729 06.10.2009 Communiqué du Greffier Arrêt de

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729
06.10.2009
Communiqué du Greffier
Arrêt de chambre1
Kuliś et Różycki c. Poland (requête no 27209/03)
SANCTION INJUSTIFIEE POUR AVOIR PUBLIE DES DESSINS SATIRIQUES
Violation de l’article 10 (liberté d’expression et de l’information)
de la Convention européenne des droits de l’homme.
En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue au
premier requérant 7 200 euros (EUR) pour dommage matériel, 3 000 EUR pour dommage
moral, et 6 100 EUR pour frais et dépens. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)
Principaux faits
Les requérants, Mirosław Kuliś et Piotr Różycki, sont tous deux des ressortissants polonais.
Ils sont nés en 1956 et en 1946 respectivement. Le premier requérant réside à Łόdź ; le
second est décédé en 2004.
Le premier requérant possède une maison d’édition nommée « Westa Druk », qui publie un
hebdomadaire, Angora, et son supplément pour enfants, Angorka. Le deuxième requérant
était le rédacteur en chef du magazine.
Le 16 mai 1999, Angorka publia un article qui évoquait une campagne de publicité de la
société Star Food pour des pommes chips. L’article critiquait une publicité que la société
avait fait figurer sur ses paquets de chips et qui qualifiait de « meurtrier » un personnage
populaire de bande dessinée pour enfants. L’article d’Angorka comportait notamment une
image du personnage en question, suivie des remarques suivantes : « Les enfants polonais
choqués par une publicité pour des chips » et « Ne vous inquiétez pas, je serais aussi un
meurtrier si je mangeais cette saleté !».
La société Star Food engagea contre les deux requérants une action civile par laquelle elle
demandait des excuses, le remboursement de ses frais et dépens ainsi que le versement
d’un don à une organisation caritative. Les tribunaux accueillirent ces demandes, estimant
que l’article des requérants, par l’utilisation de termes fortement péjoratifs suggérant le
dégoût et la répulsion, avaient jeté le discrédit sur les produits de la société. Les requérants
formèrent des recours mais furent déboutés.
L’article 43 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date
de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la
Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une
question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses protocoles ou encore une question grave
de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette
la demande et l’arrêt devient définitif. Autrement, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois
mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.
1
-2Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant l’article 10, les requérants se plaignaient des sanctions qui leur avaient été
infligées.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le
10 juin 2003.
L’arrêt a été rendu par une chambre de 7 juges composée de :
Nicolas Bratza (Royaume-Uni), président,
Lech Garlicki (Pologne),
Giovanni Bonello (Malte),
Ljiljana Mijović (Bosnie-Herzégovine),
Päivi Hirvelä (Finlande),
Ledi Bianku (Albanie),
Nebojša Vučinić (Monténégro), juges,
et Fatoş Aracı, greffière adjointe de section.
Décision de la Cour
La Cour observe que la campagne publicitaire en question, bien que visant essentiellement
les enfants, a employé des slogans au contenu inadapté. Cette situation a soulevé des
questions qui présentaient manifestement un intérêt et une certaine importance pour
l’opinion publique.
De plus, le dessin publié dans l’article s’inspirait de toute évidence de la campagne
publicitaire en cause, puisque les requérants ont utilisé le personnage de bande dessinée et
le slogan qui figuraient sur les paquets de chips. En conséquence, la Cour estime que les
requérants n’avaient pas l’intention de dénigrer la qualité des chips, mais de sensibiliser
l’opinion publique aux types de slogans employés par la société et au caractère inacceptable
de pareils procédés destinés à faire vendre.
Enfin, la Cour considère que les tribunaux nationaux ont négligé de prendre en compte le
fait que la presse a le devoir de communiquer des informations et des idées sur des
questions d’intérêt général et qu’elle peut ce faisant recourir à une certaine dose
d’exagération, voire de provocation, comme cela a été le cas en l’espèce. Il s’ensuit que les
tribunaux nationaux n’ont pas justifié les sanctions infligées aux requérants, et la Cour
conclut à l’unanimité qu’il y a dès lors eu violation de l’article 10.
***
Ce communiqué est un document rédigé par le greffe ; le résumé qu’il renferme ne lie pas la
Cour. Les textes des arrêts peuvent être consultés sur le site Internet de celle-ci
(http://www.echr.coe.int).
Contacts pour la presse
Kristina Pencheva-Malinowski (tél: + 33 (0)3 88 41 35 70) ou
Stefano Piedimonte (tél : + 33 (0)3 90 21 42 04)
Tracey Turner-Tretz (tél : + 33 (0)3 88 41 35 30)
Céline Menu-Lange (tél : + 33 (0)3 90 21 58 77)
Frédéric Dolt (tél : + 33 (0)3 90 21 53 39)
Nina Salomon (tél: + 33 (0)3 90 21 49 79)
-3La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les États
membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la
Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
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