Piloter les relations sociales en entreprise

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Jean-Christophe Debande
Piloter
les relations
sociales
en entreprise
50
outils
pour sécuriser ses pratiques
et gérer les négociations
T
able des matières
Préface
7
Introduction
9
CHAPITRE 1 – Comprendre le paysage des relations sociales
11
Outil 1 – Connaître les principaux apports législatifs 12
Outil 2 – Identifier les principales organisations syndicales salariales et
leurs stratégies 15
Outil 3 – Connaître les organisations syndicales salariales
représentatives nationalement 24
Outil 4 – Connaître les organisations syndicales patronales
représentatives nationalement 27
Outil 5 – Maîtriser les règles de représentativité en entreprise
des organisations syndicales 29
Outil 6 – Pressentir les évolutions des relations sociales 33
CHAPITRE 2 – Maîtriser l’implantation syndicale en entreprise
41
Outil 7 – Respecter la liberté syndicale 42
Outil 8 – Implanter une section syndicale 44
Outil 9 – Gérer les attributions et la désignation
d’un délégué syndical 47
Outil 10 – Gérer les attributions et la désignation d’un représentant
de section syndicale 54
Outil 11 – Gérer les représentants syndicaux auprès des instances
représentatives 56
3
Piloter les relations sociales en entreprise
CHAPITRE 3 – Mettre en place la représentation du personnel
en entreprise 61
Outil 12 – Déterminer les seuils d’effectifs 62
Outil 13 – Organiser les élections professionnelles du CE et des DP
Outil 14 – Désigner un CHSCT 78
Outil 15 – Déterminer les différents niveaux de représentation
du personnel 80
Outil 16 – Maîtriser les règles de cumul des mandats 83
Outil 17 – Respecter la durée des mandats 85
66
CHAPITRE 4 – Gérer les instances représentatives du personnel
en entreprise 89
Outil 18 – Savoir qui fait quoi dans les IRP 90
Outil 19 – Mettre en place une DUP 95
Outil 20 – Regrouper les IRP par accord collectif 97
Outil 21 – Négocier sur l’adaptation des consultations
et du fonctionnement du CE 99
Outil 22 – Composer le bureau et les commissions du CE 100
Outil 23 – Respecter les périodicités des réunions obligatoires 106
Outil 24 – Élaborer les ordres du jour et présider le CE et le CHSCT 110
Outil 25 – Maîtriser les règles de consultation 115
Outil 26 – Organiser les votes et gérer les absences 119
CHAPITRE 5 – Gérer les moyens d’action des représentants du personnel
en entreprise 127
Outil 27 – Cerner les principaux moyens à disposition
des représentants du personnel 128
Outil 28 – Cadrer l’accès des représentants du personnel
aux nouvelles technologies 134
Outil 29 – Gérer les crédits d’heures 135
Outil 30 – Respecter le statut protecteur 141
Outil 31 – Repérer les différents droits d’alerte 145
Outil 32 – Connaître les différents experts dits « obligatoires »
Outil 33 – Négocier un accord de droit syndical 153
Outil 34 – Reconnaître les parcours syndicaux 154
4
148
Table des matières
CHAPITRE 6 – Piloter le dialogue social
157
Outil 35 – Élaborer une stratégie de relations sociales 158
Outil 36 – Estimer le coût du dialogue social 160
Outil 37 – Cartographier sa représentation du personnel 164
Outil 38 – Évaluer son niveau de conformité juridique 167
Outil 39 – Construire son calendrier social 170
Outil 40 – Communiquer en interne sur les relations sociales 173
CHAPITRE 7 – Pratiquer la négociation collective
177
Outil 41 – Respecter le principe de loyauté en négociation 178
Outil 42 – Engager les négociations obligatoires 179
Outil 43 – Identifier les interlocuteurs à la négociation 182
Outil 44 – Rédiger un accord collectif 185
Outil 45 – Réviser ou dénoncer un accord collectif 189
Outil 46 – Respecter les formalités de l’après négociation 191
CHAPITRE 8 – Prévenir et gérer les conflits collectifs 195
Outil 47 – Organiser une veille sociale 196
Outil 48 – Organiser une alarme sociale 196
Outil 49 – Définir une grève 198
Outil 50 – Organiser l’activité pendant un conflit 200
Outil 51 – Élaborer son plan ORSEC et mettre en place une cellule
de crise 203
Outil 52 – Faire face aux abus des grévistes 206
Outil 53 – Repérer les différentes phases d’un conflit 208
Outil 54 – Recourir aux modes juridiques de résolution d’un conflit
Outil 55 – Gérer la phase post-conflit 214
Annexes
210
217
1. Essai de cartographie de la représentation syndicale
nationale 217
2. Nombre de représentants élus
Sigles
218
221
5
Remerciements
Qu’il me soit permis, bien au-delà des conventions d’usage,
d’exprimer toute ma gratitude à :
Sandra Enlart, directrice générale d’Entreprise & Personnel,
pour sa confiance et la toujours grande richesse de nos échanges,
Monsieur le professeur Javillier, pour m’avoir fait partager son intelligence
du droit social et des relations professionnelles,
Mélanie Radal, juriste, pour son amicale et attentive relecture,
Caroline Roucayrol, responsable éditoriale,
pour sa disponibilité et ses précieux conseils,
Et, plus personnellement, Laurent Koch, pour son indéfectible soutien.
P
réface
Sans expérience pratique, que peut-on dire pertinemment de l’utilisation du
droit (du travail, notamment) ? En France, il n’est pas rare qu’un ouvrage soit
écrit avec peu ou pas d’expérience en entreprise, comme si le droit du travail
avait vocation à n’être analysé qu’au travers du contentieux, à se réduire à
la somme (bien incertaine) des jugements et arrêts, dans un mouvement
perpétuel et souvent si loin des réalités de l’entreprise !
