Syndicat des Ingénieurs Cadres Techniciens Agents de Maîtrise et Employés
LES CAHIERS DU SICTAME
« Spécial 70 ans de Saint-Marcet »
SOMMAIRE
1. Genèse de l’aventure pétrolière dans le Sud-Ouest de la France ............................ Page 2
1.1 Quelques dates repères .............................................................................................................................................. Page 3
1.2 Comment a été choisi l’emplacement du premier puits de la découverte de Saint-Marcet : le SM-1 .... Page 7
1.3 Les grandes heures de la RAP ................................................................................................................................... Page 12
1.4 Les intérêts économiques ........................................................................................................................................... Page 14
1.5 La vie des gens .............................................................................................................................................................. Page 17
1.6 L’essaimage ..................................................................................................................................................................... Page 22
2. Au cœur de la RAP .............................................................................. Page 23
2.1 La vie sociale à la RAP ................................................................................................................................................. Page 23
2.2 La vie syndicale à la RAP ............................................................................................................................................ Page 24
2.3 Le village de la RAP au ‘‘Pinat’’ ................................................................................................................................... Page 25
2.4 L’école des maîtres sondeurs .................................................................................................................................... Page 26
3. Les témoignages .................................................................................. Page 27
4. Lexique ............................................................................................ Page 39
5. Bibliographie ...................................................................................... Page 41
6. Annexes ........................................................................................... Page 42
6.1 La résistance ................................................................................................................................................................. Page 42
6.2 Je reviens d’Amérique par J.H. Vries DG de la RAP ........................................................................................... Page 44
6.3 Pathologie du Pétrole .................................................................................................................................................. Page 45
6.4 Le chant des Pétroliers .............................................................................................................................................. Page 46
Pourquoi ce numéro « Spécial 70 ans de Saint-Marcet
?
»
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1- Genèse de l’aventure pétrolière dans le Sud-Ouest de la France
Préambule
Les coupures de journaux entre 1922 et 1926 relatent l’activité pétrolière en France :
Journal de Saint-Gaudens du 21 octobre 1922 (article de M. Abadie) :
en 1920, une société
américaine
avait acquis des droits temporaires sur des terrains du village de Lespugne en vue d’extraction de pétrole ;
les travaux ne furent jamais entrepris ! A cette époque, la presse
méridionale
et
parisienne
s’intéresse à la
découverte du
Chanoine Estinès
, permettant la prospection minière par perception de radiations émanant des
gisements. Cette nouvelle méthode fut inventée quatorze ans auparavant, mais le Chanoine Estinès garda
secrète sa méthode.
Le Télégramme en 1922
interviewe le chanoine qui déclare que la région Sud-Ouest Pyrénées est “toute
entière riche en pétrole !” Les travaux de l’éminent géologue Leymerie l’ont inspiré dans ses recherches. Sa
méthode comprend :
un appareil portatif avec lequel il va sur le terrain et qui lui indique où se trouve le pétrole daprès les
radiations de ce corps,
un appareil très lourd qui lui indique la profondeur exacte du gisement à l’aide de courants électriques,
opération difficile, mais grâce à une nouvelle propriété de la radioactivité, on obtient automatiquement
et sans erreur la profondeur de la première couche de pétrole. Ses pronostics sont dune extrême
précision. Il parle d’une nappe de pétrole à Sainte-Suzanne
(près d’Orthez)
, à Gabian
(au nord de
Béziers)
dans les Cévennes, etc. A Gabian, les sondages furent implantés sur le site par les Ingénieurs
des Mines parce qu’un filet de pétrole coulait depuis 200 ans. Ce pétrole était vendu en pharmacie sous
le nom « d’huile de Gabian ».
La Petite Gironde du 10cembre 1924
: la méthode du chanoine est présentée dans le journal l’Oeuvre du
8 novembre 1920. Découverte de Castagnède
(à côté de Carresse, près du gave d’Oloron)
où le pétrole a
“jailli” lorsque le forage a atteint 220 mètres de profondeur.
La Petite Gironde du 12 décembre 1924
:
La Société de Recherche d’Hydrocarbures qui a fait le sondage de Coutets n’a trouvé que gypse et
marnes à -175 mètres.
Le Pétrole National, sur le sondage de Castagnède, à - 220 mètres, a observé un jaillissement, mais ce
n’était qu’une projection de gaz et d’eau huileuse, témoignant du voisinage d’un horizon hydrocarburé.
Le Journal de Saint-Gaudens en attribuait le mérite au chanoine mais l’ingénieur Pourbaix signalait
avoir prévu cette découverte trois ans auparavant !
Le Syndicat Lestage trouve une projection identique à celle de Castagnède mais un deuxième forage ne
décela qu’un gisement de chlorure de potassium.
La Société de Recherches et d’Exploration de Pétrole en France va prospecter au nord-ouest, région de
Carresse-Cassaber. Un propriétaire de Jurançon
(près de Pau)
demande un permis exclusif. En 1925,
les travaux dans le sud-ouest porteront sur une quinzaine de points.
Pour en revenir au Chanoine Estinès, ce dernier, aussi bien dans la presse que dans ses lettres, ne donne que
fort peu de renseignements sur ses appareils et sa méthode infaillible ! Toutefois, dans une lettre de 1925, il
cite le procédé Schlumberger toujours utilisé de nos jours. Il parle aussi d’une machine “Rotary” foreuse
américaine qui travaille à Sainte-Suzanne et avance rapidement. Elle appartient à la Compagnie Générale des
Sondages qui travaille pour la société ‘’Le Pétrole de France’’, filiale du groupe belge Empain. Il mentionne
aussi des appareils pour prospecter le pétrole tel l’appareil de Courrier identique à celui d’Alfred Régis
(connu
il y a 15 ans)
. La différence entre les deux étant que :
le premier suspend la caisse à son cou,
le second la fait porter par sa femme !
Après 1926, l’ère du modernisme arrive.
Cette période des années 1920-1926, couvre une petite partie de la recherche pétrolière du début de notre
siècle, recherche qui avait, en réalité, débutée à la fin du XIXéme siècle en Aquitaine où des notables locaux
réalisèrent, entre 1896 et 1926, une trentaine de forages pouvant atteindre 750 mètres de profondeur.
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La présence d’indices d’hydrocarbures a bien été reconnue à cette époque, mais les résultats des forages
furent très décevants, d’où l’arrêt de l’activité d’exploration liée aussi à la crise économique de 1930 et à la
chute du prix du brut. Il faut ajouter que les profondeurs auxquelles parvenaient ces sondages anciens
étaient incompatibles avec la présence d’un gisement pétrolier : le gaz de Saint-Marcet a été découvert
entre - 1 700 et - 2 500 mètres, l’huile de Lacq supérieur vers - 1 000 mètres et le gaz de Lacq profond
entre - 3 500 et - 4 000 mètres.
Il faut dire aussi que le pétrole se trouve avec tout un ensemble de données géologiques, géophysiques et une
connaissance approfondie du forage, ce qui n’existait pas à cette époque …et, parfois aussi, avec un peu de
chance !
En fait, la reprise structurée de l’activité pétrolière en France n’eut lieu qu’en 1936.
(Article de Janine Reulet : Recherche de pétrole et avatars d’un chercheur trop modeste)
1.1- Quelques dates repères
1498 : L’historien Jacob Wimpfeling écrit que, depuis longtemps, il existe une ’’fontaine de poix’’ sur le site
de Pechelbronn à Merkwiller en Alsace. On s’y sert de bitume appelé aussi graisse et/ou huile de pétrole. Ce
liquide est utilisé comme lubrifiant mais aussi comme remède
(blessures, lutte contre les insectes parasites,
etc.)
.
1735 : Un médecin d’origine grecque, Evrini d’Evrinis entreprend l’exploitation du gisement. Il cède en 1740
ses droits au Gentilhomme suisse de la Sablonnière qui crée la première société par actions, faisant de
Pechelbronn une des plus anciennes sociétés pétrolières au monde. Puis, Antoine Le Bel
(originaire de Saint-
Sernin-sur-Rance en Aveyron)
s’établit à Pechelbronn et, pendant plus d’un siècle, cette famille reste
propriétaire de l’exploitation.
1772 : à Pechelbronn, la famille Le Bel se trouve être la seule concessionnaire à exploiter et à vendre du
bitume.
1857 : Les Le Bel montent une première raffinerie à Pechelbronn qui produira du pétrole lampant appelé
“huile blanche”, à partir de sable pétrolifère.
1889 : Joseph Achille Le Bel vend l’exploitation à une Société franco-alsacienne.
1906 : Cette société est dépossédée de ses exploitations par le groupe allemand Deutsche Erdöl
Agtiergesellschaft (D.E.A.). Elle reviendra à la France en 1918, repassera allemande de 1940 à 1945 pour
revenir française à la Libération.
