Dispositifs d’accueil et de soin/ Pascal Thouillot.
Journée autour des Phobies scolaires. Annecy.15/10/2011.
« Reste le souvenir d’une perplexité. Dans cette classe où la maîtresse nous apprend des
fables en nous les répétant, puisque collectivement nous ne savons pas lire, l’histoire du
corbeau et du renard me sera longtemps opaque. Que fait au juste cet archevêque dans l’arbre
du corbeau ? « Il ouvre un archevêque » et j’ai beau tenter de restituer un peu de cohérence à
l’affaire en imaginant qu’il laisse tomber sa « croix », l’histoire me paraîtra obscure jusqu’au
jour où le texte écrit me sera -enfin- une illumination.
Mais quoi qu’il y ait à apprendre, et même s’il s’agit de choses que je sais déjà, l’école
procure un sentiment de profonde sécurité affective ».
Cet extrait de « Composition française », récit autobiographique de Mona Ozouf*, vient
souligner en contrepoint que le plaisir d’apprendre ( l’ « illumination » devant la découverte
du sens, que je rapproche sans doute trop rapidement de la pulsion épistémophilique), et le
sentiment de sécurité affective nous entraînent loin de notre sujet d’étude où dominent « la
peur de penser » (A Birraux) et une profonde angoisse liée au sentiment d’insécurité qui
caractérise ceux qui présentent une phobie scolaire ( cette appellation ayant le mérite de ne
pas préciser si l’objet de fuite est l’école, les professeurs, les élèves, un professeur, un
élève…).
(Préciser double sens de ce titre : faire avec (composer) et le sentiment d’inclusion dans la
classe).
Et cet auteur continue « ce qu’on a appris, il semble qu’on ne puisse plus le
désapprendre » (sous-titre de cette présentation)
Quand cet écrivain décrit de façon poétique et nostalgique sa scolarité, nous sommes dans les
années d’avant-guerre et on parlait déjà de phobie scolaire.
En effet avec les lois Ferry (Jules !) de 1882 et l’école laïque et obligatoire (14 ans)
apparaissent les premières descriptions des enfants qui refusent l’école.
Binet 1887, Heuyer 1914. Puis Broadwin. Le terme vient avec Johnson et Falstein 1941 pour
ces enfants qui pour des raisons irrationnelles refusent d’aller à l’école et résistent avec
des réactions d’anxiété très vive quand on essaie de les y forcer.
Il y a donc ceux qui ne peuvent pas, à coté de ceux qui ne veulent pas (écoliers des buissons).
Puis la scolarité devient obligatoire jusqu’à 16 ans (décret Berthouin 1959). C’est aussi à
partie de ces années que la pédopsychiatrie acquiert ses « lettres de noblesse ».
Et très vite la question se pose de la dénomination de cette entité qui ne correspond pas aux
descriptions classiques des phobies où un objet phobogène est identifié: à la peur de l’école se
substitue l’angoisse de séparation.
Le refus anxieux de l’école arrive en 1987.
*Mona Ozouf : Composition Française. Gallimard.2009. (à noter : le premier ouvrage de cette
historienne s’intitule L’Ecole, l’Eglise et la République.)
Plus récemment certains auteurs font de cette entité un syndrome d’inadaptation scolaire :
la pression scolaire est devenue telle que la phobie révèlerait la fragilité des élèves incapables
de répondre à la norme de l’école.
Ne nous arrêtons pas aux classifications sauf pour dire que la phobie scolaire continue
d’exister dans la classification française (dans les troubles anxieux de l’enfant et de
l’adolescent) ; dans les autres classifications DSM et CIM10-, le refus scolaire est envisagé
sous la forme de « trouble anxieux de séparation » ou sous la forme d’une phobie sociale.
PHOBIES SCOLAIRES.
Il n’y a pas un traitement unique (« protocole de soins ») de la phobie scolaire, et l’analyse
de cette entité est nécessaire avant de proposer des soins en choisissant parmi les dispositifs
de soins possibles
« La prise en charge des adolescents phobiques scolaires est difficile, complexe,
nécessairement multifocal et souvent décevante.
