Phobie scolaire et autres causes de déscolarisations
ADOLESCENCE & Médecine 43
bFacteurs d’installation
L’installation de la phobie scolaire peut
être précipitée par des facteurs envi-
ronnementaux qui servent secondai-
rement de rationalisations : agression
par ses pairs, moqueries, remarque
d’un enseignant... Très souvent les ex-
périences de séparation précoce dans
la petite enfance (crèche, école ma-
ternelle) ou les séjours en dehors de la
famille (colonies de vacances, voyage
scolaire) ont été difficiles ou impos-
sibles. Le décès mal vécu d’un proche,
une maladie grave, une crise paren-
tale, un déménagement, un change-
ment d’école, sont également autant
de situations susceptibles d’accroître
le sentiment d’insécurité en augmen-
tant le seuil d’angoisse. Les troubles
du sommeil du nourrisson ne sont pas
rares, témoins d’une anxiété précoce.
Enfin, les troubles des apprentissages
(dyslexie, dysorthographie…) peuvent
favoriser le déclenchement phobique
et doivent toujours être recherchés.
bEpidémiologie
Estimée à un peu moins de 2 % des
jeunes en âge scolaire, elle représente
environ 5 % des consultations en pé-
dopsychiatrie et touche autant les
garçons que les filles. Sans étude épi-
démiologique précise, les cliniciens
estiment sa fréquence en augmenta-
tion. L’accroissement des exigences
scolaires, des phénomènes de compé-
tition sociale, et de l’agressivité dans
les établissements, en augmentant le
sentiment d’insécurité qui précipite-
rait l’angoisse, expliqueraient cette re-
crudescence.
bAntécédents familiaux
L’étude de la famille permet sou-
vent de constater des antécédents de
troubles anxieux, phobiques ou dé-
pressifs chez les parents. Les auteurs
observent un lien d’hyperdépen-
dance mère-enfant. Dans cette dyade,
les pères sont absents (séparation,
divorce, éloignement pour raisons
professionnelles) ou trouvent diffici-
lement leur place (disqualification,
conflit conjugal) (1).
bUne installation parfois
insidieuse
A l’adolescence, l’installation de la
phobie scolaire peut être plus insi-
dieuse et les signes anxieux peuvent
être noyés dans un ensemble clinique
plus polymorphe : les éléments dé-
pressifs peuvent apparaître au pre-
mier plan, l’adolescent s’isolant à
son domicile ; dans certains cas les
conduites agies dominent avec op-
position, fugues, conduites addic-
tives, réunion en bandes. L’évolution
de la phobie scolaire est réputée de
moins bon pronostic à cet âge car la
dépendance au figures parentales
complique la trajectoire d’autonomi-
sation (2).
Face à ce flou symptomatique à l’ado-
lescence, pour retenir le diagnostic de
phobie scolaire, il convient de cher-
cher minutieusement les deux élé-
ments caractéristiques qui fondent
son diagnostic positif, et qui ont pu
être présents au début des troubles,
aux premiers temps de la déscolarisa-
tion, ou dans le plus jeune âge :
• syndrome anxieux face aux situations
de scolarisation,
• intérêt et performances scolaires
conservés.
UNE PLACE
NOSOLOGIQUE
DISCUTÉE
Dans la littérature anglo-saxonne la
phobie scolaire tend à être remplacée
par le “refus scolaire anxieux” (school
anxious refusal). Les classifications in-
ternationales ne lui reconnaissent pas
d’entité syndromique propre, la clas-
sant soit dans les troubles « angoisse
de séparation », soit dans les « troubles
névrotiques à dominante phobique »
(symptôme d’une agoraphobie, d’une
phobie sociale, d’un trouble panique,
ou d’une phobie spécifique). En
France, l’appellation “phobie scolaire”
est couramment utilisée par les clini-
ciens, et a tant séduit patients, parents,
et enseignants qu’ils l’utilisent parfois à
l’excès devant n’importe quelle déscola-
risation en quête de caution médicale.
LE REFUS SCOLAIRE
SIMPLE
Il s’agit d’un adolescent qui refuse de
poursuivre sa scolarité de son plein
gré, si l’on peut dire, sans raisons psy-
chologiques objectivables. C’est ce
que nomme l’appellation romantique
d’école buissonnière. Il s’agit d’un
diagnostic d’élimination, cette posi-
tion d’apparence recevable peut ca-
cher une crainte phobique minime, un
trouble des apprentissages.
AUTRES ÉTIOLOGIES
PSYCHIQUES DE
DÉSCOLARISATION
bSecondaire à des
somatisations
La déscolarisation peut être secon-
daire à des somatisations. Dans ces
cas, l’angoisse paroxystique manque,
et l’expression somatique est au de-
vant du tableau, alibi de l’absence.
Tous les appareils peuvent être at-
teints : neurologiques avec céphalées
migraineuses, vertiges ou troubles de
la marche ; douleurs diverses de l’ap-
pareil locomoteur allant jusqu’aux
tableaux fibromyalgiques ; douleurs
des organes génitaux ou pollakiurie
d’instabilité vésicale. L’asthénie peut
faire évoquer le syndrome de fatigue
chronique, dont la validité clinique
reste discutée. L’encoprésie, source de
honte narcissique empêche souvent
l’enfant d’être scolarisé, par crainte
des moqueries.
bTroubles de la structuration
de la personnalité
Les troubles sévères de la structu-
ration de la personnalité (dyshar-
monies, états limites, troubles psy-
chotiques) s’accompagnent souvent
d’une absence d’intérêt scolaire pou-
vant entraîner un absentéisme ou une
déscolarisation. Les troubles schi-
zophréniques qui débutent parfois
à l’adolescence se compliquent d’un
“échissement scolaire” progressif
(diminution des performances sco-
laires), ou d’un “apragmatisme” (in-
capacité à initier une action).