DÉCISION ATALLAH c. FRANCE 5
« en détachement auprès de la FINUL. » Ils demandaient qu’il soit jugé que
la mort de leur mari et père était un meurtre qui n’était justifié ni par le
commandement de l’autorité légitime, ni par la légitime défense et que ce
meurtre constituait une voie de fait. Ils contestaient les résultats de l’enquête
menée par la gendarmerie française, notamment au vu du rapport médico-
légal établi par un médecin libanais après l’autopsie. Ils concluaient que les
constatations du médecin-légiste montraient que plusieurs armes avaient été
utilisées et estimaient notamment que le rapport de l’armée française
n’expliquait en aucune manière l’existence d’impacts de tailles différentes
correspondant à des tirs de différents diamètres et de provenances distinctes.
Ils demandaient également que le ministre de la Défense ès-qualité et les
deux soldats soient condamnés solidairement à les indemniser.
Le tribunal se prononça par jugement du 31 juillet 2003. Il considéra que,
compte tenu, d’une part, du contexte particulièrement dangereux au moment
des faits et, d’autre part, du comportement du conducteur de l’Austin, le
militaire français avait légitimement fait usage de son arme pour préserver
sa vie. En tout état de cause, il avait agi dans le cadre de l’exécution d’un
service commandé, ce qui ne saurait être constitutif d’une voie de fait. Le
tribunal conclut qu’il n’appartenait pas aux juridictions de l’ordre judiciaire
de connaître de l’action des requérants et se déclara incompétent, renvoyant
les requérants à mieux se pourvoir.
Les requérants firent appel de cette décision en reprenant les arguments
développés devant le tribunal de première instance.
La cour d’appel de Paris statua par arrêt du 16 décembre 2005. Elle
estima que, à supposer même une mauvaise exécution de l’ordre reçu, en
raison d’une appréciation inexacte du comportement du conducteur du
véhicule, et de l’assimilation erronée de ce véhicule à celui recherché, ces
circonstances auraient été à l’évidence encore susceptibles d’être rattachées
aux pouvoirs appartenant à l’administration et donc exclusives de la voie de
fait. En effet, l’ordre d’interception donné incluait, au vu des conditions
générales d’intervention de la FINUL, la possibilité de tirer en cas de mise
en danger de la vie des soldats chargés de son exécution. La cour d’appel
considéra que cette condition était réalisée dès lors que, selon l’enquête, le
soldat S. risquait d’être renversé par le véhicule en cause, qui était démuni
de sa plaque d’immatriculation avant, qui n’avait pas obéi aux signes clairs
d’avoir à ralentir et s’arrêter et qui continuait à venir vers lui à la même
vitesse. La cour d’appel confirma donc le jugement de première instance.
Les requérants se pourvurent en cassation contre cette décision. Ils
soutenaient que les pouvoirs se rattachant à l’administration dans le cadre
d’une opération spéciale visant à intercepter un véhicule avec un
signalement précis ne lui permettaient pas d’interpeller et d’ouvrir le feu sur
un véhicule ne correspondant visiblement pas à ce signalement ; que les
militaires français avaient reçu l’ordre d’intercepter avec précaution un
véhicule de couleur bleue transportant des personnes armées ; que cet ordre