Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 1, janvier/février/mars 2002
IV
Les phénomènes
de Raynaud
professionnels
L’interrogatoire est ici de
première importance et doit
faire décrire avec précision
la profession du patient, les
gestes et les machines ou
outils qu’il utilise dans son
travail. Il ne faut cependant
pas s’arrêter à la seule pro-
fession du patient, certains
travaux de bricolage ou cer-
taines activités sportives
peuvent également être res-
ponsables d’un phénomène
de Raynaud ou de nécrose
digitale.
Trois types d’affection sont
actuellement reconnues par
la législation des maladies
professionnelles : la maladie
des vibrations, le syndrome
du marteau hypothénar, et
les affections consécutives
aux opérations de polyméri-
sation du chlorure de vinyl.
À celles-ci doit s’ajouter le
phénomène de Raynaud
secondaire à une scléroder-
mie liée à une inhalation de
poussières minérales conte-
nant de la silice (syndrome
d’Erasmus). Les hommes
sont bien sûr plus souvent
exposés que les femmes,
mais un certain nombre de
professions féminimes peu-
vent être responsables de
tels Raynaud professionnels.
Maladie des vibrations
La relation entre phénomène
de Raynaud et machines
vibrantes a été remarquée
pour la première fois en
1911 par Loriga chez des
tailleurs de pierre utilisant
des marteaux piqueurs.
C’est lors du congrès inter-
national de Londres en 1983
que le syndrome des vibra-
tions a été défini comme :
“l’ensemble des manifesta-
tions périphériques asso-
ciant perturbations circula-
toires (syndrome des doigts
blancs), sensitives ou motri-
ces (engourdissement ou
perte de la dextérité digitale),
et musculo-squelettiques (ma-
nifestations musculaires ou
osseuses ou articulaires)
associées à la manipulation
de machines vibrantes”.
Épidémiologie
En France au moins 300 000
sujets sont exposés à de tels
risques, en utilisant des
machines vibrantes dans dif-
férents secteurs d’activité :
industrie forestière, bâti-
ment et travaux publics,
métallurgie, construction
mécanique, mines, agricul-
ture... Ce sont les bûcherons
avec leur tronçonneuse qui
payent le plus lourd tribu à
cette pathologie profession-
nelle. On peut aussi la ren-
contrer dans les activités
plus inhabituelles : par
exemple le sciage des boîtes
crâniennes par les assistants
lors des autopsies dans les
laboratoires d’anatomie...
Cet exemple montre l’im-
portance de l’interrogatoire
rigoureux. Dans certaines
activités professionnelles, la
prévalence de la maladie
peut atteindre jusqu’à 50 %
des sujets. Les machines
rotatives, d’énergie vibratoire
à fréquence élevée, au-des-
sus de 50 Hertz, exposent
surtout aux troubles vascu-
laires alors que les machines
percutantes de fréquence
basse en dessous de 50 Hertz
induisent plus volontiers des
troubles ostéo-articulaires.
Ces manifestations cliniques
sont d’autant plus sévères
que la dose de vibrations
reçues a été intense et pro-
longée. Il existe toutefois une
sensibilité individuelle aux
effets vasculaires des vibra-
tions : les troubles vasomo-
teurs sont plus importants
chez les sujets atteints de
phénomène de Raynaud
idiopathique. Les mécanismes
de cette hyper-réactivité au
froid des artères digitales
induite par les vibrations
restent imprécis : des fac-
teurs humoraux avec un
déséquilibre de la libération
d’agents vaso-actifs locaux
et nerveux avec modification
du système vaso-régulateur
sympathique pourraient in-
tervenir.
Conclusion
Ainsi, bien qu’encore insuf-
fisantes, les données épidé-
miologiques actuellement
disponibles permettent de
clarifier le problème des
pathologies associées et des
éventuelles relations de
cause à effet, aboutissant à
une simplification de l’en-
quête étiologique. Sur le
plan pathogénique, et sur-
tout pour ce qui concerne le
phénomène de Raynaud pri-
maire, de nombreux argu-
ments font évoquer la res-
ponsabilité de troubles de la
thermorégulation ; il s’agit
non seulement d’une voie
intéressante pour la recherche
pathogénique, mais aussi
d’une justification des
mesures préventives simples
d’hygiène de vie dans le
traitement.
II. Phénomène de Raynaud d’origine
professionnelle et iatrogène
Pierre Yves Hatron*
E
n présence d’un phénomène de Raynaud, la première
étape de l’enquête étiologique est l’interrogatoire qui
permet très vite d’orienter ce diagnostic vers deux grands
cadres étiologiques du phénomène de Raynaud : les causes
iatrogènes et les causes professionnelles et occupation-
nelles. Cette enquête se soldera, dans le premier cas, à
stopper le médicament incriminé, si cela est bien sûr
possible, dans le second cas, à réduire l’exposition aux
risques et à améliorer les mesures de protection.
* Service de médecine interne,
CHU de Lille.
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