Le bruit dans la ville

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Le bruit dans la ville
Pour une approche intégrée des nuisances sonores routières
et de l’aménagement urbain
Janvier 2011
Marissa PLOUIN (urbaniste), avec les contributions de
Benoit PETIT (École supérieure des géométres et topographes) et de Michel RUDYJ (CETE Ile-de-France)
Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement
et de l’Aménagement d’Ile-de-France
www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr
2
Table des matières
Résumé
1
Introduction
3
Références urbaines
Crescent Cove (San Francisco - Etats-Unis)
12
Nutheschlange (Potsdam - Allemagne)
25
Porte des Lilas (Paris, Bagnolet, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais - France)
40
Parc des Hautes Bruyères (Villejuif - France)
56
Fiche technique
Réduire la vitesse, réduire le bruit
65
Conclusion
78
Bibliographie
80
Remerciements
81
3
4
Résumé
E
n Ile de France, environ trois quarts des
habitants se déclarent quotidiennement
gênés par le bruit. Bien au-delà de questions de confort, le bruit est devenu aux
yeux d’un nombre croissant d’acteurs une
nuisance dont les effets sur la santé doivent être pris
en compte le plus en amont possible par les professionnels de l’aménagement urbain. En milieu urbain,
le bruit routier lié aux modes de déplacement, essentiellement automobile, est en général la nuisance
la plus saillante. Due au bruit du moteur et au bruit
causé par le contact entre la roue et la chaussée, dont
l’importance augmente avec la vitesse, cette nuisance
est également fonction des modes de gestion des
infrastructures, notamment en termes de régulation
du trafic et de vitesse maximale autorisée.
reposent aujourd’hui principalement sur la pose de
coûteux murs antibruit. Des solutions alternatives, travaillées à l’échelle du quartier, par l’aménagement urbain lui-même, sont cependant envisageables dans le
cadre de nouveaux développements urbains comme
dans le cadre d’actions de réinvention écologique de
la ville existante.
Ce constat a conduit à identifier la réduction des
nuisances et des risques comme l’une des 10 lignes
d’action de la méthode @d aménagement durable®
sur laquelle la collectivité est amenée à se positionner
pour élaborer un projet d’aménagement durable sur
son territoire.
Quelles alternatives au mur antibruit peut-on envisager?
Si une certaine latitude est permise par la réglementation en vigueur, laquelle définit le classement des
infrastructures et requiert la réalisation de cartes de
bruit stratégiques et l’élaboration de Plans de Prévention du Bruit dans l’Environnement, force est de
constater que les solutions correctives mises en place
La présente étude de cas, réalisée pour la DRIEA, et
portant sur quatre opérations, en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, illustre comment des
solutions acoustiques, envisagées au travers de
l’aménagement de quartiers, peuvent apporter un
confort sonore en même temps qu’une réelle qualité
urbaine. L’analyse est complétée par des simulations
issues de logiciels de cartographie acoustique.
Un projet urbain dont les bâtiments mêmes font
office d’écran antibruit. A San Francisco, par exemple,
un immeuble dispose d’une façade en continu pour
faire obstacle aux nuisances sonores provenant d’une
voie ferrée ; à Potsdam, le long d’une autoroute, dix
bâtiments sont reliés entre eux par des plaques de
verre afin de former un écran antibruit. Dans les deux
cas, une réduction allant jusqu’à 20 dB(A) a été constatée, permettant aux habitants de jouir pleinement des
espaces habitables ainsi que des espaces communs
1
extérieurs (cours, terrasses, jardins). A San Francisco,
cette disposition a également permis de réaliser des
économies sur les coûts de renforcement acoustique
d’autres bâtiments à l’intérieur du même projet.
Un agencement stratégique des immeubles où une
zone tampon (composée, par exemple, de bureaux
et d’équipements) à proximité de la source du bruit
protège des activités plus sensibles aux nuisances
sonores (habitations, écoles, crèches, etc.). C’est
le résultat d’une structuration où la répartition des
terrains est organisée, pour partie, en fonction des
nuisances urbaines. Lors du grand projet de recouvrement du boulevard périphérique parisien à la Porte
des Lilas, l’emplacement des bureaux et des équipements s’est fait en priorité le long de la voie rapide
pour qu’une deuxième rangée d’immeubles puisse
accueillir des activités exigeant plus de tranquillité,
telles que des habitations, des écoles ou des crèches.
Une forme et une disposition de bâtiments privilégiant de grandes emprises, des fronts bâtis continus
et une hauteur importante. Par rapport à un tissu
urbain très fin, une forme urbaine « massive » est
souvent mieux adaptée pour protéger les habitants
et les usagers des nuisances sonores. C’est le cas de la
Porte des Lilas où, par leur forme et leur disposition,
les immeubles longeant la voie rapide font obstacle
au bruit routier.
Un espace vert servant de zone tampon et tirant
profit des éléments topographiques pour lutter
contre les nuisances sonores. A Villejuif, une ancienne
zone industrielle a été transformée en vaste parc de
23 hectares. Le Parc départemental des Hautes Bruyères est tout d’abord une zone tampon verte, située
entre une autoroute et des habitations. Mais ce sont
les éléments topographiques qui font réellement la
différence sur le plan sonore. En particulier, une butte
végétale longe l’autoroute et empêche que le bruit
routier ne pénètre de toute son intensité dans le parc :
alors que le niveau sonore au bord de l’autoroute peut
atteindre plus de 80 dB(A), celui constaté à l’intérieur
du parc est, en moyenne, de 20 dB(A) de moins. Autre
point fort : le site auparavant accueillant une carrière
de sablons, un « jardin de silence » a été aménagé
dans l’une des anciennes carrières. A douze mètres
de profondeur, ce lieu calme propice à la lecture et
à la réflexion bénéficie d’un niveau sonore presque
deux fois moins élevé que celui constaté au bord de
l’autoroute. Des mesures acoustiques adaptées à la
particularité du lieu contribuent à la reconquête d’un
territoire jugé auparavant peu attractif et transformé
en espace de détente de qualité.
Détails architecturaux optimisant les protections
acoustiques. Rarement suffisants pour lutter seuls
contre des niveaux acoustiques très élevés, les détails
architecturaux peuvent cependant améliorer la qualité sonore lorsqu’ils sont combinés à d’autres dispo-
sitifs acoustiques. Les références urbaines citées dans
la présente étude proposent pour ces derniers, entre
autres, une double façade le long de la source de bruit
routier, des toits orientés en fonction de la provenance
du bruit, l’absence de fenêtres sur la façade exposée
à la source de bruit, des portes à double épaisseur et
des fenêtres à double ou à triple vitrage.
Le recouvrement d’une voie rapide est une solution
qui permet de réduire les nuisances sonores à condition que l’aménagement en surface fasse l’objet
d’une stratégie de réduction de bruit. A la Porte des
Lilas le recouvrement d’un tronçon du boulevard périphérique représente une solution forte sur les plans
symbolique, pratique et esthétique : une porte s’ouvre
entre Paris et les communes limitrophes. Malgré une
diminution des niveaux sonores auxquels les riverains
sont exposés, les niveaux restent élevés, du fait de la
forte circulation qui persiste sur les rues environnantes.
Une fiche technique complète l’étude par l’analyse
du lien entre vitesse pratiquée et bruit routier. Des
références de collectivités ayant mis en œuvre des actions de limitation du bruit routier par une réduction
de la vitesse sont fournies, telle Gleisdorf en Autriche,
où un système automatique de réduction de vitesse
se déclenche lorsque les niveaux acoustiques sont
trop élevés pour les riverains.
2
Les références citées ici montrent que le coût de la
protection phonique mise en œuvre peut être ainsi
réduit, en même temps qu’une valeur économique et
urbaine nouvelle est donnée à des terrains auparavant
délaissés du fait de ces nuisances sonores.
Bâtiments faisant office de protections, agencement stratégique des
immeubles, éléments topographiques optimisés, gestion des ambiances internes au quartier, détails architecturaux optimisant les protections,
intégration paysagère, telles sont
quelques-unes des solutions qui se
dégagent de cette étude.
Introduction
L
e bruit est l’objet d’une préoccupation croissante des habitants
et des usagers des agglomérations – et donc des équipes municipales, des architectes et des urbanistes. Selon une étude
publiée par l’Observatoire régional de la santé en Ile-de-France,
71 % des Franciliens se déclarent gênés par le bruit, les résidents
de Paris étant les plus touchés1. Plus l’environnement est urbain, plus les
niveaux sonores sont élevés. Les nuisances sonores dues au trafic routier
représentent la source de bruit urbain la plus saillante. Environ 360 000 habitants de la petite couronne2 et 150 000 Parisiens3 subiraient des niveaux
sonores liées au réseau routier d’une intensité supérieure à 70 dB(A) en façade d’habitation dans la journée4, niveau définissant un « Point noir bruit
», ou PNB [cf. p. 7]. A titre de comparaison, en France, deux millions de
logements se situent dans ces zones PNB5. Au niveau européen, l’organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’un Européen sur trois environ
souffre du bruit de la circulation routière6. Le problème entraîne déjà
des dépenses considérables en France: en 2007, près de deux milliards
d’euros ont été investis dans la lutte contre le bruit, des frais répartis
entre les entreprises, les administrations publiques et les ménages7.
Traiter la question des nuisances sonores constitue l’une des dix lignes
d’actions de la méthode @d aménagement durable®8. Elaborée par la
DRIEA et les huit établissements publics d’aménagement en Ile-de-France,
elle a pour objet d’outiller les collectivités locales dans leurs démarches
d’aménagement durable.
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Le bruit urbain représente pour beaucoup de personnes une gêne majeure qui nuit à leur qualité de vie. Mais l’exposition au bruit peut aussi
3
provoquer des effets néfastes sur la santé, dont certains sont encore
méconnus. Parmi ceux qui inquiètent particulièrement les experts, on peut
mentionner des effets physiologiques, tels que l’apparition de troubles
auditifs, des problèmes cardiovasculaires ou la perturbation du sommeil, et
des effets psychologiques, plus difficiles à mesurer, comme l’anxiété, la dépression ou l’interférence avec la communication, qui peut provoquer une
diminution des performances. Le bruit est considéré comme un « agent
stressant » qui entraîne des effets aussi bien dans l’immédiat que dans le
long terme9.
Même si le bruit n’est pas ressenti de la même façon par tout le monde –
certains y sont plus sensibles que d’autres – des études ont néanmoins établi quelques valeurs de référence sur le plan sanitaire : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour éviter des effets néfastes sur la santé,
dans les zones résidentielles extérieures les niveaux sonores ne devraient
pas dépasser 55 dB(A) en journée (pour un LAeq évalué sur une base de 16
heures d’exposition)10 ou 40 dB(A) la nuit (sur une base de 8 heures d’exposition)11 [Tableau T3 indique quelques repères des niveaux sonores dans la
vie quotidienne].
Plus spécifiquement, les experts s’inquiètent de la santé de quelques
populations jugées les plus fragiles : nourrissons et jeunes enfants, personnes âgées, personnes atteintes de maladies particulières ou présentant
un déficit auditif, aveugles, patients en hôpital ou en convalescence chez
eux12. Protéger ces populations de niveaux sonores trop élevés est
indispensable et demande notamment à bien situer, isoler et protéger
certains environnements spécifiques tels que les crèches et les jardins
d’enfants, les écoles, les hôpitaux, les maisons de retraite et autres centres de soins.
Le bruit en Ile-de-France
A quoi est dû le bruit en Ile-de-France ?
Selon un rapport réalisé par le STIF en 2005 sur le bruit et les transports, les
circulations routière et ferroviaire sont la principale source de gêne sonore
en Ile-de-France, sauf cas particuliers où le bruit de voisinage et celui dû aux
aéronefs sont par exemple plus importants13.
La circulation routière en Ile-de-France
Le réseau routier francilien comprend quelque 40 000 km de routes, dont plus
de 800 km d’autoroutes et voies rapides.
Ȋȱ En Ile-de-France (hors Paris), en journée, près de 1 900 km de linéaire de
tronçons routiers sont classés dans la catégorie supérieure à 70 dB (LAeq
6h-22h en façade d’habitation), et près de 550 km pour les tronçons à plus
de 75 dB, selon la cartographie régionale de l’IAURIF relative au bruit des
transports terrestres.
Ȋȱ Dans la petite couronne, environ 360 000 habitants, soit 9% de la population, subiraient, en journée, des niveaux sonores liés au réseau routier
d’une intensité supérieure à 70 dB(A) en façade d’habitation (situation de
1994).
Ȋȱ A Paris, environ 150 000 habitants, soit 7% de la population, sont, en journée, exposés en façade de bâtiments à des niveaux sonores supérieurs à
70 dB entre 6 heures et 22 heures, selon l’Observatoire du bruit à Paris.
La circulation ferroviaire en Ile-de-France
Le réseau ferroviaire (hors métro) comprend environ 1 800 km de voies ferrées.
Ȋȱ En Ile-de-France, le jour, environ 300 km de linéaire de tronçons ferroviaires sont classés dans la catégorie supérieure à 70 dB (LAeq 6h-22h en
façade d’habitation), et près de 100 km pour les tronçons à plus de 75 dB.
Ȋȱ La nuit, un peu plus de 180 km de linéaire sont classés dans la catégorie
supérieure à 70 dB et jusqu’à 400 km dans la classe supérieure à 65 km.
Le STIF rappelle que si l’exposition au bruit des circulations ferroviaires
s’avère moindre que celle liée au bruit routier, elle est particulièrement importante la nuit avec les circulations de trains de marchandises (matériels
plus lourds et trains plus longs). Rappelons que l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) recommande une limite d’exposition sonore nocturne
de 40 dB, sur une base de 8 heures d’exposition.
Ȋȱ La circulation ferroviaire des seules lignes du réseau ferré national (hors
lignes de métro aérien RATP et lignes RER) est responsable des zones Point
noir bruit qui toucheraient à quelques 55 600 de Franciliens.
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Que faire pour lutter contre le bruit en
milieu urbain ? Si de plus en plus de chercheurs étudient des solutions visant à réduire le bruit à la source – portant par exemple
sur la gestion du trafic, le revêtement de
chaussée, les pneumatiques ou même la
propulsion des véhicules – les équipes
municipales, les services techniques territoriaux, les architectes et les urbanistes sont
en première ligne pour aborder le problème
par la voie de l’aménagement urbain.
Aujourd’hui dans les régions très urbanisées
comme l’Ile-de-France, l’aménagement
des sites rencontre une telle multiplicité
de contraintes que la question du bruit ne
constitue pas toujours une priorité majeure. Cela conduit souvent à adopter des
mesures certes classiques ou éprouvées –
écran antibruit ou simple éloignement des
sources de bruit – mais qui ne sont peutêtre pas les mieux adaptées ou les plus
opportunes. D’une part, les écrans antibruit
ne s’inscrivent pas toujours de manière
harmonieuse dans le paysage urbain et
4
représentent un coût extrêmement important pour les finances publiques : entre
1 000 à 1 500 €/m² en Ile-de-France, selon
le lieu de pose, le type de fondation et la
nature des matériaux (soit 3 000 à 4 000 €/
m² par mètre linéaire pour un mur de 3m de
haut)14. Ces coûts peuvent jusqu’à doubler
si les travaux doivent être réalisés sur une
voie très fréquentée, qu’il s’agisse, dans le
cas d’une voie ferrée, de ralentir le trafic
ou, dans le cas d’une route, d’en fermer
une voie. D’autre part, éloigner les sources
de bruit des résidents et des usagers des
agglomérations n’est, dans la pratique, que
très rarement envisageable, du fait des coupures urbaines qui seraient ainsi créées [cf.
tableaux T1 et T2]. Le long du périphérique
parisien il faudrait, par exemple, compter
une distance d’atténuation de plus d’un
kilomètre pour atteindre 45 dB(A) en façade
d’immeuble. Cette hypothèse entre en
contradiction avec la volonté actuellement
marquée d’œuvrer à une ville dense.
Néanmoins, du point de vue des équipes
municipales et des services techniques
territoriaux, la lutte contre le bruit peut
comprendre un certain nombre d’approches proprement urbanistiques qui ne se
limitent pas à ces solutions classiques.
Type de routes
(véhicules/jour)
Autoroute
Trafic moyen
Distance d’atténuation (m)
journalier annuel pour atteindre 45 dB(A)
5 000
550 - 700
Distance d’atténuation (m)
pour atteindre 45 dB(A)
Type de voies
Nature du trafic
par jour
Plus de 50
1 400
Plus de 50
1 500
10 000
800 - 1 000
Ligne à grande
Voyageurs ou
20 000
1 100 - 1 400
vitesse (130 km/h)
Voyageurs + fret
50 000
1 750 - 2 100
Ligne classique
Voyageurs et fret
Route à chaussées séparées
5 000
470 - 650
(jusqu’à 200 km/h)
(110 km/h)
10 000
700 - 950
20 000
1 000 - 1 300
30 000
1 250 - 1 600
Route à chaussée unique
5 000
380 - 550
(90 km/h)
10 000
580 - 820
20 000
850 - 1150
(130 km/h)
Circulation
T2. Empreinte sonore pour les infrastructures
ferroviaires de transport 15
T1. Empreinte sonore pour les infrastructures
routières de transport 15
5
Figure 1 Entrée principale de Crescent Cove. Image David Baker + Partners Architects.
Figure 2 Les appartements du Quartier Nutheschlange à Potsdam.
Figure 3 Les jardins familiaux au Parc des Hautes Bruyères.
Figure 4 Couverture du boulevard périphérique au niveau de la Porte des Lilas. Image Philippe Guigna.
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des riverains. [Figure 2]
La présente étude porte principalement sur quatre
projets urbains qui ont abordé le problème des nuisances sonores par l’aménagement en privilégiant
des solutions à l’échelle du quartier. Cet aménagement recouvre des options telles que l’agencement des
bâtiments en fonction de leur utilisation ou la disposition d’immeubles par rapport aux sources de bruit.
En Ile-de-France, à Villejuif, le parc départemental
des Hautes Bruyères, entièrement aménagé en
fonction des nuisances acoustiques causées par
l’autoroute A6, sert de zone tampon verte qui protège du bruit routier les visiteurs du parc. [Figure 3]
Dans la mesure où elle peut faire l’objet d’une intervention des pouvoirs publics locaux, la question des liens
entre le bruit et la vitesse pratiquée sur les infrastructures majeures est abordée dans une fiche dédiée.
Les quatre références urbaines sont les suivantes :
Dans le projet résidentiel de Crescent Cove à San
Francisco, une rangée de maisons de ville fait
fonction de mur antibruit, l’aménagement du site
répondant aux nuisances sonores dues à une ligne
ferroviaire régionale et une autoroute surélevée.
[Figure 1]
En Allemagne, à Potsdam, les habitants du Quartier
Nutheschlange sont protégés du bruit provenant
d’une autoroute par une succession continue d’immeubles avec isolation acoustique intégrée. Un travail important sur le cadre paysager à l’intérieur du
site contribue à créer une zone calme à l’intention
6
A la frontière entre Paris et des communes limitrophes, la ZAC Porte des Lilas est une grande
opération de renouvellement urbain qui porte
notamment sur la couverture de deux tronçons du
boulevard périphérique. Sur les parties non-couvertes du boulevard, c’est l’agencement de locaux
et d’équipements municipaux qui protège du bruit
routier un second rang de résidences, commerces et
bureaux. [Figure 4]
La fiche technique qui constitue la dernière partie de
l’étude propose une vue d’ensemble sur les recherches
théoriques sur le lien entre réduction de la vitesse
autorisée sur des routes majeures et baisse du niveau
sonore, ainsi qu’un aperçu sur les villes qui sont passées à l’acte.
Pour les quatre références urbaines, une analyse
technique, réalisée grâce à un logiciel de cartographie
acoustique, Mithra, complète l’analyse urbanistique en
mesurant l’efficacité acoustique des choix opérés dans
le cadre de l’aménagement du site.
Les approches françaises et européennes du bruit dans la ville
En France
La réglementation française relative à la
lutte contre le bruit s’attache à limiter le bruit
des routes nouvelles ou faisant l’objet d’une
modification (article 12 de la loi n°92-1444
du 31 décembre 1992) et à réduire les nuisances sonores auxquelles sont exposés les
bâtiments nouveaux construits en bordure
d’infrastructures existantes (article 13)16.
Toutes les routes et rues dont le trafic journalier moyen annuel est supérieur à 5 000
véhicules par jour doivent être classées en
fonction de leur niveau sonore. Disposer d’un
tel classement fournit des critères permettant
de s’assurer, au travers du permis de construire,
que les futurs bâtiments érigés à proximité des
infrastructures bénéficient d’un certain niveau
d’isolation et de confort acoustique. Les dispositions législatives portent également sur
les émissions sonores des véhicules (cf. Arrêté
du 13 avril 1972 relatif au bruit des véhicules
automobiles).
Le plan national d’action contre le bruit,
élaboré en 2003, s’articule autour de plusieurs
points : l’isolation phonique des logements
soumis à un bruit excessif à proximité des aéroports ; une campagne de réhabilitation acous-
tique de crèches et d’écoles ; une meilleure
gestion des plaintes relatives au bruit de voisinage ; le développement de véhicules moins
bruyants ; la définition de nouveaux indicateurs de bruit et l’évaluation de l’impact des
nuisances sonores.
Pour les infrastructures de transports terrestres,
la réglementation française introduit les notions de Zone de bruit critique (ZBC) et Point
noir bruit (PNB). Une zone de bruit critique
est une zone urbanisée relativement continue
où le bruit dû aux infrastructures terrestres et
évalué en façades des bâtiments sensibles*
dépasse, selon les indicateurs définis, la valeur
limite de 70 dB(A) le jour et/ou 65 dB(A) la nuit.
Un Point noir du bruit est un bâtiment sensible
qui est localisé dans une zone de bruit critique
engendrée par au moins une infrastructure de
transport terrestre et qui répond aux critères
d’antériorité.
* On entend par bâtiment sensible un bâtiment composé
de locaux à usage d’habitations, d’enseignement, de
soins, de santé ou d’action sociale.
7
Au niveau européen
En 1996, la Commission européenne publie
le livre vert de la lutte contre le bruit, qui
traite pour la première fois des nuisances
sonores sous l’angle de la protection de
l’environnement. Il a pour objectif de porter la
lutte contre le bruit à un niveau plus élevé dans
l’échelle des priorités législatives.
En 2002, la Directive européenne 2002/49/
CE définit une « approche commune » dans le
cadre de la lutte contre les nuisances sonores,
visant à garantir l’information du public sur
l’exposition au bruit. Elle prévoit notamment la
réalisation de cartes de bruit stratégique (CBS),
établies sur la base de méthodes communes
aux pays européens et accessibles au public,
ainsi que des plans d’action autour des zones
bruyantes. Les CBS doivent être réalisées pour
les agglomérations de plus de 100 000 habitants et servent de base à des plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE).
La directive prévoit également la mise en
œuvre de politiques visant à réduire le niveau
d’exposition au bruit et à préserver des zones
calmes.
Figure 5 Crescent Cove dans son contexte urbain : au premier plan, le projet résidentiel (entouré en orange), situé entre la voie ferrée
au nord-ouest et l’autoroute 280 surélevée à l’est. “Downtown” à l’arrière plan. Image David Baker + Partners Architects.
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La question de bruit s’inscrit dans le cadre des
objectifs du développement durable ; elle constitue l’une des dix lignes d’action de la méthode @d
aménagement durable®.
Par ailleurs, des mesures destinées à réduire les
nuisances sonores dans la ville sont souvent efficaces pour lutter en même temps contre d’autres
types de pollution et de nuisance dans l’environnement : pollution de l’air et émissions de gaz à
effet de serre, voire sécurité routière. Traiter la
question du bruit peut avoir un impact positif sur l’environnement global : envisager des
véhicules moins polluants, réduire la vitesse en
ville, protéger des zones calmes et en créer des
nouvelles de proximité permettent d’améliorer
la qualité de vie des citoyens en s’attaquant de
front à plusieurs problèmes environnementaux.
La lutte contre le bruit doit faire partie d’une
approche globale pour traiter des nuisances
environnementales.
8
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Ambiance
Niveau de dB
Exemple
Calme
20 dB
Conversation à voix basse
Bruits courants
40 dB
Limite d’exposition sonore
nocturne recommandée par
l’OMS, sur une base de 8 heures
d’exposition17
55 dB
Limite d’exposition sonore
journalière recommandé par
l’OMS, sur une base de 16 heures d’exposition18
60 dB
Conversation normale
Bruyant
65 dB
Salle de classe
70 dB
Téléviseur, rue à gros trafic
Pénible, nocif
75 dB
Voiture, aspirateur
85 dB
Cantine scolaire
90 dB
Aboiement d’un chien, appareil
de bricolage (scie circulaire)
100 dB
Chaîne hi-fi, baladeur au niveau
maximum
110 dB
Concert de rock en plein air
120 dB
Voiture de course
140 dB
Avion au décollage
Difficilement supportable, dangereux
Seuil de la douleur
Qu’est-ce que le bruit ? Le bruit est un phénomène physique dû à une variation rapide
de la pression dans l’atmosphère. Le bruit
perçu est une sensation auditive qui est liée
physiologiquement au logarithme du niveau
de pression acoustique, ce qu’on appelle également le niveau sonore.
Quels niveaux sonores retrouve-t-on dans
Comment mesure-t-on le bruit? Le niveau
sonore d’un bruit s’exprime en une unité
logarithmique, le décibel, noté dB. Les appareils de mesure acoustique, tels que les
sonomètres, indiquent le niveau de pression
acoustique en décibels. Par contre, le niveau
exprimé en décibels ne reflète pas tout à fait
la perception de l’oreille. L’oreille humaine n’a
pas la même sensibilité au bruit à toutes les
fréquences: elle privilégie les fréquences médiums et, à une intensité identique, saisit plus
facilement les sont aigus que les sons graves.
Pour tenir compte de cette sensibilité spécifique de l’oreille humaine, on utilise souvent
un filtre de pondération fréquentiel appelé le
filtre de pondération A : le niveau sonore s’exprime alors en dB(A), le décibel pondéré A19.
Comment additionne-t-on deux niveaux
T3. Exemples de niveaux sonores
9
l’environnement ?ȱDans l’environnement, les
bruits audibles se situent entre 0 dB (le seuil
d’audition) et 140 dB, le seuil de la douleur
étant de 120 dB environ. Par contre, la gêne
acoustique est une notion très subjective et
n‘a pas une valeur absolue20. [cf. Tableau T3]
sonores ?ȱ Lorsqu’on est confronté à plusieurs
sources de bruit, il faut se rappeler que l’addition de deux niveaux sonores ne se fait pas
de la même manière que l’addition de deux
nombres classiques car la représentation du
bruit est une expression logarithmique : 60
dB + 60 dB ne font pas 120 dB. Lorsqu’on
additionne deux sources de même niveau,
toutes choses égales par ailleurs, le résultat
global augmente de 3 dB.
Si deux niveaux de bruit sont émis simultanément par deux sources sonores, et si le
premier est au moins supérieur de 10 dB(A)
au second, le bruit le plus fort « masque » le
plus faible: le niveau sonore résultant est le
plus grand des deux. Par exemple, si l’on est exposé au
passage simultané d’une voiture émettant 60 dB(A) et
d’un bus émettant 70 dB(A), le bruit du bus masquera
celui de la voiture et l’oreille n’enregistrera que le niveau
sonore du bus à 70 dB(A). On appelle ce phénomène
l’effet de masque.
Quels indicateurs utilise-t-on pour mesurer le bruit ?
Le niveau acoustique du bruit routier est un bruit fluctuant et instable qui varie avec le temps. Pour prendre
en compte l’aspect temporel du bruit fluctuant, on
recourt à différents indicateurs qui sont des formules
mathématiques représentant partiellement la sensation
acoustique vraiment perçue :
Indicateurs énergétiques : LAeq, Lden
LAeq, ou Leq, est la moyenne énergétique de la
variation du bruit au cours du temps et caractérise la
« dose » de bruit reçue pendant une durée donnée.
En France, on a adopté des périodes diurne (6h – 22h)
et nocturne (22h – 6h) comme référence pour le
calcul du LAeq. Les niveaux sonores des simulations
acoustiques dans la présente étude sont calculés en
LAeq (6h - 22h), conformément à la réglementation
française.
Lden (Level Day Evening Night), ou Ldn (Level Day
Night), est l’indice retenu par la Commission européenne. Calculé à partir de valeurs LAeq sur trois périodes de base (jour, soirée et nuit), cet indice pondère
négativement les périodes de soirée et de nuit : on
ajoute 5 dB(A) le soir et 10 dB(A) la nuit. Il a pour objet
d’aboutir à une meilleure représentation de la gêne
perçue par les riverains sur 24 heures.
Indicateur événementiel : Lmax
Lmax correspond au niveau sonore maximum produit
par un événement unique (par exemple, le passage
d’une voiture ou d’un train). Au contraire des autres
indicateurs, c’est une mesure physique qui correspond à la sensation acoustique vraiment perçue.
Cet indicateur permet de mieux prendre en compte
la gêne due à de larges fluctuations du bruit dans le
temps et d’évaluer les effets sur la santé de l’exposition
au bruit.
D’où vient le bruit routier ?ȱȱPour ce qui concerne le
bruit routier, le bruit provient du moteur et du contact
entre les pneus et la chaussée. Pour des vitesses inférieures à 50 km/h, ce sont les bruits de moteur qui prédominent. Pour des vitesses supérieures, sur autoroutes par
exemple, ce sont les bruits de contact entre les pneus et
la chaussée qui prédominent21.
10
La perception
du bruit
Une variation de bruit d’1
dB(A) est à peine perceptible.
Une variation de 3 dB(A) est
légèrement perceptible à
l’oreille, tandis qu’une variation de 6 dB(A) est nettement
perceptible.
Une variation d’environ 10
dB(A) correspond à une sensation auditive de « deux fois
plus fort ».
Le bruit produit par un poids
lourd équivaut à celui produit
par 4 à 7 véhicules légers, selon la vitesse de circulation.
··›Ž—ŒŽœ
1 Grange, Dorothée ; Chatignoux, Edouard ; Grémy, Isabelle, Les perceptions du bruit en
Ile-de-France, Rapport de l’Observatoire régional de santé d’Ile-de-France, mars 2009.
12 Livre vert de la Commission européenne, du 4 nov 1996, sur la politique future de
lutte contre le bruit [COM(96) 540]. Disponible à :
2 Situation de 1994
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:1996:0540:FIN:FR:PDF
3 Situation de 2005
13 STIF, op. cit.
4 STIF, « Le bruit et les transports en Ile-de-France» dans Mobilité et Transports en Ilede-France - Etat des lieux, rapport réalisé par le groupe « Mobilité et Transports » dans le
cadre de l’élaboration du future SDRIF, mars 2005.
14 Selon les estimations de la Division Etudes et Stratégie des Déplacements au sein
du Pôle Déplacements à la DRIEA.
15 Michel, Patrick et Monier, Thierry, BCEOM, L’évaluation environnementale des plans
et programmes de transport, rapport du Ministère de l’aménagement du territoire et
de l’environnement, France, 2001. Cité dans le rapport de l’IAURIF, Les zones de calme
et aménagement : étude exploratoire sur la notion de ‘zone de calme’, les enseignements
pour l’Ile-de-France, novembre 2006.
5 ADEME - CERTU, Agir contre l’effet de serre, la pollution de l’air et le bruit dans les plans
de déplacements urbains : Approches et méthodes, rapport coédité par le CERTU et
l’ADEME, juin 2008.
6 www.euro.who.int/Noise?language=French
16 Articles 12 et 13 de la loi française n°92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la
lutte contre le bruit.
7 Services de l’observation et des statistiques, « Comptes de la dépense de protection de l’environnement », mai 2009. Cité dans le rapport du Commissariat général au
développement durable, L’environnement en France. Edition 2010.
17 Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, op. cit.
18 Organisation mondiale de la santé (OMS), op. cit.
8 Disponible sur le site internet de la DRIEA : www.ile-de-france.equipement.gouv.fr /
rubrique.php3?id_rubrique=515
19, 20, 21 www.bruitparif.fr
9 Organisation mondiale de la santé (OMS), Guidelines for Community Noise, 1999.
10 Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, Night Noise Guidelines for Europe,
Copenhague, 2009.
11 Organisation mondiale de la santé (OMS), op. cit.
11
Crescent Cove | San Francisco (Etats-Unis)
informations clés
relatives au projet
Site : 1,44 ha
Programme : 236 logements
(soit 17 187 m²) destinés à
accueillir des ménages à revenu
modeste
Une disposition originale des
immeubles pour résoudre un
problème de nuisances sonores
très élevées
Sources principales de bruit:
une voie ferrée et une autoroute
Mesures acoustiques clés :
réalisation d’un immeuble écran
continu le long de la voie ferrée
et disposition originale de
bâtiments
Réduction de niveaux sonores atteinte : jusqu’à 15 dB(A),
suivant l’endroit
Coût estimé : 1 850 €/ m² SHON
MOA : The Related Companies
of California, San Francisco
Redevelopment Agency
MOE : David Baker + Partners
(architectes), Andrea Cochran
(paysagiste), Structural Design
Engineers, Bhatia Associates,
Nibbi Brothers
Figure 1 (gauche) Situation de Crescent Cove (en orange), qui s’inscrit au
vaste programme de rénovation urbaine du quartier Mission Bay, à l’est
à San Francisco. Figure 2 (droite) Crescent Cove, entouré en orange au
premier plan, à San Francisco. “Downtown” à l’arrière plan. Image David
Baker + Partners Architects.
—Žȱ™˜›’˜—ȱŽȱŸ’••ŽȱŽ—ȱ™•Ž’—Žȱ›·‘Š‹’•’Š’˜—
Crescent Cove s’inscrit dans le grand projet de rénovation urbaine que connaît actuellement le quartier de Mission Bay à San
Francisco, situé à l’est de la ville entre l’autoroute 280 et la baie de
San Francisco [Figure 1]. Couvrant quelques 123 hectares d’anciennes friches industrielles, le programme d’aménagement de
Mission Bay s’articule autour d’un nouveau campus de
Livré : 2007
12
recherche publique pour l’Université de Californie à San Francisco
et comprend 6 000 logements nouveaux dont un tiers accessibles
aux ménages à revenu modeste, plus de 400 000 m² de bureaux
dont une majorité dans le domaine des biotechnologies, près de
50 000m² de commerces, un hôtel, un hôpital, un nouveau réseau
d’espaces verts et de nouveaux équipements publics.