Voici donc un ouvrage écrit par un professionnel à destination des professionnels des ressources humaines et du droit du travail en entreprise.
Ainsi donc, les professionnels parlent aux professionnels. De façon claire et
concrète, ce sont des éclairages très pratiques qui nous sont donnés sur les
principales questions relatives aux relations de travail comme aux relations
professionnelles dans l’entreprise. La « part » du droit y est considérable et fort
sérieuse. À juste titre, bien évidemment. Qui ne constate, en effet, combien
l’absence ou la trop faible prise en compte du droit du travail dans la gestion
des ressources humaines a souvent des conséquences graves et irréversibles ?
Responsables des ressources humaines et partenaires sociaux sont donc utilement conviés à intégrer le droit de la meilleure façon dans leurs stratégies
et actions sur le terrain.
La présentation de chacun des cinquante-cinq outils participe d’ailleurs
d’une certaine façon du normatif : appliquer, définir, évaluer, estimer, gérer,
négocier, respecter… Cinquante-cinq commandements ! Voilà qui n’est pas
trop pour œuvrer avec intelligence et expérience sociales ! Qui plus est, les
enjeux et perspectives stratégiques de chaque question technique traitée sont
toujours soulignés. Avec ces grands champs de compétences que nous ouvre
l’auteur, Jean-Christophe Debande nous convie à prendre le droit du travail
au sérieux, pas moins ni plus qu’il ne le convient, car les normes juridiques
ont pour objet de favoriser les bonnes pratiques en matière de relations de
travail comme de relations professionnelles.
7
Piloter les relations sociales en entreprise
Ainsi donc, il s’agit d’un ouvrage de la plus grande utilité pour les praticiennes
et praticiens des ressources humaines et du droit (du travail). Mais qu’il soit
permis de souligner qu’il s’agit d’un livre qui va bien au-delà, car, de points
en points, c’est une véritable philosophie des relations sociales qui nous est
proposée, de façon fort ouverte et stimulante.
Que l’auteur en soit remercié ; l’ouvrage que nous propose Jean-Christophe
Debande permet de prendre la juste mesure et aussi de nous mobiliser pour
que, dans la pratique des ressources humaines dans l’entreprise, l’essentiel
ne soit jamais perdu de vue et que les valeurs humaines restent au cœur
de toutes pratiques et techniques. Les cinquante-cinq outils sont, en fin de
compte, indispensables pour qui veut œuvrer pour une stratégie du travail
décent en entreprise.
Jean-Claude Javillier
Professeur émérite, université Panthéon-Assas (Paris 2),
Membre du conseil scientifique de Capstan Avocats.
8
I
ntroduction
Les relations sociales en entreprise interrogent, inquiètent, fascinent, interpellent. Elles ne laissent indifférents ni leurs acteurs, ni leurs observateurs.
Or, force est de constater qu’elles sont souvent source de difficultés pour ceux
qui sont chargés de les piloter et de les gérer au quotidien. Mes interventions
depuis plusieurs années à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à Sciences
Po Paris, auprès de professionnels de la fonction ressources humaines, m’ont
permis de percevoir que, d’une année sur l’autre, la question des relations
sociales en entreprise progressait au palmarès de leurs inquiétudes.
Un cadre juridique des relations collectives particulièrement complexe, des
organisations syndicales et instances représentatives qui n’hésitent plus à
judiciariser leur action, des obligations de négocier de plus en plus nombreuses, et ce, même si, en 2015, le législateur a essayé (enfin !) de les simplifier,
un amoncellement des textes conventionnels de moins en moins intelligibles
pour le corps social, des représentants imprévisibles, un paysage syndical
en pleine mutation… Autant d’éléments qui rendent le cocktail des relations
sociales explosif. On comprend alors que les DRH ou RRH ne voient pas
toujours d’un bon œil la part grandissante consacrée, dans leur emploi du
temps, à la représentation du personnel et que les vocations pour se spécialiser dans les relations sociales se fassent rares.
La gestion des relations sociales présente en général deux écueils : d’une part,
elle est particulièrement chronophage ; d’autre part, elle mobilise des champs
de compétences très variés allant du droit du travail aux techniques de négociation, en passant par la communication interpersonnelle, la conduite de
réunion ou encore la pédagogie.
C’est donc dans l’objectif de faire gagner du temps aux professionnels de la
fonction RH et de leur faire partager un certain nombre de points de repère
concrets et d’outils pratiques que ce livre a été écrit. Il l’a été également pour
9
Piloter les relations sociales en entreprise
répondre aux questions les plus fréquemment posées par mes étudiants,
questions qui en sont devenues la trame.
Les outils développés ici ne sont pas exhaustifs de l’ensemble des relations
sociales, mais constituent des points de vigilance, de différentes natures, qu’il
est indispensable de maîtriser par qui veut optimiser sa gestion des relations
sociales en entreprise.
À noter
Pour plus de commodité, les principaux termes relatifs aux relations sociales
et à leurs acteurs seront désignés par leurs acronymes. Un lexique des sigles
est disponible en fin d’ouvrage.
10
CHAPITRE
1
Comprendre le paysage
des relations sociales
« Le rassemblement des citoyens dans des organisations, mouvements,
associations, syndicats est une condition nécessaire au fonctionnement
de toute société civilisée bien structurée. »
Vaclav Havel
Le paysage des relations sociales français surprend souvent les observateurs
étrangers à plusieurs titres.
Tout d’abord, par sa multiplicité d’acteurs. Notre pays se caractérise en effet par
un nombre important d’organisations syndicales, résultant d’une histoire faite
de scissions au gré des divergences entre courants : le combat pour la défense
des intérêts des travailleurs est tout sauf un terrain consensuel.
Ensuite, par le manque de clarté des stratégies des acteurs syndicaux, les lignes
de conduite variant au gré des interlocuteurs ou des structures qui s’expriment.
Nombre de DRH constatent ainsi un écart croissant entre les discours confédéraux et les conduites sur le terrain des délégués syndicaux.