1917 : Georges Clemenceau envoie un télégramme pressant au président Wilson :
« Si les alliés ne veulent pas perdre la guerre, il faut que la France combattante, à lheure du suprême choc
germanique, possède l’essence aussi nécessaire que le sang dans les batailles de demain ! »
En effet, depuis la découverte de la “fontaine de poix” de Pechelbronn en 1498 et sa mise en exploitation en
1735, la France ne possède aucun gisement pétrolifère sur son sol.
Elle ne dépend, pour son énergie, que des importations d’huiles étrangères.
Et même si, en 1937, la France :
réalise la moitié de ses importations pétrolières sous pavillon français, notamment avec le pétrolier
“Emile Miguet”, le plus gros bateau pétrolier du moment
(220.000 tonnes)
et,
possède 14 raffineries sur son sol,
elle n’a toujours pas de ressources trouvées sur le territoire métropolitain.
1920 : Après la guerre, par le traité de San Remo, la France obtient les 25 % que détenait la Deutsche Bank
dans le capital de la Turkish Pétroleum Company.
1921 : Création le 8 mars de « Pechelbronn Société Anonyme d’Exploitation Minières » (S.A.E.M.).
1922 : S.A.E.M. fonde la Société Alsacienne des Carburants (SOCAL).
1924 : Cest la grande peur de lanurie, ressentie par Clemenceau pendant la première guerre mondiale, qui
réveille la France.
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A la suite des accords de San Remo, Raymond Poincaré, président du Conseil de la IIIème République, charge
Ernest Mercier de présider un Syndicat d’études pétrolières devant mener à la constitution d’une compagnie
pétrolière française. Ainsi, le 24 mars, est créée la C.F.P.
(Compagnie Française des Pétroles)
.
La C.F.P., qui détient 25 % de participation dans la Turkish Pétroleum Compagnie, la Royal Deutch Shell, la
Standard Oil New Jersey, Mobil et Gulbenkian, est, en quelque sorte, l’ancêtre de la compagnie TOTAL.
Cette même année, c’est la découverte dans l’Hérault, près de Béziers, du minuscule gisement d’huile de
Gabian.
1925 : Création de lO.N.C.L. (Office National des Combustibles Liquides) avec à sa tête, Louis Pineau.
L’Office forera, entre 1926 et 1932, 14 forages de profondeurs modestes, à travers l’Aquitaine.
Création aussi d’une école du pétrole rattachée à l’université de Strasbourg.
1926 : Création à Pechelbronn de la première école de maîtres-sondeurs et lancement de l’huile ANTAR par
la SOCAL.
1927 : Les frères Schlumberger, pour la première fois au monde, expérimentent la prospection électrique
sur le site de Pechelbronn.
1928 : La société Pechelbronn S.A.E.M. lance la marque ANTAR
(ANTAR qui sera absorbée, en 1972, par Elf-
Aquitaine)
.
1929 : Création de la C.F.R.
(Compagnie Française de Raffinage)
et création de l’Irak Petroleum Company à la
place de la Turkish Petroleum Company.
1936 : La prospection du territoire national ne semble pas à la mesure des ambitions des pétroliers de
l’époque. Ils ont, au demeurant, assez à faire au Caucase, au Texas, en Mésopotamie et en Indonésie.
Malgré tout, de nombreuses recherches ont été effectuées mais avec des résultats décevants, notamment
l’échec des entreprises privées ayant foré à l’ouest du méridien d’Orthez.
La raison est simple : des travaux menés en ordre dispersé avec des moyens matériels, scientifiques et
financiers trop faibles. Les forages à grandes profondeurs (3 000 à 4 000 mètres), nécessitaient des
investissements très importants. Alors, au début des années trente, quelques hauts fonctionnaires ont une
idée ingénieuse : confier à des petits «syndicats de recherche » créés pour l’occasion et financés sur fonds
publics, le soin de prospecter la France.
L’Etat décide donc d’intervenir directement dans la gestion des recherches sur le sol national.
Paul Ramadier, sous-secrétaire d’Etat au Ministère des Travaux Publics et de la Défense Nationale dans le
gouvernement du Front Populaire, charge Louis Pineau, Directeur de l’O.N.C.L., de prendre en main les
recherches de pétrole en France.
Donc sont créés :
un service spécial des Recherches de Pétrole en France. C’est la naissance du C.R.P.M.
(Centre de
Recherche du Pétrole du Midi)
avec à sa tête J.H de Vries, qui prend comme collaborateurs Bernadac,
Guillot et les géologues Pérébaskine et Renouard.
une commission de géologues présidée par Charles Jacob, membre de l’Institut, qui se voit confier le
soin de retenir les régions susceptibles de bénéficier des premiers sondages à grande profondeur.
Autre «apôtre » des recherches de pétrole au nord des Pyrénées, Léon Bertrand en fait partie ainsi
que Louis Barrabé et D. Schneegans. Elle porte son choix sur le Languedoc et sur les Petites Pyrénées.
1937 : Le C.R.P.M. met en route deux appareils de forage ‘’Rotary’’ :
l’un, à 25 km au nord de Montpellier au Pic Saint Loup non loin du village de Montpezat,
l’autre, aux environs de Saint-Marcet au lieu-dit Pinat.
1938 : Le premier forage, installé en octobre, au Pic Saint-Loup, est sec.
1939 : Le deuxième forage, installé en janvier, dans les Petites Pyrénées, sur l’anticlinal d’Aulon, Latoue,
Saint-Marcet, sur la colline du “Pinat”, au lieu-dit Esquillan, sur la commune de Latoue, débute, le 20 janvier.
« Dans la nuit du 13 au 14 juillet, la sonde est à - 1 500 mètres lorsque le gaz jaillit. »
Le sifflement du gaz a été entendu à plus de 4 km. A plus de 100 m, le souffle a fait frissonner les feuillages.
Heureusement qu’en 1939, les pétroliers tels le géologue Renoir, le chef de chantier Guillot, le contremaître
Susini et les 40 ouvriers spécialisés, savent maîtriser une éruption contrairement à 1924 où on ne savait
qu’abandonner le puits. Pour refouler l’éruption, une boue épaisse est injectée afin d’exercer une pression de
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180 kg/cm2 au fond du puits. Le débit de gaz est de l’ordre de 180 000 m3/jour et la pression de 150 kg/cm2
en tête de puits.
M. de Vries estime, qu’à défaut de pétrole, ce gaz constituerait une richesse industrielle d’une valeur
considérable. M. de Beaumais, sous-préfet de Saint-Gaudens fait interdire l’accès du chantier à la Presse !
L’installation totale aura coûté environ 8 000 000 de francs d’après le journal “La Garonne”.
Le Gisement de Gaz naturel de Saint-Marcet est découvert !
Ce puits, bien que situé sur la commune de Latoue, sera nommé “Saint-Marcet 1” (SM-1) et baptisé du nom du
président du C.R.P.M. : “Louis Pineau”.
Que trouve-t-on dans la Presse d’alors ?
Le Journal de Saint-Gaudens
(Ph. de Latour)
relate :
« Et c’est justement à Latoue, au voisinage du lieu-dit
Esquillan, que jaillit au ciel la superbe flamme le 14 juillet 1939. Branle-bas général : le premier concerné est
le député du secteur, Hyppolite Ducos, radical socialiste bien connu. A Aulon et à Latoue les deux maires sont
socialistes. Officiellement, le député radical-socialiste ne peut aisément se rendre en fief socialiste, d’autant
qu’à Saint-Marcet le maire est de sa propre famille politique. C’est donc là que le dépu se rendra. Ainsi fut
dénommé ce gaz, selon les rumeurs, ou, comme on voudra, lesragots locaux qui font aussi partie de la
petite histoire »
.
La Garonne du 19 juillet 1939 (M.Dupeyrat)
:
« Depuis six mois des forages étaient faits en secret entre
Saint-Marcet et Aulon. Mais la nouvelle filtrait début juillet : une couche de gaz hydrocarburée venait d’être
découverte. Une sonde “Rotary” a traversé en six mois 1 500 m de marne grise et 50 m d’une roche plus dure.
L’appareil de forage a huit vitesses et la tour de forage (derrick) mesure 47,50 m de hauteur.
Actuellement le sondage est gardé par la gendarmerie qui en interdit l’accès ! »
Quotidien de Paris du 17 août 1939
:
« Deux moteurs diesel de 250 HP à 600 tours animent les pompes et
le trépan. Le trou qui a fait éruption le 13 juillet a été bouché et le gaz ne s’échappe plus. Commandés aux
U.S.A, ces appareils étaient des “Rotary” avec table de rotation entraînant le train de tiges et le trépan car
en France, on forait encore avec des appareils par battage (chocs propagés à travers un câble sur l’outil au
fond du trou) »
.
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