Žȱ™›˜‹•¸–Žȱžȱ‹›ž’ȱDZȱ
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Les infrastructures ferroviaires et routières ne donnent
pas uniquement au projet d’aménagement sa forme
triangulaire, elles sont également une source de bruit
extrêmement important et dont il fallait impérativement protéger les résidents sans donner l’impression
d’un espace aux dimensions trop restreintes. Au bruit
des véhicules de l’autoroute 280 qui débute en pleine
ville à l’est du site, il faut ajouter celui du trafic routier
de Seventh Street, une rue passante empruntée par
de nombreux poids lourds et située de l’autre côté de
la voie ferrée à l’ouest.
h
nt
ve
Se
Le projet résidentiel de Crescent Cove se situe au
nord-ouest de Mission Bay sur une ancienne décharge
de la compagnie ferroviaire CalTrain, au cœur d’une
zone industrielle en mutation. Les architectes ont
été confrontés à un site peu commun qui ne couvre
que 1,44 ha et comporte une difficulté majeure : sa
proximité immédiate sur un côté à la voie ferrée d’un
train de banlieue qui relie San Francisco et la Silicon
Valley, et sur un autre côté à une autoroute surélevée,
au trafic important. L’entrée principale du projet se fait
sur le sud, au niveau de Berry Street, une rue qui mène
aux commerces de proximité [Figure 3].
Figure 3 Crescent Cove, entouré en
orange, se trouve entre une voie ferrée
à l’ouest et une autoroute surélevée au
nord-est.
Le trafic ferroviaire reste néanmoins la source des niveaux sonores les plus élevés. Selon une étude acoustique réalisée en vue de l’aménagement proposé, le
passage du train induit des niveaux sonores extérieurs
de 76 Lden en moyenne en limite nord-ouest, avec des
niveaux maximum (Lmax) de 95 db(A) lors du passage
d’un train sur la voie la plus proche1. Le week-end, du
fait de la moindre fréquence des trains et de la diminution du trafic sur l’autoroute comme sur les rues avoi-
13
sinant le site, les niveaux sonores mesurés étaient de
10 à 12 dB(A) inférieurs à ceux de la semaine.
La réglementation acoustique de l’état de Californie
exige que le bruit à l’intérieur d’une habitation ne dépasse pas 45 dB(A) Lden. Elle requiert également que
toute nouvelle construction résidentielle située dans
un environnement où les niveaux sonores Lden dépassent 60 dB(A) soit soumise à une analyse acoustique2.
Figure 4 Esquisse conceptuelle de l’architecte : comment aborder le problème de bruit à Crescent Cove.
Image David Baker + Partners Architects (reprise par Marissa Plouin).
Réduire les nuisances sonores:
un immeuble écran protège
l’ensemble du site
žŽ••Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠžȱ™›˜‹•¸–ŽȱŽȱ
‹›ž’ǵȱ
Confrontés à un site soulevant de nombreuses
difficultés, notamment sur le plan acoustique,
les architectes ont misé sur un aménagement astucieux pour obtenir le plus grand impact sur le
plan sonore. La forme et l’orientation de l’ensemble des bâtiments, en particulier les façades extérieures continues des bâtiments en périmètre,
contribuent à créer un environnement sonore
conforme à la réglementation en vigueur dans
les espaces extérieurs (cours et jardins) aussi bien
qu’à l’intérieur des appartements.
Crescent Cove propose à la location 236 appartements et maisons de ville, tous destinés à accueillir des ménages à revenu modeste. L’ensemble du projet se compose de deux immeubles :
un immeuble écran incurvé qui épouse la courbe
de la voie ferrée au nord-ouest du site et un
deuxième immeuble en forme de main comprenant cinq bâtiments reliés par des couloirs en
verre [Figure 4].
14
Figure 5 (ci-dessous) Vue du projet depuis Berry Street : à gauche, la voie ferrée, derrière la grille ; au milieu, le profil de l’immeuble écran incurvé ; à droite, l’extrémité Est du principal bâtiment de l’immeuble “en
forme de main” qui jouxte Berry Street. Image David Baker + Partners Architects.
15
Figure 6 Immeuble écran (en jaune). Image David Baker + Partners Architects.
Figure 7 Immeuble en forme de main (en jaune). Image David Baker + Partners Architects.
L’immeuble écran de R+2 [Figure 6] propose
un mélange de studios en rez-de-chaussée
et de maisons de ville aux deux étages supérieurs. Cet immeuble est le dispositif acoustique clé du projet: sa forme incurvée suit la
courbe de la voie ferrée et forme un véritable
écran qui protège l’ensemble du projet des
niveaux sonores élevés provenant des trains.
La façade extérieure de l’immeuble comporte
plusieurs caractéristiques acoustiques notables : continuité et absence de fenêtres sur ses
183 m de long et 10,7 m de haut, épaisseur
acoustiquement renforcée (suivant l’endroit,
de 22 cm ou de 37 cm, par rapport aux 19 cm
d’un mur standard) ; toit incliné vers l’intérieur
pour gagner quelques mètres supplémentaires et obtenir un écran le plus haut possible
(le faîte est à 10,7 m de hauteur et le bord
inférieur à 8,5 m) [Figure 8]. Enfin, les pièces
à vivre, les fenêtres et l’aération sont situées
uniquement sur le côté calme de l’immeuble,
évitant ainsi les ouvertures dans la façade du
côté de la voie ferrée.
Cet immeuble sert effectivement de «mur»
antibruit intégré au projet – c’est d’ailleurs
ainsi que les architectes ont choisi de désigner cette rangée de logements (« soundwall
houses », littéralement : les maisons faisant
office de mur antibruit). L’immeuble crée
16
une barrière phonique continue entre la voie
ferrée et l’intérieur du projet, le bruit étant
réduit aussi bien dans les cours et les jardins
qu’à l’intérieur des appartements du second
immeuble.
L’immeuble en forme de main [Figure 7],
donnant sur Berry Street, comporte un bâtiment principal orienté sud, ainsi que quatre
bâtiments, appelés des « doigts » par les architectes, disposés à la verticale du bâtiment
principal. Ces cinq bâtiments de R+3 sont
reliés par des couloirs en verre transparents
qui donnent aux résidents une vue sur les jardins communs aménagés entre les «doigts».
Une petite ruelle sépare l’immeuble écran et
l’immeuble « en forme de main » pour donner
accès aux quelques places de stationnement
en pied d’immeubles ainsi qu’au parking situé
à l’est du site sous l’autoroute surélevée.
La disposition de cet immeuble a également
été conçue en fonction de sa performance
acoustique. En orientant les « doigts » vers
l’immeuble écran, les concepteurs ont réussi
à éloigner un maximum d’appartements de
la voie ferrée, principale source de bruit: la façade de la majorité des appartements donne
sur l’intérieur du site, offrant aux habitants
une vue sur les jardins. Cette forme inventive
assure une certaine densité au projet
(presque 164 logements/ha) tout
en permettant une utilisation optimisée des espaces extérieurs et en
limitant le vis-à-vis dans la mesure où
les bâtiments ne sont pas tout à fait
parallèles.
Le bâtiment principal de l’immeuble
« en forme de main » fait face à Berry
Street et comporte également une
façade continue d’environ 100 m de
long sur 14,3 m de haut qui sert à
protéger l’intérieur du site du bruit de
la rue [Figure 8].
D’autres mesures acoustiques
viennent renforcer l’aménagement
antibruit Si l’emplacement et l’orientation des immeubles, ainsi que la
réalisation de façades continues sur
les bâtiments situés en périphérie,
sont les procédés les plus efficaces en
matière acoustique sur l’ensemble du
site, des mesures plus classiques ont
été appliquées, telles que les portes
deux fois plus épaisses que les standards et les fenêtres à double vitrage
des appartements qui ne donnent
pas sur la cour intérieure.
Figure 8 Restitution numérique en 3D de Crescent Cove : l’immeuble écran incurvé à l’arrière plan ; l’immeuble “en forme de main” au premier plan.
Image David Baker + Partners Architects.
17
Figure 9 (à gauche) Vue des jardins entre les bâtiments. Image David Baker + Partners Architects.
Figure 10 (à droite) Espace collectif offrant notamment des tables, des bancs et des barbecues. Image Brian Rose.
18
Figure 11 Exposition acoustique. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.
ĜŒŠŒ’·ȱŠŒ˜žœ’šžŽȱžȱ™›˜“Ž
> 80.0
73.8 .. 80.0
67.5 .. 73.8
61.3 .. 67.5
55.0 .. 61.3
48.8 .. 55.0
42.5 .. 48.8
36.3 .. 42.5
30.0 .. 36.3
< 30.0
Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni des
estimations simulant l’efficacité acoustique du projet
d’aménagement. Les simulations, calculées en LAeq,
conformément à la réglementation française, sont représentées dans les Figures 11 à 15. Les logiciels acoustiques calculent les niveaux sonores de projets routiers à 2
m en avant des façades pour indiquer le bruit perçu par
un habitant situé près de sa fenêtre ouverte. Certaines
mesures de renforcement acoustique n’étant pas prises
en compte par les logiciels (fenêtres à double vitrage,
par exemple), les niveaux sonores indiqués restent
néanmoins des estimations pertinentes pour évaluer les
points forts ou faibles du projet sur le plan sonore.
Points forts du design
t L’immeuble écran longeant la voie ferrée est
l’élément acoustique clé du projet, qui absorbe
les niveaux sonores les plus forts: toute la façade
extérieure est exposée à des niveaux sonores provenant de la voie ferrée qui dépassent 70 dB(A),
alors que les niveaux de la façade intérieure de cet
immeuble sont entre 55 et 61,3 dB(A) [Figure 11].
t Les logements situés dans les bâtiments « en
forme de doigt » sont bien protégés du bruit
provenant de la voie ferrée, avec la plupart des niveaux sonores inférieurs à 60 dB(A), voire 55 dB(A)
en façade d’immeuble.
19
Points faibles du design
t A l’intérieur du projet, les étages supérieurs sont
plus exposés au bruit que les étages inférieurs.
Rappelons que l’immeuble « en forme de main »
est plus haut que l’immeuble écran : si les habitants au dernier étage peuvent ainsi profiter des
vues sur la ville, ils souffrent en contrepartie des
niveaux sonores plus élevés.
t Les quelques logements situés face à l’autoroute
[Figure 12] souffrent du bruit routier : aux étages supérieurs, les niveaux sonores dépassent
70 dB(A). A part quelques mesures acoustiques
classiques -- fenêtres à double vitrage et portes à
double épaisseur -- ce bâtiment à l’extrémité nordest du projet reste très exposé au bruit.
En résumé
La disposition d’un immeuble servant de mur antibruit
le long de la voie ferrée est d’une grande efficacité avec
une différence de plus de 15 dB(A) entre chaque face
de l’immeuble. On obtient un résultat proche pour les
bâtiments intérieurs.
Ces résultats permettent de supposer que le niveau
sonore au cœur de l’ensemble immobilier est très faible
et peut se comparer à celui d’une cour située au centre
d’un îlot urbain clos. Un tel aménagement est efficace
mais on ne négligera pas que les appartements situés du
côté des nuisances sonores sont constamment exposés à
un certain niveau de bruit.
En dB(A)
Figure 12 (en haut, à gauche) Exposition acoustique de l’immeuble écran du côté de la voie ferrée. Image
Benoit Petit et Michel Rudyj.
Figure 13 (en haut, à droite) Exposition acoustique des bâtiments “en forme de doigt” du côté de la voie ferrée. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.
Figure 14 (en bas, à droite) Exposition acoustique des bâtiments “en forme de doigt” du côté de l’autoroute.
Image Benoit Petit et Michel Rudyj.
Figure 15 (en bas, à gauche) Exposition acoustique de la partie de l’immeuble “ en forme de main “ du côté de
Berry Street. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.
20
Figure 16 (en haut) Vue de l’immeuble écran à partir de la voie ferrée. Image David Baker + Partners Architects.
Figure 17 (en bas) Vue de l’immeuble écran avec la fresque murale, en cours de réalisation. Image David Baker + Partners Architects.
21
Figure 18 (en haut) Entrée principale du projet sur Berry Street. Image David Baker + Partners Architects.
Figure 19 (en bas) Vue sur un bâtiment “doigt” et une cour intérieure. Image David Baker + Partners Architects.
Leçons et limites
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šžŽ•œȱŠ˜žœǰȱšžŽ••ŽȱŠ–‹’Š—ŒŽȱǵ
Un design réussi sur les plans acoustique et esthétique L’un des objectifs de l’équipe municipale était de
construire à l’intention de ménages à revenu modeste
des immeubles qui ne dénotent pas dans le reste du
parc immobilier. Les architectes ont relevé le défi en
proposant un design qui n’est pas seulement efficace
en matière de réduction des nuisances sonores, mais
qui, recherché et inventif, est également parfaitement
intégré aux environs. Rehaussé d’une grande variété
de couleurs, de textures et de matériaux, le projet se
distingue aussi par ses balcons en bois, sa halle d’entrée et ses couloirs en verre et en métal.
Réaliser des façades continues sur l’ensemble du périmètre du site était indispensable pour protéger l’intérieur du projet du bruit, mais les concepteurs ont ainsi
pris le risque de créer une sorte de « forteresse urbaine » qui resterait coupée de ses environs. Pour éviter
le sentiment de bloc massif et impénétrable, une
ruelle aménagée entre les deux immeubles permet
d’ajourer en quelque sorte la façade sur Berry Street.
Cette façade, où se situe l’entrée principale (construite
en verre sur deux niveaux) de l’immeuble « en forme
de main », se compose également d’un mélange de
22
baies vitrées, d’évidements, d’entrées piétons, de
terrasses privatives et de poches paysagères afin de
proposer une variété dans les textures et les reliefs.
Enfin, la forme triangulaire particulière au site a été
bien exploitée : la plupart des logements de l’immeuble « en forme de main » ouvrent sur la petite rue à
vocation résidentielle et sur Berry Street, tandis que
le parking, à l’est du site, a été localisé en dessous de
l’autoroute surélevée.
Une forte densité couplée avec des espaces extérieurs protégés Les habitants de Crescent Cove bénéficient d’un cadre agréable, où chaque appartement
est équipé d’un balcon ou d’une terrasse privative et
d’un accès direct aux jardins. Ceux-ci sont aménagés
entre les « doigts » et offrent des petits coins verdoyants et variés, agrément non négligeable pour un
projet résidentiel aussi dense (environ 164 logements
par hectare) situé en pleine ville. Les dispositifs acoustiques de l’immeuble écran permettent de réduire
les nuisances sonores dans les cours et les jardins,
rendant ainsi la fréquentation de ces espaces de plein
air très agréable. Des espaces extérieurs collectifs,
équipés de tables et de barbecues, sont mis à la disposition des habitants [Figure 10]. Un nouveau réseau
d’espaces verts et d’équipements publics est accessible juste en face de Crescent Cove, où les résidents
peuvent bénéficier des terrains sportifs de Mission
Creek. A un quart d’heure à pied, les habitants
peuvent également jouir d’une ballade piétonne sur
le « Bay Trail », un chemin piéton et cyclable de plus de
460 km aménagé le long de la baie de San Francisco
et qui, à terme, reliera 47 villes de la région.
Réduction du bruit, réduction des coûts de
construction des bâtiments « en forme de doigt »
Comme autre point fort du projet, il est apparu que
la réduction des nuisances sonores internes à l’îlot,
obtenue grâce à la disposition de l’immeuble écran, a
entrainé une baisse des coûts de renforcement acoustique, et donc de construction, des bâtiments « en
forme de doigt», qui sont situés à l’intérieur du site.
Accessibilité Crescent Cove se veut accessible à plusieurs sens du terme : accessible à des ménages à revenu modeste ; accessible aux transports en commun
locaux et régionaux (des bus et des tramways relient
Mission Bay au « downtown » et à d’autres quartiers
dans la ville, tandis que CalTrain propose une liaison
rapide avec la Silicon Valley) ; enfin, le projet jouit
d’une accessibilité piétonne à une gamme diversifiée
de services : une gare de train régional (10 minutes),
un supermarché (12 minutes), un réseau d’espaces
verts (2 minutes) et le stade de base-ball professionnel
(15 minutes).
žŽ••Žœȱ•’–’Žœȱǵ
Une façade continue sans fenêtres Malgré un design
réussi et un aménagement astucieux, il faut néanmoins se rappeler que l’on a affaire à un site qui présente, dès le départ, un grand nombre de contraintes
physiques : petite taille, forme triangulaire et surtout
proximité avec plusieurs sources importantes de nuisances sonores. L’aménagement de la façade continue
sans fenêtres face à la voie ferrée représente l’élément
clé du programme acoustique – mais il implique un
désavantage important pour les habitants de l’immeuble écran puisqu’ils ne disposent de fenêtres que
sur le côté intérieur du projet. Les avantages de cet
aménagement de façade l’ont emporté sur cet inconvénient, dans la mesure où celle-ci permet de réduire
significativement le niveau sonore sur l’ensemble du
projet ; faisant office de mur antibruit de presque 11
m de haut, sans le coût important qu’aurait représenté
l’édification d’un écran antibruit à part entière. Atout
esthétique, une fresque murale sur le côté voie ferrée,
réalisée par un artiste local, viendra embellir la façade
à l’avenir.
Quelle intégration du projet à un tissu urbain en
pleine mutation ?ȱ A terme, la ville prévoit un fort
développement résidentiel sur Berry Street, où Crescent Cove représenterait la pointe à l’ouest [Figure
1]. Un parc relié à un nouveau réseau d’espaces verts
dans Mission Bay a été récemment aménagé juste
23
en face de la halle d’entrée de Crescent Cove, offrant
aux habitants du projet la possibilité d’accéder à un
espace vert et à des équipements sportifs. Le projet
reste néanmoins entièrement coupé du tissu urbain
sur les côtés nord et ouest (voire à l’est, vue la coupure
symbolique créée par l’autoroute surélevée) et n’aura
jamais la possibilité de s’y ouvrir si les infrastructures
routières et ferroviaires lourdes demeurent. L’espoir de
la municipalité, qui reste à concrétiser, est que, grâce
au parc construit en face du projet et aux nouveaux
logements prévus à l’est sur Berry Street (dont certains
sont déjà réalisés), les habitants de Crescent Cove
aient à terme le sentiment de bénéficier d’une vraie
vie de quartier.
˜Žœ
1 Les indicateurs Lden et Lmax représentent les deux types
de nuisances acoustiques provenant de la voie ferrée : Lden,
un bruit « de fond », correspond aux niveaux acoustiques
moyens dus au roulement du train ; Lmax correspond aux
événements acoustiques « uniques », comme par exemple le
grincement des freins (bruit aigu de courte durée et plus fort
que le bruit de fond).
2 California Code of Regulations, Title 24. Dans la réglementation californienne, les niveaux sonores sont mesurés
en Lden, tandis que l’indicateur retenu dans le cadre de cette
étude est le LAeq.
Figure 20 Vue de la cour entre les immeubles en forme de doigt. Au fond, un couloir en métal et verre assure le lien entre les bâtiments.
Image David Baker + Partners Architects.
Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠŒ˜žœ’šžŽœȱ
proposées sont-elles
applicables ailleurs ?
‡ Au lieu de faire construire un mur
antibruit à part entière, aménager un immeuble avec une
longue façade en continu qui
serve d’écran acoustique face à la
source principale du bruit pour
protéger les autres bâtiments et
les espaces communs.
‡
Tirer parti de la réduction des
nuisances sonores induite par
la structure et la disposition des
bâtiments pour réaliser des
économies sur le coût éventuel
d’un mur antibruit ainsi que les
coûts de renforcement acoustique
d’autres bâtiments à l’intérieur
d’un même projet.
‡ A surface de bâtiment donnée,
gagner quelques mètres supplémentaires de protection acoustique grâce à un toit incliné vers
l’intérieur du projet.
24
Nutheschlange | Potsdam (Allemagne)
informations clés
relatives au projet
Site : 2,2 ha
Programme : un écoquartier
comprenant 223 appartements
locatifs, dont la moitié de
logements sociaux, au sein d’un
grand jardin partagé
Sources principales de bruit:
une autoroute
Mesures acoustiques clés : des
bâtiments reliés qui forment
ensemble un écran continu le
long de l’autoroute ; une grande
originalité dans la forme et la
disposition des bâtiments
Réduction de niveaux sonores atteinte : plus de 20 dB(A),
suivant l’endroit
Architectes : Hinrich et Doris
Baller
Gérant de la propriété :
ProPotsdam (anciennement
GEWOBA)
Livré : 2002
Dans un cadre paysager, des immeubles reliés entre eux font écran et créent un havre de calme à
quelques mètres d’une autoroute
—ŽȱŸ’••ŽȱŽ—ȱ–žŠ’˜—
Potsdam connaît depuis plusieurs années un processus important de rénovation urbaine, réponse à une pénurie de logements
qui affecte la ville depuis le début des années 1990. En 1997, un
groupe de travail réunissant cinq coopératives immobilières et
GEWOBA1 a été formé afin de moderniser et renouveler le parc
immobilier de Potsdam. Leur programme comprend la réhabilitation d’immeubles anciens et de bâtiments industriels, ainsi que
la construction de nouveaux logements. Œuvrant à un développement urbain global et coordonné, le programme travaille
également sur le réseau de transports, les infrastructures ainsi que
l’accès aux services et aux commerces.
25
Le quartier étudié, Nutheschlange, ou « serpent de la Nuthe »,
du nom d’une rivière qui coule à proximité, se trouve dans la
zone résidentielle du centre-est de la ville. Depuis le début des
années 2000, cette zone a bénéficié de 115 millions d’euros
d’investissement en vue de la réhabilitation du parc immobilier,
transformation qui s’est accompagnée d’un travail social soutenu
afin de susciter une vie de quartier. Inspirés par la très grande
place du jardin dans l’identité de Potsdam, les concepteurs des
différents projets d’aménagement ont profité de la tenue du
populaire festival national de l’horticulture dans la ville en 2001
pour mettre l’accent sur un cadre paysager marqué par la verdure.
Figure 1 (page précédente, à gauche) Situation de Potsdam.
Figure 2 (page précédente, centre) Situation du Nutheschlange à Potsdam.
Figure 3 (page précédente, à droite) Des appartements qui jouissent d’un beau cadre verdoyant.
Figure 4 (ci-dessous) Image satellite du Nutheschlange (dont son périmètre est entouré en orange) et ses environs.
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Le Nutheschlange a été aménagé sur un site
long et étroit de 2,2 ha, les 450 m de sa bordure
nord-est se situant à quelques mètres seulement
de la Nuthesiedlung, une autoroute de deux fois
deux voies qui relie Potsdam à Berlin [Figure 4].
En face du quartier, de l’autre côté de l’autoroute,
se trouve le parc Babelsberg, qui ne bénéficie
d’aucune protection acoustique. Dans la partie
du parc situé à proximité de l’autoroute, le trafic
routier génère une véritable gêne sonore pour
les promeneurs. Les niveaux sonores constatés
aujourd’hui dans le parc sont supérieurs à 75
dB(A) et peuvent être rapprochés de ceux que le
site de Nutheschlange connaissait avant l’aménagement du projet.
Si l’autoroute représente la source majeure des
nuisances sonores, le Humboldtring, une rue
à trafic modéré qui croise la Nuthestrasse au
nord-ouest, contribue également aux nuisances
acoustiques sur l’ensemble du site.
26
Figure 5 Plan masse du Nutheschlange. L’opération se trouve à proximité de deux sources de bruit routier : à l’ouest, une rue à trafic modéré, le Humboldtring, et au nord et à l’est, une
autoroute, le Nuthestrasse. Au sud, des immeubles se retrouvent, grâce au Nutheschlange, désormais protégée par du bruit autoroutier.
Réduire les nuisances sonores : une succession d’immeubles forme un écran de 400 m de long pour abriter le site
žŠ—ȱ•ȂŠž˜–˜‹’•ŽȱŒ¸Žȱ•Šȱ™•ŠŒŽȱŠžȱŒ’Š’—ȱ
Les architectes berlinois Hinrich et Doris Baller ont converti
des parkings et des garages en un havre de verdure comprenant 223 appartements locatifs, dont la moitié sont des
logements sociaux. En misant sur la forme et la disposition
des bâtiments, et quelques éléments de renforcement
acoustique, pour lutter contre les nuisances sonores, ils ont
proposé une offre immobilière qui se partage en trois types
d’immeuble :
t le long de l’autoroute, une succession d’immeubles
est intégrée à un écran antibruit. Il s’agit de dix
bâtiments de R+4 en forme de papillon, reliés par
des plaques de verre constituant le reste de l’écran
acoustique ;
‡ un grand immeuble de R+5 en terrasses étagées
situé à l’angle nord-ouest du site ;
‡ 24 maisons de pêcheur, perchées au-dessus d’un
étang en face de la rangée d’immeubles R+4.
Une petite ruelle piétonne menant au grand immeuble en
terrasses étagées sépare les dix bâtiments des maisons de
pécheur [Figure 5].
27
Figure 6 (ci-dessous) Plan masse de l’opération. En orange, les dix bâtiments en forme de papillon forment un écran le long de l’autoroute.
Žœȱ·•·–Ž—œȱžȱ™›˜“ŽȱȂŠ–·—ŠŽ–Ž—
Les différents aménagements constituant les solutions
trouvées par les architectes se composent de la succession de bâtiments reliés entre eux, de l’immeuble en
terrasses étagées, du jardin paysager et de plusieurs
éléments ponctuels.
0m
40
Dix bâtiments reliés entre eux par des plaques de verre
forment un écran le long de l’autoroute Le long de
l’autoroute, dix bâtiments en forme de papillon sont reliés
entre eux pour créer une façade continue de 400 m de
long et de presque 15m de haut. Le lien entre les bâtiments se fait au premier étage par des appartements et à
partir du deuxième étage par des plaques de verre, qui offrent une protection acoustique en même temps qu’une
vue dégagée sur le parc Babelsberg situé de l’autre côté
de l’autoroute. Ces dix bâtiments forment ainsi un écran
de 15 m de haut qui longe l’intégralité de la partie du site
jouxtant l’autoroute et protège ainsi l’ensemble du site du
bruit routier.
Chaque bâtiment comporte 16 appartements et repose
sur des pylônes répartis de façon à ce que le rez-dechaussée, qui sert de parking, soit ouvert uniquement sur
le côté de l’autoroute. Intercalée entre l’autoroute et la
succession d’immeubles écrans, une paroi d’une épaisseur
de 46 cm a été construite immédiatement devant l’immeuble du deuxième au quatrième étage pour accroître
la protection sonore des logements [Figures 7 et 9]. Grâce
28
à ce dispositif, l’ensemble des espaces situés derrière
l’écran échappe aux nuisances sonores.
Les architectes ont exploité la forme particulière d’un
papillon ouvrant les ailes pour lutter contre le bruit du
trafic routier, les « ailes » formant la façade la plus longue du bâtiment et se situant donc sur le côté extérieur
face à l’auto-route [Figure 6]. Ce qui était à l’origine un
inconvénient majeur du projet, la proximité immédiate
à une autoroute, a donné, en fait, l’occasion d’aménager un véritable havre de verdure à l’intérieur du site en
orientant les logements, les balcons et les terrasses vers
le côté calme, où des jardins luxuriants ont été aménagés
entre les bâtiments. Enfin, les pièces à vivre, orientées
vers l’intérieur du site et donc vers les jardins, ont vue sur
ceux-ci par l’entremise de vastes baies vitrées [Figure 8].
Seules les fenêtres de la cuisine se trouvent sur le côté
de l’autoroute, qui bénéficie cependant de la protection
acoustique renforcée.
Directement ouvert sur l’extérieur du projet, mais situé
en tranchée par rapport à l’autoroute, le rez-de-chaussée
des dix bâtiments héberge un long parking, s’étendant
sur 400 m. Ce parking semi-enterré reste non-fermé, donc
visible, du côté de l’autoroute, mais totalement invisible
depuis l’intérieur du site, où il est situé derrière un remblai
planté [Figure 7]. Cette disposition fait que même si la
voiture a sa place au Nutheschlange, on l’aperçoit suffisamment peu pour que les habitants puissent profiter
pleinement des jardins et des espaces extérieurs.
Figure 7 (ci-dessous) Coupe de l’un des bâiments en forme de papillon. Autoroute à gauche.
Image Baller Architectes (modifications apportées par l’auteur de l’étude).
29
30
Figure 8 (page précédente, à gauche) Des plaques en verre relient entre eux les dix bâtiments en forme de papillon et forment un écran acoustique protégeant les habitants du bruit, au même temps qu’ils permettent des perspectives sur le parc Babelsberg depuis l’intérieur du Nutheschlange. Image Jean-Michel Vincent.
Figure 9 (page précédente, en haut à droite) Vue depuis l’autoroute. Une paroi construite sur pilotis à partir du 2ème étage renforce la protection acoustique du Nutheschlange. Image Jean-Michel Vincent.
Figure 10 (page précédente, en bas à droite) L’intérieur du Nutheschlange, les maisons de pêcheur à gauche et les bâtiments en forme de papillon à droite. Image Jean-Michel Vincent.
Un grand immeuble à terrasses étagées situé à l’angle de
l’autoroute et d’une voie à trafic modéré A l’angle nordouest du site se situe un grand immeuble à terrasses qui, de
part sa grande taille, sa forme trapézoïdale et sa position à
la croisée de l’autoroute et du Humboldtring, représente un
dispositif acoustique secondaire du projet. Il crée une sorte
de bloc massif à la croisée de deux infrastructures routières,
contribuant ainsi à protéger l’intérieur du site du bruit
routier [Figure 11].
L’immeuble s’organise en deux grands niveaux fonctionnels : en bas, des parkings ; en haut, des appartements et
des jardins. Trois niveaux de parking peuvent accueillir 200
véhicules, avec un rez-de-chaussée semi-enterré qui rejoint
le parking de la rangée d’immeubles formant écran. Les
14 31
trois étages supérieurs hébergent 36 appartements répartis
sur des dalles dont la disposition se veut une évocation des
jardins de Babylone [Figure 12].
D’une surface allant de 60 à 70m², les appartements sont
tous de petite taille et orientés vers un grand jardin aménagé à l’intérieur du bâtiment. Certains bénéficient d’une
vue dégagée sur les jardins intérieurs, le parc Babelsberg ou
les tours du parc Babelsberg érigées au niveau de la rivière
Havel. La structure offre des possibilités d’évolution, telle que
la mise en commun de plusieurs appartements, puisque le
cloisonnement intérieur est constitué de placoplatre et que
seuls les piliers sont porteurs.
Figure 11 (page précédente, en haut à gauche) Plan masse. En orange, l’immeuble à terrasses étagées.
Figure 12 (page précédente, en bas à gauche) Coupe de l’immeuble à terrasses étagées. Image Baller
Architectes (modifications apportées par l’auteur de l’étude).
Figure 14 (à gauche, en haut) Plan masse. En orange, les maisons de pêcheur.
Figure 15 (à gauche, en bas) Coupe de l’une des maisons de pêcheur. Image Baller Architectes (modifications apportées par l’auteur de l’étude).
Figure 13 (page précédente, en bas à droite) L’immeuble à terrasses étagées.
Figure 16 (à droite) Maison de pêcheur. Image Jean-Michel Vincent.
Maisons de pêcheur perchées au-dessus d’un étang Perchées au-dessus
d’un étang d’environ 0,2 ha, 25 maisons
construites sur pilotis proposent des
duplex de 75 à 85 m². On entre dans
chaque maison en passant par un
ponton puis une véranda de 42 m² non
cloisonnés. A l’étage, on trouve deux
chambres et une salle de bain. Sous
les combles, 15m² sont prévus pour les
surfaces annexes et souvent utilisés
comme pièce d’appoint. Les façades
qui donnent sur l’étang disposent de
baies vitrées offrant une belle lumière
et une vue directe sur l’étang.
Ces maisons ne font l’objet d’aucune
mesure acoustique particulière : la disposition des deux autres types de bâtiment assure un faible niveau de bruit
à l’intérieur du site, dont ces maisons
paisibles sur l’étang bénéficient directement. La hauteur des maisons en duplex, bien inférieure à celle des autres
immeubles du site (le grand immeuble
de R+5 et la succession d’immeubles
écrans de R+4), est également issue d’un choix réfléchi de la part des
architectes : la hauteur des grands immeubles est un dispositif acoustique de
plus pour protéger les petites maisons
de pêcheur à l’intérieur du site.
32
Figure 17 La paysage joue un rôle majeur au sein du
Nutheschlange, l’une des inspirations du projet étant les
jardins de Babylone. Image Jean-Michel Vincent
žŽ••Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠžȱ™›˜‹•¸–ŽȱŽȱ
‹›ž’ȱȱǵ
Outre les éléments du programme, des mesures ponctuelles complètent les dispositifs
acoustiques.
La forme, la hauteur et la disposition des
trois types d’immeuble proposés par le
Nutheschlange constituent les mesures les
plus efficaces sur le plan acoustique. D’autres
éléments concentrés sur les dix bâtiments
« en forme de papillon », tels qu’un renforcement acoustique des logements à partir du
deuxième étage sur le côté de l’autoroute,
l’orientation des pièces à vivre, des balcons
et des terrasses vers l’intérieur du projet et
la quasi invisibilité de la voiture à l’intérieur
de celui-ci, viennent renforcer les principaux
dispositifs de lutte contre le bruit. La qualité
paysagère et naturelle du lieu qui donne des
bruits naturels (oiseaux, eau, bruissement
des feuilles), couplé à l’absence de voitures
à l’intérieur du projet, contribue à adoucir
davantage l’ambiance sonore du site.
33
> 80.0
73.8 .. 80.0
Figure 18 (en haut) Exposition
acoustique : plan.
Image Benoit Petit.
67.5 .. 73.8
Figure 19 (en bas) Exposition
acoustique : coupe.
Image Benoit Petit.
61.3 .. 67.5
55.0 .. 61.3
48.8 .. 55.0
42.5 .. 48.8
36.3 .. 42.5
30.0 .. 36.3
< 30.0
0
50.0m
34
Figure 20 (en bas) Exposition acoustique du Nutheschlange - vue depuis l’intérieur du projet. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.
Figure 21 (en bas) Exposition acoustique du Nutheschlange - vue depuis le sud, avec l’autoroute à droite. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.
En dB(A)
ĜŒŠŒ’·ȱŠŒ˜žœ’šžŽȱžȱ™›˜“Ž
Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni des estimations
simulant l’efficacité acoustique du projet d’aménagement. Les simulations,
calculées en LAeq, conformément à la réglementation française, sont
représentées dans les Figures 18 à 21.
Au vue de la complexité de certains details architecturaux de ce projet,
ainsi que des limites du logiciel Mithra, certains éléments ont dû être simplifiés lors de la réalisation des cartes acoustiques, notamment :
t la paroi qui en réalité part du deuxième étage des bâtiments « en
forme de papillon » part, dans les simulations acoustiques, du sol ;
t le matériau du revêtement en verre n’a pas pu être précisé ;
t la hauteur de la façade échelonnée de l’immeuble à terrasses étagées a dû être beaucoup simplifiée.
35
Les niveaux sonores indiqués sont donc des estimations, qui permettent néanmoins d’évaluer les points
forts et les points faibles du projet sur le plan sonore.
Points forts du design
t Les bâtiments situés le long de la source principale de bruit remplissent parfaitement leur
office d’écran antibruit. Si les niveaux sonores
atteignent plus de 74 dB(A) du côté de l’autoroute, la plupart de la zone du côté cour et jardin
est exposée à des niveaux acoustiques entre
49 et 55 dB(A), avec des niveaux légèrement
supérieurs à mesure qu’on approche à l’ouest du
projet.
t La hauteur des bâtiments longeant l’autoroute,
supérieure à celle des maisons situées derrière,
côté jardin, renforce la protection sonore pour
l’intérieur du projet.
t Les balcons formés entre les « ailes » des papillons sont très bien protégés du bruit. Il en est
de même pour les maisons perchées au dessus
de l’étang.
t Même certains immeubles qui étaient construites bien avant l’arrivée du Nutheschlange
profitent désormais de l’agencement du projet :
ils se trouvent nettement mieux protégés du
bruit routier grâce au bâti bien conçu sur le plan
acoustique.
Points faibles du design
t Les quelques espaces qui brisent la continuité
du front bâti le long des sources de bruit routier,
notamment entre l’immeuble à terrasses étagées et la succession d’immeubles « en forme de
papillon », laissent passer le bruit et font que les
habitants aux extrémités ouest et est sont moins
bien protégés sur le plan acoustique que ceux
qui se trouvent dans les appartements situés au
milieu du projet.
t Malgré son aspect massif, l’immeuble à terrasses
étagées n’a pas été conçu en longeur le long
du Humboldtring, ce qui laisse la partie ouest
moins protégée du bruit routier que le reste du
projet.
En résumé
En construisant un bloc immobilier qui fait obstacle
à la propagation du bruit, les architectes du Nutheschlange emploient une stratégie acoustique similaire
à celui des concepteurs du « Crescent Cove » à San
Francisco. Si les structures à Potsdam représentent
une plus grande originalité dans les formes, l’effet
acoustique de la disposition des immeubles est d’une
efficacité semblable : le coeur du projet est la partie la
mieux protégée sur le plan sonore, les espaces entre
les bâtiments aux extrémités du projet représentant
les quelques failles en termes acoustiques.
36
A la différence du Nutheschlange, le cas de Crescent
Cove présente un bâtiment épousant la voie ferrée qui
est moins élevé que les immeubles situés à l’intérieur
du projet. Les étages supérieurs de ces immeubles
sont donc plus exposés au bruit que les étages inférieurs. A Potsdam, les bâtiments « en forme de papillon » situés le long de la source de bruit sont plus
élevés que les maisons de pêcheur qui jouissent donc,
à l’intérieur du projet, d’une ambiance très calme.
Leçons et limites
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šžŽ•œȱŠ˜žœǰȱšžŽ••ŽȱŠ–‹’Š—ŒŽȱǵ
Des mesures acoustiques très efficaces L’écran
fonctionne très bien : on n’entend pas le trafic routier
depuis l’intérieur du site, tandis que de l’autre côté
de l’autoroute, aux abords du parc Babelsberg, les
nuisances sonores sont de l’ordre de 75 à 80 dB(A).
La protection acoustique est si efficace que l’écran
protège du bruit non seulement les résidents du
Nutheschlange, mais également ceux des immeubles
situés au sud-ouest du projet [Figures 4 et 18]. Auparavant, les habitants de ces immeubles n’étaient séparés
de l’autoroute que par des parkings et des garages
– installations peu qualitatives et sans réelle efficacité
pour protéger du bruit généré par le trafic de l’auto-
Figure 24 Les baies vitrées et les balcons permettent
aux habitants de profiter pleinement du paysage riche
à l’intérieur de l’opération. Image Jean-Michel Vincent.
37
Figure 25 (page suivante) Le projet urbain est totalement placé sous le
signe de la verdure.
route. Depuis la construction du nouveau quartier, ils
attribuent une nette amélioration de leur qualité de
vie à la réduction de bruit induite par l’agencement
des nouveaux bâtiments et à la jouissance d’un nouveau jardin paysager.
Une architecture originale L’architecte Hinrich
Baller est connu pour ses designs particuliers : « Si
c’est de travers, c’est Baller ! » est l’un des slogans qui
s’attachent à son œuvre. Nutheschlange n’échappe
pas à la règle : la forme originale des bâtiments
permet une protection acoustique améliorée ainsi
qu’une variété de perspectives et la création d’espaces
dynamiques – balcons, terrasses et autres coins et
recoins – qui ont été, depuis l’achèvement du projet,
appropriés par les habitants. Les baies vitrées donnant sur les jardins remplissent les appartements de
lumière. Le projet se veut évolutif dans la mesure où
les architectes ont prévu que des appartements dans
le grand immeuble puissent être recombinés et que le
rez-de-chaussée sans cloisons des maisons de pêcheur puisse être aménagé à la guise des habitants.
Un cadre paysager riche L’intérieur du Nutheschlange est totalement placé sous le signe de la verdure.
S’inspirant de la forte identité horticole et paysagère
de Potsdam, croisée avec une référence aux jardins
suspendus de Babylone, les architectes-paysagistes
ont créé une grande variété de paysages. La plupart
des appartements bénéficient d’une terrasse ou
d’un balcon privatif. Depuis les étages supérieurs, les
fenêtres comme les plaques de verre qui donnent
sur l’autoroute offrent une vue dégagée sur le grand
parc Babelsberg : même si un écran protège du bruit
l’intégralité du site, le projet n’est pas pour autant
isolé de ses environs. L’étang qui traverse le site est un
élément qui contribue fortement à recréer la présence
de la nature. Assurément, dans le Nutheschlange, le
promeneur n’a pas vraiment l’impression de se trouver
à quelques mètres seulement d’une autoroute.
vaste espace extérieur regroupant des espaces de jeux
et neuf jardins individuels, destinés aux familles.
Un écoquartier réussi Les concepteurs ont également intégré de nombreux éléments écologiques
au projet, tels qu’une toiture végétalisée sur le grand
immeuble (non accessible aux résidents), un réseau
de récupération des eaux de pluie, auquel l’étang est
intégré, des parkings à vélo au pied des immeubles.
Le projet parvient à être à la fois dense (environ 100
logements par hectare) et très verdoyant.
žŽ••Žœȱ•’–’Žœȱǵ
La mixité sociale et générationnelle représente un
autre objectif prioritaire du projet. Nutheschlange
propose une offre immobilière riche : les logements
sont destinés à des publics variés (la moitié sont des
logements sociaux), soit par la taille et le type proposé (allant du petit appartement dans un immeuble
de R+5 à la maison de pêcheur en duplex), soit par
l’accessibilité de certaines unités aux personnes âgées
ou handicapées. La dalle du parking du grand immeuble à terrasses étagées est en partie recouverte d’un
38
A l’intérieur du site, on n’entend plus la voiture – et on
ne la voit pas non plus : même si les parkings abritent 283 places de stationnement, leur disposition en
entresol, visible uniquement du côté de l’autoroute,
diminue la place de la voiture dans le projet, succès remarquable pour un projet urbain situé au bord d’une
autoroute.
Un design original mais peut-être compliqué Nutheschlange représente un cas réussi d’écoquartier
qui propose un cadre exceptionnel à ses habitants.
Cependant, la recherche d’originalité architecturale
a parfois pu l’emporter sur la facilité de construction
et la considération de la gestion du site. Aujourd’hui,
les gérants de la propriété constatent que les coûts
d’entretien sont élevés, notamment pour les espaces
verts, le système d’irrigation et le nettoyage régulier des plaques de verre, et qu’un certain nombre
d’appartements demandent déjà des rénovations
importantes.
˜Žœ
1 GEWOBA est une structure municipale créée en 1997 pour gérer
les biens immobiliers de la ville et fait désormais partie du groupe
d’entreprises Pro Potsdam.
Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠŒ˜žœ’šžŽœȱ
proposées sont-elles
applicables ailleurs ?
‡ Un écran antibruit réussi : Nutheschlange
montre qu’il est possible de relier plusieurs
bâtiments pour en faire une façade continue
qui protège tout le site du bruit routier. Une
telle protection a notamment permis de
réaliser un programme résidentiel varié qui
propose un mélange des types d’habitations.
Deux autres particularités de cet écran antibruit : les plaques de verre offrent un mur
transparent proposant des vues sur l’extérieur
du projet, et la réalisation d’un front bâti du
côté de l’autoroute qui s’insère très bien dans
le paysage.
‡ Une présence « invisible » de la voiture qui
ne circule pas à l’intérieur du site mais qui est
toutefois présente au rez-de-chaussée des
bâtiments.
‡ Un écoquartier qui offre une densité végétale remarquable, de nombreux éléments
écologiques ainsi qu’une mixité sociale et
générationnelle.
‡ Un cadre paysager riche qui contribue à
adoucir la perception du bruit à l’intérieur
du site : au cœur de la verdure et au bord d’un
étang, l’autoroute n’est qu’un souvenir lointain.
39
informations clés
relatives au projet
Porte des Lilas | Paris, Bagnolet, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais
Figure 1 (à gauche) Localisation de la ZAC Porte des
Lilas.
Surface : 25 ha
SHON construite : 125 000 m²
Figure 2 (à droite) Périmètre du projet d’aménagement,
situé de chaque côté du boulevard périphérique et à
cheval sur quatre communes.
Programme : 50 000 m2 de bureaux, 13 000 m2 de commerces,
5 500 m2 de pépinières d’entreprises, 4 000m2 d’hôtel, 6 500 m2 de
logements, des équipements ainsi
que des espaces verts
Sources principales de bruit : le
boulevard périphérique et la circulation autour de la Porte des Lilas
Mesures acoustiques clés :
couverture de deux tronçons du
boulevard périphérique, création
de zones tampons le long des axes
routiers bruyants, adoption d’une
forme urbaine privilégiant les emprises foncières importantes et des
façades en continu
Réduction de niveaux sonores
atteinte : jusqu’à 20 dB
Coût total de l’opération :
1 875 €/ m² SHON (aménagements
de la ZAC et couverture du bd
périphérique compris)
Aménageur : SEMAVIP
Architecte coordinateur : Agence
LLTR – Olivier Le Boursicot
Paysagiste : Philippe Hilaire
Un ensemble de mesures acoustiques, dont la couverture du boulevard
périphérique, pour composer avec un vaste tissu urbain existant
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Opération d’aménagement de 25 ha dans l’est parisien, la ZAC
Porte des Lilas s’inscrit dans le cadre du Grand projet de renouvellement urbain (GPRU) de la ville de Paris, dont l’objectif est
d’améliorer la qualité de vie des quartiers périphériques [Figure
1]. La ZAC s’étend, pour sa plus grande partie, sur deux arrondissements parisiens (19e et 20e) – en notant que la Porte des Lilas
est l’un des rares endroits où la ville de Paris possède du terrain
de l’autre côté du boulevard périphérique – et, pour une partie
plus petite, sur trois communes limitrophes : Les Lilas, Bagnolet
et Le Pré-Saint-Gervais [Figure 2].
40
Le projet consiste en deux éléments clés : la couverture de deux
tronçons du boulevard périphérique de part et d’autre d’un pont
existant, et l’aménagement d’un territoire couvrant les quelques
1,75 ha de la dalle de couverture ainsi que 23 ha situés à l’est du
boulevard périphérique entre l’avenue de Belvédère au nord et
le quartier Fougères au sud [Figure 3]. Au programme, une mixité
urbaine qui favorise le développement économique (50 000 m2
de bureaux, 13 000 m2 de commerces, activités artisanales et
PME, 5 500 m2 de pépinières d’entreprises), mais propose tout de
même 300 logements, une résidence universitaire, un établissement destiné aux personnes âgées, des équipements sportifs et
culturels, des équipements municipaux, une gare de bus et des
espaces verts dont 1,5 ha sur la dalle de la Porte des Lilas.
Figure 3 Plan masse de la Porte des Lilas. Image LTTR - Mairie du 20 arrondissement
41
Plusieurs objectifs président à ce projet qui vise à
aménager un « nouveau centre urbain » : améliorer
le cadre de vie des riverains en établissant une continuité urbaine entre Paris et les trois communes limitrophes, faire émerger un nouveau pôle économique
dans l’est parisien et favoriser la mixité urbaine par
l’implantation de programmes diversifiés (économiques, culturels et résidentiels).
Bien que le périmètre de la ZAC ait été créé en 1993,
le projet d’aménagement ne commence à prendre
forme qu’à partir de 2001. En 2003, le Conseil de Paris
approuve un programme de ZAC et le financement de
la couverture du périphérique. Après plusieurs années
de concertation entre les mairies concernées par le
projet et des associations de riverains, les travaux de
couverture sont réalisés entre 2005 et 2007. L’aménagement de la ZAC se fait progressivement, avec le lancement de la dernière phase de travaux de logements
prévu pour 2014.
Selon une étude de Bruitparif publiée en janvier 2010
dans le cadre d’une campagne de mesure du bruit
autour du périphérique parisien, « pour les riverains
exposés en façade du boulevard périphérique, il n’y
a jamais de répit, ni la nuit, ni le week-end, ni même
pendant les vacances scolaires ». Les niveaux sonores
sont importants dès 5 heures du matin et ce jusqu’à
minuit, avec une baisse la nuit, mais faible seulement.
Parmi les huit stations de mesures acoustiques mises
en place par Bruitparif lors de son étude, celle installée entre la Porte des Lilas et la Porte de Bagnolet a
enregistré les niveaux sonores moyens les plus élevés
pendant la journée (Lden) à 78,9 dB(A) aussi bien que
la nuit (Ln) à 72,3 dB(A). De tels niveaux font de ce
quartier l’une des Zones de bruit critique autour du
périphérique. Même si le boulevard périphérique est
la source de la plupart des nuisances sonores, il faut
également compter avec les niveaux acoustiques
élevés générés par la circulation sur les diverses voies
du quartier qui mènent au périphérique.
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Réduire les nuisances sonores :
une diversité de solutions antibruit
Le boulevard périphérique, axe routier parmi les plus
bruyants de Paris, touche plus de 100 000 habitants et
de nombreux emplois le long de son parcours.
—ŽȱŒ˜—’—ž’·ȱŽ—›ŽȱŠ›’œȱŽȱœŠȱ‹Š—•’ŽžŽȱ
La ZAC Porte des Lilas est un projet urbain à la fois
vaste et complexe, avec sa situation très symbolique,
42
à cheval sur la ville de Paris et la banlieue proche, sa
proximité à l’une des infrastructures routières les plus
fréquentées de la région, sa taille importante de 25ha
et son découpage administratif et politique impliquant cinq municipalités, des associations et des représentants de la ville de Paris ainsi que de la Région.
Face à la complexité de ce « millefeuille » institutionnel, les aménageurs devaient trouver un ensemble de
solutions d’échelles différentes pour répondre à des
ambitions et des contraintes diverses, y compris pour
les problèmes de nuisances sonores.
Dans un tel ensemble, une solution technique unique
ne saurait suffire pour diminuer les nuisances acoustiques dans toute la ZAC : même si la couverture du
boulevard périphérique représente la solution acoustique la plus emblématique de l’opération, d’autres
mesures antibruit ont également été entreprises. Des
zones tampons ont été créées à proximité de la source
du bruit pour protéger des fonctions plus « sensibles », et le choix d’une forme urbaine « massive »
privilégiant des emprises importantes et des façades
en continu luttent également contre les nuisances
acoustiques provenant d’autres rues à forte circulation. L’opération de couverture est donc une option
qui ne dispense pas de concevoir l’aménagement
même du quartier en réponse au bruit routier.
Figure 4 (en haut) Photo aérienne de la Porte des Lilas avant les travaux de couverture du boulevard périphérique. Image Philippe Guignard.
Figure 5 (en bas) Photo aérienne de la Porte des Lilas à la suite des travaux de couverture du boulevard périphérique, avant l’aménagement, d’un côté de la Place du Maquis du Vercors,
du parc Serge Gainsbourg et, de l’autre côté de la place, d’un cinéma indépendant, d’un local RATP et d’un espace cirque. Image Philippe Guignard.
Figure 6 (page suivante) Vue sur le bassin, avec en avant-plan le parc Serge Gainsbourg, amenagé sur la couverture du bd périphérique au niveau de la Porte des Lilas. Image SEMAVIP.
Quelles solutions
au problème de bruit?
La couverture du périphérique parisien :
« Je peux enfin ouvrir mes fenêtres » Le
boulevard périphérique a été couvert sur
deux tronçons : le premier de part et d’autre
de la Place du Maquis du Vercours, sur une
longueur de 100 m et au centre de l’anneau
de l’échangeur [Figures 4 et 5]; le second de
part et d’autre de la couverture existante
au niveau du Quartier Fougères, en prolongement de la dalle Léon-Frapié sur une
longueur d’environ 70 m. Au total, grâce à la
dalle, la couverture crée une nouvelle surface
de 1,75 ha.
Le recouvrement permet, en principe, de
satisfaire plusieurs ambitions à la fois :
réduire l’exposition des riverains aux nuisances sonores et à la pollution de l’air, ce
qui leur permet de pouvoir enfin ouvrir leurs
fenêtres. La couverture permet également de
tisser une continuité urbaine entre Paris et
les communes limitrophes et de dégager de
nouveaux espaces fonciers, soit en en créant
de nouveaux, avec, par exemple, les surfaces
créées sur la dalle, soit par la réduction des
nuisances auxquelles sont exposés les ter-
rains situés face à la nouvelle couverture,
ainsi rendus beaucoup plus attractifs et, partant, constructibles. Par exemple, le terrain
qui longe le boulevard René Fonck, depuis
longtemps délaissé à cause de sa proximité
au boulevard périphérique, a été « libéré »
des nuisances sonores et esthétiques les plus
intenses grâce à la couverture.
Créer des zones tampons le long des voies
urbaines les plus bruyantes Dans la mesure
où la couverture du boulevard périphérique
ne règle pas tous les problèmes acoustiques
de la ZAC, les aménageurs ont systématiquement disposé sur les lots les plus exposés au
bruit routier des fonctions moins sensibles
aux nuisances acoustiques – bureaux, commerces, équipements et activités [Figure 7].
Etablies à proximité des sources de bruit,
ces zones tampons protègent les fonctions
acoustiquement les plus sensibles, tels les
logements, en les éloignant de la source de
bruit et en faisant office d’écrans. Certaines
activités sensibles – une résidence étudiante
et un établissement destiné aux personnes
âgées – s’y intégrent néanmoins, grâce à leur
forme conçue en fonction de leur disposition
par rapport à la rue.
43
Figure 6 Perspective de la couverture du bd périphérique depuis le nord, le lot M à droite. Image Semavip.
44
Figure 7 (en haut) Vue sur le parvis : un nouveau cinéplex indépendent à gauche.
Image Semavip.
Figure 8 (à gauche) Le nouvel espace RATP, avoisinant l’espace cirque.
Image Semavip.
45
Figure 9 Vue du jardin Serge Gainsbourg, aménagé sur la couverture du bd périphérique au nord de la Place du Maquis. Image SEMAVIP.
Figure 10 (page suivainte) Plan masse de la ZAC Porte des Lilas. Image LTTR - Mairie du 20e arrondissement
46
Deux zones tampons sont visibles sur la vue
d’ensemble du plan d’aménagement de la ZAC:
(1) Lots F4 et G qui donnent sur la rue de Paris, entre
l’avenue René Fonck et la rue Raoul Wallenberg/rue
des Frères Flavien et (2) Lots B, I et J qui longent la
partie non-couverte du boulevard périphérique.
Lots F4 et G [Figure 10] A l’entrée de la ville des Lilas,
sur la très fréquentée rue de Paris, les lots F4 et G proposent un ensemble de bureaux avec des commerces
en rez-de-chaussée. L’emplacement de bureaux et
de commerces dans des immeubles de R+6 sur l’un
des axes principaux de la ZAC permet de concentrer
des fonctions économiques et de créer une entrée
de ville active et commerçante, contribuant ainsi à
l’ambition des aménageurs d’implanter un nouveau
pôle de développement économique. Cette disposition peut être propice aux activités situées le long de
la rue en leur permettant de profiter d’un accès aisé
au nouveau pôle de transports (métro, nouvelle gare
routière et, dès 2012, le prolongement de la ligne T3
du tramway) ainsi que de la visibilité qu’offre un tel
emplacement.
Lots B, I et J [Figure 10] Entre les deux tronçons
couverts du périphérique, une portion non couverte
fait face aux lots B (en partie), I et J. Les lots B et I, en
cours de programmation -- le plan masse ci-dessus
47
propose une forme des bâtiments à titre indicatif --,
accueilleront à terme des bureaux et des commerces,
tandis que le lot J est réservé à une déchetterie de la
ville de Paris. Cette zone tampon, composée de bureaux, de commerces et d’équipements municipaux,
servira à protéger l’ensemble des fonctions prévues
pour les lots C, D et E, qui intègrent un foyer pour
jeunes travailleurs, un foyer pour travailleurs migrants
et un foyer d’aide médicalisée, une résidence étudiante, deux crèches municipales, un centre d’accueil
d’urgence pour enfants et la cuisine centrale de la
Caisse des écoles du 20e arrondissement.
Figure 11 (à gauche, en haut) Vue des deux écrans acoustiques qui ont été réalisés au nord de la porte des Lilas, le long du boulevard périphérique
extérieur et de sa bretelle d’entrée . Image SEMAVIP.
Figure 12 (à gauche, en bas) Localisation des murs antibruit (traits orange) dans la ZAC. Image LTTR - Mairie du 20 arrondissement.
Figure 13 (à droite) La forme urbaine de la ZAC s’intègre dans le tissu urbain existant, privilégiant des emprises importantes et des immeubles qui
se joignent (ou presque) pour proner une façade continue faisant face au bruit routier. Image Benoit Petit et Marissa Plouin.
Une forme urbaine privilégiant les emprises
importantes et les immeubles en façade
continue A l’exception de la surface consacrée à l’infrastructure routière du boulevard
périphérique et aux espaces verts, l’ensemble
de la ZAC se compose d’îlots divisés en
plusieurs lots de taille importante [Figure 13].
Les structures déjà réalisées, dont certains
gros équipements ainsi que des ensembles
de bureaux, ont chacune une emprise foncière importante et une façade relativement
longue et continue. C’est une forme urbaine
« massive », performante sur le plan acoustique dans la mesure où elle est composée
d’un ensemble d’immeubles qui font écran
pour protéger les structures les plus sensibles
sur le plan sonore ainsi que le tissu urbain
existant.
Autres mesures acoustiques Des murs
antibruit [Figures 11 et 12] ont été réalisés le
long de la bretelle d’accès au périphérique
extérieur et la plupart des immeubles qui
lui font face ont peu de fenêtres, se sont vus
aménagé des cours à l’abri du bruit routier à
l’intérieur de l’îlot qui sont protégées par une
longue façade donnant sur la rue.
Par exemple, des deux côtés de la rue de Paris, chacun des lots F4 et G est composé d’un
seul immeuble de R+6 s’étendant le long de
l’îlot avec une façade en continu sur quelques
70 m. Les immeubles, avec leur emprise
considérable, leur hauteur importante et leur
façade continue, forment chacun un écran le
long de la rue qui permet, d’une part, de protéger des logements situés à l’arrière de ces
immeubles (les chambres de la résidence étudiante situées derrière le lot F4, par exemple)
et, d’autre part, d’aménager des cours et des
espaces verts au calme à l’intérieur de l’îlot.
48
Figure 14 (à gauche) Exposition acoustique : plan de la ZAC. A noter que le plan définitif de cette opération est toujours en cours de programmation. Image Benoit Petit.
Figure 15A (à droite, en haut) Exposition acoustique : coupe tirée du secteur nord non-couvert du bd périphérique au niveau de la Place des Lilas. Image Benoit Petit.
Figure 15B (à droite, au milieu) Exposition acoustique : coupe tirée au niveau du recouvrement du bd périphérique, au sud de la Place du Maquis. Image Benoit Petit.
Figure 15C (à droite, en bas) Exposition acoustique : coupe tirée du secteur sud recouvert du bd périphérique. Image Benoit Petit.
A
B
A
C
B
C
49
En dB(A)
Figure 16 Exposition acoustique de la ZAC, vue depuis le sud. Image Benoit Petit et Michel Rudyj
(modifications apportées par l’auteur de l’étude).
50
En dB(A)
Figure 17 Exposition acoustique de la ZAC, vue depuis le sud-ouest. Image Benoit Petit et Michel Rudyj
(modifications apportées par l’auteur de l’étude).
51
Figure 18 Plan acoustique de l’opération, avec des zones d’intérêt entourées de noir (A à E).
ĜŒŠŒ’·ȱŠŒ˜žœ’šžŽȱžȱ™›˜“Ž
A
E
C
B
C1
Place du
Maquis
D1
D
A
Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni
des estimations simulant l’efficacité acoustique du projet d’aménagement. Les simulations, calculées en LAeq,
conformément à la réglementation française, sont représentées dans les Figures 14 à 17.
Les données trafic fournies au logiciel sont des estimations. Les chiffres de l’avant-projet ne sont en effet plus
tout à fait valables dans la mesure où le réseau routier
d’origine a été modifié du fait du recouvrement du boulevard périphérique. Aujourd’hui, l’opération étant toujours
en travaux, de fortes perturbations de circulation ne permettent pas de constater les niveaux acoustiques calculés
par le logiciel.
Ensuite, l’opération est, dans sa topographie et ses formes
architecturales, compliquée à simuler. De plus, certains
éléments sont toujours en cours de programmation
(notamment les lots qui longent la partie non-couverte
du boulevard périphérique, au sud de l’ïlot D dans Figure
18) ce qui a obligé à formuler des hypothèses. D’autres
éléments du programme ont dû être simplifiés pour être
intégrés dans le logciel, notamment la forme des bâtiments possédant des hauteurs différentes. La topographie du terrain à certains endroits et le recouvrement du
boulevard périphérique a également été difficile à simuler
avec le logiciel Mithra.
52
Les cartes acoustiques proposées ici permettent néanmoins d’identifier les points forts et les points faibles du
design de l’opération sur le plan acoustique.
Dans l’analyse qui suit, les zones d’intérêt sont identifées
dans la Figure 18 ; on propose tout de même au lecteur
de se référer aux Figures 14 à 17 pour étudier les cartes
acoustiques.
Points forts du design
t Le recouvrement du boulevard périphérique limite
les niveaux sonores sur la dalle de part et d’autre de
la Place du Maquis [zone B dans Figure 18]: on remarque des niveaux sonores entre 61 et 67.5 dB(A)
sur la dalle, comparés à des niveaux nettement plus
élévés (supérieur à 80 dB(A)) sur les parties noncouvertes du boulevard [zone A].
t La disposition des immeubles donnant sur l’avenue
Réné Fonck [zones C-C1 et D-D1], qui consiste en
de longues façades entourant des cours intérieures,
réussit à bien protéger les cours intérieures. Cette
disposition offre aux usagers de l’immeuble des
pièces intérieures (côté cour), ainsi que des espaces
extérieurs, où l’on peut trouver le calme. Elle est
aussi efficace face au bruit routier provenant du
boulevard périphérique que face à celui provenant
des rues environnantes, telle que la rue de Paris
[entre les zones C-C1 et D-D1].
t
La forme « massive » des immeubles qui longent
le boulevard périphérique [zones C-C1 et D-D1]
protège bien le deuxième rang de bâtiments qui
se trouvent plus loin du boulevard [zone E].
Points faibles du design
t Si la couverture du boulevard périphérique réussit
à diminuer le bruit routier d’une vingtaine de
décibels, les niveaux sonores restent toute de
même relativement élévés sur la dalle [zone B].
Dans la mesure où l’opération prévoit d’élargir les
voies passant actuellement au-dessus du boulevard périphérique pour assurer une circulation
plus fluide, les riverains seront toujours, malgré
le recouvrement, exposés à des niveaux sonores
assez importants.
t Les zones tampons [zones C1 et D1, ainsi que le
secteur au sud de la zone D, pas encore construit,
qui est destiné à accueillir des bureaux, des
commerces et des équipements municipaux]
réussisent à éloigner les usages plus sensibles
(logements) des sources princpales de bruit, mais
c’est finalement la disposition et la forme de ces
immeubles qui jouent le rôle principal sur le plan
sonore. Les lieux les plus calmes se trouvent à l’intérieur des îlots, grâce à de longues façades et une
hauteur relativement élevée (allant de R+3 à R+8).
53
En résumé
L’ampleur de la réduction de bruit induite par le recouvrement sera, en partie, limitée par l’élargissement de
la voie actuelle qui créera une nouvelle source de bruit.
Si la couverture entraîne des gains non-négligeables
sur le plan acoustique, elle doit s’accompagner d’autres
mesures pour lutter contre un ensemble plus large de
nuisances sonores. La disposition et la forme des immeubles le long des axes routiers bruyants s’inscrivent
dans le cadre de telles mesures. Les immeubles permettent de faire obstacle au bruit environnant et protègent
ainsi les autres immeubles au deuxième rang (tels que
des logements, par exemple).
De manière générale, la couverture joue un rôle très
important dans la qualité de vie du quartier, sur les plans
symboliques et concrets -- notamment en tant qu’élément fédérateur entre Paris et les communes limitrophes.
Leçons et limites
ȱ˜›ŽȱŽœȱ’•ŠœȱDZȱ
šžŽ•œȱŠ˜žœǰȱšžŽ••ŽȱŠ–‹’Š—ŒŽȱǵ
Une porte ouverte entre territoires limitrophes
L’aménagement de la ZAC s’articule autour de son
élément emblématique, la couverture du boulevard
périphérique. La couverture joue un rôle symbolique
extrêmement important en instaurant, entre Paris et
les communes limitrophes, une continuité urbaine
qui permet aux riverains de part et d’autre de cette
ancienne coupure de bénéficier d’un ensemble des
nouveaux services et espaces de qualité : parcs, bibliothèque municipale, cirque, cinéma indépendant et
pôle multimodal de déplacements. L’aménagement
de la dalle de couverture est remarquable dans la
mesure où un espace qui était auparavant consacré au
passage de voitures – une fonction dont les riverains
subissaient les inconvénients (nuisances sonores,
pollution de l’air, pauvreté esthétique) – a été reconquis pour servir les habitants du quartier sous
forme d’espaces de détente, de loisirs, de rencontre et
d’échange. Au lieu d’une vue sur huit voies de trafic
routier à toute heure, les riverains jouissent maintenant d’une vue sur de la verdure.
Un ensemble de mesures acoustiques pour un vaste
projet d’aménagement A la couverture du boulevard
périphérique à la Porte des Lilas s’ajoutent d’autres solutions pour lutter contre le bruit routier : notamment,
des zones tampons le long des sources principales de
bruit et une forme urbaine « massive ». Cette diversité
d’interventions facilite l’application de ce qu’on pourrait appeler une « juste mesure antibruit » caractérisée
par un contexte, dans un projet aussi vaste que la ZAC
Porte des Lilas. Elle permet également d’entreprendre
des mesures efficaces et moins coûteuses que la couverture du boulevard périphérique qui ne règle pas
tous les problèmes de nuisances sonores.
Un développement durable La ZAC comportera
de nombreux bâtiments intégrant une dimension de
développement durable. Les deux immeubles sur les
lots F4 et G, par exemple, proposent par leur façade
différenciée une « lecture » écologique (soit entièrement vitrée pour laisser passer la lumière, soit protégée du soleil par des pare-soleils). La couverture au
niveau de la Place du Maquis du Vercors accueille un
jardin de 1,5 ha qui est conçu de manière durable en
misant sur la récupération des eaux et la gestion des
déchets verts.
Accent sur la mobilité : faciliter le déplacement et
les échanges en circulations douces et transports en
commun Les concepteurs de la ZAC ont également
misé sur la mobilité durable en améliorant le réseau
de transports en commun et de déplacements en
circulations douces. La Porte de Lilas se transformera
à terme en véritable pôle multimodal où les échanges
sont facilités : une nouvelle sortie de métro et une
nouvelle gare routière rejoignent l’extension de la
ligne T3 du tramway qui doit arriver à la Porte des
Lilas en 2012. Aux deux kilomètres de pistes cyclables
s’ajoutent une promenade verte traversant le quartier
à partir du jardin aménagé sur la dalle au niveau de
la Place du Maquis du Vercors. Au final, un lieu fortement marqué depuis des années par le trafic routier va
bénéficier d’une diminution de la place accordée à la
voiture, qui cédera du terrain à des modes de déplacement plus écologiques et moins bruyants
Une concertation modèle inédite Par sa méthode de concertation inclusive et inédite, le projet
d’aménagement a permis de faire participer une
diversité d’acteurs significative tout au long du processus. La création du Comité Intercommunal pour le
projet de couverture a impliqué des élus du Conseil
Général et Régional, les maires des trois communes
limitrophes, les maires du 19e et du 20e arrondissements parisiens, ainsi que le maire de Paris qui a piloté
l’opération. Cette coopération intercommunale a
permis de déboucher sur des accords touchant des
sujets sensibles tels que celui de l’emplacement dans
la ZAC de certaines fonctions peu attractives, comme
la déchetterie, par exemple.
54
Figure 19 Les pare-soleils protégeant les usagers du soleil permettent une lecture écologique par la façade de l’immeuble.
Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠŒ˜žœ’šžŽœȱ™›˜™˜œ·Žœȱ
sont-elles applicables ailleurs ?
‡ La couverture d’une voie rapide a été réalisée ailleurs en
Ile-de-France dans les zones très denses (notamment
sur le boulevard périphérique au niveau de la Porte de
Vanves ou sur l’autoroute A1 à Saint Denis; des travaux
sont également en cours sur l’autoroute A6 à Gentilly),
mais il s’agit d’une solution antibruit coûteuse dont
l’efficacité acoustique dépend de la mise en place
d’une stratégie de réduction de bruit des rues en surface. Ce type de mesure n’est envisageable que sur une
minorité d’infrastructures urbaines.
‡ Une forme urbaine « massive », plus performante
sur le plan acoustique : grandes emprises, fronts bâtis
continus, hauteur relativement importante (R+6). Pour
contrer l’éventuelle monotonie du rendu visuel de ce
choix, une attention architecturale a été portée sur le
relief, les matériaux et les couleurs : les deux immeubles
sur les lots F4 et G proposent par leur façade différenciée
une « lecture » écologique [Figure 19].
‡ Agencement stratégique des immeubles: création d’une
žŽ••Žœȱ•’–’Žœȱǵ
Coût extrêmement important d’une opération de couverture... La couverture du boulevard
périphérique reste une solution antibruit assez rare au vu du coût important de sa réalisation : la
couverture de la Porte des Lilas a réclamée un investissement de 99 millions d’euros, sans compter
les aménagements de la surface.
... pour une réduction modeste des niveaux sonores Même si les niveaux acoustiques restent
élevés aux abords de la portion couverte du boulevard périphérique, les gains sonores pour les habitants sont loin d’être négligeables. En outre, les riverains jouissent des effets positifs du recouvrement en termes esthétiques, pratiques et symboliques.
55
zone tampon de bureaux et de locaux à proximité de
la source du bruit afin de protéger des activités plus
sensibles, telles que les logements, les crèches, etc. Cela
reste une solution antibruit moins performante que la
disposition et la forme des bâtiments.
informations clés
relatives au projet
Parc des Hautes Bruyères | Villejuif
Un parc départemental
conçu en fonction des
nuisances sonores
Programme : Un parc départemental proposant des promenades botaniques guidées, un espace d’aventures archéologiques, un jardin de
silence, des jardins familiaux, des
terrains sportifs, des aires de jeux,
un jardin des plantes médicinales.
Au
tor
ou
te
A6
Surface : 23 ha
A quelques mètres seulement de l’autoroute
A6a et A6b – qui voit passer environ 240 000
véhicules par jour – un vaste parc urbain de 25
ha à Villejuif a été transformé en havre de paix
grâce à un aménagement alliant recherche
topographique, vestiges archéologiques et
qualité acoustique. Point le plus élevé du Valde-Marne, le parc départemental des Hautes
Bruyères culmine à 110 m. Son périmètre est
délimité au nord par l’Institut Gustave Roussy
et la redoute des Hautes Bruyères, au sud et
à l’est par des habitations dont la ZAC Hautes
Bruyères et à l’ouest par l’autoroute A6, source
principale de bruit sur l’ensemble du parc et
ses environs [Figure 2].
Source principale de bruit : trafic
routier de l’autoroute A6 à l’ouest
du parc
Mesures acoustiques clés : une
butte végétale de 7 m (côté parc)
élevée entre le parc et l’autoroute
et un « jardin de silence » à 12 m de
profondeur
Réduction de niveaux sonores
atteinte : jusqu’à 20 dB(A)
Paysagiste : Daniel Jarry, Conseil
général du Val-de-Marne
Livraison : ouvert depuis 1987,
aménagement progressif
Figure 1 (en haut, à gauche) Situation du Parc des Hautes Bruyères.
FIgure 2 (en haut, à droite) Vue aérienne du parc et de l’autoroute A6. Image Conseil Général du Val-de-Marne.
Figure 3 (en bas) Les jardins familiaux au coeur du parc.
56
Ancienne carrière de sablons et friche, la plupart du site a fait l’objet d’une exploitation industrielle jusqu’en 1995. Transformer le site en
immense espace vert public et en fonction du
bruit provenant de l’autoroute a marqué une
véritable reconquête d’un territoire jusqu’alors
jugé marginal et peu attractif.
7
Au
tor
ou
te
A6
4
1
5
2
3
6
1 Butte végétale
2 Espace archéologique
5 Jardin de silence
6 ZAC des Hautes Bruyères
3 Jardins familiaux
7 Institut Gustave Roussy
4 La redoute
57
100m
Figure 4 (page précédente) Plan d’aménagement du parc. Image Conseil Général du Val-de-Marne (modifications apportées par l’auteur).
Figure 5 (ci-dessous) L’extrémité ouest du parc (à gauche), situé en bordure d’un tronçon de l’autoroute A6.
—ȱŽ››Š’—ȱ˜—ȱ•Žȱ™Š¢œŠŽȱœŽȱŽœœ’—Žȱ
™Žžȱ¥ȱ™ŽžȱŽ™ž’œȱŸ’—ȬŒ’—šȱŠ—œ
Comme tout projet paysager de cette ampleur, le
projet évolue et se concrétise dans la durée, précise
Daniel Jarry, paysagiste du Conseil général du Valde-Marne et concepteur du projet d’aménagement
depuis une dizaine d’années. Les aménageurs ont dû
composer avec plusieurs contraintes, dont :
‡ une situation géographique en rebord de plateau
et en bordure d’une autoroute bruyante,
‡ une localisation dans une zone urbanisée comprenant des habitations, des infrastructures lourdes
et des équipements,
‡ la présence d’un certain nombre d’éléments
pré-existants à conserver ou à utiliser (carrières et
jardins familiaux, par exemple).
lisé dans la cancérologie et situé à proximité du parc.
Il est en outre prévu, d’ici quelques années, la
construction d’une nouvelle entrée du parc du côté de
l’Institut Gustave Roussy, le développement d’un pôle
international de formation, de recherche et d’innovation thérapeutique dédié à la cancérologie et relié
à l’Institut, ainsi que la construction des parkings. Le
nouvel accès au Parc des Hautes Bruyères depuis l’Institut permettra aux employés, qui fréquentent pour
l’instant peu le parc et se plaignent de ne pouvoir y
accéder facilement, d’en tirer pleinement profit.
Entamée en 1984, la première phase d’aménagement
couvrait 14 ha et comprenait un bassin, des plantations et des aires de jeux situés dans la partie sud-est
du site actuel, 85 jardins familiaux, un canal le long de
la ZAC Hautes Bruyères et quelques terrains de sport.
Au début des années 2000, une relance du projet
a prévu de porter la surface du parc à 23 ha avec la
création d’un espace d’aventures archéologiques, un
« jardin de silence » aménagé dans l’une des anciennes carrières de sablon et un jardin de plantes médicinales, en référence à l’Institut Gustave Roussy, spécia58
Žȱ™›˜‹•¸–Žȱžȱ‹›ž’ȱDZȱ•ȂŠž˜›˜žŽȱŜ
Situé en limite de l’A6a et l’A6b, le lieu connaissait
des niveaux sonores de l’ordre de 75 et 80 dB avant le
lancement de la deuxième phase d’aménagement en
2000. Les nuisances sonores figuraient donc parmi les
principales préoccupations du paysagiste lors de la
conception de l’ensemble paysager : quelles mesures
acoustiques prendre pour qu’un espace vert puisse
lutter efficacement contre le bruit de l’infrastructure
voisine ?
Réduire les nuisances sonores :
une zone tampon verte, une butte végétale, un jardin de silence
˜ž›šž˜’ȱ—Žȱ™Šœȱ
planter tout simplement des arbres pour
•žĴŽ›ȱŒ˜—›Žȱ•Žȱ‹›ž’ȱǵȱȱ
Selon les experts, un « écran »
de végétation est très peu
efficace pour faire obstacle au
bruit. Malgré leurs nombreux
avantages environnementaux,
esthétiques, et en termes
d’ambiance, les arbres ne présentent qu’un intérêt très limité sur le plan acoustique : une
bande forestière de 100 m
de profondeur n’apporte pas
plus de 3 à 5 dB d’atténuation
acoustique supplémentaire,
par rapport à une bande sans
aucune végétation1.
’›Ž›ȱ™Š›’ȱŽȱ•Šȱ·˜›Š™‘’ŽȱŽȱŽȱ•Ȃ‘’œ˜’›Žȱžȱ
•’Žžȱ™˜ž›ȱ•žĴŽ›ȱŒ˜—›Žȱ•Žȱ‹›ž’ȱ
Les 23 hectares du parc constituent avant tout une zone tampon verte qui isole les bâtiments de l’autoroute A6 et donc
des nuisances qu’elle génère – même si ce dispositif reste
relativement modeste en termes d‘efficacité acoustique. Afin
de réaliser un ensemble harmonieux sur les plans paysager
et acoustique, les concepteurs ont, en second lieu, tiré parti
de la géographie et se sont inspirés de l’histoire du lieu pour
concevoir le programme de diminution des niveaux sonores.
Butte végétale imposante et efficace, bien positionnée, parc
archéologique qui accentue l’effet acoustique de la butte,
jardin de silence dans une ancienne carrière, tels sont les trois
dispositifs emblématiques des aménagements réalisés.
žŽ••Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠžȱ™›˜‹•¸–ŽȱŽȱ‹›ž’ǵ
Une zone tampon verte Aux abords de l’une des infrastructures routières les plus importantes de la région, le Parc
des Hautes Bruyères sert de zone tampon verte isolant les
bâtiments de la source de bruit. L’éloignement seul n’était
pourtant guère suffisant. A son point le plus large, le parc ne
59
s’étend que sur 600 mètres. Pour une infrastructure routière
connaissant une telle circulation (un trafic moyen journalier
supérieur à 240 000 véhicules), il faut compter une distance
d’atténuation de 2 km environ pour atteindre 45 dB(A) en
façade d’immeuble, niveau sonore correspondant au niveau
de calme souhaitable pour les zones résidentielles2. D’autres
mesures acoustiques ont donc dû être entreprises.
Une butte végétale à cheval sur le parc et l’emprise autoroutière L’élément le plus efficace sur le plan sonore est une
butte végétale située en bordure ouest du parc [Figures 6 et
7]. Massive, elle fait jusqu’à 60 m de large. Afin de maximiser
l’efficacité acoustique de la butte et de diminuer son emprise
sur la superficie utile du parc lui-même, le Conseil général
a gagné 10 m supplémentaires en négociant avec l’Etat le positionnement de la butte à cheval sur le parc et sur l’emprise
autoroutière. Un écran acoustique, telle qu’une butte végétale, est d’autant plus efficace qu’il est situé près de la source
de bruit. Avantage supplémentaire, depuis le sommet de la
butte, à 110 m d’altitude, de belles vues s’offrent sur Paris et
la région.
La butte s’élève à environ cinq mètres du côté de l’autoroute
et à deux mètres de plus du côté du parc. Ces deux mètres
ont été gagnés par le creusement des parcelles destinées à
l’espace d’aventure archéologique, espace qui s’inscrit dans
l’histoire du lieu en référence aux premières occupations qui
remontent au néolithique. Ce creusement apporte ainsi un
renforcement, bien que modeste, de l’effet acoustique du
dispositif.
Figure 6 (en haut) La butte végétale, située
en bordure de l’autoroute A6 pour protèger
le parc du bruit routier.
Figure 7 (en bas) Vue de la butte végétale
depuis l’intérieur du parc.
60
Figure 8 Le jardin de silence,
l’Institut Gustave Roussy en
arrière plan.
Un jardin de silence installé dans une ancienne carrière industrielle Au cœur du parc se trouve un élément paysager porteur d’une symbolique forte : le jardin de silence. Les concepteurs ont conservé l’une des
anciennes carrières de sablons pour la transformer en
lieu de calme, d’observation et de méditation. Il s’agit
du point le plus bas et le plus silencieux du parc, situé
à 12m de profondeur, où les niveaux sonores sont de
l’ordre de 20 dB(A) de moins que ceux estimés ailleurs
dans le parc. La végétation caractéristique de la région
pousse librement dans cet amphithéâtre d’un hectare,
où les concepteurs ont souhaité préserver un aspect
« sauvage » au paysage [Figure 8].
Autres mesures acoustiques Le cadre paysager n’a
peut-être pas d’impact significatif sur le réel niveau
de bruit, mais il joue sur la perception de celui-ci. Lors
d’une promenade sur un chemin encadré de haies de
3 m, on se sent loin de la ville et de l’autoroute qui se
trouve à quelques 200 m. Cette perception est induite
par l’environnement naturel visuel et sonore : les sons
de la nature – chants d’oiseaux, écoulement d’eau,
bruissement de feuilles dans le vent – sont des bruits
souvent perçus comme agréables et donnent ainsi
l’impression de masquer les bruits moins plaisants du
trafic routier.
61
Afin de lutter contre une source de bruit bien plus
imprévue, les deux roues qui coupaient par le parc, les
concepteurs ont posé des installations aux entrées
pour empêcher le passage de motos et mobylettes.
Enfin, deux écrans antibruit ont été prévus en bordure
du parc aux endroits où la topographie ne permettait
pas la réalisation d’une butte -- mais leur réalisation a
pour l’instant été suspendue.
Figure 9 (en haut) Exposition acoustique : plan. Image Benoit Petit.
Figure 10 (en bas) Exposition acoustique : coupe. Image Benoit Petit.
C
D
ĜŒŠŒ’·ȱŠŒ˜žœ’šžŽȱžȱ™›˜“Ž
B
E
A
Les simulations de l’efficacité acoustique du parc, calculées en LAeq, conforme à
la réglementation française, sont représentées dans les Figures 9 et 10. Même s’il
s’agit d’estimations, les niveaux sonores indiqués restent pertinents lorsque l’on
souhaite évaluer les points forts et les points faibles du parc sur le plan sonore.
Points forts du design
t Les niveaux sonores diminuent à mesure qu’on s’éloigne de l’autoroute
[Figure 9], ce qui suggère que le parc sert, avant tout, de zone tampon
entre l’autoroute et les habitations de la ZAC Hautes Bruyères [zone E
dans la Figure 9].
‡ La Figure 9 permet de visualiser par différentiel l’efficacité de la butte végétale [zone A] car, on peut noter que les niveaux sonores sont supérieurs
à 73 dB(A) dans la zone B non-abritée de l’autoroute par la butte qui ne
couvre pas le parc dans toute sa longeur.
t La coupe [Figure 10] montre directement le rôle acoustique clé joué par
la topographie. La butte végétale empêche que le bruit provenant de
l’autoroute, où les niveaux sonores sont supérieurs à 80 dB(A), ne pénètre
de toute son intensité dans le parc : à l’intérieur de celui-ci, les niveaux
sonores sont, en moyenne, de 20 dB(A) de moins que ceux constatés sur
l’autoroute.
62
t
t
t
Le lieu le moins bruyant est le point le plus bas
du parc, c’est à dire le jardin de silence [zone C],
où les niveaux mésurés sont entre 42,5 et 48,8
dB(A) en moyenne -- presque deux fois moins
bruyant que l’autoroute.
Le positionnement du jardin de silence est
également ingenieux sur le plan sonore car il
profite d’une protection acoustique supplémentaire fournie par les structures de la redoute des Hautes Bruyères [zone D] qui font écran
au bruit routier.
L’ensemble des mesures antibruit contribue
à adoucir les niveaux sonores auxquels sont
exposés les habitants de la ZAC Hautes Bruyères, située à l’est du parc [zone E] : en façade de
l’immeuble les niveaux sonores sont inférieurs à
55 dB(A).
Points faibles du design
t Le bruit routier arrive à pénétrer dans le parc
en particulier par les endroits où aucun obstacle n’y fait écran. Comme on l’a signalé plus
haut, les concepteurs ont envisagé de prolonger l’écran de la butte végétale par deux murs
antibruit, mais leur réalisation est pour l’instant
suspendue. Ces protections supplémentaires
auraient pu améliorer davantage l’environnement sonore du parc.
En résumé
Dans le cadre d’un parc, la construction d’une butte
végétale pour lutter contre le bruit constitue une
solution particulièrement adaptée aux fonctions du
site. Néanmoins, elle reste difficilement envisageable
dans un autre contexte urbain eu égard à la surface
que doit avoir son emprise pour que la butte culmine
à une hauteur permettant une protection satisfaisante
contre le bruit.
Leçons et limites
Š›ŒȱŽœȱ
ŠžŽœȱ›ž¢¸›ŽœȱDZȱ
šžŽ•œȱŠ˜žœǰȱšžŽ••ŽȱŠ–‹’Š—ŒŽȱǵ
Reconquête d’un territoire peu attractif transformé
en espace de détente de qualité Les habitants
résidant à l’est et au sud du Parc des Hautes Bruyères
bénéficient du voisinage d’un site bien plus agréable que le terrain industriel et la friche qui s’y trouvaient auparavant. La transformation du site a permis
d’améliorer la qualité de vie des riverains sur plusieurs
plans, car ils jouissent non seulement de la proximité
immédiate d’un grand parc urbain mais également de
niveaux sonores moins gênants, grâce à la butte végétale qui a été élevée au bord de l’autoroute. Le
63
parc propose également des activités et des ambiances variées : sport, promenades, jardinage, activités
ludiques et éducatives.