Enfin, par l’intervention importante du législateur qui, après avoir imposé pendant longtemps qui pouvait ou non être un acteur légitime de notre système
de relations sociales, n’a eu de cesse d’en complexifier le cadre réglementaire.
Aujourd’hui, même si la tendance est de remettre les acteurs sociaux au cœur
du système des relations sociales avec une plus grande autonomie normative,
cette évolution ne portera ses fruits que si les syndicats se montrent capables
de se réformer.
11
Piloter les relations sociales en entreprise
Outil 1 – Connaître les principaux
apports législatifs
Pour bien comprendre les relations sociales d’aujourd’hui en France, penchons-nous brièvement déjà sur le passé. Voici quelques dates clés de l’histoire
des relations sociales qui permettent de mieux en cerner le contour actuel.
Retour sur l’histoire des relations sociales
Dates clés
Événements
1791
22 mai
et 14 juin
Lois Le Chapelier interdisant les coalitions de métiers, considérées comme des
entraves à la liberté d’entreprise et d’établissement, et les corps intermédiaires séparant les
citoyens de la chose publique. Ces mêmes lois interdisent les grèves.
1864
25 mai
À la suite de nombreuses grèves et à l’instigation de Napoléon III, loi autorisant les
coalitions (suppression des lois Le Chapelier). La grève redevient possible dès lors
qu’elle ne fait pas obstacle à la liberté de travail.
1884
21 mars
Loi Waldeck-Rousseau autorisant la liberté syndicale. Tolérées jusqu’alors, les
associations ouvrières sont déclarées « établissements d’utilité publique » (circulaire
d’application de la loi).
1891
29 novembre
1919
25 mars
Loi jetant les fondements du droit de la négociation collective. Les accords
collectifs ont un effet impératif et s’imposent aux contrats de travail, alors particulièrement
susceptibles d’être dictés par la volonté patronale.
1936
24 juin
Après les « accords de Matignon », principe contractuel de la convention collective
maintenu par la loi et transformé en « loi professionnelle » de portée plus
contraignante, notamment à travers la procédure d’extension. La convention doit
comporter un certain nombre de clauses obligatoires (par exemple, l’instauration des
délégués du personnel). Elle peut librement traiter de questions non obligatoires, si elles
sont plus favorables que les lois et réglementations (principe de faveur).
1938
12 novembre
1945
22 février
12
Convention d’Arras, première convention collective signée entre les syndicats de
mineurs et les compagnies houillères du Pas-de-Calais suite à un mouvement de grève.
Instauration des délégués du personnel dans les établissements de plus de 10 salariés
(ils n’existaient jusqu’alors que s’ils étaient prévus par une convention collective).
Dans le prolongement du programme d’action du Conseil national de la Résistance,
ordonnance créant les comités d’entreprise dans les établissements de plus de
100 salariés. Le comité se veut un lieu de coopération et non de contestation. Ses
prérogatives s’exercent sur les champs économique et social. Une loi du 16 mai 1946
l’étendra aux entreprises de 50 salariés et plus, et instituera le mécanisme de
consultation en matière économique.
Comprendre le paysage des relations sociales
Retour sur l’histoire des relations sociales
Dates clés
Événements
1948
8 avril
Dans un contexte de préguerre froide, marqué par l’importance du PCF et de la CGT
dans la vie politique française, décision du président du conseil des ministres
conférant une représentativité à quatre organisations syndicales (objectif : réduire
l’importance relative de la CGT). Prenant acte de la scission de la CFTC (CFTC/CFDT), un
arrêté du 31 mars 1966 portera à cinq le nombre d’organisations syndicales
représentatives.
1950
11 février
Loi décentralisant la négociation collective en reconnaissant les accords
d’établissement et déterminant les cinq critères de représentativité « prouvée » pour les
syndicats ne bénéficiant pas de la présomption irréfragable de représentativité.
1968
28 décembre
Suite aux accords de Grenelle, loi consacrant la liberté d’expression et d’action du syndicat
dans l’entreprise : création de la section syndicale d’entreprise et du délégué
syndical d’entreprise.
1971
13 juillet
Loi reconnaissant l’existence d’un « droit des travailleurs à la négociation
collective ». Elle précise les règles de négociation (parties signataires, articulation entre
accords, adhésion, dispositif de dénonciation…) et étend le champ de la négociation
collective aux « garanties sociales » (par exemple, le salaire). Procédure d’extension facilitée
et organisation de la procédure d’élargissement.
1982
Lois Auroux :
• Extension des attributions du CE, tout particulièrement dans le domaine économique.
• Attribution d’une indemnité de fonctionnement au CE.
• Obligation de négocier au niveau de la branche et de l’entreprise, dans certains
domaines et selon une périodicité définie.
• Possibilité de conclure des accords dérogatoires aux dispositions législatives et
réglementaires, dans les domaines et conditions définis par la loi.
• Création du CHSCT (fusion des comités d’hygiène et sécurité, et de la commission
d’amélioration des conditions de travail).
• Extension des attributions des délégués du personnel dans les entreprises de 50 salariés
et plus, dépourvues de CE et de CHSCT.
1996
12 novembre
Création du comité d’entreprise européen par la loi relative à l’information et à la
consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d’entreprises de dimension
communautaire.
1996
16 novembre
Sur la base de l’accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 : loi
expérimentale (3 ans) visant à favoriser la négociation collective dans les
entreprises dépourvues de délégué syndical, soit par la négociation avec les élus, soit
grâce à la technique du salarié mandaté par une organisation syndicale représentative. La
complexité de la procédure (validation par une commission de branche pour l’accord signé
avec les élus, mandatement requérant d’être prévu par une convention de branche), ainsi
que l’opposition de nombreux syndicats n’en ont pas permis le succès. Dispositif repris,
mais assoupli, avec la première loi Aubry (13 juin 1998).
