Les Mamelles de Tirésias

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Festival d’Aix-en-Provence
Les Mamelles de Tirésias
Musique de Francis Poulenc
Livret d’après Guillaume Apollinaire
Dossier pédagogique 2013
A contribué à la rédaction de ce dossier : Fabienne Berthet
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SOMMAIRE
Introduction
p.3
A) Présentation de l’œuvre
1) Synopsis
2) Biographie de Francis Poulenc (1899-1963)
3) Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire, un « drame surréaliste »
4) De la pièce au livret
5) La création
6) La collaboration entre Poulenc et Britten
p.4
p.4
p.5
p.6
p.7
p.8
p.9
B) La production 2013 au Festival d’Aix-en-Provence
1) Une re-création
2) La distribution
3) L’équipe artistique
p.10
p.10
p.11
p.12
C) Analyse musicale et pédagogique
1) La musique
2) Les voix
3) Au fil de l’œuvre
p.13
p.13
p.13
p.14
D) Sources
p.19
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Mais en 1917, le travail trop subversif d’Apollinaire a scandalisé l’opinion
publique. Pourtant en 1939, Francis Poulenc, à la recherche d’un livret d’opéra
depuis déjà quelques années, sera persuadé qu’il tient avec Les Mamelles de
Tirésias « le seul livret d’opéra viable ». Avec l’accord et les conseils de la veuve
d’Apollinaire, il aménage donc la pièce en livret.
Introduction
Les Mamelles de Tirésias est une œuvre du compositeur français Francis Poulenc
qui s’inspire de la pièce de théâtre du même nom de Guillaume Apollinaire.
En 1958, le compositeur britannique Benjamin Britten fait un arrangement pour
deux pianos et 14 chanteurs de cette œuvre, arrangement qui est depuis tombé
dans l’oubli.
Le groupe des Six, la vie parisienne, le music-hall, le cabaret, la foire et le cirque,
l'opérette, Nogent sur Marne, la valse-musette ainsi qu'une prise de conscience
religieuse liée au décès d'un proche, sont autant d'influences sur l'écriture des
Mamelles de Tirésias, auxquelles s'ajoutent le texte surréaliste, la fantaisie et le
lyrisme d'Apollinaire dont Poulenc parle ainsi:
C’est cet arrangement inédit que la production présentée en 2013 au Festival
d’Aix-en-Provence des Mamelles de Tirésias fera revivre.
« Le poème de Guillaume Apollinaire pour Les Mamelles de Tirésias [plus
proche en cela de Verlaine], plein d’arrière-plans poétiques, ne tombe jamais
dans un humour à fleur de peau.
C’est ce dont je me suis persuadé, encore hier, en relisant les épreuves de ma
partition. *J’ai d’ailleurs composé cette œuvre avec l’instinct et le cœur bien
plus qu’avec l’intellect. Musiques gaies [et] musiques bouffes ne sont pas
forcément humoristiques.] Il faudra donc chanter, d’un bout à l’autre, les
Mamelles comme du Verdi. Cela ne sera peut-être pas très facile à faire
comprendre aux interprètes, qui s’en tiennent généralement à l’apparence des
choses ».
Ecrite en 1916, la pièce Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire est en
quelque sorte un précurseur du surréalisme, qui émergera sous la conduite
d’André Breton quelques années plus tard, vers 1920. S’inspirant de thématiques
empruntées à la mythologie grecque telle que la légende de Tirésias, devin
aveugle, et de Térésa, qui se déguise afin de rétablir la justice entre les hommes
et les femmes, cette pièce défend des idées féministes et antimilitaristes.
Préfaçant Les Mamelles de Tirésias, Guillaume Apollinaire écrit:
« Pour tenter une rénovation du théâtre, du moins un effort personnel, j’ai
pensé qu’il fallait revenir à la nature même, mais sans l’imiter à la manière des
photographes. Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui
ne ressemble pas à une jambe. Il a ainsi fait du surréalisme sans le savoir. (…)
j’aurais pu faire sur ce sujet qui n’a jamais été traité une pièce selon le ton
sarcastico-mélodramatique qu’ont mis à la mode les faiseurs de « pièces à
thèse ». J’ai préféré un ton moins sombre, car je ne pense pas que le théâtre
doive désespérer qui que ce soit. J’aurais pu aussi écrire un drame d’idées et
flatter le goût du public actuel qui aime à se donner l’illusion de penser. J’ai
mieux aimé donner libre cours à cette fantaisie qui est ma façon d’interpréter
la nature, fantaisie qui se manifeste avec plus ou moins de mélancolie, de
satire et de lyrisme… »
Francis Poulenc, Journal de mes mélodies, éditions Renaud Machart.
Sous couvert du comique, nous voyons surgir ici les débuts de l’absurde, avec
l’utilisation d’un mythe antique dans le monde contemporain.
3
de sa portée de 40 049 bébés, conçus et enfantés en un seul jour. Un journaliste
de Paris vient réaliser une interview du phénomène. Le Mari évoque les carrières
prestigieuses de ses enfants, grâce auxquels il compte bien s’enrichir. Puis il
chasse le journaliste qui tente de le taxer. De l’un de ses enfants, le Mari décide
de faire un journaliste. Mais le bagoût et l’impudence de ce Fils le déçoivent.
A) Présentation de l’œuvre
1) Synopsis
L’action se passe à Zanzibar, ville imaginaire.
Comme le Gendarme vient lui reprocher de provoquer une famine avec tous ses
enfants, le Mari l’envoie chez une Cartomancienne de passage en ville.
Dans le Prologue, le directeur de théâtre entretient le public de la guerre, du
théâtre nouveau, de la natalité etc. et présente le sujet de la pièce : c’est une
comédie qui ne se privera d’aucun artifice afin de convaincre les Français de faire
des enfants !
Celle-ci annonce des nouvelles édifiantes au public, puis félicite le Mari pour sa
fécondité avant d’assassiner le Gendarme. Voulant la livrer au commissaire, le
Mari découvre qu’il s’agit en réalité de Tirésias, désireux de redevenir Thérèse et
de retrouver son mari.
Le rideau se lève alors sur la place de Zanzibar, où la jeune Thérèse, féministe, ne
veut plus subir le joug du mariage. Elle décide de quitter le foyer et de se
transformer en homme afin de faire carrière et de vivre la condition d’un homme
en société. Tandis que son Mari réclame son repas, elle se débarrasse de ses
mamelles et se voit pousser une forte pilosité. Devenue Tirésias, plus virile que
son Mari, elle se sépare de lui.
Deux joueurs de zanzi éméchés, Lacouf et Presto, dansent en se disputant.
Comme ils ne sont pas d’accord sur le lieu où ils se trouvent, ils s’entretuent au
revolver.
Malgré la perte des mamelles, ils tombent dans les bras l’un de l’autre tandis que
le Gendarme ressuscite.
Le peuple de Zanzibar célèbre alors leurs retrouvailles et invite le public à faire
des enfants.
A présent habillé en homme, Tirésias s’achète le journal tandis que le peuple de
Zanzibar commente le duel. Laissant son Mari vêtu en femme au désespoir,
Tirésias part se faire conseiller municipal. Attiré par l’odeur du meurtre, le
Gendarme, pris à témoin par le Mari, succombe à ses charmes féminins. Face aux
engagements politiques de Tirésias, travesti en femme et courtisé par le
Gendarme, le Mari déclare que « la femme n’est qu’un neutre à la face du ciel »
et décide de faire des enfants tout seul.
La population s’étonne, Lacouf et Presto, ressuscités, aussi, et le Gendarme ne le
croit qu’à moitié.
Au début de l’acte deux, tandis que le chœur s’interroge sur l’ardeur nouvelle du
Mari, on entend les nouveau-nés chanter « Papa ». Fou de joie, le Mari s’occupe
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A partir de 1936, Francis Poulenc s’oriente vers des sources d’inspiration
religieuses. Il compose un peu moins pour le piano, sa carrière se tournant
essentiellement vers la musique vocale et dramatique.
2) Biographie de Francis Poulenc (1899-1963)
Musicien français par excellence, Francis Poulenc est considéré aujourd’hui
comme l’un des plus grands compositeurs français de la première moitié du
XXème siècle. Il grandit au cœur de Paris, dans une famille où l’on aimait et
pratiquait la musique. Sa mère, délicate interprète, lui transmet son goût pour le
piano, instrument qu’il commence à étudier à l’âge de cinq ans. Il perfectionnera
son apprentissage avec Ricardo Viñes, grand interprète de Claude Debussy et de
Maurice Ravel. « Je lui dois tout », disait-il volontiers. C’est grâce à Viñes qu’il
rencontrera Erik Satie et Georges Auric, dont il subit l’influence. Il retiendra du
premier, notamment, son sens de l’ironie, la simplicité et la pureté de ses lignes
mélodiques ; et du second sa culture. Toute sa vie, Poulenc restera un fervent
interprète des œuvres de Satie.
En 1919, il fonde avec Georges Auric le Groupe des Six,
compositeurs français du début du XXe siècle.
Ainsi, en 1936 paraît sa première œuvre chorale : Litanies à la vierge noire de
Rocamadour, suivie, en 1937, par la messe en sol majeur pour chœur mixte a
capella qui marque ce tournant. En 1947, son opéra les Mamelles de Tirésias,
opéra-bouffe d’après Apollinaire, connaît un grand succès et il fait une tournée
aux Etats-Unis en 1948.
Après avoir écrit une œuvre plus légère en 1956, la Sonate pour flûte et piano, il
compose des œuvres plus sombres le Dialogue des Carmélites en 1957, d’après
Georges Bernanos et La Voix humaine, tragédie lyrique sur un texte de Jean
Cocteau.
groupement de
Il connaitra son premier grand succès en 1971, avec la création de sa Rhapsodie
nègre au Théâtre du Vieux Colombier. En 1924, la création des Biches par les
Ballets russe assoit sa renommée.
Deux ans plus tard, il fait la connaissance du baryton Pierre Bernac pour lequel il
a un attachement affectif, et lui compose un grand nombre de mélodies. Il met
en musique des poèmes de Max Jacob, Jean Cocteau, Louise de Vilmorin,
Charles d’Orléans, Louis Aragon, François de Malherbe, Colette, Federico Garcia
Lorca, Pierre de Ronsard, et Paul Eluard. En 1945, Poulenc dira d’ailleurs : « Si l’on
mettait sur ma tombe : « Ci-gît Francis Poulenc, le musicien d’Apollinaire et
d’Eluard », il me semble que ce serait mon plus beau titre de gloire ». Il
composera durant toute sa carrière 137 mélodies.
Francis Poulenc
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3) Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire : un « drame
surréaliste »
Guillaume Apollinaire, dans la préface, définit sa pièce comme un « drame
surréaliste », inventant ce terme bien avant le mouvement du même nom, lui
conférant du reste un sens différent. Chez lui, le surréalisme se comprend comme
la volonté d’interpréter la nature, mais avec fantaisie :
« J'ai mieux aimé donner un libre cours à cette fantaisie qui est ma façon
d'interpréter la nature, fantaisie, qui selon les jours, se manifeste avec plus ou
moins de mélancolie, de satire et de lyrisme, mais toujours, et autant qu'il m'est
possible, avec un bon sens où il y a parfois assez de nouveauté pour qu'il puisse
choquer et indigner, mais qui apparaîtra aux gens de bonne foi ».
Cette pièce s’oppose donc au théâtre plus conformiste de son temps, tant par sa
forme que par son sujet. Elle fit d'ailleurs un beau scandale, car elle raillait la
dénatalité française en pleine Première Guerre Mondiale et enjoignait les
patriotes à faire des enfants !
La première de la pièce, qui a lieu le 24 juin 1917 au théâtre de Montmartre,
reçoit un accueil mitigé. Certains critiques sont ouvertement déconcertés par le
« mauvais goût » d’un poète de talent (non seulement à cause de son sujet – la
repopulation – mais aussi à cause de l’exhibition sur scène de biberons, bidet,
vase de nuit, etc.), tandis qu’on annonce dans la presse « la première pièce
cubiste ».
Ce drame en deux actes et un prologue, avec sept dessins hors-texte de Serge
Férat, sera ensuite édité aux éditions SIC (Société internationale des cubistes) en
1918.
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4) De la pièce au livret
Carlo Menotti (1937) ; Albert Herring, Benjamin Britten (1947) ; Mirandolina,
Bohuslav Martinů (1954) ; etc.
En 1939, dans l’attente de sa mobilisation, le compositeur français Francis
Poulenc relit Les Mamelles de Tirésias d’Apollinaire et décide d’aménager la pièce
en livret avec l’accord et les conseils de la veuve d’Apollinaire. Trop respectueux
du poète pour toucher au texte, il procède essentiellement à quelques
suppressions et coupures.
L’œuvre de Poulenc est ainsi pétrie de pastiches, avec cependant une forte
prégnance poétique qui lui confère un ton spécifique.
Cependant, la pièce d’Apollinaire souffre d’énormes défauts du point de vue de la
dramaturgie. Comme le dit très justement Henri Hell, « le ressort dramatique,
théâtral de la pièce est inexistant : aucune progression, aucun développement,
aucune intrigue. En bref, ce n’est pas là véritablement du théâtre, mais une
fantaisie poétique ».
Poulenc réussit néanmoins le tour de force de passer au-dessus de ce handicap
en composant une série de numéros finement ciselés, eux-mêmes portés par un
1
mouvement agogique sans temps mort.
La difficulté, pour lui, réside davantage dans le traitement musical de la prose
rimée : « Plus je réfléchis, plus je pense qu’il n’est possible d’écrire de vrais airs
que sur une suite de vers. La cadence est autrement par trop brisée. »
En pleine composition, il finit par avouer à son ami Henri Sauguet que « c’était
vraiment une gageure de mettre en musique ce texte d’Apollinaire » ; lequel de
constater « *qu’+ évidemment le sujet est exactement celui qui au monde [lui]
aurait fait le plus peur ».
Poulenc décide donc de faire de la pièce loufoque d’Apollinaire un
2
opéra-bouffe , inscrivant ainsi Les Mamelles de Tirésias dans la lignée d’œuvres
redonnant vie à ce genre lyrique, mais adapté à l’écriture du XXe siècle : L’Heure
espagnole, Maurice Ravel (1911) ; L’Amour des trois oranges, Serge Prokofiev
(1921) Mavra, Igor Stravinsky (1924) ; Le Plumet du Colonel, Henri Sauguet (1924)
; Le Testament de Tante Caroline, Albert Roussel (1936) ; Amelia al Ballo, Gian
1
changement du rythme dans l'exécution d'un morceau, oscillation du tempo par rapport à une
pulsation régulière
2
genre lyrique français (avec parfois des passages parlés) traitant d’un sujet comique. Terme créé en
1855 par Jacques Offenbach pour qualifier ses propres œuvres.
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5) La création
L’opéra-bouffe de Poulenc a bénéficié de la « panne » de la création lyrique en
France, entre 1945 et la fin des années 1980, ce qui lui a permis de faire ses
preuves et d’entrer au répertoire.
« (…) Comme l’avait prédit Apollinaire, les Français se remettant à faire des
enfants dans les années 1940, le drame peut devenir une comédie. Lyrique et
sérieuse, la musique de Poulenc donne chair et sentiment aux marionnettes
d’Apollinaire. *…+ L’opéra-bouffe ne peut être destiné qu’à l’Opéra Comique.
Des changements de direction consécutifs à la Libération, ainsi que les difficultés
à constituer la distribution, en retardent un peu la création.
Les répétitions *…+ ont déjà commencé lorsque Poulenc rencontre Denise Duval,
qui incarnera la Thérèse de ses rêves, puis deviendra son interprète fétiche.
La production est montée avec soin, Erté concevant les décors et les costumes,
Max de Rieux assurant la mise en scène et Albert Wolff la direction musicale.
La première du 3 juin 1947 remporte un franc succès critique, mais le public est
divisé entre les enthousiastes et les amateurs de Puccini – car Les Mamelles
complètent une soirée où l’on joue aussi… La Bohème ! Ce curieux appariement
explique que Les Mamelles ne dépasse alors pas les 27 représentations. »
Agnès Terrier, programme de l’Opéra Comique, « Les Mamelles de
Tirésias », 2010.
Même si la critique se montre bienveillante, le public réagit mal : tout d’abord au
ton désinvolte de l’œuvre, jugé « indigne d’une après-guerre », mais aussi au
traitement de l’ambivalence sexuelle dans l’opéra. Cela donne des
représentations très mouvementées « dont la direction est plutôt flattée », aux
dires de Poulenc. Cependant, en réponse à un article qui s’interroge sur
l’opportunité d’une telle œuvre, le compositeur tient ce propos désarmant : « Un
critique s’est étonné qu’une œuvre de cette sorte soit née aux jours angoissants
de la Libération. Ayant chanté ma soif d’espérance dans Figure humaine en 1943,
j’estime que j’avais bien le droit de célébrer l’allégresse de la liberté retrouvée
avec une œuvre un peu folle (…). » (Entretiens, p. 75.)
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6) La collaboration entre Poulenc et Britten
En 1958, Benjamin Britten programme au Festival d’Aldeburgh Les Mamelles
de Tirésias de son ami Francis Poulenc. Face à la limitation d’espace qu’impose le
Jubilee Hall, salle emblématique du Festival où se tiendraient les représentations,
Britten décide de réaliser un arrangement de la partition orchestrale pour deux
pianos. Britten et Poulenc en seraient les interprètes.
Britten fit d’autres adaptations telles que le rôle du mari, initialement écrit
pour baryton, qui fut transposé pour ténor afin que Peter Pears fasse la création,
ainsi que le livret qui fut traduit en anglais par Britten et le metteur en scène et
chanteur Colin Graham.
Le spectacle eut bien lieu, mais sans Poulenc qui dut renoncer à y participer
pour cause de grippe.
Benjamin Britten
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De son côté, le metteur en scène Tedd Huffman a travaillé avec une
chorégraphe sur les aspects comiques de cette pièce en croisant la danse au
chant.
B) La production 2013 au Festival d’Aix-en-Provence
1) Une re-création
De l’adaptation pour deux pianos que fit Britten de cette pièce, ne restent
que deux exemplaires d’une partition vocale, raturée et crayonnée où il
redistribue le matériau musical, ajoute des doublures et introduit des couleurs
orchestrales - indiquant ainsi qu’il avait accès à la partition originale dans sa
version intégrale.
Il s’agit d’un travail d’arrangement conséquent et quasiment oublié
aujourd’hui par les canaux classiques du monde de l’opéra - hormis des
chercheurs travaillant sur Britten et Poulenc qui se rendent régulièrement à la
bibliothèque Britten-Pears d’Aldeburgh, comme en témoigne Nick Clarke.
Cependant cette version réduite n’a jamais été produite depuis sa création ;
ceci est probablement dû à l’état fragile de la partition et la difficulté de lecture
qui s’en suit.
Avec la célébration du centenaire de Britten et des cinquante ans de la
disparition de Poulenc en 2013, la re-création de cette œuvre lors de
l’édition 2013 du Festival d’Aix-en-Provence avec de jeunes européens et en
partenariat avec ENOA, trouve tout son sens.
Pour cette occasion, Emily Hindrichs a accepté de retravailler l’arrangement
de Britten à partir de la version orchestrale de Poulenc des Mamelles de Tirésias,
tâche complexe pour plusieurs raisons :
L’interprétation des nombreuses annotations crayonnées par Britten sur
les parties vocales de deux partitions de Poulenc.
Créer deux parties complètes de piano basées sur les annotations et
indications de Britten.
Préserver le texte en français et les indications de mise en scène.
Corriger les erreurs d’écriture dans la partition et le texte original (et
démontrer la cohérence des corrections)
S’assurer que la traduction du texte en anglais épouse les lignes
musicales.
Maquette des décors
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La production sera donnée lors de la tournée européenne dans sa version
originale en français.
2) La distribution
Arrangement musical
Emily Hindrichs
Mise en scène
Chorégraphie
Décors et costumes
Lumière
Ted Huffman
Zak Winokur
Samal Blak
Marcus Doshi
Pianistes
Roger Vignoles & NN
Directeur de théâtre (baryton)
Thérèse/Tirésias (soprano)
Le mari (baryton)
Monsieur Lacouf (ténor)
Monsieur Presto (baryton)
Un gendarme (baryton)
Une vendeuse de journaux (mezzo-soprano)
Un journaliste de Paris (ténor)
Le fils (baryton)
Une dame élégante (mezzo-soprano)
Une femme (mezzo-soprano)
Un jeune homme barbu (basse)
Les chœurs
Les rôles seront tenus par des chanteurs de l’Académie Européenne de Musique.
Production créée le 18 octobre 2012 à Aldeburgh
Reprise à Aix-en-Provence le 16 juin 2013 puis au Théâtre Royal de la Monnaie en
collaboration avec la Chapelle musicale Reine Elisabeth entre le 2 et le 14 janvier
2014
En tournée à partir de janvier 2014
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3) L’équipe artistique
Londres dirigé par Vladimir Jurowski), Hansel et Gretel de Humperdinck (Opéra
de Pittsburgh), L’Empereur d’Atlantis de Ullmann (English Touring Opera),
Carmen de Bizet (Opéra de Birmingham), L’Histoire du soldat de Stravinsky
(Greenwich Music Festival), ou encore Rinaldo de Haendel (orchestre Giuseppe
Verdi de Milan). Il vient de rejoindre l’équipe du Metropolitan Opera de New
York pour la reprise de Billy Budd de Britten.
Emily Hindrichs
Soprano – Arrangement musical des Mamelles de Tiresias / Etats-Unis
Emily Hindrichs possède un master en musique de l’University of Soutern
Mississippi (USA), un master en musicologie de l’University of Exeter (RoyaumeUni) et un doctorat en musique (performance vocale) du New England
Conservatory. Emily Hindrichs apparait comme une des plus importantes
sopranos coloratures de son temps. Au printemps 2009, elle a fait ses débuts au
English National Opera dans le rôle de la reine de la nuit dans Die Zauberflöte de
Mozart et a de nouveau interprété ce rôle la saison passée au New Orleans
Opera, au Seattle Opera et à l’opéra de Chicago.
Elle interprètera également le rôle d’Anne Trulove dans The Rake’s Progress à
l’Opéra-Théâtre de Saint-Étienne et fera ses débuts à l’Oper Köln dans le rôle
d’Adina dans L'Elisir d'Amore. Elle interprètera aussi le rôle de Konstanze dans Die
Entführung aus dem Serail de Mozart au Connecticut Early Music Festival et From
The Other Sky de Wang Jie au Zankel Hall. Elle chantera la messe en si mineur de
Bach avec le National Chorale à l’Avery Fisher Hall.
Ted Huffman a participé à l’Atelier Opéra en Création 2012 de l’Académie
européenne de musique du Festival d’Aix-en-Provence.
Ted Huffman
Metteur en scène / Etats-Unis
Après des études es sciences humaines à l’Université de Yale, Ted Huffman suit le
programme d’opéra Merola de San Francisco et le Jerwood Opera Writing
Programme au Festival d’Aldeburgh. Il se forme à la mise en scène auprès de
Robert Wilson au Watermill Center. Co-fondateur du Festival de Greenwich dans
le Connecticut, il y met en scène La Voix Humaine de Poulenc, El Cimarrón de
Henze (élue meilleure mise en scène d’opéra de l’année 2010 par la revue
Opernwelt et Le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi. Récompensé en
2008 par l’ASCAP (Prix pour la programmation originale de musique de chambre
aux États-Unis), Ted Huffman est invité à enseigner dans le cadre de plusieurs
programmes de formation des jeunes artistes, dont le Canadian Opera
Company’s Studio, le LA Opera’s Domingo-Thornton Young Artist Program, le
Pittsburgh Opera Studio et le Santa Fe Opera Apprentice Program.
Ted Huffman prépare actuellement plusieurs nouvelles productions : L’Opéra de
quat’ sous de Kurt Weill (Paris et Londres avec l’Orchestre philharmonique de
12
avoir un rôle presque instrumental dans la matière sonore, ou un rôle rythmique,
ou de ponctuation.
C) Analyse musicale et pédagogique
Lorsque qu'un chanteur chante seul, on l'appelle un soliste. Deux chanteurs
forment un duo, trois un trio etc. Il y a également le chœur, composé de voix, de
femmes et/ou d'hommes, parfois d'enfants. Comme les instruments ils sont «
regroupés » par pupitre ou hauteur de voix.
L’analyse musicale et pédagogique ci-après est basée sur la version
instrumentale de Poulenc des Mamelles de Tirésias.
La production 2013 au Festival d’Aix-en-Provence étant une re-création
de l’arrangement de Britten, il n’en existe aucun enregistrement.

La composition de l'orchestre peut être observée avec les élèves et
comparée avec le texte d'Apollinaire. Rechercher les instruments
déjà présents dans la pièce de théâtre, les retrouver aux travers des
écoutes.

En comparant également la pièce retrouver comment sa structure a
pu influencer celle de l'opéra.
Le travail pédagogique pourra parfaitement s’effectuer sur la base de
la version musicale de Poulenc.
1) Les voix
2) La musique
Poulenc a beaucoup écrit pour la voix, que ce soient des mélodies, cantates, airs,
chansons, de la musique chorale ou encore lyrique. Cette connaissance de la voix
lui permet de révéler par son écriture de subtils aspects des personnages des
Mamelles de Tirésias.
A propos des Mamelles de Tirésias, Poulenc dit : « L'opérette m'amuse, mais
je n'ai aucun don pour en écrire une. Ce genre hélas, aujourd'hui se galvaude,
s'abâtardit, car ne l'oublions pas il faut un métier spécial...On ne s'improvise pas
compositeur d'Opérettes. Ainsi le finale du second acte des Mamelles, qui a un
faux air d'opérette, n'est pas un finale d'opérette. Il est trop sec, trop grimaçant,
et pas si gai que cela. ».
Les voix sont répertoriées en fonction de leur tessiture, mais aussi de leur timbre,
de leur agilité et aussi de leur volume.
Les voix d'hommes du plus grave au plus aigu : Basse, baryton, ténor,
contre ténor
Les voix de femmes : contralto, alto, mezzo soprano, soprano
« La musique des Mamelles, affublée d'un texte latin, ferait un très acceptable
oratorio ». « Poulenc avouait en effet avoir écrit de la même plume les chœurs
des Mamelles et ceux du Stabat Mater (1950). Plus encore que le grave Stabat de
1950, le Gloria de 1959 sera le véritable frère spirituel des Mamelles »
Renaud Machart.
Cette « classification » des voix est importante en fonction des rôles des
personnages. En plus des spécificités d'une voix, le compositeur peut choisir
différentes façons d'utiliser la ou les voix.
Le chanteur dispose du texte pour être compris, mais il n'est pas qu'un «
narrateur ». Le compositeur peut le considérer comme un instrument de
l'orchestre. Dans l'orchestre les instruments comme les personnages peuvent se
répondre, jouer ensemble etc., mais sur scène les chanteurs peuvent également
Toujours d'après R. Machart, « on trouvera dans les Mamelles le Poulenc le plus «
fantaisiste » en effet, le plus proche d'Offenbach, de Messager ou de L'heure
espagnole de Ravel. Si la truculence du texte le dispute au débridé de la musique,
convoquant mouvements de valse, de polka, de « pas espagnol », et autres lieux
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communs du Boulevard, l'émotion et la mélancolie n'affleurent pas moins...
Ailleurs on note des similitudes d'écriture avec certaines mélodies. »

Repérer les différentes parties : introduction - partie A, B, A'
Acte I
3) Au fil de l’œuvre
Prologue
Scène 1: Entrée fracassante de Thérèse.

L'opéra débute par un prologue dans lequel le directeur de la troupe annonce le
sujet du spectacle au public et la façon dont le sujet sera traité.
Il débute par une introduction instrumentale. Les premières notes (un arpège en
quasi pizzicati) annoncent un suspens réjouissant et presque enfantin,
rapidement contrasté par une réponse qui se voudrait inquiétante de gravité.
L'opéra-bouffe débute sans ambiguïté.
Sans autre forme de développement, s'installe un thème sur un flottement léger
(onde, échos) produit par les intervalles de tierces répétés sur un rythme de
croches.
Après une première écoute essayer de repérer tous les états «
émotionnels » de Thérèse.
Colérique et guerrière dans les premières mesures, elle devient nostalgique se
remémorant sa rencontre dans le Connecticut avec son mari. Elle laisse exprimer
un côté naïf presque enfantin lorsqu'elle énumère la liste des professions
convoitées, écouter la coloration plaintive prise par la voix sur « faire des enfants,
faire la cuisine ». Le passage « et je veux être médecin » sonne à la manière du «
Carafon » des mélodies de la « Courtepaille ».
Dans un récitatif, Thérèse est étonnée de se voir la barbe pousser et la poitrine se
détacher. Il s'ensuit une valse musette teintée de sensualité où Thérèse semble
légère, qui aboutit également à un récitatif.
Entre le directeur de la troupe. Le rôle est attribué à une voix de baryton.
L'atmosphère est grave et solennelle. L'orchestre joue également dans un
registre grave, sur une pédale, marquant un tempo lent. L'ambiance est pour le
moins « plombée », mais pour peu de temps. La phrase « A que bien disposés »
soulignée par les chromatismes (des flûtes) chers à Poulenc lorsqu'il s'agit de ne
pas se prendre au sérieux (récurrent dans Babar le petit éléphant) nous amène à
un moment plus lyrique où l'orchestre se détend et se déploie littéralement.
Ouverture de l'ambitus, la ligne mélodique contraste avec l'austérité des pompes
graves du début. Sur « Écoutez français » le motif plus lent du flottement de la
partie instrumentale réapparait.
Sa transformation en homme la rend forcément virile et un peu espagnole
comme la valse sur laquelle elle s'exprime (mesure à ¾ propre au fandango ou à
la séguedille sur une mélodie qui s'inspire du mode de mi).
Nouveau contraste avec une partie « très agité » qui sert le point de vue de
l'auteur et l'univers de sa pièce. Le chant fait de phrases et valeurs longues dans
la première partie, devient plus rythmé (valeurs plus courtes) plus entrecoupé.
Après un plaidoyer exubérant, le directeur revient à son sujet, solennel, grave,
presque austère, au tempo lent. Ré-exposition de A .Sur le mot « guère » de la
dernière phrase, réapparait le motif du flottement.

Chanter la mélodie « de la tête aux talons me voilà taureau ….Toréro» et
improviser en gardant ce mode « espagnol ».

Repérer les passages où l'orchestre fait entendre les « ollé ».

Faire un jeu en piochant des phrases du texte de Thérèse et s'amuser à
les énoncer avec les sentiments de Thérèse. La même chose peut être
reprise avec les interprétations personnelles des enfants.
Dans les premières mesures de cette scène, Thérèse entre comme pour un
combat.
14

Rechanter les phrases « non monsieur mon mari » puis seulement sur «
tata ». Quel instrument de charge militaire sonne de la sorte?

Sur « après tout je veux aussi aller me battre », repérer l'instrument qui
souligne les propos guerriers de Thérèse.

Repérer le nombre de fois où le mari dit « donnez moi du lard ». De quel
type de voix d'homme s'agit-il?

Proposer différentes interprétations possibles, interrogative, affirmative,
hésitante, autoritaire, à partir de la phrase « Il le faut » et observer le
mouvement de la ligne mélodique. Par groupes de deux proposer une
courte improvisation en jouant, sur la hauteur, la durée des syllabes.

En quoi la façon de chanter des duettistes est-elle comique? ( es R roulés
sur « rien gagné » répétés. le portamento sur le second « Avec vous
vieux Lacouf », les voix transformées pour traduire l'ébriété de Lacouf et
Presto)
Scène 2:
Scène 5:
Duo entre Thérèse et son Mari qui constate sa transformation en Tirésias. On
peut qualifier ce moment de dramatique, puisque Thérèse déménage. La tension
est ressentie dans la musique les « Thérèse, Thérèse, ma p'tite Thérèse » du mari,
proches de la comptine pour enfant, sont repris un ton au dessus, comme une
sorte d'escalade où la tension monte.

Tirésias, son Mari et le Chœur rendent un hommage à Lacouf et Presto. Tirésias
est très détachée, voire nullement affectée alors que le Mari pleure.

Observer les différences dans le « geste vocal » de Thérèse et de son
mari.
Le roulement de tambour emprunté à l'univers du cirque accompagne la chute
des objets déménagés.
Scène 4:
S’ensuit un duo « comique » sur une Polka de Lacouf et Presto, ténor et baryton
un peu enivrés qui finissent par s'entretuer.


Observer de quelle façon les différentes voix entrent, puis se
superposent. Les solistes tour à tour, puis les pupitres de ténors ,
barytons, puis soprani et mezzo-soprani ensemble rejointes par les
ténors, puis les barytons, générant une accumulation. Repérer la
répétition de 2 éléments rythmiques 3 croches – noire pointée sur une
mesure à 6/8 et croche 2 doubles - croche 2 doubles – 4 doubles noire
sur une mesure à 2/4. Écouter la polyphonie. L'accompagnement
immuable de l'orchestre débute sur des notes seules puis à l'entrée du
mari des accords qui se complexifient au fil des entrées mais toujours
sur des noires pointées, offrant une sorte d'inertie.
Cette oraison qui aurait pu être funèbre prend un caractère très éthéré, renforcé
par les « Ha » du chœur sur des blanches pointées. Ainsi annoncé par Apollinaire,
rien de mélodramatique, mais « un retour à la nature ». La fin contraste par la
mesure à 2/2 soulignant le comique d'une sortie de scène rapide et discrète.
La polka est une danse à 2 temps, avec des pas chassés. Elle est conçue
en deux parties exposées en ABAB. La partie A est mineure, piquée,
accompagnée par une pompe alors que la partie B pentatonique, « très
lié ».
Scène 6 et 7 :
Observer le jeu d'écriture sur les motifs ascendants et descendants de «
il le faut » à la fin de chaque partie B.
On assiste dans cette scène au duo du Mari et du Gendarme, tous deux barytons.
Sur la piste du crime ce dernier, particulièrement perspicace, s'éprend du mari...
qui semble avoir bien des difficultés à s'affirmer.
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Ce duo particulièrement joyeux et burlesque débute par un roulement de caisse
claire, puis des accords dissonants. Non sans ambiguïté (drame ou fantaisie) le
dernier accord (si b majeur) aboutit non pas à une interpellation du mari, mais
plutôt au mari interpellant nonchalamment le gendarme.
Le suspens et le drame auront été de courte durée. Cette scène alterne entre des
tempi lento et allegro, ainsi que des phrasés legato et les pizzicati. La fin est
ponctuée par les interventions du peuple de Zanzibar qui reconnaît Tirésias en
son Général.



Écouter l'entracte et reconnaître des éléments du finale.
Le thème de la marchande est repris par l'orchestre : quel changement
peut-on observer, dans le tempo, dans la sonorité de l'orchestre?
Entre les 2 reprises du 1er thème du choral, la musique fait allusion au music-hall
par un nouveau pas de danse. Comme une gavotte, plutôt gaie, ce passage est
marqué par une succession de 4 mesures, ici à 4 temps.
 Combien de fois peut entendre son motif?
Noter l'utilisation de la voix de fausset dans les passages comiques.

Le thème « vous qui pleurez » est à nouveau exposé : est-il identique au
choral du finale?
Dans cette partie il semble intéressant d'observer ce que devient ce « vous qui
pleurez ».
L'inquiétude du mari s'exprime dans les « il me prend pour une demoiselle », qui
régulièrement montent d'un ton.
Dans la scène 7, le Mari, avec poésie et lyrisme, déclare vouloir devenir un père
prolifique.
Lorsque le baryton le chante, le thème semble déjà flancher, exprimant le
malaise du baryton qui s'éponge le front. Dans les phrases suivantes, seule la
formule rythmique résiste.
 Faire rechanter le thème et ses différentes transformations.
Scène 8 :
Le Finale met en scène la marchande de journaux, le chœur, le gendarme ainsi
que Presto et Lacouf qui se trouvent ressuscités, tous arguant qu'il s'agit d'une
farce impossible.
La strette résiste pour aboutir à une ondulation trouble semblable à celle
entendue dans le prologue.
De ce flottement émergent de la fosse d'orchestre les « papa » des nouveau-nés.
Par quelles voix sont-ils chantés? Comment est utilisée la voix?
Le recours à la voix « travestie » de Falsetto, est emprunté à la chanson populaire
et au burlesque du music-hall.
Sur le modèle de la scène 5, la marchande débute par une phrase assez martiale
qui va être reprise tour à tour par les différentes voix du chœur et des solistes.
Un second thème plus rapide sera traité de la même manière, propre au choral. «
Vous qui pleurez » est traité sous forme de strette.
L'écriture musicale propre à la musique liturgique, peu conventionnelle avec le
contenu de la scène et son propos, surprend et contraste. On peut y voir
l'expression de cette volonté de fantaisie, de non conformisme.

Acte II
Scène 1:
Repérer les deux thèmes, ainsi que les changements sonores liés à
l'accumulation, mais également les changements de timbres lorsque la
phrase « et cependant la boulangère tous les sept ans.. » se trouve
répartie entre les différents chanteurs.
Dans cette première scène, nous retrouvons le mari et les nouveau-nés. Le mari
fait part de son bonheur d'être père de 40 049 enfants, régulièrement
entrecoupé par le refrain « Tralalala » des nouveaux nés.
L'air est de forme ABACADA propre au rondo sur un 6/8 « affairé » dont les
rythmes ne sont pas sans rappeler la Gigue.
Entracte:
16

Former deux groupes, un reprenant les chœurs de nouveau-nés, l'autre
les « silence, silence, silence » du mari. Pour ajouter un effet scénique,
assoir les enfants sur des chaises et leur demander de se lever lorsqu'ils
chantent.
Scène 4 et 5:
Duo entre le mari et un journaliste qui vient réaliser une interview.
Duo entre le Mari et son nouveau fils journaliste qui se présente sous les traits
d'un maître chanteur encore assez puéril. Son père déçu le congédie.
Jamais le sentiment dramatique, bien que très présent, n'est exacerbé : il est
présent en filigrane pour souligner davantage la fantaisie, le comique : le père n'a
nul besoin de se fâcher, son fils, qui se voyait déjà en manipulateur avisé,
retrouve sa place de « chose » très fraîchement fabriquée.
Poulenc distingue les 2 personnages non seulement par la voix en faisant appel à
un ténor pour le journaliste, mais aussi par la façon de chanter. Le mari est
beaucoup plus lyrique (comme si sa réussite lui avait permis de s 'affirmer) alors
que le journaliste qui sait à peine à lire, annone et de ce fait a une émission
moins élaborée, plus saccadée.
A nouveau, dans un récitatif ponctué par un orchestre très sombre et
chromatique, le Mari envisage dans un solo de donner jour à un tailleur (les
premières mesures staccato, laissent imaginer une nouvelle expérience) qui lui
permettrait de devenir séduisant (la musique devient legato et presque
insouciante avec le solo du hautbois).
Cette scène met en évidence toute une variété d'utilisation de la voix. La partition
indique « très lié » sur « celui -là joseph... », « marcato » sur « une dame qui
s'appelait Cambron », glissando sur Cambron, staccato sur les « Ah! Ah, Eh! Eh!,
Uh, Uh… », « quasi parlando » sur « puisque vous êtes si riche », un trille sur le i
de « remettez la poussière ».
Scène 6:
Scène 2:

Duo Mari- Gendarme. Le gendarme contraint de constater que le Mari a réussi
dans son entreprise le rend responsable d'affamer la population zanzibarienne.
Ce dernier l'adresse à la cartomancienne.
S'essayer à reproduire ces différentes utilisations de la voix.
L'entrée du gendarme est annoncée par le même motif orchestral que le solo de
la scène 5.
Comme dans des duos antérieurs, le phrasé légato du Mari est opposé au
staccato du gendarme, sur une mesure à 6/8.
Scène 3:
Après un monologue sur sa théorie des nombreux enfants, le mari se lance dans
la conception d'un enfant journaliste. A la façon des ingrédients d'une potion
magique dans une grande marmite, il énonce les qualités nécessaires par des « Il
lui faut ». Dans une sorte de tourbillon, la musique rappelle « l'apprenti sorcier,
notamment par les timbres de l'orchestre, les trompettes ainsi que les timbales.

Scène 7:
La cartomancienne, le Mari et le gendarme.
Emprunté au cirque, à nouveau un roulement de tambour est utilisé pour
annoncer l'entrée de la Cartomancienne qui est en fait Thérèse-Tirésias.
Observer le jeu entre l'orchestre qui ponctue les phrases à capella du
mari.
Dans un premier mouvement lent, la cartomancienne qui s'accompagne à la lyre
se présente - « chastes citoyens de Zanzibar, me voici » - dans une longue série
de vocalises ponctuées par les arpèges du piano.
Le moment le plus magique se trouve à « allons, allons », qui aboutit à un
quadruple fortissimo au sommet de la tension.
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Le finale met en scène tous les protagonistes, solistes et chœurs, dans un tableau
inspiré de l'univers des revues des Folies Bergères.
Cet air débute sur le mode mineur naturel (très présent dans la musique
traditionnelle) et en référence à la musique tsigane en reprend la virtuosité (ici
vocale), l'utilisation d'appogiatures et de trilles.

La valse entamée par Thérèse se poursuit dans la première partie de la scène.

Improviser une mélodie dans le style, s'essayer aux trilles et
appogiatures.
Repérer les notes tenues sur Ha aux différentes voix : le Mari, puis Thérèse, puis
les mezzo-sopranos du chœur sur « chère Thérèse, il ne faut plus que tu sois
plate comme une punaise », puis par le gendarme sur « bah! Ne compliquons pas
les choses », en bouche fermée.
Le mouvement suivant, « très gai », débute par une polka dans laquelle la
cartomancienne contestée par le gendarme dans ses pratiques illégales, fait part
de ses visions, puis découvre les berceaux.
Il s'ensuit un trio légèrement débridé entre le mari, le gendarme et la
cartomancienne qui y met un terme en faisant réapparaître un court instant le
thème lent et pompeux de son entrée.
Le finale s'achève sur un mouvement presto à 2/4 avec les propos du gendarme
de la scène 7 sur des formules mélodiques simples circulant entre les voix, alors
que les solistes rappellent la cause défendue par Apollinaire « Écoutez ô français
les leçons de la guerre et faites des enfants » sur une mélodie par contraste plus
ample. Le tutti finale subit une accélération « presto subito » soudaine
précipitant la fin ponctuée par un roulement de tambour et l'orchestre, en vue
des applaudissements du public.
La cartomancienne prend le parti du mari dont la première mesure « vous qui
deviendrez milliardaire » est la réplique des propos du gendarme scène 6 « il
paraît que vous en faites de belles », déclenchant une scène de bagarre avec le
gendarme. Le mari en riant reprend comme une ritournelle « hé fumez la pipe
bergère! » pendant que la cartomancienne s'oppose sur des « ha » en staccato et
trilles au gendarme sur le point d'être étranglé et poussant des râles sur des « ha
» en glissando.
La tension atteint son comble à une tardive prise de conscience du mari à « en
attendant je vais vous livrer ». A chaque reprise, la tension monte d'un ton
comme le motif musical.

Repérer les entrées successives et l'effet d'accumulation produit.
Écouter ce passage en essayant de suivre la voix du mari, puis celle du
gendarme ainsi que l'accompagnement de l'orchestre.
La scène se termine par la reconnaissance de Thérèse « plate comme une punaise
» par son mari alors que le gendarme ressuscite pour entrer dans le bal sur un
pas de valse.
Scène 8 -Finale
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D) Sources
Bibliographie
-
« Les Mamelles de Tirésias – Opéra en actes », Rafaëlle Pignon, Nathalie
Otto-Witwicky et Marie Fardeau, SCEREN [CNDP-CRDP], 2011
Les Mamelles de Tirésias, Programme de l’Opéra-Comique, 2011
Dossier « Les Mamelles de Tirésias » de l’Académie Européenne de
Musique, 2012
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