Discussion générale : des différences entre l’intelligibilité et la compréhension de la parole
en situation de communication
2007b, 2008; Özsancak, 2001). En effet dans beaucoup de cas nous ne disposons
pas de critères objectifs pour quantifier ces déficiences, par exemple dans le cas
d’atteintes neurologiques ou bien quand nous nous intéressons à des patients
souffrant de troubles d’origines différentes. Nous ne sommes pas capable par
exemple d’estimer qu’un patient est atteint d’une déficience de x% dans les
fonctions neurologiques liées à l’exécution des mouvements phonatoires, et
encore moins de rapprocher cette déficience avec celle d’un autre patient ayant
perdu y% de la masse de sa langue. Les scores d’intelligibilité sont donc
parfois utilisés pour quantifier ces déficiences, ce qui peut causer des biais
méthodologiques. Nous avons par exemple relevé dans notre travail deux cas
d’études dans lesquelles les scores d’intelligibilités sont utilisés à la fois pour
représenter la sévérité des déficiences et l’intelligibilité des patients (Hustad,
2007b, 2008). Ceci pose un problème majeur dans la mesure où la sévérité est
envisagée comme une variable indépendante de l’intelligibilité des patients ;
– les tests d’intelligibilité sont également utilisés pour quantifier les incapaci-
tés dont souffrent les patients pour accomplir des mouvements articulatoires,
l’évolution de l’intelligibilité au cours du temps permettant de juger de l’ef-
ficacité de thérapies orthophoniques ou d’interventions chirurgicales (Hustad,
2006; Leary et al., 2006; Lohmander et al., 2006; Neel, 2009; Puyuelo et Ron-
dal, 2005). Plus rarement, les tests d’intelligibilité permettent aussi d’obtenir
des indications qualitatives sur ces incapacités – notamment sur l’aptitude du
patient à produire les contrastes phonétiques jugés comme nécessaires pour la
bonne identification des phonèmes (Kent et al., 1989) ;
– enfin, les tests d’intelligibilité sont utilisés pour rendre compte de la perfor-
mance communicative des patients, c’est-à-dire leur aptitude à se faire com-
prendre par des tiers dans des situations de communication (Ertmer, 2010;
Skahan et al., 2007).
Ce dernier point, la question de l’évaluation de la performance communicative
d’une personne, est très complexe. Tout d’abord, la communication humaine est
multimodale – aux paroles venant s’ajouter les gestes, mimiques et postures des
interlocuteurs. Ce sont entre autres ces aspects que Kerbrat-Orecchioni (1980) dé-
signera sous le terme de « compétences paralinguistiques » aux côtés des autres
compétences en jeu chez les interlocuteurs dans une situation de communication
(compétences linguistiques, idéologiques et culturelles – cf. le schéma de la commu-
nication de Kerbrat-Orecchioni en figure 7.26).
De fait, dans notre travail de thèse nous nous sommes limité à la question de la
compétence de communication verbale en éliminant volontairement les aspects non
verbaux de la communication. Notre problématique concerne en effet les troubles de
production de la parole uniquement, et de plus pour être à même de formuler des
hypothèses suffisamment précises quant aux différences existant entre l’intelligibilité
et la compréhension de la parole en situation de communication nous nous devions de
limiter le nombre de variables en jeu. Nous pensons cependant que les performances
du patient en termes de posturo-mimo-gestualité devraient également être prises en
compte pour obtenir une image précise et complète de la performance communicative
du patient. En ce sens, du point de vue des modalités communicatives, nous nous
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