13
Piloter les relations sociales en entreprise
Retour sur l’histoire des relations sociales
Dates clés
2004
4 mai
14
Événements
Inspirée de la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de
l’approfondissement de la négociation collective : loi qui clarifie les règles d’articulation
entre les différents niveaux de négociation. Elle permet tout particulièrement à un
accord d’entreprise de déroger dans un sens moins favorable aux salariés à un
accord de branche ou interprofessionnel, sous réserve de quatre exceptions et que
l’accord de branche ne l’interdise pas. Elle renforce la légitimité des accords collectifs en
posant le principe des accords majoritaires (majorité dite d’« adhésion » ou par absence
d’opposition majoritaire).
2007
31 janvier
Loi imposant une concertation préalable des partenaires sociaux, en vue d’une
négociation, à l’occasion de tout projet de réforme du Gouvernement sur les
relations individuelles et collectives du travail (dispositif inspiré des articles 138
et 139 du Traité instituant la Communauté européenne prévoyant une concertation
obligatoire des partenaires sociaux avant toute proposition concernant la politique sociale).
2008
20 août
Loi portant rénovation de la démocratie sociale :
• Fixe de nouvelles règles de détermination de la représentativité syndicale, reposant
notamment sur les suffrages obtenus lors des élections professionnelles.
• Met fin au monopole des syndicats représentatifs pour la présentation de candidats au
premier tour des élections du CE et des DP.
• Modifie les conditions de validité des accords collectifs en renforçant le principe
majoritaire.
• Met en place de nouvelles règles de désignation des DS en exigeant qu’ils aient obtenu
au moins 10 % des suffrages aux dernières élections.
• Crée le représentant de la section syndicale pour les syndicats non représentatifs.
2013
14 juin
La loi de sécurisation de l’emploi, transposition législative de l’ANI du 11 janvier 2013.
Elle postule que le développement de l’emploi repose sur deux piliers : la GPEC
et le dialogue social. À ce titre, elle donne de nouveaux moyens aux interlocuteurs
sociaux comme la base de données unique, la consultation annuelle sur la stratégie de
l’entreprise, ou crée de nouveaux cas de recours à un expert et la représentation des
salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Elle instaure aussi
l’instance de coordination des CHSCT pour une expertise unique dans certains cas et
encadre les délais de consultation du CE.
2014
5 mars
Loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie
sociale. Elle comporte diverses modifications relatives au régime juridique du protocole
préélectoral, à la désignation des DS et des RS, aux nouvelles obligations comptables
à la charge des CE et surtout à la représentativité des organisations syndicales
d’employeurs.
2015
6 août
Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi
Macron. Elle comporte diverses modifications relatives à la BDES, à l’ordre du jour du
CHSCT, au délit d’entrave, au contentieux électoral et à la transmission des PV électoraux.
Comprendre le paysage des relations sociales
Retour sur l’histoire des relations sociales
Dates clés
Événements
2015
17 août
Loi réformant le dialogue social, dite loi Rebsamen. Elle a pour ambition d’améliorer
la représentation des salariés, de rationaliser les obligations d’information-consultation des
IRP et celles de négociation, d’accorder de nouveaux droits aux représentants des salariés
et de réformer la représentativité patronale. Elle vise à ce que plus de salariés soient
couverts par le dialogue social (création pour les TPE au 1er janvier 2017 de commissions
régionales paritaires interprofessionnelles) et que celui-ci soit moins formel pour être plus
efficace. C’est ainsi, par exemple, que les DUP sont étendues aux entreprises de moins
de 300 salariés (contre moins de 200 auparavant) et englobent également les CHSCT.
Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, des accords majoritaires peuvent regrouper
en une instance les CE, DP et CHSCT. À compter du 1er janvier 2016, les 17 obligations
annuelles d’information-consultation récurrentes du CE sont regroupées en trois grandes
consultations. De même, les négociations obligatoires d’entreprise sont, à compter de cette
date, réorganisées autour de trois thèmes.
Cette loi comporte aussi diverses dispositions visant à valoriser les parcours des titulaires
d’un mandat.
Entraînement
Êtes-vous à jour dans votre entreprise ? Avez-vous optimisé la gestion des relations sociales grâce aux nouveaux apports législatifs ?
Reprenez les principales évolutions législatives décrites ci-dessus depuis 2013
et posez-vous à chaque fois deux questions essentielles :
•
S’il s’agit d’une obligation légale, l’ai-je mise en place ? (Ex. : nouvelles règles
d’élaboration de l’ordre du jour du CHSCT ou de mise en place de la BDES.)
•
S’il s’agit d’une faculté, ce dispositif peut-il concerner mon entreprise et
a-t-on un intérêt à le mettre en place ? (Ex. : DUP, regroupement des IRP
par accord dans les entreprises d’au moins 300 salariés…)
Outil 2 – Identifier les principales organisations
syndicales salariales et leurs stratégies
Le paysage syndical a été dominé pendant un demi-siècle par cinq « grandes »
confédérations qui bénéficiaient d’une présomption irréfragable de représentativité leur donnant des droits exorbitants : représentativité dans toutes
les entreprises, monopole des candidatures au premier tour des élections
15
Piloter les relations sociales en entreprise
professionnelles, capacité à signer des accords collectifs (donc d’engager la
collectivité) indépendamment de leur poids réel…
La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, notamment en supprimant cette présomption irréfragable de représentativité, est
venue modifier le jeu syndical. Désormais, des syndicats comme SUD ou
l’UNSA peuvent espérer s’imposer plus facilement dans le paysage des relations sociales en entreprise et menacer les organisations plus anciennes auxquelles il est souvent reproché de chercher à défendre davantage leur propre
intérêt que celui des salariés.
Les syndicats sont présentés ci-dessous en suivant l’ordre chronologique de
création.