Les interruptions thérapeutiques sont fréquentes (avec comme hypothèse : la séparation
est intolérable ou devant absence de modification comportementale les parents
renoncent)
Et l’approche familiale est vite perçue comme une menace pour l’équilibre familial. »
(D.Marcelli)
Cette prise en charge nécessite une alliance entre enfant, équipe médicale (soins et scolaire),
équipe pédagogique et parents. Cette alliance suppose que les missions et les attentes de
chacun soient bien connues, définies et respectées.
Pour certains psy, absentéisme = défaillance pédagogique, et pour certains enseignants,
absentéisme =anomalie (désordre) psychique. Et pour les parents, et pour l’élève ?
Entre les enseignants et les soignants, la différence de regards portés sur les difficultés
scolaires d’un enfant (élève dans un cas ou patient dans l’autre ?) peut s’avérer
considérable.
L’identité professionnelle de chacun conduit en effet à une lecture différentielle, donc,
décalée, et il faut dépasser une simple mutualisation des points de vue.
Par ailleurs, D.Marcelli en repérant des pics de phobie scolaire à 5-7 ans, 10-12 ans, 13-15
ans, pointe de façon implicite son apparition lors des périodes de maturation
somatopsychiques et d’étapes scolaires, en l’occurrence difficiles à élaborer pour l’enfant
comme pour la famille.
Dans phobies scolaires, il y a scolaire, et phobie (ou refus anxieux).
Scolaire pour commencer :
Rappelons l’importance en quantité des troubles se manifestant à l’école (d’où inadaptation
scolaire (qui est inadapté ? Voir article Sudre)
En effet le symptôme scolaire est un des motifs transversaux des consultations en
pédopsychiatrie : retard, échec, inhibition, mutisme, troubles des apprentissages. (A Birraux
phobie du penser chez enfants en échec. Et précocité. Et hyperactivité (quid du médicament
qui est donné les jours d’école et donc pas les jours à la maison).
L’évaluation des difficultés scolaires d’un enfant passe par l’analyse du triptyque relationnel
école enfant parent : les questions relatives à la famille sont celles de l’investissement de
l’institution scolaire, de l’école, des apprentissages et des études.
On peut rappeler ici les différents types d’exigences scolaires :
- exigences affectives et émotionnelles (maîtriser l’angoisse de séparation, intégrer
rythme (discipline, attention) supporter l’échec)
- exigences cognitives : compétences intellectuelles satisfaisantes, sans trop de décalage
‘du « verbal » privilégié actuellement.(et sans dysharmonie cognitive)
- exigences sociales et relationnelles : apprendre nécessite de la part de l’élève la
capacité de transférer sur l’enseignant la sécurité du lien avec les parents, la capacité
d’accepter la compétition avec les pairs ainsi que la capacité d’articuler et d’intégrer
l’alternance des temps (d’attention et de détente) et des différents espaces (fermés et
ouverts).
B Golse continue en détaillant les repères suivants :
- à l’école maternelle : l’angoisse de séparation et la peur de l’inconnu peuvent donner
lieu à des décompensations anxieuses signant une fragilité à l’accès à l’intersubjectivité et des
risques de retrait plus ou moins angoissés.
- à l’école primaire : c’est l’époque des troubles des fonctions instrumentales (lire écrire
compter) l’atteinte est surtout narcissique (peur de décevoir et de se décevoir(estime de soi).
- au collège et au lycée : on peut retrouver des dépressions (peur de dépasser parents) et
des décompensations quand les exigences relationnelles confrontent l’adolescent à ses failles
narcissiques ou quand la dimension abstraite des connaissances entre en résonnance avec un
éventuel mécanisme d’intellectualisation pathologique.la peur d’apprendre est plus forte que
le désir de savoir.
Ces exigences soulignent les contraintes de ce que l’on appelle le moule scolaire et qui met en
difficultés un certain nombre d’enfants. Elles viennent souvent comme dit plus haut révéler
certaines fragilités développementales propres à chaque étape de la vie, mais elles jouent
parfois comme un facteur traumatisant alors sources de conflits de développements intra et
extra psychiques. La ligne de démarcation est souvent délicate à tracer entre ces deux types de
situations, et B Golse d’ajouter que cette difficulté justifie la collaboration étroite entre
enseignants, médecine scolaire et intervenants du champ de la pédopsychiatrie.
Phobie ensuite :
La phobie scolaire parait être une conduite surdéterminée trouvant ses origines à différents
niveau d’organisation structurelle. Si le modèle théorique et explicatif « angoisse de
séparation » apparaît d’autant plus pertinent que l’enfant est jeune, la reprise du même modèle
à l’adolescence risque d’aboutir à une méconnaissance du travail psychique à l’adolescence :
de nombreux auteurs insistent sur le lien avec une phase psychoaffective précoce,
préœdipienne.
Les phobies scolaires sont la manifestation d’une pathologie d’expression névrotique
mais dont les symptômes sont peu élaborés (S. Lebovici).
A cela s’ajoute les particularités de l’adolescence, en particulier la réactivation de la
problématique oedipienne.
D. Marcelli propose la synthèse suivante :
- la phobie scolaire trouve son origine dans un lien d’hyper dépendance mère/enfant
- elle se constitue autour des défaillances dans les processus d’identification au parent
du même sexe d’un coté et de l’incapacité de la figure paternelle à s’interposer dans le
lien primaire mère/enfant d’un autre coté
- elle s’actualise sous l’effet de la double contrainte d’une part des exigences de penser
à l’école et d’autre part des conflits d’allégeance au groupe des pairs.
(Classification Sperling le plus souvent brutale
Aigue secondaire à un traumatisme
Induite secondaire à relation (mère) (père)-enfant pathologique
Chronique (installation d’une des deux formes précédentes.)
On a essayé de distinguer anxiété de séparation pour les enfants en maternelle et phobie
scolaire pour les plus grands
Et aussi en fonction du facteur spatiotemporel : partir de la maison, et arriver à l’école.
(Phobie ou refus : phobie terme psychanalytique :
à quand un autre terme dans la lignée des ted toc top ? tes (trouble évitement scolaire) ?)
On peut aussi s’arrêter sur un double sens de l’expression phobie scolaire : qui est phobique ?,
on peut entendre ainsi la difficulté (l’anxiété ?) qu’ont certains parents à se rendre à l’école
pour rencontrer les enseignants, ou la direction : en écho à leur propre scolarité ?
PRINCIPES DE TRAITEMENT
On passe de la phobie scolaire au phobique, c'est-à-dire au cas particulier.
Donc on tiendra compte de l’évaluation qui met l’accent soit sur l’intensité des manifestations
anxieuses, soit sur la phobie de pensée, soit sur la notion de butée développementale
(impasse).au même titre que d’autres pathologies émergentes à l’adolescence.
La complexité de l’organisation psychopathologique, individuelle et familiale nous amène à
utiliser plusieurs ressorts thérapeutiques associés au sein d’une approche multidimensionnelle.
Il s’agit pour chaque enfant et pour chaque famille de pouvoir élaborer une prise en charge
individualisée, adaptée à leur possibilité de mobilisation.
Rappelons que cette pathologie peut être l’aboutissement de plusieurs années de difficultés, ce
qui implique parfois des soins de plusieurs années.
Les soins se déclinent du coté de l’enfant/adolescent : entretien/psychothérapie(en
« ambulatoire »), hospitalisation de jour ou tps plein, prescription médicamenteuse
-des parents (l’ambivalence pouvant être par exemple au cœur
de la problématique, cf : interactions, situation de compromis assurant la cohésion familiale) :
une aide est indispensable
-de l’école (prise en charge pédagogique ; modalités de retour ,
tps partiel.)
A souligner le rôle de la législation sur l’obligation de la scolarité (levier)
A propos de l’Anxiété séparation : parfois une attitude ferme et rassurante peut suffire, d’où
l’importance de consultation précoce, qu’on peut assimiler à de la prévention.
L’hospitalisation réalise une expérience de séparation
Parfois recours à des prescriptions médicamenteuses : anxiolytique, mais pas seulement.
Antidépresseur, neuroleptique (selon troubles associés, comorbidité)
La notion de prévention est à souligner : signes d’appel à connaître, en milieu scolaire.
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