COLLECTION JEUNES SOLISTES STEFAN CHAPLIKOV BRAHMS, VARIATIONS 5
aussi leur succès mitigé au moment de la période
du Sturm und Drang, où les e ets étaient légions.
Comme dans l’op. 9, l’élément contrapuntique est
présent, par exemple dans la cinquième variation
qui consiste en un canon en mouvement contraire,
la ligne inférieure étant l’inversion de la ligne
supérieure. D’une façon générale, cet opus se
rattache dans la manière au précédent, bien que
les deux thèmes qui servent de substance aux
variations soient profondément opposés dans leurs
attributs.
L’op. 21 n°2, avec ses treize variations et fi nale, a
pour base un thème populaire hongrois, et ici
Brahms décale encore une fois la problématique de
composition, puisqu’à une structure
mélodico-harmonique très sommaire, répond une
structure métrique complexe: le thème se
décompose en e et en une alternance de mesures
à temps et de mesures à 4temps, ce qui est assez
rare à l’époque pour mériter d’être souligné.
Les variations s’articulent quant à elles autour de la
mélodie, qui est tour à tour transmise aux
di érentes voix, transposée ou agrémentée de
notes de passage. Elle reste cependant
parfaitement identifi able dans chaque variation.
Nous changeons donc ici complètement de modèle
de forme. Pour quelles raisons? Est-ce la nature
même du thème, populaire, qui exige ce
traitement? Nous pensons en e et que ce qui fonde
son intérêt, c’est la joie du chant associée à la
dissymétrie métrique. Grâce à ce revirement dans
l’écriture de Brahms, on comprend mieux quel est
le sens de la forme à variations chez lui. Il s’agit de
varier, certes, mais tout en valorisant les attributs
essentiels de la substance thématique. Le thème de
l’op. 9 emprunté à Schumann multipliait les clins
d’œil et les références, le thème original, délicat
dans son cheminement métrique et
mélodico-harmonique, développait des variations
dont le matériau et la structure étaient extrêmement
complexes. C’est pourquoi ce thème populaire, qui
est la manifestation d’un chant exalté, est varié de
façon à mettre en valeur systématiquement cet
idéal mélodique. Le sens de la forme variation chez
Brahms éclate donc ici dans toute sa clarté: il s’agit,
en développant dans de courts épisodes des
attributs choisis du thème initial, de mettre en
valeur ce qui fait la substance même de ce thème –
respectivement la mémoire, la construction
architectonique et glorifi cation mélodico-
rythmique. Ce sera encore le cas dans les célèbres
Variations sur un thème de Paganini pour piano seul
(deux cahiers) composées en 186: même si l’on y
retrouve quelques-uns des procédés chers à l’auteur
– nécessité de l’appropriation du thème, possibilités
de développement symétrique qu’il garantit,
importance de la basse harmonique – l’essentiel est
que circule à l’intérieur des variations ce qui fait la
substance première du thème initial : la virtuosité.
LES VARIATIONS OP. 24
Cela va se vérifi er dans les vingt-cinq variations et la
fugue de l’op. 24, composé entre 1862 et 186. Le
thème est emprunté à une Aria des trois Leçons
pour clavecin que Haendel avait composées pour
les fi lles du Prince de Galles (il avait d’ailleurs
lui-même déjà composé cinq variations à partir de
ce thème). Comme dans l’op. 9, ce thème est
ramassé et extrêmement simple dans tous ses
paramètres: unité mélodique, simplicité
harmonique (enchaînements de toniques et de
dominantes dans la tonalité principale puis dans la
tonalité de la dominante), forme symétrique et
équilibrée (AABB avec 4 mesures par partie).
L’unique élément de variété vient de
l’harmonisation, qui se fait sur des renversements
di érents de l’accord à chaque fois, épuisant
presque en quelques mesures toutes ses possibilités
de présentation.
Comme dans l’op.21 n°2, on retrouve un respect
absolu des structures périodiques, harmoniques et
mélodiques dans la majorité des variations. La
science contrapuntique de l’op.9 et de l’op.21 n°2
est poussée encore davantage ici. En e et Brahms
s’est plu à terminer l’œuvre par une fugue d’une
dimension imposante. Si le procédé n’est pas
nouveau (on le trouve notamment chez Beethoven,
dont Brahms admirait et connaissait l’œuvre au plus
haut degré), il fait certainement référence au fait
qu’Haendel lui-même avait déjà «osé» introduire
une forme à l’intérieur d’une autre; en e et, c’est
bien lui qui avait inséré le procédé de la variation
dans la suite classique. Par ailleurs, dans les
dimensions, sa carrure et sa puissance (l’écriture
pianistique acquiert dans la pièce une dimension
orchestrale par son ampleur et les procédés
techniques qu’elle met en jeu), l’œuvre est
intimement liée à celle du vieux maître. Encore une
fois, il s’agit de valoriser ce qui fait la substance du
thème varié. Et ici il s’agit, bien sûr, de l’art
d’Haendel. Par ailleurs, concernant la fugue, on ne
peut qu’être admiratif de sa réalisation: celle-ci
épuise en e et toutes les possibilités
contrapuntiques possibles: diminutions,
augmentations, renversements, récurrences...
LES AUTRES VARIATIONS
Nous avons abordé fugitivement les variations
écrites sur un thème de Paganini. Il semble bien que
le Thème et variations op. 18 ait été écrit davantage
dans cet état d’esprit: les structures métriques et
tonales sont respectées scrupuleusement et chaque
variation aborde un élément technique ou type
d’écriture pianistique bien particulier. Il est
seulement intéressant de remarquer que le thème
utilisé a encore une fois une nature di érente (il a
été écrit par le compositeur, mais pour une autre
œuvre – deuxième mouvement du Sextuor op.18)