La CGT (Confédération générale du travail)
À sa création à l’issue du congrès de Limoges, le 28 septembre 1895, les statuts
de la jeune CGT proclament : « Les éléments constituant la CGT devront se
tenir en dehors de toutes les écoles politiques. La CGT a exclusivement pour
objet d’unir, sur le terrain économique et dans les liens d’étroite solidarité, les
travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale. » Intéressant quand on
se rappelle la (très) grande proximité, et pendant longtemps, de la CGT avec
le parti communiste français. Pourtant, la charte d’Amiens (1906) confirme
l’indépendance politique de la CGT mais également son idéal révolutionnaire :
« [Le syndicalisme] prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser
que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la
grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de
résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition,
base de réorganisation sociale. »
Après le départ, en 1946, des anarcho-syndicalistes (qui fonderont la CNT),
puis, en 1947, des non-communistes (qui créeront la CGT-FO), la CGT se
trouve affaiblie par la perte de nombreux adhérents et devient une organisation dirigée par des communistes et reconnue comme telle. Ses statuts,
réécrits lors du 45e congrès (Montreuil, 1995), réaffirment dans leur premier
article : « Prenant en compte l’antagonisme fondamental et les conflits d’intérêts entre salariés et patronat, entre besoins et profits, elle combat l’exploitation capitaliste et toutes les formes d’exploitation du salariat. C’est ce qui
fonde son caractère de masse et de classe. »
16
Comprendre le paysage des relations sociales
Sur le terrain, la CGT porte un regard sur la négociation collective, qui oscille
entre participation à l’amélioration collective des conditions de travail et
assimilation de la négociation à une compromission avec le capitalisme. Sa
ligne de conduite est difficile à identifier clairement et dépend souvent de la
personne qui parle en son nom. Avec ses trente-trois organisations professionnelles nationales ou fédérations, quatre-vingt-seize unions départementales et huit cent cinquante-sept unions locales, dont certaines sont plus que
d’autres nostalgiques de la lutte des classes et de l’action directe, les prises
de parole manifestent les tensions entre ses différents courants internes.
La CGT bénéficie d’un fort capital confiance auprès des salariés qui la perçoivent fréquemment comme le syndicat par lequel ils seront les mieux défendus en cas de problème avec leur employeur. C’est sans doute là le résultat de
sa capacité à récupérer tous les mécontentements et à bien utiliser les médias.
Bernard Thibault, secrétaire général de 1999 à 2013, s’est cependant trouvé
piégé par une contradiction entre une idéologie de son organisation qui reste
à dominante révolutionnaire et un pragmatisme lui faisant admettre, dans
un monde en pleine évolution, la nécessité de « passer d’un syndicalisme de
contestation à un syndicalisme de proposition ».
D’ailleurs, la fin du mandat de Bernard Thibault a été entachée par une guerre
de succession très violente : il avait en effet décidé d’imposer une femme,
Nadine Prigent, à la tête du syndicat, mais, en mai 2012, ni la Commission
exécutive, ni le Comité confédéral national n’ont approuvé cette candidature,
entraînant un cinglant désaveu. Si Bernard Thibault a ainsi raté sa sortie, son
successeur, Thierry Lepaon, a quant à lui dû démissionner suite à quelques
« affaires » relatives à son train de vie à la tête de l’organisation, et notamment
à propos du montant des travaux effectués dans son bureau et dans son
appartement de fonction. Il a finalement été remplacé par Philippe Martinez,
leader actuel de la CGT, en poste depuis le 3 février 2015.
Ces crises à répétition au plus haut niveau de la CGT ont rendu l’organisation
relativement inaudible lors de plusieurs grands débats sociétaux. Rappelons
aussi que l’appel de la CGT à faire battre Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2012 (dès le 13 mars 2012, la Commission exécutive du syndicat
affirmait que « sa réélection ouvrirait à coup sûr une nouvelle séquence de
lourds reculs sociaux »), donc à faire élire François Hollande, l’a quelque peu
piégée dans sa liberté d’expression pendant les grandes conférences sociales
de 2012 et 2013, mises en place par le Gouvernement.
17
CHAPITRE
4
Gérer les instances
représentatives du personnel
en entreprise
« De même que je ne voudrais pas être un esclave, je ne voudrais pas être un
maître. Telle est ma conception de la démocratie. Tout ce qui en diffère, et la
différence est d’autant plus grande, n’est point de la démocratie. »
Abraham Lincoln
Nul doute qu’il faudrait réformer le système pour le simplifier. En effet, tel qu’il
fonctionne actuellement, le dialogue avec les IRP est souvent chronophage et
redondant avec des débats qui ont lieu plusieurs fois dans différentes instances.
Mais la réforme des IRP est tout sauf un sujet consensuel. Les organisations
syndicales s’y sont attelées notamment de 2009 à 2012 et vingt-deux réunions
ne leur ont pas permis de se mettre d’accord. À nouveau appelées à négocier
sur le sujet par le Gouvernement à la rentrée 2014, leur dernière réunion de
négociation, qui a eu lieu le 22 janvier 2015, a une fois encore abouti à un
constat d’échec.
L’exécutif a donc repris la main avec la loi du 17 août 2015 relative au dialogue
social et à l’emploi, qui vise une certaine simplification en permettant notamment l’élargissement de la DUP aux entreprises de moins de trois cents salariés
(contre deux cents auparavant) tout en y intégrant le CHSCT, mais également
en offrant la possibilité dans les entreprises d’au moins trois cents salariés de
regrouper par accord majoritaire les instances représentatives.
Piloter les relations sociales en entreprise
Outil 18 – Savoir qui fait quoi dans les IRP
Le terme même d’instances représentatives du personnel renvoie à trois instances particulières : le comité d’entreprise, les délégués du personnel, le
CHSCT, qui regroupent les fonctions de représentation telles que définies
dans le droit français. L’ensemble de ces instances concourt à favoriser l’expression collective des salariés dans le cadre de leurs prérogatives respectives,
qui parfois peuvent se recouper.
Le comité d’entreprise
En France, la création des comités d’entreprise remonte à l’après-guerre
(ordonnance du 22 février 1945).
ÓMissions relatives au fonctionnement de l’entreprise
Le comité d’entreprise possède des attributions tant sur le plan économique
que sur le plan social. Il a pour objet d’assurer l’expression collective des
salariés et la prise en compte de leurs intérêts dans la gestion de l’entreprise.
Pour ce faire, il devra être informé et consulté sur de nombreux points, la
consultation étant évidemment un préalable à la décision. Dans ce contexte,
le CE doit répondre à des obligations de consultations récurrentes et d’autres
ponctuelles.
En pratique
Check-list des sujets de consultations récurrentes obligatoires pour
s’assurer de sa conformité légale
La loi du 17 août 2015 regroupe 17 des consultations récurrentes existant préalablement en trois grandes informations-consultations :
•
90
La situation économique et financière de l’entreprise, qui englobe notamment la politique de recherche et de développement technologique, et
l’utilisation du CICE : investissements, fonds propres et endettement, éléments de la rémunération des salariés et des dirigeants, activités sociales
et culturelles, rémunération des financeurs, flux financiers à destination de
l’entreprise (aides publiques et crédits d’impôt), sous-traitance, transferts
commerciaux et financiers entre les entités du groupe, utilisation du crédit
d’impôt pour la recherche, sommes perçues et utilisation du CICE.
Gérer les instances représentatives du personnel en entreprise
•
La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi,
notamment l’évolution de l’emploi et les qualifications, qui concernent
l’activité et la situation économique de l’entreprise ainsi que ses perspectives d’avenir : pour les sociétés commerciales, documents obligatoirement transmis chaque année à l’AG des actionnaires ; pour certaines
sociétés commerciales, situation de l’actif disponible et exigible ; pour les
sociétés n’ayant pas la forme commerciale, documents comptables établis, sommes perçues au titre du CICE, politique de recherche et développement technologique de l’entreprise.
•
Les orientations stratégiques de l’entreprise, notamment sur la GPEC et
sur les orientations de la formation professionnelle : évolution de l’emploi,
des qualifications, de la formation, des salaires, des actions en faveur des
handicapés, nombre et conditions d’accueil des stagiaires, apprentissage,
CDD, intérim et portage salarial, situations comparées des hommes et des
femmes, plan de formation, mise en œuvre de la professionnalisation et
du CPF, durée du travail, recours aux forfaits, heures supplémentaires réalisées hors contingent, bilan du travail à temps partiel, éléments figurant
dans le rapport de prévention présenté au CHSCT, mesures pour favoriser l’emploi des accidentés du travail et des handicapés, affectation de
l’effort de construction, conditions de logement des éventuels travailleurs
étrangers, modalités d’exercice du droit d’expression, données relatives
au bilan social pour les entreprises d’au moins 300 salariés.
Question/Réponse
Y a-t-il un ordre chronologique à ces consultations ?
Non, la loi ne prévoit rien de tel !
Une consultation correspond-elle à une réunion ?
Non. Compte tenu de l’importance des sujets traités, il est possible de prévoir
plusieurs réunions pour une même consultation. De ce point de vue, la signature
d’un accord collectif d’adaptation des consultations et du fonctionnement du
CE peut s’avérer utile.
Par ailleurs, le CE reste informé et consulté sur les questions ponctuelles
intéressant la marche générale de l’entreprise, et notamment sur les mesures
de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les
conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle. Il est également
destinataire de nombreuses informations obligatoires dont la quantité et la
fréquence sont fonction de la taille de l’entreprise. À ce titre, le seuil de trois
cents salariés alourdit considérablement les obligations en la matière.
91
Piloter les relations sociales en entreprise
En outre, le CE peut saisir l’inspection du travail sur le recours aux contrats
précaires. Il exerce alors un droit d’alerte en cas de connaissance de faits de
nature préoccupante et recourt à des experts dits « obligatoires » en ce sens
qu’ils sont à la charge de l’employeur (voir l’Outil 32 à ce sujet, p. 148).
ÓMissions sociales et culturelles
Le CE assure pour les salariés de l’entreprise, les retraités, leur famille et les
stagiaires des activités sociales et culturelles. Il peut notamment s’agir des
actions suivantes :
– prise en charge de tout ou partie d’une mutuelle de santé ;
– prise en charge de tout ou partie d’une cantine ;
– mise en place de jardins familiaux ou de crèches ;
– activités sportives ou de loisirs (colonies de vacances, séjours…) ;
– activités culturelles (bibliothèque, tarifs préférentiels pour des spectacles ou des musées…) ;
– prise en charge d’une partie du coût de services à la personne (garde
d’enfant, assistance et soins à domicile, aide ménagère…).
Pour ce faire, l’employeur verse une subvention qui représente un pourcentage
de la masse salariale (distincte du budget de fonctionnement).
Les délégués du personnel
Les DP sont parfois baptisés « les gendarmes du droit », car ils s’assurent du
respect par l’employeur de l’ensemble des obligations qui s’imposent à lui. À
ce titre, ils sont investis de plusieurs missions :
• Présenter les réclamations individuelles ou collectives (sans en
avoir pour autant le monopole) tant des salariés de l’entreprise que
de ceux des entreprises extérieures ou des ETT.
• Déclencher un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits et libertés
de la personne, ou à la santé physique et mentale d’un salarié.
• Saisir l’inspection du travail des plaintes ou observations du personnel relatives à des manquements de l’employeur.
• Communiquer au CE et au CHSCT les questions relevant de leurs
compétences.
• Élire, avec le CE au sein du collège désignatif, les membres du CHSCT.
92
Gérer les instances représentatives du personnel en entreprise
Les DP doivent également être consultés sur un certain nombre de points : la
période de prise des congés payés ainsi que l’ordre des départs (en l’absence
d’accord collectif), le reclassement d’un salarié définitivement inapte à la
suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le report
par l’employeur d’une demande de repos compensateur suite à des heures
supplémentaires, l’arrêt de l’entreprise pour cause d’intempéries, les projets
de licenciements économiques dans les entreprises de moins de cinquante
salariés…
Ces domaines de consultation sont élargis lorsque les DP sont amenés à
assumer des fonctions supplétives en cas d’absence de CE ou de CHSCT suite
à une carence constatée lors des élections professionnelles. Il est également
fréquent que les DP assistent les salariés lors des entretiens disciplinaires,
même si ce n’est pas une prérogative qui leur est spécifique.
ÓFonctions supplétives en l’absence de comité d’entreprise
En cas d’absence de CE dans une entreprise d’au moins cinquante salariés, les DP exercent la totalité des attributions économiques du CE (mêmes
informations et consultations sur les sujets relevant des prérogatives du CE,
mêmes moyens d’action comme le recours aux experts ou la subvention de
fonctionnement). Ils doivent également être associés par l’employeur à la
gestion des œuvres sociales et culturelles.
Par ailleurs, quel que soit l’effectif de l’entreprise, les DP sont alors consultés sur : le report ou le refus de divers congés (sabbatique, pour création
d’entreprise…), les dérogations aux durées maximales de travail, le règlement
intérieur. Dans cette situation, l’employeur doit également leur communiquer
chaque année un bilan pour la période écoulée sur le recours aux contrats
précaires et les prévisions de recours à ces mêmes contrats.
ÓFonctions supplétives en l’absence de CHSCT
En cas d’absence de CHSCT, les DP ont les mêmes missions que le CHSCT.
Si l’entreprise compte au moins cinquante salariés, ils bénéficient des mêmes
moyens d’action que le CHSCT pour les accomplir. En revanche, si l’entreprise compte moins de cinquante salariés, ils devront assumer les missions
du CHSCT avec leurs propres moyens de DP.
93
CHAPITRE
6
Piloter le dialogue social
« Ne pas prévoir, c’est déjà gémir. »
Léonard de Vinci
Comme en tout domaine, une activité non pilotée est une activité, la plupart
du temps, subie. Il en est de même pour le dialogue social. Ainsi, clarifier sa
stratégie, construire un calendrier des temps forts sociaux, analyser sa représentation sociale, constituent autant de démarches indispensables à une bonne
anticipation sociale.
Les acteurs des ressources humaines se plaignent souvent, à juste titre, de la
complexité réglementaire des relations sociales. Raison de plus alors pour se
doter d’outils permettant une simplification de leur pilotage.
157
Piloter les relations sociales en entreprise
Outil 35 – Élaborer une stratégie de relations
sociales
Si l’on se réfère à la définition de la stratégie comme étant l’ensemble des
choix à opérer dans l’allocation de ressources en vue d’atteindre un résultat
ou un objectif préalablement déterminé, la stratégie en relations sociales va
consister en un choix de moyens au service d’une ambition sociale. Ainsi,
dans l’absolu et sauf abus ou mauvaise foi, il n’existe pas de bonne ou mauvaise stratégie de relations sociales, mais des stratégies adaptées ou non à
un contexte particulier d’entreprise.
La définition d’une stratégie en relations sociales, pas plus qu’une stratégie
en matière d’emploi, ne peut être élaborée en chambre par quelques spécialistes en ressources humaines, car sa pertinence dépendra en premier lieu
de sa prise en compte des variables contextuelles, externes comme internes,
dans lesquelles elle sera mise en œuvre. Dans ce contexte, l’élaboration d’une
stratégie en relations sociales adaptée passe par la prise en compte de cinq
niveaux d’informations.
Stratégie en relations sociales en 5 points
Niveaux d’information
1
La finalité première
poursuivie par les dirigeants
de l’entreprise
• Une finalité de rentabilité ? L’enjeu est financier et à court terme.
• Une finalité de développement ? L’enjeu est la course à la taille
critique : il faut grossir et vite pour dépasser les concurrents.
• Une finalité patrimoniale ? L’enjeu est de préserver l’entreprise dans le
temps dans une logique de risques modérés et de transmission.
Les données économiques
et sociales contextuelles
• Le marché des produits : Concurrence ? Concentration ? Évolution ?
Pérennité ?
• Niveau et évolution des grands indicateurs de l’entreprise : Chiffre
d’affaires ? Taux de marge ? Résultat ?
• Le marché de l’emploi : Qualifications ? Pénuries ? Fluidité ?
Le niveau de conformité
juridique d’un point de vue
social
• En matière de gestion des ressources humaines ?
• En matière de fonctionnement des instances représentatives ?
• En matière de négociations obligatoires ?
L’implantation syndicale
• Nature et poids des partenaires sociaux en présence ?
• Fonctionnement du dialogue social, de la politique contractuelle ?
• Fonctionnement des instances représentatives ?
2
3
4
158
De quoi s’agit-il ?
Piloter le dialogue social
Stratégie en relations sociales en 5 points
Niveaux d’information
5
De quoi s’agit-il ?
Les données concernant les
ressources humaines
• Quantitatives : données issues du bilan social et indicateurs du tableau
de bord social.
• Qualitatives : remontées des managers, analyse des tracts, courriers
des salariés…
Des nombreuses observations faites sur le terrain émergent les cinq grandes
approches ou pratiques des relations sociales qui sont présentées par le
schéma suivant et qui constituent des tendances.
Moyens
Approche
achat paix sociale
Approche
prospectiviste
Approche
alternée
Approche
minimaliste
Approche
discursive
Temps
Les caractéristiques de ces cinq grandes approches sont détaillées dans le
tableau ci-dessous.
5 grandes approches des relations sociales
Approches
Caractéristiques
Approche minimaliste
C’est une approche court-termiste avec peu de moyens. Elle peut, par exemple,
se retrouver dans des activités à très faible marge ou en difficulté économique, ou
encore dans une culture où le dialogue social a une faible valeur. L’investissement
dans le dialogue social se limite généralement aux obligations légales.
Approche achat
de la paix sociale
C’est une logique d’achat de la paix sociale au travers de la concession de
beaucoup de moyens matériels aux partenaires sociaux pour tenter de les
apaiser. L’essentiel du dialogue social se concentre donc beaucoup plus sur les
moyens d’action des représentants du personnel que sur les débats de fond.
Approche alternée
C’est une approche en dents de scie, car elle varie régulièrement de registre et
donne peu de lisibilité.
159
Piloter les relations sociales en entreprise
5 grandes approches des relations sociales
Approches
Caractéristiques
Approche discursive
Cette approche est nourrie de nombreux discours sur la place du dialogue social.
On y scande l’importance de partenaires sociaux forts, on y promet beaucoup
d’échanges souvent reportés, ou pas. On y parle beaucoup pour occuper les
interlocuteurs sociaux avec parfois le sentiment d’aboutir à peu de résultats
concrets. L’important est de donner le sentiment d’occuper le terrain.
Approche prospectiviste
L’approche prospectiviste est celle qui intègre le mieux à la fois une vision
constructive du dialogue social à moyen terme et des moyens associés. Elle
intègre les relations sociales comme composante du bon fonctionnement de
l’entreprise, donc comme un investissement nécessaire.
Chaque approche présente des avantages et des inconvénients. Elle n’est ni
bonne ni mauvaise en soit et sera, ou pas, adaptée à un contexte et à des
enjeux.
Entraînement
•
Où situez-vous votre entreprise sur le graphe précédent ?
•
Ce positionnement vous semble-t-il adapté ? Pourquoi ?
•
Percevez-vous une évolution de celui-ci ces trois dernières années ? Sous
quelle influence ?
•
Quelle évolution serait souhaitable ? Dans quelle perspective ?
Outil 36 – Estimer le coût du dialogue social
En estimant le coût du dialogue social, il ne s’agit pas de stigmatiser la représentation du personnel en la désignant comme étant quelque chose qui ne
ferait que coûter cher à l’entreprise. Il s’agit, là aussi, d’avoir une démarche
pragmatique. Puisque de nombreux dirigeants, du moins dans les médias,
font état de leur souci « d’investir » dans le dialogue social, il en deviendrait
presque étrange que ce soit le seul investissement dans l’entreprise qui ne
fasse pas l’objet d’une estimation de son montant et d’une évaluation du
fameux retour sur investissement.
160
Piloter le dialogue social
Une telle évaluation peut notamment s’avérer utile dans deux situations :
1. Lorsque l’entreprise se trouve en situation de négocier un accord
collectif sur les conditions et moyens d’exercice par la représentation du personnel de ses prérogatives (ce que l’on appelle fréquemment un accord de droit syndical). En effet, comment apprécier
l’importance des avantages supplémentaires à octroyer sans connaître
le coût de ce qui existe déjà ? Se verrait-on, dans sa propre situation
individuelle, négocier une augmentation salariale sans connaître son
salaire de base ?
2. Lorsque les salariés eux-mêmes, sous l’emprise du discours syndical, ont le sentiment que l’entreprise fait peu de chose pour ses
représentants du personnel. Comment, dans ce cas, se comprendre
quand le débat tourne autour de notions comme « beaucoup » ou « pas
assez » ? Dans ce contexte, une estimation financière permet d’objectiver les échanges. Par ailleurs, elle peut aussi être l’occasion, en la
partageant avec les salariés, de les inviter à être parfois plus exigeants
avec leur représentation du personnel.
Exemple
Estimation du coût du dialogue social
Dans une entreprise d’environ 1 200 personnes, avec il est vrai un accord de
droit syndical complétant significativement le cadre légal, une telle estimation
a été faite, comme l’illustre le tableau ci-dessous.
Exemple d’estimation du coût du dialogue social
Instances obligatoires
Coût des réunions (1)
Crédits d’heures (2)
DS
7 300 €
72 600 €
DP
5 400 €
83 160 €
CE
24 900 € + 4 290 €
(commissions)
110 880 €
CHSCT
6 100 €
23 760 €
Représentants salariés au conseil
d’administration
4 224 €
23 760 €
161
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➠ Managemen
➠ RH
Piloter les relations sociales en entreprise
50 outils pour sécuriser ses pratiques et gérer les négociations
Les relations sociales sont un enjeu que l’entreprise doit connaître sous peine d’hypothéquer son bon fonctionnement et l’atteinte de ses objectifs. La loi de rénovation de la démocratie sociale (août 2008) a modernisé les règles du jeu social, et
la loi relative au dialogue social et à l’emploi (août 2015), dite Rebsamen, a essayé
de les simplifier. Cet ouvrage donne les clés aux professionnels des ressources
humaines et du droit du travail en entreprise pour mieux les comprendre et pouvoir
les appliquer avec discernement.
Voici 50 outils qui offrent une méthodologie pour vous aider à anticiper, agir
et négocier au mieux des intérêts de votre entreprise et de ses hommes :
• Connaître les points clés des relations collectives pour maîtriser le fonc-
tionnement de la représentation du personnel et sécuriser ses pratiques.
• Gérer les relations sociales et cerner ses marges de manœuvre, préparer
et animer les négociations sociales.
• Anticiper et gérer les conflits.
Jean-Christophe Debande est directeur de projets RH chez Entreprise & Personnel après
une expérience de 20 ans comme DRH au sein de grandes entreprises (Réunion des musées
nationaux, Elior, Orange, Intermarché). Il intervient également sur les enjeux des ressources
humaines, le droit du travail, la gestion des relations sociales, au sein de SciencesPo Paris,
ESCP Europe, ESSEC, Paris-I Sorbonne et Paris-II Assas.
ISBN : 978-2-311-62105-1
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