Epidémiologie des schizophrénies © Glenn Brady Un homme d’exception John Nash, étudiant à l’Université de Princeton. A son arrivée, il rencontre, Charles, son compagnon de chambrée, avec qui il va se lier d’amitié. Avec d’autres étudiants, il sort dans les bars en vue de rencontrer des femmes mais il ne connaît que l’échec. Après ses études, il est recruté par le MIT. Il rencontre Alicia qui deviendra sa femme. Lors de ses études à Princeton, il rencontre Marcee, la nièce de Charles, et un agent des Services Secrets, William Parcher. Il est invité au Ministère de la Défense pour déchiffrer le code d’un message envoyé par des ennemis. Nash y parvient avec ses facultés mentales tandis qu’il est observé derrière un écran par William Parcher, dont l’apparence rappelle celle de Men in Black. Ensuite Parcher encourage Nash à rechercher des codes dans les journaux et les magazines pour contrecarrer un complot des Soviétiques. Quand on découvre que la boite aux lettres est située devant un immeuble abandonnée, John Nash est interné. On découvre alors que les messages soviétiques, Charles et sa nièce ne sont que des hallucinations. Nash sort de l’hôpital à la condition qu’il continue à prendre des médicaments. Mais quelque temps plus tard, il arrête les anti-psychotiques et est à deux doigts de laisser son enfant se noyer dans la baignoire. Charles, Marcee, Parcher apparaissent à John et lui conseillent de tuer sa femme…. John Forbes Nash, Jr Prix Nobel d’économie (1994) Né en 1928 à Bluefield (Virginie), John Nash fait ses études universitaires à Princeton (NJ). Il obtient son diplôme de docteur en 1950, en écrivant une thèse sur la théorie des jeux noncoopératifs. Il se marie en 1957 avec Alicia Lopez-Harrison et est diagnostiqué schizophrène en 1959. Il est traité avec une thérapie de choc insulinique et des antipsychotiques. Leur fils John Martin sera lui aussi mathématicien et sera également diagnostiqué comme schizophrène quelques années plus tard. Le couple divorce en 1963 et se retrouve en 1970 sous le même toit. John Nash obtient le prix Nobel en 1994 et le couple se remarie en 2001. Un pianiste d’exception Né à Melbourne en 1947 d’un père juif polonais, David est un enfant prodige surveillé de très près par un père exigeant. A dix ans il gagne plusieurs prix de piano. A l’âge de 14 ans, il lui est offert de partir étudier aux Etats Unis mais son père s’y oppose. A 19 ans, il gagne une bourse qui lui permet d’aller étudier au Royal College of Music à Londres. Durant son séjour à Londres, des signes de maladie mentale se font jour. Il retourne en Australie en 1970 et se marrie en 1971 avec sa première femme Clara. Peu de temps après il est institutionnalisé dans un hôpital psychiatrique où il reçoit à la fois des anti-psychotiques et des électrochocs. En 1984, après avoir joué pendant plusieurs années dans un bar à vins, il rencontre une astrologue, Gillian, qui devient sa seconde épouse. Dans les années 80 et 90, il parcourt le monde en donnant des concerts. David Helfgott, personnalité célébrée en Australie David Helfgott est le pianiste dont la vie a inspiré le film Shine. Il est connu pour être à la fois atteint d’un désordre schizo-affectif et être un pianiste de renom. Ses goûts musicaux l’ont orienté vers Mussorgsky, Rachmaninoff, Chopin, Liszt, Schumann et Rimsky-Korsakov. Toutefois, certains de ses enregistrements, notamment celui du troisième concerto de Rachmaninoff, ont été jugés erratiques et incohérents. Il vit actuellement dans la vallée de la “Terre Promise”, une vallée située près de Bellingen, dans l’Etat de la Nouvelle Galles du Sud. En décembre 1999, David Helfgott a ouvert la conférence “Génies, Savants et Prodiges” organisée par le Centre Allan Snyder pour l’Esprit. Il est également apparu dans un album du groupe de rock Silverchair. Antonin Artaud, le poète Antonin Artaud est né à Marseille en 1896. Son enfance est perturbée par des troubles nerveux que l'on attribue à une méningite. Lorsqu'il a huit ans, il perd une petite sœur de huit mois. Cette découverte de la mort l'affecte profondément. En 1920, il arrive à Paris et se met à écrire. Il côtoie les surréalistes, monte sur scène et tourne dans de nombreux films. En 1936, Artaud part pour le Mexique et se rend à cheval chez les Tarahumaras pour y trouver «l'antique culture solaire» et du peyotl. Un an plus tard, à son retour forcé d‘Irlande, il sera interné. Il passe neuf ans interné dans les asiles d'aliénés, à Rouen puis à l‘Hôpital de Ville Evrard. Dans cet hôpital, deux médecins italiens, Ugo Cerletti et Lucino Bini veulent expérimenter un nouveau traitement, le premier ayant constaté dans les abattoirs de Rome que les chocs électriques ne tuent pas les animaux mais les assomment. Ils passent de l'expérimentation sur les animaux aux êtres humains, encouragés dans leur entreprise par les nazis qui interdisent l'usage de l'insuline pour les malades mentaux. Artaud échappe aux électrochocs parce qu'un médecin le jugera trop faible pour supporter le traitement mais, quelque temps plus tard, il se verra administrer des électrochocs à l'hôpital de Rodez. « Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer » Andrea Yates, la mère infanticide En juin 2001, Andrea Yates a tué ses 5 enfants (6 mois à 7 ans) en les noyant dans la baignoire. Né en 1964 à Houston (Texas), Andrea Pia Yates se marrie à Rusty Yates en 1993. Ce dernier est un disciple du Pasteur Michael Woroniecki qui recommande à chacun «d’avoir autant d’enfants que la nature lui permet». Ce pasteur écrit à Andrea Yates des lettres dans lesquelles il juge sa conduite non-conforme aux demandes de Dieu. Juste après la noyade, Andrea Yates dira à son psychiatre «C’était le péché du septième jour. Mes enfants n’étaient pas conformes. Ils ont trébuché parce que je suis le démon. De la façon dont je les ai élevés, ils ne pouvaient être sauvés. Ils étaient condamnés à périr dans les flammes de l’enfer». Yates a été diagnostiquée avec un psychose post-partum. Elle a d’abord été condamnée à 40 ans de prison puis, au cours d’un deuxième procès, jugée non coupable à cause de sa maladie mentale. Des hommes et des femmes ordinaires • Tous ne sont pas génies. Un grand nombre d’entre eux ont un QI faible, qui décline après l’apparition de la maladie. • Une toute petite minorité parvient à travailler. • Moins de la moitié se marie ou fonde une famille. • 15% sont internés pour de longues périodes. • 15% sont incarcérés pour des actes de délinquance ou vagabondage. • 60% vivent dans la pauvreté et 20% sont sans domicile fixe. • A cause de l’indigence des services sociaux, les schizophrènes sont plus souvent les victimes que les auteurs d’actes délictueux. Une violence d’abord tournée vers soi • • • • • Il existe une relation statistique significative mais modérée entre schizophrénie et violence Surreprésentation de la population schizophrène dans les prisons (TEPLIN, 90) : 2,7 % Dans 1/3 des cas, le passage à l’acte criminel constituait la 1ère manifestation de la maladie Rôle majeur des comorbidités : – Trouble de personnalité (antisociale) – Alcool et substances toxiques La mortalité par suicide est presque équivalente à celle des troubles de l’humeur (10 - 15 %) – Risque de suicide x 9 - 50 / pop. Générale – x 12 indépendamment des facteurs socio-démographiques • 20 % à 50 % des patients schizophrènes réalisent des tentatives de suicide – Ò des TS violentes et mutilantes – gestes plus intentionnels et plus sévères Brown 1997, Radomski et al. 1999, Siris 2001, Montout et al. 2002, Potkin et al. 2003, Altamura et al. 2003, APA 2003, 2004, Nordentoft et al. 2004 Une prévalence très élevée • • • • • Pathologie mentale chronique Sujets jeunes (entre 15 et 35 ans) Prévalence : ≈ 1 % En France ≈ 600 000 schizophrènes, dont environ 300 000 seraient pris en charge. Coût: 13 720 euros (90 000 francs) par patient et par an en moyenne Des symptômes variés Les symptômes sont multiples. On les range en trois grandes catégories: positifs, négatifs, cognitifs Les symptômes positifs sont appelés ainsi car ils sont perçus comme supra-normaux. Les plus caractéristiques sont l’agitation, les illusions paranoïaques, les hallucinations, le plus généralement auditives Les symptômes négatifs dénotent des capacités diminuées. Les symptômes cognitifs font référence à des difficultés de maintien de l’attention, de raisonnement à un niveau abstrait et d’un flot cohérent et logique de la conversation Symptômes négatifs et positifs forment le groupe des 4A: Autisme, Ambivalence, Affect émoussé et Association lâche des idées. Autres symptômes observés: manque de spontanéité, langage appauvri, difficultés à établir des contacts, mouvements ralentis, apathie Des désordres associés Les patients schizophrènes souffrent généralement d’autres troubles. La consommation de drogues est rencontrée chez 40% des patients. On note une dépression l’anxiété. co-morbidité avec la et les troubles de L’espérance de vie est de 10 à 12 ans inférieure à celle de leurs homologues sains. Pour une raison inconnue, les schizophrènes ont un taux de cancer moins élevé que la moyenne. Une maladie du jeune adulte Affection fréquente de répartition universelle: prévalence des autour de 1% schizophrénies La schizophrénie touche surtout les sujets jeunes: 61.6% des hommes et 47.4% des femmes sont touchés avant l’âge de 20 ans. L’âge moyen de début de la maladie est de 28.5 ans pour les hommes et de 32.4 ans pour les femmes. Les hommes plus touchés Les hommes présentent : – une adaptation prémorbide plus pauvre – un âge de début plus précoce, – davantage de symptômes négatifs et de troubles cognitifs – une évolution plus sévère – un résultat thérapeutique moins bon, – des particularités neurobiologiques complexes. Des troubles addictifs • • • 47 % des schizophrènes ont un diagnostic d’abus de toxiques 33 % ont un diagnostic d’alcoolisme Cannabis et schizophrénie débutante (Buhler, 2002) – 27 % : consommation plusieurs années avant la maladie – 34 % : début de la consommation dans le mois du début des troubles – 38 % : après les symptômes Un diagnostic subjectif Il n’existe pas de biomarqueurs de la maladie. Comme pour la majorité des maladies mentales, le diagnostic se fait en jugeant le comportement des individus. Les cliniciens utilisent deux documents: le DSM (Diagnostic and Statistical Manual, American Psychiatric Association) et l’ICD (International Classification of Diseases, OMS). Pour être classée schizophrène, un individu doit montrer: 1. Des symptômes caractéristiques (illusions, hallucinations, troubles du langage, comportement erratique, absence de réponse émotionnelle, absence de motivation). Un seul critère est requis si le patient entend des voix 2. Des difficultés à s’insérer dans la vie professionnelle ou à entretenir des relations avec autrui 3. Des signes de perturbation depuis au moins 6 mois et des symptômes majeurs depuis au moins un mois Il a été montré que l’accord sur le diagnostic entre 2 psychiatres est au mieux de 65%. McGorry et al, 1995 Des patients de Ste Marguerite Aurélie, 18 ans, décrit un phénomène d’aimantation. Elle est débout, immobile dans le hall d’une gare. Autour d’elle des gens marchent, s’approchent et s’éloignent d’elle. Elle pense qu’elle les attire et qu’elle les repousse. En racontant cela, quelques jours plus tard, elle a des mouvements du bras et de la main qui s’approchent et s’écartent de son corps. Tout le monde m’imite, dit Alexandra, 19 ans. Pourquoi les gens ont-ils donné à leur fille ce prénom d’Alexandra, pourquoi se négligent-ils sous le prétexte que j’ai les cheveux sales ? Pourquoi marchent-ils comme moi et pourquoi je les entraîne tous ? Je mange, ils mangent, etc. » Léon se définit comme un échangeur d’autoroute, toute la circulation des hommes et de leur pensée passe par son cerveau. Une maladie avec des sous-types Type catatonique: perturbations motrices avec des mouvements de stupeur Type désorganisé: présence concomitante de désordres de la pensée et d’un affect érodé Type paranoïaque: illusions et hallucinations mais pas les symptômes décrits ci-dessus Type résiduel: symptômes positifs de faible intensité Type indifférencié: les symptômes psychotiques sont présents mais les critères pour les types 1, 2 et 3 ne sont pas réunis Des troubles apparentés • La schizophrénie: apparition de symptômes «positifs» d’une intensité et d’une durée suffisantes • Spectre schizophrénique : série de troubles (trouble schizotypique, trouble schizophréniforme, trouble schizo-affectif) qui partagent avec la schizophrénie certains mécanismes étiologiques, mais caractéristiques cliniques différentes • Trouble schizotypique : beaucoup plus fréquent que la schizophrénie (environ 5 % de la population), manifestations moins spectaculaires, mais +/-caractère très invalidant Principaux modes d’entrée dans la schizophrénie •Formes à début aigu a Bouffées délirantes aiguë décompensation psychotique classique pose la question de l’évolution et du pronostic a États maniaques/dépressifs atypiques •Formes à début insidieux (70% des cas) – Difficulté du diagnostic qui est aussi un pronostic On distingue 4 phases Les formes à début aigu •Les Bouffées Délirantes Aiguës - État psychotique bref ou transitoire aCe sont des états délirants hallucinatoires aigus ou subaigus. aRichesse et polymorphisme des phénomènes délirants. aPrésence fréquente de troubles de l’humeur associés. aÉvolution brève. •Principal problème diagnostique est lié au devenir du trouble : – Retour à un état antérieur? – Inaugure ou ponctue l’évolution d’une schizophrénie? – Mode d’entrée dans un trouble bipolaire? Les formes à début aigu •Les formes à début purement aigu constituent 10 à 20% de toutes les psychoses schizophréniques. •Les schizophrénies à début aigu aurait un meilleur pronostic que les schizophrénies à début insidieux. Etats dépressifs et maniaques atypiques • Les états dépressifs atypiques: – – – – Idées de persécution ++ Tentatives de suicide Automutilations Hallucinations Forme dépressive d’entrée dans la schizophrénie • Tendances hypochondriaques avec bizarrerie, mutisme, sentiments de vide évoluant chez un jeune présentant des traits de personnalité atypiques. Etats dépressifs et maniaques atypiques • Les états maniaques atypiques : – – – – – – Troubles psychomoteurs rappelant une agitation catatonique Incohérence idéique- négativisme- agressivité Troubles du langage et de la pensée Stéréotypies Étrangeté du vécu Activité délirante et hallucinatoire Passage à l’acte agressif et impulsif Devenir du trouble •Peu de signes nuancent le diagnostic ou le pronostic. Toutefois certains évoquent un pronostic défavorable : aUn début moins brutal aL’absence de troubles de l’humeur et d’angoisse pendant l’épisode aigu aUne personnalité prémorbide schizoïde aSédation lente et partielle du délire aDes antécédents familiaux de schizophrénie aUn automatisme mental et l’addition de signes dissociatifs (étrangeté, bizarrerie, ambivalence…) Formes insidieuses et progressives • Elles sont les formes les plus fréquentes (68% d’après certaines études). • Elles sont difficiles à reconnaître du fait de la présence initiale de symptômes vagues et souvent éphémères Formes insidieuses et progressives • Plusieurs troubles initiaux les caractérisent: – La perte de l’activité (fatigue, incurie, laisser aller) – Les troubles de l’affectivité et du caractère (désintérêt, ambivalence) – Les idées délirantes (hallucinations et idéologie extravagante) – Les comportements étranges et impulsifs (fugues, homicides) – Des manifestations pseudo-névrotiques (hystériformes…) • Il existe fréquemment durant cette période initiale, une succession dans le temps de la symptomatologie négative et positive. Aspects cliniques de la maladie installée Symptômes de premier rang (K Schneider) • Enonciation ou écho de la pensée. • Hallucinations auditives dans lesquelles des voix conversent entre elles. • Hallucinations auditives dans lesquelles des voix commentent le comportement du sujet. • Sensations corporelles imposées. • Vol de la pensée. Aspects cliniques de la maladie installée Symptômes de premier rang (K Schneider) • Imposition de la pensée. • Divulgation de la pensée. • Perception délirante. • Sentiments imposés ou contrôlés. • Impulsions imposées ou contrôlées. • Volonté imposée ou contrôlée. Aspects cliniques de la maladie installée • • • • • - Symptômes de second rang Autres troubles des perception Intuition délirante Perplexité Variations de l’humeur: humeur dépressive ou humeur euphorique Appauvrissement affectif Aspects cliniques de la maladie installée • Importance de positive/négative la dichotomie • Importance de la notion de dissociation: Traduit la perte de la cohésion et de l’unité des processus unissant le psychisme de l’individu Modalités évolutives Il existe de multiples types évolutifs, mais le risque de décompensation aiguë en particulier à la phase initiale de la maladie (5 premières années) reste élevé (30 à 40% pour Herz et al, 2000) (Ciompi et Müller, 1976) Des anti-psychotiques moyennement efficaces Les anti-psychotiques font cesser tous les symptômes chez seulement 20% des patients et à condition qu’ils n’arrêtent pas le traitement. Deux tiers des patients voient une partie de leurs symptômes disparaître mais demeurent symptomatiques toute leur vie. Les autres patients (un peu plus de 10%) ne répondent à aucun traitement. Tous les antipsychotiques ont des effets secondaires, souvent handicapants Les sujets à haut risques •Risque génétique : Les résultats des études génétiques sont compatibles avec une hypothèse polygénique. •Risque dans le cadre de l’hypothèse étiologique neurodéveloppementale : une altération du développement précoce du tissu cérébral serait à l’origine de la schizophrénie. Cette altération pourrait être liée à la grossesse et aux événements périnataux, voire à la saison de naissance •Facteurs de risque tardifs et déclenchant: – l’usage de substances psychotropes – événements de vie – intensité de l’émotion exprimée •Personnalités à risques : schizotypique et schizoïde (notion de spectre de la schizophrénie) Cannabis et schizophrénie • Les patients schizophrènes sont plus à risque pour devenir des consommateurs de cannabis : x6 (Karam et al., 2002, 2001) • Une société, une cité sans cannabis ce serait environ 15 % de schizophrènes en moins (Zammit et al., 2002) • La consommation de cannabis aggrave le pronostic de la schizophrénie et induit une résistance au traitement antipsychotique (activation du système dopaminergique mésolimbique) Consommation de cannabis à 18 ans et risque futur de schizophrénie • Augmentation du risque de schizophrénie – Risque plus important lorsque la consommation débute dès l’âge de 15 ans par rapport à une consommation à l’âge de 18 ans (Arseneault et al., 2002) : effet âge-dépendant au moment de l’adolescence – Risque relatif (RR) modéré multiplié par 2 (Arsenault et al., 2004) – Dose dépendant – Indépendant de la consommation d’autres drogues • Age de début de la schizophrénie plus précoce chez les consommateurs de cannabis (Veen et al., 2004) • Causalité directe entre consommation de cannabis et apparition de schizophrénie ? (Arseneault et al., 2002; van Os et al., 2002; Zammit et al., 2002; Andreasson et al., 1987) Visualiser les hallucinations Etude de Silbersweig et al. (1995) – 15O TEP chez 5 schizophrènes – Activation du cortex auditif associatif, de l’aire de Broca, ainsi que d’autres régions comme le lobe temporal médian, le gyrus cingulaire antérieur et des aires souscorticales Etude de B. Lennox et al. (1999) – 4 schizophrènes – Activation des aires auditives primaires mais pas de l’aire de Broca – Activation des régions préfrontales gauches – Activation du gyrus temporal droit précède le moment où le sujet signale l’hallucination B. Lennox et al., The Lancet, 1999 A la recherche de traitements Le traitement de la maladie avant 1930 Le traitement de la maladie avant 1930 Ä Moyen Age : les « prétendus malades » étaient enfermés dans des asiles qui ressemblaient plus à des prisons Ä Fin du XIXème siècle : tentatives thérapeutiques « coercitives, voire punitives! » - plongeon dans l’eau glacée - tourniquet Ä 1929 : apparition de l’ergothérapie + autres tentatives : électroconvulsivothérapie Ä Virage dans la seconde moitié du XXème siècle avec l’introduction des neuroleptiques. Un médicament pour les symptômes positifs Henri Laborit, 1914-1995 Schizophrénie et chlorpromazine (1952) Hôpital Ste Anne, Jean Delay et Pierre Deniker Traitement pharmacologique • Intérêt : le taux de rechute à un an est estimé à – 70% sous placebo – 25% sous neuroleptique (Ayuso-Gutierrez and del Rio Vega, Schiz Res, 1997) • Objectifs : diminution de l’intensité des symptômes, prévention des rechutes et de la résistance au traitt, prévention de la violence (hétéro ou auto-agressive), amélioration des performances cognitives, sociales et professionnelles, réduction des durées d’hospitalisation • Instauration la plus précoce possible (ne pas laisser s’installer les troubles) mais le délai entre les 1ers symptômes et l’instauration du traitement est encore de 6 à 24 mois Action pharmacologique En 1963, Carlsson et Lindqvist mesurent une augmentation des métabolites de la dopamine dans le cerveau de souris suite à l’administration de chlorpromazine. C’est le reflet d’une action antagoniste du neuroleptique sur les récepteurs à la dopamine. Transmission dopaminergique bloquée = activation de la synthèse du NT pour contrecarrer l’effet = métabolites augmentent. Etiologie de la schizophrénie : hyperactivité des voies dopaminergiques. Les symptômes sont aggravés par la Ldopa. La dopamine est distribuée dans le cerveau à partir de 2 régions principales: - le locus niger ou substance noire (A9), qui projette dans le striatum (corps striés, lieu de contrôle de la motricité involontaire). - l’aire tegmentale ventrale (A10) se situant entre les pédoncules cérébelleux et qui projette vers les régions frontales et limbiques (centre de contrôle des émotions). Le blocage des voies méso-limbique et méso-corticale réduit les symptômes de la maladie D2 L’électroconvulsothérapie Stimulation magnétique transcrânienne Diminution d’hallucinations résistantes après stimulation magnétique transcrânienne à 1 Hz du cortex temporo-pariétal gauche. Études de Hoffman (1999, 2002) et D’Alfonso (2002). A la recherche des causes de la schizophrénie © Glenn Brady Une maladie aussi vieille que l’humanité? Neurochirurgie au néolithique Enshisheim, -7000 à -9000 ans Une maladie longtemps ignorée De la psychanalyse à la neurobiologie Freud Lacan • Dementia praecox (Emil Kraepelin, 1893) • Schizophrénie: césure de l’esprit entre émotion et raison, terme inventé par Eugen Bleuler en 1911 • Théories psychanalytiques vs théories génétiques (programmes de stérilisation et “Opération T4” des nazis) « Nous devons nous souvenir que toutes nos idées provisoires en psychologie seront probablement un jour basées sur une infrastructure organique ». Sigmund Freud, Pour introduire le narcissisme, 1914 Une ou des causes inconnues 76926 études depuis 1950 © Glenn Brady Les indices anatomiques… Ventricules latéraux élargis Système limbique affecté Taille réduite (10 à 20%) de l’amygdale, de l’hippocampe et du gyrus para-hippocampique Thalamus de taille réduite Lobes frontaux et temporaux Migration neuronale anormale Anomalies observées dès la première crise, chez les patients sans traitement et même avant l’apparition de la maladie Au niveau cellulaire Modification des interneurones corticaux et surtout absence de gliose … ne conduisent pas à un outil diagnostique •Certains résultats sont contradictoires •Chaque paramètre est faiblement modifié •Il existe un chevauchement important avec les personnes non affectés •Lors de comparaisons avec d’autres maladies du système nerveux, les changements ne sont généralement pas spécifiques L’imagerie fonctionnelle fournit des indications mais pas d’explication L’activité corticale est associée avec les symptômes de la schizophrénie. On parle d’hypofrontalité Diminution de l’asymétrie du cerveau Adolescence: Phénomène de « pruning » des synapses exubérantes associée à une myélinisation des axones Thompson et al, 2001 L’imagerie fonctionnelle fournit des indications mais pas d’explication Une étude d’imagerie PET suggère que moins les lobes frontaux sont activés (rouge), durant une tâche de mémoire de travail, plus l’activité anormale de dopamine dans le striatum (vert) s’accroît. Cela pourrait expliquer les déficits cognitifs dans la schizophrénie. Les tests de comportement indiquent un mauvais filtrage de l’information Plusieurs tests permettent de mettre en évidence des performances amoindries au niveau de l’hippocampe et du cortex préfrontal Le sujet éprouve des difficultés à filtrer l’information sensorielle •Test PPI ou Pre Pulse Inhibition of the startle response (cortex préfrontal) •Test électrophysiologique P50 (hippocampe et thalamus) •Test antisaccade oculaire Contrôle Schizophrène Les indices au niveau cellulaire sont précieux mais insuffisants • Neurones de la couche II du cortex entorhinal qui forment des amas aberrants • Corps cellulaires des neurones pyramidaux de l’hippocampe et du néocortex sont plus petits. Ils présentent également une arborisation réduite • Réduction des marqueurs présynaptiques des neurones pyramidaux • Réduction du nombre de neurones du thalamus • Réduction du nombre oligodendrocytes et de la fonctionnalité des Les indices au niveau moléculaire ne sont pas concordants Théorie de la dopamine •Chlorpromazine (J Delay et P Deniker) bloque les récepteurs D2 de la dopamine •Amphétamines (fantasmes et hallucinations) stimulent la libération de dopamine. Prix Nobel Médecine, 2000 •Symptômes résultent d’un excès de dopamine dans le système limbique (émotions) et d’un manque dans les lobes frontaux (raisonnement) Mais •S’applique aux patients dont les symptômes positifs sont marqués. Certains patients sont insensibles •Le système dopaminergique est intact •D’autres médicaments (clozapine) non exclusivement dopaminergiques sont aussi efficaces et provoquent moins d’effets secondaires A Carlsson D’autres neuromédiateurs pourraient être impliqués Voie sérotoninergique (5-hydroxytryptamine) •Le LSD est hallucinogène •Diminution des récepteurs 5HT2 dans les aires frontales des patients •Diminution de la sérotonine et de la monoamine oxydase dans les plaquettes des schizophrènes •Les antipsychotiques atypiques bloquent la sérotonine (5HTR2A) Voie glutamatergique (NMDA) •La phencyclidine (PCP) provoque les symptômes de la schizophrénie et pas seulement les positifs •La kétamine, antagoniste du glutamate, induit des psychoses chez les sujets sains •Le récepteur NMDA participe à la régulation de la libération de dopamine •Permet d’expliquer les symptômes négatifs, les troubles cognitifs et les symptômes positifs liés à la dopamine Un mécanisme qui demeure inexpliqué •Concentrations réduites de glutamate •Concentrations augmentées de l’acide kynurénique et du NAAG qui perturbent l’activité NMDA •Concentration élevée d’homocystéine qui bloque les récepteurs NMDA •Essais cliniques en cours avec des agents (glycine, D-sérine, D-cyclosérine) qui stimulent les récepteurs NMDA Une hérédité non mendélienne 1% de la population 85% des schizophrènes n’ont pas de proches affectés pas de concordance entre vrais jumeaux “hot spots” sur de nombreux chromosomes (6p, 6q, 8p, 10p, 22q, 1q, 13q) © Cary Davies Une composante héréditaire révélée par les études sur les adoptés Etudes sur enfants adoptés Diagnostic connu chez la mère (Danemark) Etude sur 207 enfants dont la mère est schizophrène et qui sont adoptés à la naissance par une famille sans cas de schizophrénie. Comparaison avec des enfants adoptés sans antécédent familial. L’incidence de la maladie est supérieure chez les enfants dont la mère est schizophrène. Recherche des parents après diagnostic (Iowa) Les enfants adoptés à la naissance dont la mère est schizophrène ont 17% de risque d’être schizophrène contre 1% pour le reste des enfants adoptés sans antécédent Des gènes groupés Karayiorgou and Gogos, 2004 De multiples gènes aux fonctions diverses Catechol-O-methyl transferase Dysbindin Neuregulin 1 Regulator of G-protein signalling 4 Metabotropic glutamate receptor 3 Disrupted in Schizophrenia 1 D-amino acid oxidase Catalytic subunit of calcineurin Alpha7 nicotinic receptor gene Proline dehydrogenase Protein kinase B Harrison and Weinberger, 2005 Disc1 et PDE4B interagissent pour réguler AMPc (Millar et al, 2005) Effet des antipsychotiques sur Disc1 et dysbindin (Chiba et al, 2006) Disc1 agit sur la mémoire de travail (Hennah et al, 2005; Koike et al, 2006) Des synapses perturbées •COMT module dopamine via récepteurs D1 qui amplifient courants NMDA •NRG1 module récepteurs NMDA et GABA et recrute CHRNA7 à la synapse •Dysbindine et PRODH régulent l’expression de glutamate et le trafic présynaptique •Calcineurine et Akt1 régulent la signalisation intra-cellulaire après excitation •GRM3 interagit avec le récepteur NMDA lors de la libération de glutamate et sa capture par la glie Harrison and Weinberger, 2005 L’hypothèse neurodéveloppementale © Glenn Brady Les indices épidémiologiques Le risque d’être atteint de schizophrènie est accru chez les personnes: 120 •nées en hiver et au printemps 100 •nées en zone urbaine •s’étant développées in utero lors d’une famine 80 1st Qtr 2nd Qtr Queensland 3rd Qtr 4th Qtr Northern Hemisphere •s’étant développées in utero lors d’une épidémie de grippe •ayant vécu une grossesse ou une naissance avec complications (par ex, incompatibilité de Rhésus) John McGrath Les autres indices Le risque d’être atteint de schizophrènie est également accru chez les personnes qui: ont marché tardivement présentent des difficultés d’apprentissage du langage ont des capacités motrices plus faiblement développées connaissent un changement notable de comportement au cours de la scolarité présentent des anomalies physiques mineures Les autres indices Neuro-anatomie •Pas de lésion •Pas de signes de neurodégénérescence •Pas de gliose •Pas de perte tissulaire mais peut être une absence de formation •La perte neuronale est minime et ne suffit pas à expliquer l’amincissement du cortex: le neuropile doit être affecté comme l’indiquent la réduction de synaptophysine (hippocampe), d’axones GABAergiques et de la densité synaptique dans le cortex préfrontal Biologie moléculaire Les gènes neuréguline et dysbindine sont impliqués dans le développement précoce du cerveau Les autres indices Modèles animaux Protéine Reelin •Le patron cortical est anormal chez la souris Reeler. Cerveau atrophié •L’ARNm et la protéine Reelin sont diminués de moitié chez les patients schizophrènes Gène p53 (active une cdk qui phosphoryle le cytosquelette) La souris KO présente une désorganisation des couches corticales comme pour Reelin PSA-NCAM La forme polysialylée est diminuée dans le gyrus denté, seul aire où elle persiste dans le cerveau adulte Les divers modèles Modèle « one hit » Un événement durant l’embryogenèse ou après la naissance conduit à un maldéveloppement cérébral (infections, complications obstétriques, carences nutritionnelles…) Modèle « two hits » Un deuxième événement proche de la date d’apparition de la maladie précipite la psychose (virus latent, « pruning » excessif, usage de drogues…) Modèle « three hits » Une toxicité neurochimique consécutive au non traitement des désordres synaptiques vient s’ajouter à la dysplasie néonatale et à l’excès de « pruning » L’influence des facteurs psycho-sociaux Evénements périnataux stressants influencent de manière permanente certains comportements •L’expérience sculpte les connexions synaptiques •Des études ont montré l’influence des antécédents dans le domaine social, cognitif et comportemental dans l’apparition des psychoses •Nécessité de prendre en compte ces facteurs dans la stratégie thérapeutique Une hypothèse et des questions •La « lésion » est-elle unique et statique ou s’agit-il d’un processus continu? •Y a-t-il plus d’un traumatisme? •Quelle est la fenêtre critique pour chaque événement traumatisant? •Quel est le mécanisme d’action de chaque traumatisme? •Pourquoi maladie? certaines personnes surmontent-elles cette D’autres hypothèses •La schizophrénie, maladie auto-immune •La schizophrénie, conséquence d’une inflammation et d’une vascularisation déficiente Un échec de la science? •Pas de traitement curatif •Un diagnostic incertain •Aucun biomarqueur •Des causes inconnues D’autres films • • • • • Roman Polanski. 1968. Répulsion. Ken Loach. 1971. Family Life. René Féret. 1975. Histoire de Paul. Milos, Forman.1975. Vol dessus d’un au- nid de coucou. Nicolas Philibert. 1996. La moindre des choses (reportage à la clinique de la Borde). • David Lynch. 1997. Lost Higway (l’histoire d’un assassin schizophrène). • Ron Howard. 2001. Un homme d’exception (biographie du mathématicien schizophrène John Nash). • David Cronenberg. 2002. Spider (voyage introspectif d'un schizophrène en voie de réinsertion). Il n’y a pas de chemin, il n’y a que le cheminement