53 LA THÉORIE D E S G R O U P E S A L G É B R I Q U E S Par G. GHEVALLEY 1. La notion de groupe algébrique La notion de groupe algébrique repose sur celle de variété algébrique, de la même manière que eelle de groupe topologique dépend de la notion d'espace topologique. Il ne saurait être question d'exposer ici avec précision la définition des variétés algébriques; nous allons cependant indiquer les caractères essentiels de ce type d'objets mathématiques. Une variété algébrique peut être définie par les données d'un ensemble U, son ensemble de points, et d'un ensemble de fonctions, son corps de fonctions rationnelles; ces fonctions sont des applications de parties de U dans un corps algébriquement clos K, qu'on appelle le corps des constantes: par ailleurs, elles forment un corps relativement à des opérations d'addition et de multiplication qui jouissent des propriétés suivantes: si des fonctions rationnelles u et v sont définies en un point x,u + vetuv sont également définies en x et y prennent les valeurs u{x) + v{x) et u{x) v{x) respectivement; de plus, si u est définie en x et u{x) =(= 0, u~x est définie en x; les applications constantes de U dans K sont des fonctions rationnelles, et forment un corps isomorphe à K. Une variété algébrique est munie d'une topologie dont la famille d'ouverts est engendrée par les ensembles de définition des fonctions rationnelles; cette topologie est d'un type très particulier, puisque les ouverts non vides y sont tous denses dans l'espace entier. Pour tout point x de la variété, il existe un voisinage A{x) de x et un certain nombre de fonctions rationnelles ux, ...,un, partout définies sur A{x), telles que l'application x'^(u1(x')9...9un(x')) soit une bijection de A{x) sur un sous-ensemble algébrique de l'espace numérique Kn (une partie de Kn est dite algébrique si elle se compose de tous les points dont les coordonnées satisfont à un certain système d'équations algébriques); de plus, toute fonction rationnelle u sur U s'exprime comme fraction rationnelle en %,...,u n , et même comme polynôme si elle est définie en tout point de A{x); on dit alors que % , . . . , u n forment un système de coordonnées en x sur U. Une application / d'une variété V dans une variété U est dite rationnelle (on dit alors aussi que / est un morphisme) si / est continue et possède la propriété suivante : si y e V et si u±,..., un est un système de coordonnées sur 54 C. CHEVALLEY Uenf{y), il y a un système de coordonnées {vv ...,vm) en y sur V tel que, au voisinage de y, les ui{f{y)) s'expriment comme polynômes en les v^y). Si U et U' sont des variétés, le produit cartésien UxU' possède une structure de variété qui possède la propriété suivante: si % , . . . , u m (resp. u[, ...,u'm) forment un système de coordonnées sur U (resp. U') en un point xQ (resp. x'0), les fonctions {x, x') -> u^x), {x,x') ->Uj{x') forment un système de coordonnées en {x0, x'Q) sur U x U'. Un groupe algébrique est un groupe G qui est muni d'une structure de variété algébrique et qui possède la propriété suivante: l'application {s, t) -> st-1 est un morphisme de G x G dans G. Par exemple, le groupe GL{n) des matrices inversibles de degré n à coefficients dans K est un groupe algébrique (les fonctions rationnelles sur le groupe étant les fonctions de matrices qui peuvent s'exprimer comme fonctions rationnelles des coefficients des matrices). Un autre exemple se construit comme suit. Soit G le corps des complexes, et soit n un entier > 0; soit P un sous-groupe discret de O engendré par 2n points linéairement indépendants sur le corps R des réels. Le groupe O / P = Z est alors un groupe commutatif compact; il est muni d'une structure de groupe de Lie complexe de dimension complexe n. Soit maintenant L le corps des fonctions méromorphes sur Cn qui admettent tous les éléments du groupe P comme périodes. A chaque fonction de L est associée une fonction définie sur une partie de Z, à savoir l'image par l'application canonique O -> O / P de l'ensemble des points où la fonction donnée est holomorphe. En général, le corps L ne contiendra que les constantes. Cependant, si le groupe P satisfait à certaines conditions (qui s'expriment au moyen de la théorie des matrices de Riemann), le corps L contiendra 'assez de fonctions' dans le sens que, pour deux points distincts de Z, on pourra trouver une fonction de L qui soit définie en ces deux points et y prenne des valeurs distinctes. On montre alors que l'on peut munir le groupe Z d'une structure de groupe algébrique en définissant les fonctions rationnelles comme étant les fonctions sur Z définies parles éléments de L. Les groupes algébriques ainsi définis s'appellent les variétés abéliennes; il vaudrait sans doute mieux les appeler groupes abéliens, n'était la confusion fâcheuse qui tend à se produire entre ce sens du mot abélien et le sens usuel de 'commutatif. Il importe de noter que les divers groupes algébriques qu'on peut obtenir ainsi à partir des divers groupes P satisfaisant aux conditions requises ne sont pas tous isomorphes entre eux, alors que les groupes de Lie complexes dont ils proviennent sont tous isomorphes. LA THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 55 Soit G un groupe algébrique, et soit H un sous-groupe de G qui est une partie fermée de G (au sens de la topologie définie ci-dessus sur la variété G). On montre alors que la composante connexe HQ de l'élément neutre dans H est un sous-groupe distingué d'indice fini de H, et est une partie fermée de G; de plus, H0 peut être muni d'une structure de groupe algébrique, une fonction rationnelle sur H0 coïncidant localement (au voisinage de chaque point de son ensemble de définition) avec la restriction à H0 d'une fonction rationnelle sur G. Un groupe HQ défini de cette manière s'appelle un sous-groupe algébrique de G. Par exemple, le groupe des éléments de déterminant 1 de GL{n) est un sous-groupe algébrique de GL{n); il en est de même du groupe des matrices orthogonales de déterminant 1 contenues dans GL{n), et, si n est pair, du groupe des matrices symplectiques contenues dans GL{n). Citons encore le groupe des matrices triangulaires {a^) {ai:} = 0 si i < j), le groupe des matrices triangulaires unipotentes {a^ = 0 si i < j , au = 1), le groupe des matrices diagonales. Les sous-groupes algébriques des variétés abéliennes sont eux-mêmes des variétés abéliennes. 2. Garactérisation des deux types de groupes algébriques Les groupes algébriques qui sont isomorphes à des sous-groupes fermés de groupes du type GL{n) sont appelés les groupes linéaires ; les propriétés de ces groupes sont très différentes de celles des variétés abéliennes définies plus haut. Il est remarquable que le fait pour un groupe algébrique G d'être du type linéaire ou du type abélien puisse se reconnaître par le seul examen de la variété du groupe, abstraction faite de sa loi de composition. Commençons par les groupes linéaires. On dit qu'une variété algébrique U est affine s'il existe un système de coordonnées sur U valable sur toute la variété, c'est-à-dire d'une manière plus précise si U est isomorphe à une sous-variété fermée d'un espace numérique Kn. Ceci étant, on montre qu'une condition nécessaire et suffisante pour qu'un groupe algébrique soit linéaire est que sa variété soit une variété affine. La condition est évidemment nécessaire. Si elle est satisfaite, on montre qu'on peut former des sous-espaces vectoriels de dimensions finies de l'algèbre des fonctions partout définies sur le groupe (c'est-à-dire des fonctions qui s'expriment comme polynômes en les coordonnées d'un système de coordonnées valable sur toute la variété) qui sont invariants par les opérations de translation du groupe; ces espaces fournissent des 56 C. CHEVALLEY représentations linéaires du groupe qui permettent de construire un isomorphisme du groupe avec un groupe linéaire. Passons maintenant aux groupes du type abélien. Ces groupes n'ont été introduits jusqu'ici que dans le cas où le corps de base est celui des complexes; c'est Weil qui a donné la généralisation de ces groupes au cas d'un corps de base de caractéristique quelconque. La définition des variétés abéliennes repose sur la notion de variété complète qui généralise en géométrie algébrique celle des espaces compacts (on observera que les variétés abéliennes introduites plus haut sont, du point de vue des groupes de Lie, des groupes compacts). Considérons une variété U et un morphisme / d'une sous-variété ouverte V d'une variété V dans U; le graphe d e / est une partie V de la variété produit U x V; prenons son adhérence F. Bien que l'application / ne soit pas définie aux points de V—V, il peut se produire que, si y e V— Y', il y ait un ou des points x e U tels que {x,y) e F; on dit alors que x est une valeur d'adhérence d e / e n y. La variété U étant donnée, si pour tous choix de V, V e t / e t pour tout y eV—V il existe au moins une valeur d'adhérence d e / en y, on dit que la variété U est complète. Ceci étant, si K est le corps des complexes, on peut montrer que les variétés abéliennes comme définies plus haut sont exactement tous les groupes algébriques qui sont des variétés complètes. Il est donc naturel, pour un corps de base quelconque, d'appeler variétés abéliennes les groupes algébriques qui sont des variétés complètes. Ces groupes sont nécessairement commutatifs; leur étude est à certains égards plus difficile que celle des groupes linéaires; le simple fait qu'ils soient commutatifs oblige par exemple à aller chercher beaucoup plus profondément les éléments de structure propres à les caractériser. Cette étude a été cependant poussée très loin dans les travaux de Weil et de ses successeurs; nous y reviendrons. Tandis qu'un groupe linéaire admet une représentation linéaire fidèle, un groupe du type abélien n'admet aucune représentation linéaire non triviale; un groupe ne peut donc être à fois linéaire et du type abélien sans se réduire à son élément neutre. Par contre, on peut montrer que les groupes algébriques les plus généraux peuvent se construire à partir des groupes linéaires et des groupes du type abélien. Indiquons d'abord que, si G est un groupe algébrique et H un sous-groupe algébrique de G, l'ensemble G\H des classes (à droite ou à gauche) de G suivant H peut être muni de manière naturelle d'une structure de variété; l'application naturelle / : G->G/H est un morphisme, et tout morphisme de G dans une variété qui est constant sur chaque classe suivant H se décompose en l'application / LA THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 57 suivie d'un morphisme de GjH. Si H est de plus distingué, GjH est un groupe, et, muni de la structure de variété dont on vient de parler, un groupe algébrique. Ceci étant, on peut montrer que tout groupe algébrique G admet un sous-groupe algébrique distingué H et un seul tel que H soit linéaire et GjH complet (i.e. du type abélien); il existe diverses démonstrations de ce théorème, dont deux publiées, l'une par Barsotti et l'autre par Rosenlicht. On a encore peu de renseignements sur le problème réciproque, à savoir le problème de déterminer les groupes algébriques admettant un sous-groupe distingué linéaire H donné admettant comme quotient un groupe donné de type abélien. Cependant, des cas importants ont été étudiés par Rosenlieht, Serre et Lang; cette question très importante est liée aux généralisations de la théorie du corps de classes aux variétés algébriques. 3. Variétés abéliennes 3.1. Décomposition en variétés simples. Isogénies. Une variété abélienne A est dite simple si elle ne se réduit pas à son élément neutre et si elle n'a aucun sous-groupe fermé connexe non trivial autre que la variété tout entière. On est naturellement conduit à chercher à décomposer une variété abélienne quelconque en produit de variétés abéliennes simples. Cependant, il se produit ici un phénomène analogue à celui que l'on rencontre dans la théorie des groupes de Lie semi-simples, un groupe de Lie semi-simple étant seulement localement, mais en général pas globalement, isomorphe à un produit de groupes simples. Pour en arriver à un énoncé exact, on introduit la notion d'isogénie de variétés abéliennes. On appelle en général homomorphisme d'une variété abélienne A dans une variété abélienne B une application de A dans B qui est à la fois un homomorphisme de groupes et un morphisme de variétés. On dit que A est isogène à B s'il existe un homomorphisme surjectif de noyau fini de A dans B; cette relation, évidemment reflexive et transitive, se trouve être aussi symétrique. Ceci étant, on montre que toute variété abélienne A est isogène à un produit de variétés abéliennes simples; le nombre des facteurs du produit qui sont isogènes à une variété abélienne simple quelconque ne dépend que de A. 3.2. L'anneau des endomorphismes. Soit A une variété abélienne; un élément de structure d'importance fondamentale que l'on peut attacher à A est son anneau d'endomorphismes %{A); il se compose de tous les homomorphismes de A dans A, avec les lois de composition 58 C. CHEVALLEY définies par les formules {ot+ß) {x) = a{x)+ß{x), {ocß){x) = a{ß{x)). Parmi les endomorphismes figurent notamment les multiplications par les entiers naturels, à savoir les applications x-^nx; l'étude de ces applications fournit des renseignements sur les points d'ordre fini de A ; réciproquement, le fait que les endomorphismes transforment en luimême l'ensemble des points d'ordres finis fournit des renseignements précieux sur l'anneau %{A). Avant d'indiquer les résultats auxquels on arrive dans le cas général, nous considérerons d'abord ce qui se passe dans le cas où A est de dimension 1 et où K est le corps des complexes. La variété A est alors une courbe elliptique; elle se met sous la forme C/P, où P est un sousgroupe discret de rang 2 de C; les fonctions rationnelles sur A sont les fonctions elliptiques admettant les points de P comme périodes. Un endomorphisme de A est la transformation de A induite par une opération de la forme z-> ocz dans C, a étant un nombre complexe tel que CLP C P\ ces opérations sont ce qu'on appelle les multiplications complexes attachées à la courbe elliptique A ; on sait que les nombres a tels que aP <=• P forment un anneau qui ou bien se réduit à l'anneau des entiers rationnels ou bien est un sous-anneau de l'anneau des entiers d'un corps imaginaire quadratique L; de plus, dans ce dernier cas, la théorie de la multiplication complexe est très intimement associée à la théorie du corps de classes sur L. Ceci indique que, les résultats généraux relatifs à l'anneau 21 (.4) pour une variété abélienne quelconque A une fois obtenus, on peut espérer que ces résultats puissent servir de base à une généralisation de la théorie arithmétique de la multiplication complexe à des corps de nombres plus généraux que les corps imaginaires quadratiques. Cet espoir a été brillamment réalisé par les travaux de Shimura et Taniyama. Soit A une variété abélienne quelconque; à tout endomorphisme oc de A se trouve associé un entier v{a) défini comme suit: si a n'est pas surjectif, v{a) = 0; dans le cas contraire, a définit un isomorphisme du corps F {A) des fonctions rationnelles sur A sur un sous-corps F'{A) de luimême, et v{oc) est alors le degré de l'extension F{A)fF'{A). Si cette extension est separable, ce qui se produit toujours dans le cas où v est la multiplication par un entier premier à la caractéristique de K, v{cc) est égal à l'ordre du noyau de a. Un premier résultat fondamental de la théorie affirme que, si a est la multiplication par un entier k > 0, on a v{a) = Jc2aimA; il en résulte facilement que, si k est premier à la caractéristique, les points d'ordres diviseurs de k forment un groupe fini isomorphe au produit de 2 dim A groupes cycliques d'ordre k. On en LA THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 59 déduit que, si l est un nombre premier distinct de la caractéristique, les points d'ordres diviseurs de puissances de l forment un groupe qui est le produit de 2 dim A exemplaires du groupe additif des entiers Z-adiques réduits modulo l. Soit Mx ce groupe: il est clair que les endomorphismes de A opèrent sur le groupe Mx, ce qui donne une représentation de l'anneau %{A) dans l'anneau des endomorphismes de Mx. Or on voit facilement que ce dernier est isomorphe à l'anneau des matrices de degré 2 dim J. à coefficients dans l'anneau des entiers Z-adiques, anneau que nous désignerons par JKX. Utilisant la représentation ainsi obtenue de %{A) dans Jfx, Weil obtient les résultats suivants. Le groupe additif de %{A) admet un ensemble fini de générateurs, et n'admet pas de torsion; il en résulte que l'anneau %{A) se plonge dans une algèbre de dimension finie %§{A) sur le corps O des rationnels. Cette algèbre est semi-simple. D'une manière plus précise, si A est une variété abélienne simple, %{A) n'admet aucun diviseur de zéro 4= 0, de sorte que 3IQ {A) est dans ce cas un corps gauche. Ce corps n'est d'ailleurs pas quelconque: il admet un antiautomorphisme a -» a! involutif tel que l'on ait cr{aoc') > 0 pour tout oc 4= 0, o* étant la trace. Dans le cas général, il y a des variétés abéliennes simples Bv ...,Bm, non isogènes entre elles, telles que A soit isogène au produit de % fois la variété B1,...,nm fois la variété Bm. L'algèbre 2IQ(J.) se décompose alors en m algèbres simples, dont la i-ième est l'algèbre des matrices de degré % à coefficients dans 9ÏQ {At). Nous avons déjà signalé l'application de la théorie des variétés abéliennes aux généralisations de la multiplication complexe. Une autre application (c'est celle pour laquelle la théorie a été édifiée) se rapporte à la théorie des corps de fonctions algébriques d'une variable sur un corps fini k à q éléments. Soit O une courbe; l'anneau des correspondances entre la courbe C et elle-même est isomorphe à l'anneau des endomorphismes de la jacobienne J de la courbe C, de la manière suivante: si Y est une correspondance entre G et C (que nous supposons dépourvue de composantes de la forme x x G, ce qui signifie qu'il n'y a pas de point de G auquel tous les points de C correspondent), les points qui correspondent à un point x de G, affectés de multiplicités convenables, forment un diviseur b{x) sur la courbe C. Par linéarité, on déduit de l'application x -> b{x) une application a -> b(ct) du groupe des diviseurs a de C dans lui-même (si a = 2 a ^ , on a b(ct) = Sa^b(^)); on montre que cette application transforme les diviseurs principaux en diviseurs principaux, donc définit un endomorphisme du groupe des classes de diviseurs de C, c'est-à-dire du groupe sous-jacent àia jacobienne J de C dans lui-même; on montre que cet endomorphisme est un 60 C. CHEVALLEY morphisme de la variété J; c'est donc un endomorphisme de J, dont on montre qu'il ne dépend que de la classe de Y. On montre que l'application ainsi obtenue de l'anneau des classes de correspondances dans 2Ï( J) est un isomorphisme du premier de ces anneaux sur le second. Or, supposons la courbe C définie par une équation F{x, y) = 0 à coefficients dans le corps k; il y a alors une correspondance remarquable Y entre G et elle-même, à savoir celle qui fait correspondre à tout point {x, y) le point {xq,yq). La puissance n-ième de cette correspondance associe au point {x, y) le point {xqn, yqn); les points de C qui se correspondent à euxmêmes au moyen de cette correspondance sont ceux dont les coordonnées appartiennent à l'extension unique kn de degré n du corps k. Par ailleurs, r définit un endomorphisme a' de J ; Weil a déduit des propriétés de l'anneau d'endomorphismes de la jacobienne des renseignements sur la croissance en fonction de n du nombre des points fixes de la correspondance r , c'est-à-dire du nombre des points de G à coordonnées dans kn; c'est la méthode par laquelle il a pu établir l'hypothèse de Riemann relative à la fonction £ définie par la courbe G. 3.3. Variétés abéliennes et variétés de Picard. La théorie des variétés abéliennes trouve d'autres applications dans la théorie des diviseurs sur une variété algébrique complète U quelconque; il s'agit ici de généraliser la relation qui existe entre une courbe et sa jacobienne. Les diviseurs sur U sont les combinaisons formelles à coefficients entiers d'hypersurfaces tracées sur U; ils forment un groupe %{U). On appelle famille algébrique de diviseurs sur U une loi qui fait correspondre à tout point t d'une variété non singulière T (dite variété des paramètres) un diviseur D{t) sur U, loi qui doit satisfaire à certaines conditions qui permettent de qualifier d'algébrique l'application t -> D{t). Un diviseur est dit algébriquement équivalent à 0 s'il appartient à une famille algébrique de diviseurs qui contient aussi le diviseur 0; les diviseurs algébriquement équivalents à 0 forment un sous-groupe ® 0 de ®. Dans le cas d'une courbe, ®0 n'est autre que le groupe des diviseurs de degré 0, i.e. des combinaisons formelles de points dans lesquelles la somme des coefficients est 0. Parmi les diviseurs algébriquement équivalents à 0 figurent les diviseurs principaux, i.e. les diviseurs de fonctions sur la variété; ils forment un sous-groupe ® p de ®0. Dans le cas d'une courbe, ®o/®p n'est autre que la jacobienne de la courbe. On établit que, dans le cas général, le groupe ®0 /® p peut encore être muni d'une structure de variété qui en fait une variété abélienne P, et qui satisfait à la condition suivante: si t -> D{t) est une famille algébrique de diviseurs de ®0, et si t-A THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 61 on désigne par CW{t) la classe de U{t) modulo ^p, t -> CW{t) est un morphisme de la variété T dans la variété P. La variété P ainsi obtenue s'appelle la variété de Picard de la variété U. La construction de la variété de Picard a fait l'objet de nombreux travaux récents, dus notamment à Matsusaka, Samuel, Néron et Weil. Les notations étant comme ci-dessus, le théorème de Néron-Severi affirme que le groupe ®/®0 admet un ensemble fini de générateurs; Lang a donné récemment de ce théorème une élégante démonstration basée sur l'étude des points d'ordres finis de la variété de Picard. Par ailleurs, les résultats obtenus relatifs à la variété de Picard permettent d'étudier les extensions abéliennes non ramifiées du corps F{U) des fonctions sur la variété U, en utilisant la théorie classique des extensions kummériennes. Une extension cyclique de degré diviseur de n {n étant un entier premier à la caractéristique) du corps F{U) s'obtient par extraction de la racine n-ième d'une fonction u sur U. Comme en théorie des nombres algébriques, pour que l'extension ainsi obtenue soit non ramifiée, il faut et suffit que le diviseur de la fonction u soit de la forme nD, où D est un diviseur; par ailleurs, si D est lui-même principal, l'extension est triviale. On est donc conduit à étudier les éléments d'ordres diviseurs de n dans le groupe "S)/®^ Or le groupe des éléments d'ordres diviseurs de n dans ®0/®p es ^ connu par la théorie de la variété de Picard; par ailleurs, le groupe des éléments d'ordres diviseurs de n dans ®/®0 est un groupe fini dont l'ordre est borné en fonction de n. On conçoit donc qu'on puisse obtenir des renseignements assez précis sur la théorie des extensions abéliennes non ramifiées de F{U); et de fait, Lang est parvenu à généraliser aux extensions abéliennes des corps de fonctions algébriques une grande partie de la théorie du corps de classes pour les corps de nombres algébriques. La théorie de la variété de Picard P d'une variété quelconque s'applique en particulier au cas où U est elle-même une variété abélienne A. On trouve que P est alors isogène à A, sans lui être nécessairement isomorphe. Cartier a réussi tout récemment à montrer que la relation ainsi établie entre une variété abélienne A et sa variété de Picard P est une relation réciproque; en d'autres termes, la variété de Picard de P est isomorphe à A. On arrive ainsi à une relation de dualité entre variétés abéliennes qui rappelle, par ses propriétés formelles, la relation de dualité entre les groupes commutatifs finis et leurs groupes de caractères. 62 C. CHEVALLEY 4. Les groupes linéaires Le développement de la théorie des groupes linéaires algébriques, a comporté deux phases assez distinctes, qui se différencient l'une de l'autre aussi bien par la nature des problèmes traités que par celle des méthodes employées. La première phase a été marquée par le souci de s'inspirer de la théorie générale des groupes de Lie. Cette dernière ne fournissait à la théorie des variétés abéliennes qu'un invariant de nature triviale, puisque l'algèbre de Lie d'un groupe commutatif analytique ne dépend que de la dimension de ce groupe. Il n'en est plus ainsi dans le cas des groupes linéaires; cela se conçoit, puisqu'un sous-groupe analytique du groupe linéaire complet GL{n, C) est entièrement déterminé par son algèbre de Lie. Aussi a-t-on cherché d'abord à exploiter au maximum les renseignements sur un groupe algébrique que l'on peut tirer de l'étude de son algèbre de Lie: c'est la voie dans laquelle s'est engagé le fondateur de la théorie, Maurer; ses travaux ont été repris et complétés par ceux de Chevalley. On aperçoit aisément une méthode pour construire des sous-groupes algébriques du groupe GL{n, C). Ce dernier opère en effet de manière naturelle sur les espaces de tenseurs de diverses espèces construits sur l'espace yectoriel O , et les composantes du transformé s{T) d'un tenseur T par une opération s de GL{n, C) s'expriment comme fonctions rationnelles des coefficients de la matrice s. On dit qu'un tenseur T est un invariant d'un sous-groupe G de GL{n,G) si on a s{T) = T pour tout s € G, et un semi-invariant si s{T) est de la forme a{s) T (pour s e G), a{s) étant un scalaire. Ceci étant, si on se donne un certain nombre de tenseurs Tv ...,Th d'espèces quelconques, l'ensemble des éléments s de GL{n,C) qui admettent chacun des % comme semi-invariant est évidemment un groupe algébrique. On peut montrer que tout sous-groupe algébrique G de GL{n, C) peut se définir de la manière précédente. L'idée de la démonstration est la suivante. Les fonctions polynômes sur GL{n, C) (celles qui peuvent s'exprimer comme des polynômes en les coefficients d'une matrice de GL{n, C)) forment une algèbre P; celles d'entre elles qui sont homogènes d'un degré déterminé d sont des tenseurs. Le groupe GL{n, C) opère sur l'algèbre P. Par ailleurs, un sous-groupe algébrique G de GL{n, C) est défini par un certain idéal a de P, qui se compose des fonctions nulles sur G. On voit tout de suite qu'une condition nécessaire et suffisante pour qu'un élément s appartienne à G est que s transforme a en lui-même; il suffit même que s transforme en lui-même l'espace des LA THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 63 fonctions de a d'un degré inférieur à un certain entier d (pourvu que d soit assez grand). La condition pour que s e G s'exprime donc par la condition que s transforme en eux-mêmes certains sous-espaces vectoriels de certains espaces tensoriels; or on voit facilement que cette condition peut encore se traduire par la condition que «s doit laisser semi-invariants certains tenseurs en nombre fini. Utilisant ce théorème, on peut montrer que, si G est un sous-groupe algébrique de GL{n, C) et H un sous-groupe algébrique et distingué de G, le groupe algébrique GjH est isomorphe à un groupe linéaire. Par ailleurs, il convient de noter que le résultat précédent et sa démonstration s'étendent sans modification au cas où le corps C est remplacé par un corps quelconque. Soit G un sous-groupe quelconque de GL{n, C); il y a alors un plus petit groupe algébrique G* contenant G: il se compose des opérations qui admettent comme semi-invariants tous les semi-invariants de G; on l'appelle la coque algébrique du groupe G. On montre que, si G est un groupe analytique, G* contient G comme sous-groupe distingué et a même groupe des commutateurs que G, de sorte que G*jG est commutatif ; d'une manière plus précise, on a G* = G toutes les fois que G est luimême le groupe des commutateurs d'un groupe analytique. Par ailleurs, on montre que le groupe G* est engendré par les coques algébriques des sous-groupes à un paramètre du groupe analytique G (i.e. des groupes de la forme {exptX}, où X est une matrice fixe). Or les résultats cités plus haut sur la détermination d'un groupe par ses semi-invariants permettent de déterminer explicitement la coque algébrique G* d'un groupe à un paramètre G. Supposons que G se compose des opérations exp tX. La matrice X peut se représenter de manière unique comme somme d'une matrice nilpotente N et d'une matrice semi-simple D (i.e. d'une matrice réductible à la forme diagonale) qui commute avec N. Ceci étant, pour qu'une matrice X' appartienne à l'algèbre de Lie de Ö*, il faut et suffit qu'elle puisse se mettre sous la forme cN + D' où c est un scalaire et D' une matrice qui se met sous la forme P{D), P étant un polynôme qui doit posséder la propriété suivante: si dv ...,dn sont les racines caractéristiques de D, on doit avoir S ^ P ( ^ ) = 0 toutes les fois que zx,...,zn sont des entiers tels que ljzidi = 0. Les matrices X' qui possèdent cette propriété s'appellent les répliques de X; pour qu'une sous-algèbre g de l'algèbre de Lie de GL{n, C) soit l'algèbre de Lie d'un sous-groupe algébrique de GL{n, C), il faut et suffit que toute réplique de toute matrice appartenant à g appartienne encore à g. Les résultats précédents fournissent des renseignements sur les points d'un groupe linéaire algébrique irréductible G à coefficients dans un sous- 64 C. CHEVALLEY corps donné K de C. Nous supposerons que G est défini sur K, c'est-à-dire que l'idéal des fonctions polynômes nulles sur G est engendré par des polynômes à coefficients dans K; il revient au même de dire que l'algèbre de Lie de G est engendrée par des matrices à coefficients dans K. Dans ce cas, on peut montrer que G contient ' assez ' de points à coefficients dans K, en ce sens que toute fonction polynôme sur GL{n, C) qui est nulle sur l'ensemble des points de G à coefficients dans K est identiquement nulle sur G. Le principe de la démonstration consiste à utiliser les théorèmes cités plus haut pour se ramener au cas où G est commutatif ; dans ce cas, on fabrique des points de G à coefficients dans K en partant de points s à coefficients dans une extension algébrique galoisienne de K et en formant le produit de s par ses conjugués relativement à K; comme ces conjugués commutent entre eux, leur produit est à coefficients dans K. On notera que la question des points à coordonnées dans un corps donné K se pose encore de la même manière quand G est remplacé par un corps algébriquement clos de caractéristique quelconque; mais, dans ce cas, Rosenlieht a montré que le théorème d'existence d'assez de points à coordonnées dans K n'est en général plus vrai, bien qu'il le soit encore si on suppose le corps K parfait. Les résultats relatifs à la correspondance entre les groupes algébriques et leurs algèbres de Lie tombent malhereusement en défaut dès que la caractéristique p du corps de base cesse d'être nulle. On peut bien encore associer à tout groupe algébrique de dimension n une algèbre de Lie, qui est aussi de dimension n; cette algèbre de Lie est d'ailleurs une ^-algèbre au sens de Jacobson, c'est-à-dire une algèbre de Lie dans laquelle est définie une opération de puissance p-ième, liée à l'opération de crochet par certaines identités; la présence de cette opération résulte du fait que la puissance ^-ièrne d'une dérivation d'un corps de caractéristique p est encore une dérivation. Mais, alors que les théorèmes de la théorie classique qui permettent d'inférer les propriétés de l'algèbre de Lie à partir de celles du groupe restent en général vrais en caractéristique p, il n'en est pas de même des théorèmes allant dans l'autre direction. Citons par exemple le fait que plusieurs sous-groupes irréductibles d'un même groupe algébrique G peuvent avoir la même algèbre de Lie, et que des groupes algébriques non résolubles (comme le groupe linéaire unimodulaire à 2 variables en caractéristique 2) peuvent avoir des algèbres de Lie résolubles. Il résulte de là que les méthodes inspirées de la théorie des groupes de Lie perdent toute leur efficacité dans l'étude des groupes linéaires en caractéristique p, tout comme dans le cas des variétés abéliennes en caractéristique 0; elles ont dû être remplacées par LA THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 65 des méthodes directes, qui s'appuyent ici encore fortement sur la géométrie algébrique. Les premiers résultats relatifs à la théorie des groupes linéaires en caractéristique ^ furent ceux de Kolchin relatifs aux groupes résolubles; Kolchin a notamment démontré que le théorème de Lie, qui affirme que les matrices d'un groupe linéaire analytique résoluble complexe peuvent être simultanément réduites à la forme triangulaire reste vrai pour les groupes algébriques résolubles irréductibles sur des corps algébriquement clos de caractéristique quelconque; le résultat était d'autant plus frappant que l'on savait à l'époque que l'énoncé correspondant pour les algèbres de Lie est faux. C'est au mémoire fondamental de Borei que la théorie des groupes linéaires algébriques sur un corps algébriquement clos K de caractéristique quelconque doit l'aspect de doctrine harmonieuse et cohérente qu'elle revêt aujourd'hui. Soit G un groupe linéaire algébrique irréductible sur K. Il est clair que G lui-même ne saurait être une variété complète sans se réduire à son élément neutre. Mais G peut néanmoins avoir des espaces homogènes complets, c'est-à-dire des sous-groupes fermés H tels que la variété G\R soit complète. C'est ainsi que l'espace projectif de dimension n — 1, qui est une variété complète, est un espace homogène du groupe linéaire général à n variables. Cependant, on peut montrer qu'un groupe linéaire résoluble ne peut avoir aucun espace homogène complet; d'une manière plus précise, si un groupe linéaire résoluble opère rationnellement sur une variété complète U quelconque, il y a au moins un point de U qui est invariant par les opérations du groupe. La démonstration se fait en se ramenant d'abord au cas où le groupe est commutatif, puis, de là, au cas où le groupe est de dimension 1 ; or on peut montrer qu'un groupe algébrique irréductible de dimension 1 est isomorphe soit au groupe additif du corps de base soit au groupe multiplicatif des éléments 4= 0 du corps de base; dans chacun de ces cas, iFest facile de montrer directement que le groupe n'admet aucun espace homogène complet non trivial. Il résulte de là que, si un groupe linéaire irréductible G opère dans une variété complète U, tout sous-groupe résoluble irréductible de G est contenu dans le groupe d'isotropie d'au moins un point de U. Par ailleurs, le groupe G admet au moins un espace homogène complet tel que les groupes d'isotropie des points de cet espace soient résolubles. Pour le montrer, il suffit de plonger G dans le groupe linéaire complet GL{n,K) et d'observer que le théorème est vrai pour GL{n,K). Or le quotient de GL{n,K) par le groupe des matrices triangulaires n'est autre que la variété des drapeaux de l'espace vectoriel 66 n C. CHEVALLEY K sur K, c'est-à-dire la variété composée des suites (Ll9..., Ln) où L{ est un sous-espace de dimension i de Kn et Lt c Li+1 (1 < i ^ n— 1); cette variété est complète. On démontre en même temps par cette méthode que tout sous-groupe résoluble irréductible de GL{n, K) est conjugué à un sous-groupe de groupe triangulaire, ce qui fournit une nouvelle démonstration du théorème de Lie-Kolehin. Si G est un groupe linéaire algébrique irréductible quelconque, on appelle maintenant groupes de Borei les sous-groupes résolubles irréductibles maximaux de G; ce sont aussi les éléments minimaux de l'ensemble des sous-groupes fermés H tels que GjH soit complet; on montre que ce sont aussi des sous-groupes résolubles maximaux (sans condition d'irréductibilité) de G. Les groupes de Borei d'un groupe G sont tous conjugués entre eux dans G. On appelle tore un groupe linéaire qui est isomorphe au produit d'un certain nombre de fois le groupe multiplicatif du corps de base par luimême; la raison de cette terminologie est que ces groupes jouent dans la théorie des groupes algébriques un rôle très analogue à celui que jouent les groupes toroïdaux dans la théorie des groupes compacts. Dans le cas du groupe linéaire général, le groupe des matrices diagonales est un tore maximal, et tout autre tore contenu dans le groupe est conjugué à un sous-groupe du groupe des matrices diagonales. Si G est un groupe linéaire algébrique quelconque, les tores maximaux de G sont encore tous conjugués entre eux; leur dimension commune fournit un invariant important du groupe G, que l'on appelle son rang. On appelle enfin groupes de Cartan de G les centralisateurs des tores maximaux de G; tout groupe de Cartan est le produit direct d'un tore maximal et d'un groupe formé d'éléments unipotents (une matrice est dite unipotente si elle est la somme de la matrice unité et d'une matrice nilpotente). Les résultats se précisent encore dans le cas où G est un groupe semisimple, c'est-à-dire où G n'admet aucun sous-groupe résoluble distingué de dimension > 0. Dans ce cas, on démontre que les tores maximaux sont leurs propres centralisateurs, de sorte que les groupes de Cartan sont des tores. Chaque tore maximal T n'est contenu que dans un nombre fini de groupes de Borei Bv ..., BN; ces groupes sont permutés de manière simplement transitive entre eux par les opérations du normalisateur N du groupe T; le groupe NjT = W est un groupe fini; dans le cas classique, l'importance de ce groupe dans la théorie des groupes semi-simples avait été reconnue par Weyl; aussi l'appelle-t-on le groupe de Weyl du groupe G. Soit B l'un des groupes B^ il est le produit semidirect du groupe T et d'un groupe Bu formé de matrices unipotentes. De plus, alors que la structure des groupes unipotents généraux en carac- LA THÉORIE DES GROUPES ALGÉBRIQUES 67 u téristiques p > 0 semble être fort complexe, les groupes B qui proviens nent de groupes semi-simples sont relativement peu compliqués: Bu est en effet le produit semi-direct d'un certain nombre de groupes Hi de dimension 1, isomorphes au groupe additif du corps K, dont les normalisateurs contiennent T. Si Ht est l'un de ces groupes, dont on suppose fixée une paramétrisation au moyen des éléments de K, le transformé par un élément t de T du point de paramètre d sur J3^ est le point de paramètre oc^t) 6, oc^t) étant un homomorphisme du groupe T dans le groupe multiplicatif du corps K. Les divers homomorphismes de T que l'on obtient de cette manière sont appelés les racines du groupe G (relativement à T) ; le groupe de Weyl permute entre elles les racines. On retrouve ainsi tous les éléments de structure qui ont permis à Killing et à Cartan de donner dans le cas classique la classification complète des groupes de Lie semi-simples; on peut alors procéder à cette classification dans le cadre plus général de la théorie des groupes semi-simples sur un corps algébriquement clos de caractéristique quelconque; ceci fait, on constate qu'il y a exactement autant de types que dans la théorie classique, de sorte que la classification est entièrement indépendante de la caractéristique du corps de base. Il convient de noter cependant que l'existence de groupes des divers types prévus par la classification ne peut encore être établie qu'à partir de la connaissance de l'existence de ces groupes dans le cas classique. Pour passer du cas classique au cas de caractéristique p, on utilise un procédé qui permet d'associer à tout groupe semisimple complexe G qui soit son propre groupe adjoint et à tout corps K (pas nécessairement algébriquement clos) un groupe de matrices à coefficients dans K; appliqué aux corps finis K, ce procédé permet de construire des groupes finis qui fournissent certains groupes simples finis. Parmi les groupes finis simples ainsi obtenus, ceux qui correspondent aux groupes simples classiques ou aux groupes exceptionnels de type 6?2 étaient connus depuis les travaux de Dickson. Soit G un groupe linéaire irréductible, et soit B un groupe de Borei de G. L'espace homogène complet G/B ne dépend que du quotient de G par son radical; les variétés complètes que l'on obtient ainsi possèdent des propriétés intéressantes. Le groupe B, étant un sous-groupe de G, opère dans GjB; le théorème de Bruhat affirme que l'espace GjB se décompose en un nombre fini d'orbites pour le groupe B. Chacune de ces orbites est une sous-variété (non fermée en général) de GjB, isomorphe à un espace numérique Kv. Dans le cas classique, on obtient de cette manière une décomposition cellulaire de l'espace compact GjB en cellules de dimensions paires; il en résulte immédiatement que, pour toute 5-2 68 C. CHEVALLEY dimension m, le groupe d'homologie entière pour la dimension m de GjB est un groupe fibre de rang égal au nombre des cellules de dimension m. Or le nombre de ces cellules peut en principe se calculer dès que l'on connaît la manière dont le groupe de Weyl opère sur les racines. On trouve ainsi des formules relatives à l'homologie de GjB qui ont été également obtenues par voie transcendante par Bott. Par ailleurs, on sait que c'est encore un problème ouvert que de généraliser aux variétés définies sur les corps de caractéristique p > 0 les notions que la topologie fournit à l'étude des variétés algébriques complexes; ce problème est intimement Hé aux questions d'analyse diophantienne par les conjectures de Weil. Dans le cas des variétés GjB, on peut montrer que la notion d'anneau de classes d'équivalence rationnelle, due à Chow, fournit la solution du problème: on trouve en effet que, pour une caractéristique quelconque, l'anneau de Chow de la variété G\B est isomorphe à l'anneau de cohomologie de la variété complexe qui correspond au groupe complexe homologue de groupe G.