfèrent aux différentes tâches utilisées et aux instructions données aux participants. On
retrouve différentes terminologies pour les tests explicites, tests directs de mémoire, tests
intentionnels de mémoire, ou encore tests d’utilisation contrôlée de la mémoire. Dans tous les
Chapitre 2
: Amorçage et dénomination d’objets
53
cas, la consigne au moment du test incite le participant à utiliser les items qui ont été vus
durant la phase d’étude. De la même manière, on retrouve différentes terminologies pour les
tests de mémoire implicite, tests indirects, tests incidents. Dans ce cas, rien n’incite le
participant à utiliser le matériel étudié en phase d’étude, la récupération du matériel se ferait
de manière non-consciente. La phase d’étude peut quel que soit l’amorçage considéré
nécessiter un encodage perceptif ou sémantique. La nature du test revêt également une grande
importance, en fonction qu’il soit perceptif (complètement de fragments de mots) ou
conceptuel (réponse à des questions de culture générale). L’amorçage est testé avec des tests
implicites, sans récupération «consciente», on parle d’amorçage implicite. D’ailleurs, dans la
distinction tests implicites/tests explicites, le terme amorçage est employé uniquement pour
désigner les résultats des premiers. Les confusions peuvent naître en fonction du type
d’indices fournis en phase de test. On parle d’amorçage de répétition, direct, perceptif,
conduit par les données («data-driven»), lorsque le matériel qui est présenté en phase
d’étude est identique à celui présenté en phase de test (généralement sous forme dégradée).
On parle d’amorçage sémantique, conceptuel, conduit par les concepts («conceptually
driven»), lorsque le matériel encodé en phase d’étude est associativement ou sémantiquement
lié à celui présenté lors du test.
En résumé, pour les deux formes d’amorçage, le lien qui unit l’amorce (ou le matériel
vu en phase d’étude) et la cible (ou le matériel vu en phase de test) va déterminer le type
d’amorçage (sémantique, répétition...). Une précision supplémentaire est apportée pour
l’amorçage à long terme. Elle porte sur le critère d’intentionnalité, soit le participant est
amené à utiliser son expérience passée (test direct/explicite), soit non (test indirect/implicite).
1 / 46 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !