1
A contribué à la rédaction de ce dossier : Fabienne Berthet
Festival d’Aix-en-Provence
Les Mamelles de Tirésias
Musique de Francis Poulenc
Livret d’après Guillaume Apollinaire
Dossier pédagogique 2013
2
SOMMAIRE
Introduction p.3
A) Présentation de l’œuvre p.4
1) Synopsis p.4
2) Biographie de Francis Poulenc (1899-1963) p.5
3) Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire, un « drame surréaliste » p.6
4) De la pièce au livret p.7
5) La création p.8
6) La collaboration entre Poulenc et Britten p.9
B) La production 2013 au Festival d’Aix-en-Provence p.10
1) Une re-création p.10
2) La distribution p.11
3) L’équipe artistique p.12
C) Analyse musicale et pédagogique p.13
1) La musique p.13
2) Les voix p.13
3) Au fil de l’œuvre p.14
D) Sources p.19
3
Introduction
Les Mamelles de Tirésias est une œuvre du compositeur français Francis Poulenc
qui s’inspire de la pièce de théâtre du même nom de Guillaume Apollinaire.
En 1958, le compositeur britannique Benjamin Britten fait un arrangement pour
deux pianos et 14 chanteurs de cette œuvre, arrangement qui est depuis tombé
dans l’oubli.
C’est cet arrangement inédit que la production présentée en 2013 au Festival
d’Aix-en-Provence des Mamelles de Tirésias fera revivre.
Ecrite en 1916, la pièce Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire est en
quelque sorte un précurseur du surréalisme, qui émergera sous la conduite
d’André Breton quelques années plus tard, vers 1920. S’inspirant de thématiques
empruntées à la mythologie grecque telle que la légende de Tirésias, devin
aveugle, et de Térésa, qui se déguise afin de rétablir la justice entre les hommes
et les femmes, cette pièce défend des idées féministes et antimilitaristes.
Préfaçant Les Mamelles de Tirésias, Guillaume Apollinaire écrit:
« Pour tenter une rénovation du théâtre, du moins un effort personnel, j’ai
pensé qu’il fallait revenir à la nature même, mais sans l’imiter à la manière des
photographes. Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui
ne ressemble pas à une jambe. Il a ainsi fait du surréalisme sans le savoir. (…)
j’aurais pu faire sur ce sujet qui n’a jamais été traité une pièce selon le ton
sarcastico-mélodramatique qu’ont mis à la mode les faiseurs de « pièces à
thèse ». J’ai préféré un ton moins sombre, car je ne pense pas que le théâtre
doive désespérer qui que ce soit. J’aurais pu aussi écrire un drame d’idées et
flatter le goût du public actuel qui aime à se donner l’illusion de penser. J’ai
mieux aimé donner libre cours à cette fantaisie qui est ma façon d’interpréter
la nature, fantaisie qui se manifeste avec plus ou moins de mélancolie, de
satire et de lyrisme… »
Sous couvert du comique, nous voyons surgir ici les débuts de l’absurde, avec
l’utilisation d’un mythe antique dans le monde contemporain.
Mais en 1917, le travail trop subversif d’Apollinaire a scandalisé l’opinion
publique. Pourtant en 1939, Francis Poulenc, à la recherche d’un livret d’opéra
depuis déjà quelques années, sera persuadé qu’il tient avec Les Mamelles de
Tirésias « le seul livret d’opéra viable ». Avec l’accord et les conseils de la veuve
d’Apollinaire, il aménage donc la pièce en livret.
Le groupe des Six, la vie parisienne, le music-hall, le cabaret, la foire et le cirque,
l'opérette, Nogent sur Marne, la valse-musette ainsi qu'une prise de conscience
religieuse liée au décès d'un proche, sont autant d'influences sur l'écriture des
Mamelles de Tirésias, auxquelles s'ajoutent le texte surréaliste, la fantaisie et le
lyrisme d'Apollinaire dont Poulenc parle ainsi:
« Le poème de Guillaume Apollinaire pour Les Mamelles de Tirésias [plus
proche en cela de Verlaine], plein d’arrière-plans poétiques, ne tombe jamais
dans un humour à fleur de peau.
C’est ce dont je me suis persuadé, encore hier, en relisant les épreuves de ma
partition. *J’ai d’ailleurs composé cette œuvre avec l’instinct et le cœur bien
plus qu’avec l’intellect. Musiques gaies [et] musiques bouffes ne sont pas
forcément humoristiques.] Il faudra donc chanter, d’un bout à l’autre, les
Mamelles comme du Verdi. Cela ne sera peut-être pas très facile à faire
comprendre aux interprètes, qui s’en tiennent généralement à l’apparence des
choses ».
Francis Poulenc, Journal de mes mélodies, éditions Renaud Machart.
4
A) Présentation de l’œuvre
1) Synopsis
L’action se passe à Zanzibar, ville imaginaire.
Dans le Prologue, le directeur de théâtre entretient le public de la guerre, du
théâtre nouveau, de la natalité etc. et présente le sujet de la pièce : c’est une
comédie qui ne se privera d’aucun artifice afin de convaincre les Français de faire
des enfants !
Le rideau se lève alors sur la place de Zanzibar, la jeune Thérèse, féministe, ne
veut plus subir le joug du mariage. Elle décide de quitter le foyer et de se
transformer en homme afin de faire carrière et de vivre la condition d’un homme
en société. Tandis que son Mari réclame son repas, elle se débarrasse de ses
mamelles et se voit pousser une forte pilosité. Devenue Tirésias, plus virile que
son Mari, elle se sépare de lui.
Deux joueurs de zanzi éméchés, Lacouf et Presto, dansent en se disputant.
Comme ils ne sont pas d’accord sur le lieu ils se trouvent, ils s’entretuent au
revolver.
A présent habillé en homme, Tirésias s’achète le journal tandis que le peuple de
Zanzibar commente le duel. Laissant son Mari vêtu en femme au désespoir,
Tirésias part se faire conseiller municipal. Attiré par l’odeur du meurtre, le
Gendarme, pris à témoin par le Mari, succombe à ses charmes féminins. Face aux
engagements politiques de Tirésias, travesti en femme et courtisé par le
Gendarme, le Mari déclare que « la femme n’est qu’un neutre à la face du ciel »
et décide de faire des enfants tout seul.
La population s’étonne, Lacouf et Presto, ressuscités, aussi, et le Gendarme ne le
croit qu’à moitié.
Au début de l’acte deux, tandis que le chœur s’interroge sur l’ardeur nouvelle du
Mari, on entend les nouveau-nés chanter « Papa ». Fou de joie, le Mari s’occupe
de sa portée de 40 049 bébés, conçus et enfantés en un seul jour. Un journaliste
de Paris vient réaliser une interview du phénomène. Le Mari évoque les carrières
prestigieuses de ses enfants, grâce auxquels il compte bien s’enrichir. Puis il
chasse le journaliste qui tente de le taxer. De l’un de ses enfants, le Mari décide
de faire un journaliste. Mais le bagoût et l’impudence de ce Fils le déçoivent.
Comme le Gendarme vient lui reprocher de provoquer une famine avec tous ses
enfants, le Mari l’envoie chez une Cartomancienne de passage en ville.
Celle-ci annonce des nouvelles édifiantes au public, puis félicite le Mari pour sa
fécondité avant d’assassiner le Gendarme. Voulant la livrer au commissaire, le
Mari découvre qu’il s’agit en réalité de Tirésias, désireux de redevenir Thérèse et
de retrouver son mari.
Malgré la perte des mamelles, ils tombent dans les bras l’un de l’autre tandis que
le Gendarme ressuscite.
Le peuple de Zanzibar célèbre alors leurs retrouvailles et invite le public à faire
des enfants.
5
2) Biographie de Francis Poulenc (1899-1963)
Musicien français par excellence, Francis Poulenc est considéré aujourd’hui
comme l’un des plus grands compositeurs français de la première moitié du
XXème siècle. Il grandit au ur de Paris, dans une famille où l’on aimait et
pratiquait la musique. Sa mère, délicate interprète, lui transmet son goût pour le
piano, instrument qu’il commence à étudier à l’âge de cinq ans. Il perfectionnera
son apprentissage avec Ricardo Viñes, grand interprète de Claude Debussy et de
Maurice Ravel. « Je lui dois tout », disait-il volontiers. C’est grâce à Viñes qu’il
rencontrera Erik Satie et Georges Auric, dont il subit l’influence. Il retiendra du
premier, notamment, son sens de l’ironie, la simplicité et la pureté de ses lignes
mélodiques ; et du second sa culture. Toute sa vie, Poulenc restera un fervent
interprète des œuvres de Satie.
En 1919, il fonde avec Georges Auric le Groupe des Six, groupement de
compositeurs français du début du XXe siècle.
Il connaitra son premier grand succès en 1971, avec la création de sa Rhapsodie
nègre au Théâtre du Vieux Colombier. En 1924, la création des Biches par les
Ballets russe assoit sa renommée.
Deux ans plus tard, il fait la connaissance du baryton Pierre Bernac pour lequel il
a un attachement affectif, et lui compose un grand nombre de mélodies. Il met
en musique des poèmes de Max Jacob, Jean Cocteau, Louise de Vilmorin,
Charles d’Orléans, Louis Aragon, François de Malherbe, Colette, Federico Garcia
Lorca, Pierre de Ronsard, et Paul Eluard. En 1945, Poulenc dira d’ailleurs : « Si l’on
mettait sur ma tombe : « Ci-gît Francis Poulenc, le musicien d’Apollinaire et
d’Eluard », il me semble que ce serait mon plus beau titre de gloire ». Il
composera durant toute sa carrière 137 mélodies.
A partir de 1936, Francis Poulenc s’oriente vers des sources d’inspiration
religieuses. Il compose un peu moins pour le piano, sa carrière se tournant
essentiellement vers la musique vocale et dramatique.
Ainsi, en 1936 paraît sa première œuvre chorale : Litanies à la vierge noire de
Rocamadour, suivie, en 1937, par la messe en sol majeur pour chœur mixte a
capella qui marque ce tournant. En 1947, son opéra les Mamelles de Tirésias,
opéra-bouffe d’après Apollinaire, connaît un grand succès et il fait une tournée
aux Etats-Unis en 1948.
Après avoir écrit une œuvre plus légère en 1956, la Sonate pour flûte et piano, il
compose des œuvres plus sombres le Dialogue des Carmélites en 1957, d’après
Georges Bernanos et La Voix humaine, tragédie lyrique sur un texte de Jean
Cocteau.
Francis Poulenc
1 / 19 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !