Modèles biomécaniques et physio-pathologiques pour l`analyse d

Modèles biomécaniques et physio-pathologiques
pour l'analyse d'images cérébrales.
1. Introduction
a. Contexte et enjeux de cette thèse
Les processus décisionnels en médecine moderne s'appuient de plus en plus sur
l'acquisition et l'analyse de données spécifiques aux patients. Cette tendance s'est opérée ces
dernières années à la faveur d'une multiplication des systèmes d'acquisition d'images
biomédicales, d'une résolution spatiale et temporelle en constante augmentation (plusieurs
exemples de systèmes d’imagerie sont proposés en figure 1). Ces nouvelles images permettent
d'effectuer un diagnostic quantitatif en vue d'un traitement personnalisé. Ce flot d'information
grandissant mis à la disposition du praticien devient néanmoins de plus en plus difficile à
appréhender.
(A) (B) (C)
(D) (E) (F)
Figure 1. Exemples illustrant les multiples modalités d’imagerie à la disposition du clinicien pour le diagnostic des
pathologies cérébrales. (A) Image ultrason d’un sujet sain. (B) Image par résonnance magnétique (IRM) anatomique
(pondération T2) utilisée pour la localisation d’une tumeur. (C) Tomodensitométrie utilisée pour le suivi d’une
hypertension intracrânienne. (D) IRM fonctionnelle permettant de localiser les zones du cerveau utilisées pour
réaliser une tache de préhension. (E) Tomographie par émission mono-photonique présentant le métabolisme local
du cerveau, utilisée pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. (F) IRM du tenseur de diffusion permettant de
visualiser l’orientation des fibres nerveuses du cerveau.
Au cours des dernières décennies, les progrès de l’informatique ont permis le
développement parallèle d’outils permettant l’analyse de ces images. Ces outils initialement
composés d'algorithmes de traitement de base ont peu à peu été intégrés dans des chaînes de
traitements complètes. Aujourd’hui, la quantité de données disponibles est telle qu’il devient
nécessaire de développer des nouvelles méthodes capables de condenser l’information disponible
afin d’assister les praticiens hospitaliers dans les différentes étapes de la prise en charge clinique
du patient : lors du diagnostic, du pronostic, du traitement, ou du suivi thérapeutique.
b. Les modèles algorithmiques pour le corps humains
L’approche développée dans cette thèse repose sur l’utilisation de modèles
algorithmiques du corps humains. Ces modèles apparus récemment sont à l’interface entre
plusieurs domaines de recherche plus matures : les mathématiques, l’informatique, la physique,
la biologie et la médecine. Ces nouveaux modèles permettent de reproduire et de simuler le
comportement et le fonctionnement d'organes, de systèmes biologiques ou de pathologies. Ces
modèles algorithmiques peuvent être personnalisés lorsqu'ils sont construits à partir des données
spécifiques au patient. Ils aident alors à analyser la masse d’informations provenant de l'imagerie
biomédicale pour en extraire une représentation plus synthétique sous la forme d'un nombre
raisonnable de paramètres pertinents.
(A) (B) (C)
Figure 2. Modèle géométriques utilisé pour la représentation de la peau (A), du crâne (B) et du cerveau (C). Ces
modèles sont obtenus en "maillant" les surfaces à l’interface entre les tissus, visibles dans les images. Cette
opération de maillage consiste à simplifier la représentation de chaque surface en l’approximant par un assemblage
de formes géométriques simples : ici des triangles. La mise en équation des phénomènes physiques et biologiques
est alors simplifiée grâce à cette représentation, et traitée plus facilement par l’ordinateur.
On considère trois niveaux de représentation pour ces modèles. Le premier est
essentiellement géométrique et s'arrête à la description de l'anatomie, souvent extraite d'images
médicales. Le modèle est alors utilisé pour reproduire l'aspect visuel (voir la figure 2). Le second
incorpore les lois physiques et chimiques. Le modèle peut alors simuler le comportement
biomécanique ou les propriétés thermiques d'un organe. Le troisième niveau décrit la physiologie
des organes et peut incorporer des modèles de pathologies. Les propriétés fonctionnelles de
l’organe, ainsi que les pathologies qui l’affectent sont alors modélisées.
Bien qu’appartenant à un domaine de recherche en pleine émergence, ces modèles
commencent à être intégrés dans plusieurs applications cliniques pour le traitement de
pathologies cérébrales. En réalité, ces nouveaux modèles algorithmiques offrent un cadre de
travail pertinent et adapté à l’analyse des images et des signaux biomédicaux, quel que soit
l’organe considéré (voir la figure 3). Plusieurs projets de recherche multidisciplinaires
d’envergure internationale leurs sont par ailleurs consacrés (Integrative Biology
1
, Physiome
Project
2
, CardioSense3D
3
).
1
http://www.integrativebiology.ac.uk/
2
http://www.physiome.org/
3
http://www-sop.inria.fr/CardioSense3D
Figure 3. Présentation des interactions entre images et signaux biomédicaux d’une part, et les modèles
algorithmiques d’autre part pour leur intégration dans les processus décisionnels cliniques.
(A) (B)
Figure 4. Segmentation des structures dans une image médicale. (A) Plusieurs coupes extraites d’une IRM
volumique de la tête. Une telle image compte en temps normal 128 de ces coupes, chacune de 256 par 256 pixels.
(B) Rendu volumique de la segmentation des structures dans l’image : la peau (rose), le crâne (bleu), le liquide
céphalorachidien (vert) et le cerveau (rouge).
2. Modèles biomécaniques et physio-pathologiques pour l'analyse
d'images cérébrales
Nos travaux contribuent au développement de modèles algorithmiques du cerveau et de
ses pathologies. Le point commun entre tous ces travaux, traité dans la première partie de la
thèse, est un modèle dit de "seconde génération", spécifique à la morphologie du patient et
capable de simuler le comportement mécanique du cerveau. Dans la deuxième partie, deux
applications associées à des modèles de pathologies (de "troisième génération") sont
développées : l’hydrocéphalie et la croissance de tumeur diffusives dans le cerveau.
a. Modèle biomécanique du cerveau spécifique au patient
Géométrie
Statistiques
Physique
Physiologie
Modèles
algorithmiques
du corps humain
Images et
signaux
biomédicaux
Interprétation
(diagnostic) Prédiction de
l’évolution
Simulation
de thérapie
Planification
de thérapie
Identification
(personnalisation)
À partir de la classification des structures rébrales dans l’image du patient (voir figure
4), il est possible d’assigner à ces tissus des caractéristiques mécaniques différentes pour créer un
modèle biomécanique spécifique à l’anatomie du patient. Ce modèle peut ainsi être utilisé au
cours de l’opération pour estimer les déformations du cerveau induites par une opération
chirurgicale (voir la figure 5). En effet, la chirurgie peut provoquer un déplacement des
structures, dont la position ne correspond plus alors à celle mesurée dans les images médicales
avant l’opération. L’erreur ainsi commise sur la position des structures au cours de l’opération
peut avoir des répercutions importantes sur la précision de la chirurgie. Certaines techniques
d’imagerie permettent cependant d’acquérir des images au cours de l’opération, de qualité
inférieure à celles acquises avant l’opération. Le modèle biomécanique permet alors d’analyser
ces images pour en déduire une mesure du déplacement pour chaque zone du cerveau. Ces
déplacements sont ensuite appliqués à l’ensemble des images et des coordonnées du planning
préopératoire pour leur mise à jour régulière en cours de chirurgie.
(A) (B)
(C) (D)
Figure 5. Intérêt de l’utilisation des modèles algorithmiques pour la mise à jour du planning préopératoire. Les
images A et B présentent le système à résonnance magnétique du Brigham and Women’s Hospital de Boston avec
qui nous collaborons. Avec ce type de système, le patient est opéré directement dans l’IRM, permettant d’acquérir
des images pendant la chirurgie (les images C et D, acquises avec 2 heures de décalage au cours d’une opération sur
le cerveau). On remarquera que les structures cérébrales se sont déplacées dans la deuxième image, alors que le
patient n’a pas bougé. Pour des contraintes de temps évidentes (l’acquisition de certaines images peut prendre une
heure), il est impossible d’acquérir un jeu de données complet avec ce système au cours de l’opération. Les modèles
algorithmiques sont alors utilisés pour estimer les déformations mécaniques au cours de l’opération et venir ainsi
mettre à jour les images préopératoires afin de disposer à tout moment de l’ensemble des images acquises avant
l’opération réactualisées sur la position courante de l’organe.
b. Modèles de pathologies
Le modèle biomécanique de deuxième génération peut être enrichi par de nouvelles lois,
pour décrire l’évolution d’une pathologie. Ce nouveau modèle peut alors être utilisé pour simuler
une intervention ou prédire l’évolution de la pathologie.
Ainsi, de même qu’un pilote d’avion peut aujourd’hui s’entrainer sur un simulateur de
vol, un chirurgien pourra dans l’avenir s’exercer avec un simulateur de chirurgie. Pour être
efficace, cette simulation doit atteindre un niveau de réalisme suffisant en incorporant l’ensemble
des paramètres reliés au comportement visuel et sensitif de l’organe. Les rares modèles existants
actuellement ne proposent cependant qu’une représentation géométrique du cerveau. Nous avons
donc développé un modèle non seulement mécanique du comportement du cerveau, mais
incorporant également le système de production-circulation du liquide céphalorachidien dans la
boîte crânienne. Ce modèle permet ainsi de simuler avec précision les phénomènes de
surpression intracrânienne d’une importance majeure en cours de chirurgie, par exemple pour le
traitement des hydrocéphalies. Le modèle a été évalué sur des données cliniques et est
actuellement en phase de validation, grâce à la comparaison rétrospective des données simulées
avec celles recueillies chez les patients.
Mars 2002
Mars 2002 +
contours de
l’initialisation
Septembre 2002
Septembre 2002 +
contours de la
tumeur simulée
Figure 6. Illustration du pouvoir prédictif d’un modèle de croissance de tumeur. Les colonnes sont des coupes
successives du cerveau d’un même patient. La ligne 1 montre la position de la tumeur chez ce patient en Mars 2002.
Cette image est utilisée pour initialiser le modèle d’évolution de la tumeur (ligne 2). Les différents contours
représentent différentes densités de cellules tumorales. La ligne 3 témoigne de l’évolution de la tumeur en 6 mois
chez ce patient. La dernière ligne présente les résultats de la simulation de la croissance de la tumeur sur la même
période de temps, en utilisant les données de Mars 2002 pour l’initialisation. On remarquera la capacité du modèle à
simuler une croissance très anisotrope comparable à celle observée dans la réalité.
L’intérêt de ces modèles réside également dans leur capacià assimiler et à reproduire
des phénomènes biologiques complexes. Nous avons dans ce contexte développé un modèle
informatique de croissance des tumeurs cérébrales diffusives. Ce modèle se base sur les dernières
techniques d’imageries permettant d’acquérir la direction des fibres chez le patient pour simuler
l’évolution de ces tumeurs dans le temps. Ce modèle permet entre autre d’expliquer la
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