Des mesures acoustiques adaptées à la particularité
du lieu Les concepteurs de cette zone tampon verte
ont réussi à concrétiser un ensemble de mesures qui
sont efficaces sur le plan acoustique en même temps
qu’elles s’appuient sur la topographie et l’histoire du
lieu. Opter pour une butte végétale est un dispositif
antibruit qui s’inscrit parfaitement dans le paysage
d’un parc – un mur anti bruit aurait eu un tout autre
impact visuel et paysager. La reconversion d’une carrière de sablons en jardin de silence répond à la fois
au besoin des citadins de disposer d’un espace de
calme et d’intimité en milieu urbain et à l’histoire du
site, tout comme le creusement de l’espace d’aventure
archéologique en contrebas de la butte évoque
l’histoire de l’occupation ancienne.
Žœȱœ˜•ž’˜—œȱŠŒ˜žœ’šžŽœȱ
proposées sont-elles
applicables ailleurs ?
‡ Créer une zone tampon
verte – mais attention, sauf
à disposer de très vastes
terrains, il faudrait souvent
envisager d’autres mesures
acoustiques pour réaliser
un environnement agréable
sur le plan sonore: butte
végétale, zones calmes voire
silencieuses.
‡ Bien que les aménagements
acoustiques du Parc des
Hautes Bruyères soient inspirés du contexte particulier du
lieu, ils pourraient être intégrés à des environnements
divers : par exemple, dans un
environnement naturel, on
peut travailler la topographie
d’un site (hauteurs et profondeurs) pour faire varier
les ambiances sonores et
visuelles.
Une expression paysagère permettant des échanges originaux avec le tissu urbain Un jardin de plantes médicinales
aménagé au nord-est du parc évoque l’Institut Gustave Roussy, un éminent centre de santé et de recherche oncologique.
Des jardins familiaux ont été conservés à l’angle sud-ouest du
parc et font le lien avec les habitations : les parcelles individuelles et individualisées de ces jardins, protégés par des abris
signés Renzo Piano, proposent une transition douce aux petites maisons individuelles regroupées au sud. Enfin, une butte
plantée protégeant le site du bruit routier semble être l’écran
idéal pour un tel parc urbain.
Un lieu en évolution, en mouvement L’aménagement du
parc se faisant progressivement depuis un quart de siècle,
l’évolution du lieu a permis aux concepteurs successifs de bien
l’intégrer à ses environs, voire d’anticiper les changements
futurs. Le parc s’est d’abord développé dans ce qui est actuellement sa partie sud, juste en face des habitations et notamment la ZAC des Hautes Bruyères, lorsque des plantations
et des aires de jeux ont été aménagées pour les nouveaux
résidents. Les jardins familiaux, installés en 1990, ont pu être
rénovés puis reliés aux éléments paysagers hétéroclites de
l’époque. L’agrandissement du parc a imposé la réalisation de
mesures acoustiques importantes, dont la butte et le jardin de
silence. Bientôt, le parc s’ouvrira vers la station de la nouvelle
ligne de tramway, T7, qui reliera Villejuif à Athis-Mons, ainsi
que vers un campus de cancérologie relié à l’Institut Gustave
Roussy.
64
žŽ••Žœȱ•’–’Žœȱǵȱ
Des dispositifs sonores suffisamment efficaces ? Si l’espace
vert n’est pas en tant que tel une mesure acoustique, il constitue cependant une mesure d’éloignement de la source
qui comporte nombre d’avantages pour les riverains. Le parc
occupe une surface qui équivaut presque à celle de la ZAC
Porte des Lilas, vaste opération d’aménagement proposant
quelques 125 000 m2 de SHON construite à la porte de Paris.
L’aménagement d’un programme urbain mixte sur le site du
Parc des Hautes Bruyères aurait peut-être pu entrainer des
réductions sonores plus importantes, avec, par exemple, la
construction d’une rangée de bâtiments « écrans » au bord de
l’autoroute, comme l’on a vu à Crescent Cove à San Francisco
ou à Nutheschlange à Potsdam. Le choix d’aménager un vaste
espace vert est néanmoins un tout autre geste urbanistique et
paysager, qui sert d’autres ambitions du département comme
de proposer une zone calme en milieu urbain, d’améliorer la
qualité de vie des riverains ou de développer une coulée verte
départementale.
Références
1
Simons, Jean-Laurent; « Recommandations du vade-mecum du bruit routier urbain »,
Présentation lors la conférence de Bruxelles Environnement, « Le bruit des transports à
Bruxelles. Nouvelle cartographie : outil et exemples de bons aménagements », le 4 mai
2010 à Bruxelles.
2 Michel, Patrick et Monier, Thierry, BCEOM, L’évaluation environnementale des plans
et programmes de transport, rapport du Ministère de l’aménagement du territoire et
de l’environnement, France, 2001. Cité dans le rapport de l’IAURIF, Les zones de calme et
aménagement : étude exploratoire sur la notion de ‘zone de calme’, les enseignements
pour l’Ile-de-France, novembre 2006.
Réduire la vitesse, réduire le bruit
FICHE TECHNIQUE
D
e Grenoble à Hambourg, de Fribourg-en-Brisgau
à Gleisdorf, on passe à l’acte : de plus en plus de
collectivités françaises et européennes mettent
en œuvre des mesures de réduction de vitesse
en centre-ville ou sur des routes majeures qui
passent à proximité d’habitations. Si réduire la vitesse routière
s’inscrit souvent dans le cadre d’un programme lié à l’amélioration de la sécurité routière ou à la qualité de l’air, cela peut
également avoir un impact positif sur l’environnement sonore.
Alors que les quatre projets urbains analysés dans la présente
étude proposent des solutions pour lutter contre le bruit par la
voie de l’aménagement, ce dernier chapitre étudie un moyen
de limiter les émissions sonores en amont, en affrontant le
bruit à la source, notamment sur les infrastructures routières
majeures (grande artère, voie rapide, autoroute).
Quelques illustrations :
‡ Sur une autoroute à Gleisdorf, en Autriche, un système
automatique de réduction de vitesse se déclenche lorsque
le niveau acoustique est trop élevé.
‡ A Fribourg-en-Brisgau, un tronçon d’une voie rapide qui
passe à proximité des habitations en centre-ville devient
une zone 30 entre 22h et 6h pour limiter les nuisances sonores nocturnes auxquelles sont exposées les riverains.
‡ Dans l’agglomération grenobloise, la mise en place,
aujourd’hui à l’étude, d’une « autoroute apaisée » à haut
niveau de service (AA HNS), où la vitesse serait limitée à 70
km/h, se veut un moyen de limiter l’étalement urbain et de
fiabiliser les temps de parcours dans le territoire1.
65
‡ Depuis 1990, des collectivités allemandes comme
Hambourg mettent en place un programme global de lutte
contre le bruit dont une mesure phare consiste à réduire la
vitesse. Du petit village à la métropole, plus de 200 plans
d’actions contre le bruit ont été élaborés.
žŽ•ȱ•’Ž—ȱŽ—›Žȱ•Žȱ‹›ž’ȱŽȱ•ŠȱŸ’ŽœœŽȱǵ
Le lien entre vitesse et bruit dépend d’un certain nombre de
facteurs – fluidité du trafic, proportion de poids lourds, type de
revêtement et type de conduite, par exemple – mais les chercheurs s’accordent pour affirmer que, toutes choses égales par
ailleurs, en réduisant la vitesse, on réduit le niveau sonore.
Le lien entre le bruit et la vitesse est illustré dans les Graphiques
1 (véhicules légers) et 2 (poids lourds), issus de la méthode de
prévision de bruit routier actuellement utilisée en France. Ces
courbes de Lmax montrent, par exemple, que sur un revêtement standard et pour des véhicules légers, passer d’une
vitesse de 120 km/h à 90 km/h permet de diminuer le niveau
sonore réellement perçu de 4 dB(A). La même diminution
sonore est obtenue en passant de 90km/h à 70km/h pour les
poids lourds.
Comme l’indiquent également les calculs en LAeq présentés
dans le Tableau 1 et le Graphique 3, l’impact d’une réduction de
vitesse sur l’environnement acoustique est également mesurable en termes d’énergie sonore, le LAeq étant un indicateur très
souvent utilisé dans les réglementations.
G2. Valeurs d’émission de bruit sur une route
horizontale (allure stabilisée).
Poids lourds
G1. Valeurs d’émission de bruit sur une route
horizontale (allure stabilisée).
Véhicules légers
Légende
R1
R2
R3
Source : INRETS, extrait du volume Emission de la méthode
de prévision de bruit routier actuellement utilisée en France.
Remerciements à Joël Lelong.
Revêtement “silencieux” (drainant/poreux)
Revêtement “classique” (souvent en ville)
Revêtement “bruyant” (gravilloné, souvent à la campagne)
Composante moteur
66
En-dessous de 30 km/h, le bruit du moteur prédomine parmi les émissions acoustiques et il n’y a qu’un
intérêt limité à réduire la vitesse pour améliorer la
qualité de l’environnement sonore – sauf bien sûr si
l’ensemble du parc automobile est électrique, donc
avec des moteurs peu bruyants. A des vitesses supérieures, une mesure de réduction de vitesse peut
être efficace seule mais également se coupler avec
d’autres mesures antibruit pour renforcer son action.
Réduire la vitesse s’inscrit également très favorablement dans le cadre d’un programme d’amélioration
de la sécurité routière ou de la qualité de l’air. En
effet, réduire la vitesse sur la route entraine un
quadruple effet positif sur l’environnement sonore,
la qualité de l’air, la sécurité routière et la valeur
urbaine pour les zones riveraines, pour un coût
en infrastructures négligeable. C’est également,
comme propose le cas de Grenoble, un moyen de
maîtriser l’organisation du territoire, en favorisant
l’accessibilité aux services.
řǯȱ’ŽœœŽȱŽȱ—’ŸŽŠžȱœ˜—˜›ŽȱŽ—ȱŽš2
Réduction de vitesse
Réduction de bruit (LAEQ, dB) Réduction de bruit (LAEQ, dB)
(véhicules légers)
(poids lourds)
de 130 à 120 km/h
1,0
--
de 120 à 110 km/h
1,1
--
de 110 à 100 km/h
1,2
--
de 100 à 90 km/h
1,3
1,0
de 90 à 80 km/h
1,5
1,1
de 80 à 70 km/h
1,7
1,2
de 70 à 60 km/h
1,9
1,4
de 60 à 50 km/h
2,3
1,7
de 50 à 40 km/h
2,8
2,1
de 40 à 30 km/h
3,6
2,7
ŗǯȱ·•Ž–Ž—Ž›ȱ•ŠȱŸ’ŽœœŽȱDZȱŽěŽœȱœž›ȱ•Žœȱ—’ŸŽŠž¡ȱœ˜—˜›Žœ3
67
žŽ•šžŽœȱŒ˜—œ’·›Š’˜—œȱ
sur la réduction de vitesse
par exemple) ne rencontre que des feux verts sur son
parcours. Ce dispositif pourra être mis à l’œuvre sur une
grande artère, par exemple.
Si les mesures théoriques proposées dans les illustrations ci-dessus nous aident à comprendre la relation
générale entre le bruit et la vitesse, la réduction de
vitesse est une mesure de gestion du trafic dont l’efficacité, en termes d’impact sonore, peut être renforcée
ou amoindrie en fonction d’un certain nombre de
paramètres : fluidité et volume du trafic (différant aux
heures de pointe et aux heures creuses), vitesse effectivement pratiquée sur la route, composition du trafic
(véhicules légers, poids lourds, deux roues).
Si l’impact de la fluidité sur le niveau sonore varie en
fonction de la vitesse pratiquée, l’idéal sur le plan
acoustique est une circulation fluide à une vitesse
limitée et respectée.
Fluidité du trafic Une circulation fluide est, a priori,
positive pour le niveau sonore. Un trafic caractérisé par
beaucoup d’accélérations et de décélérations provoque des événements bruyants et donc plus de gêne
acoustique. Par exemple, un véhicule roulant à 30 km/h
et qui accélère génère une augmentation du niveau
sonore de 2 dB en moyenne.
La fluidité peut néanmoins entrainer l’inverse de l’effet
désiré si des dispositifs ne sont pas mis en place pour
faire respecter la limite de vitesse. Une circulation fluide risque parfois d’inciter les automobilistes à profiter
de la moindre présence de véhicules pour augmenter
la vitesse pratiquée, et, par suite, le niveau sonore. Un
dispositif à l’œuvre pour favoriser la fluidité et contrôler la vitesse consiste à établir des « ondes vertes ». Il
s’agit d’un phasage optimal des feux tel qu’un flot de
véhicules circulant à la vitesse souhaitée (à 50 km/h,
Volume du trafic Le volume de trafic a un impact
direct sur les émissions sonores : toutes choses égales
par ailleurs, plus les véhicules sont nombreux sur la
route plus il y a de bruit pour les riverains. Le Tableau 2
indique la relation entre le volume de trafic et le niveau
sonore. Cependant, la nature logarithmique de l’échelle
de décibels fait que, quel que soit le nombre total de
véhicules à l’origine, diviser par deux le trafic conduit à
une diminution du niveau sonore de 3 dB (LAeq)4.
Réduire le volume de trafic conduit à une diminution
du bruit mais peut induire des effets indésirables. Une
diminution du nombre véhicules se traduit souvent
par un gain de fluidité ce qui peut, on vient de le voir,
inciter les automobilistes à rouler plus vite et donc à
générer plus de bruit.
68
Réduction du
volume de trafic
Réduction de
niveau sonore (LAeq, dB)
10 %
0.5
20 %
1.0
30 %
1.6
40 %
2.2
50 %
3.0
75 %
6.0
Řǯȱ쎝œȱŽȱ›·žŒ’˜—ȱŽȱŸ˜•ž–ŽȱŽȱ›ŠęŒȱ
sur le niveau sonore5
Figure 1 Un panneau autrichien : « La vitesse, c’est bruyant ! »
* Un événement bruyant, tel que le
passage d’un poids lourd, produit un
bruit plus fort mais ponctuel par rapport au bruit de fond de la circulation.
L’indicateur Lmax correspond au niveau
sonore maximum produit par cet événement unique.
Composition du trafic Le niveau sonore varie également
en fonction du type de véhicules : véhicules légers, poids
lourds et deux roues.
‡ Les poids lourds En ville ou à des vitesses basses, un
poids lourd est plus bruyant qu’un véhicule léger :
ses émissions acoustiques peuvent, selon sa vitesse,
surpasser celles produites par six véhicules légers,
l’écart étant plus important à des vitesses basses.
Les poids lourds sont également une source importante de gêne la nuit à cause des événements bruyants qu’ils produisent, surtout lorsqu’ils sont plus
nombreux sur la route par rapport aux voitures. Dans
la mesure où ces événements bruyants sont peu ou
pas pris en compte par les mesures en LAeq, les données théoriques présentées dans le Tableau 1 tendent à minimiser l’effet de la réduction de la vitesse.
En revanche, sur des voies rapides et en journée, l’impact des poids lourds sur l’environnement sonore est
souvent moins marqué que la nuit car les véhicules
légers, en général plus nombreux, tendent à masquer
le bruit des poids lourds.
‡ Les deux roues Le bruit émis par le moteur des
deux roues est prédominant quelle que soit leur
vitesse. Les deux roues sont également sources
d’événements bruyants : malgré une réglementation
limitant théoriquement le bruit des deux roues, les
69
contrôles en la matière sont rares. Une moto équipée
d’un système d’échappement illégal et conduite de
manière agressive peut être bruyante de plus de 30
dB, soit 8 fois plus bruyante, qu’une moto équipée
d’un système standard et conduite normalement.
Le nombre de deux-roues en ville augmentant
assez fortement, cette nuisance risque de devenir
préoccupante.
Vitesse pratiquée Une réduction de la vitesse maximale
autorisée risque de ne générer aucune diminution de
niveau sonore si la nouvelle limite de vitesse n’est pas
respectée. Pour cela, il faut que des dispositifs adéquats
soient prévus à cette fin.
‡ Selon des recherches, des panneaux statiques rappelant qu’une réduction de vitesse de 10 km/h est en
vigueur, n’ont, par exemple, aucun effet sur la vitesse
pratiquée6. Ce type de signalisation pour une faible
diminution de vitesse ne fonctionne que couplé à
une présence importante de contrôleurs (gendarmes,
policiers ou radars).
‡ Des panneaux électroniques et/ou dynamiques qui
affichent la vitesse pratiquée au passage des véhicules, ou qui font varier la vitesse en fonction des conditions du trafic, sont plus efficaces que des panneaux
statiques : on peut, en fonction de la réduction de
vitesse, atteindre jusqu’à 3dB de réduction7.
Figure 2 Une zone 30 sur la Edisonstraße à Berlin, indiquant les horaires de vigueur et l’intérêt de la mesure : « Lärmschutz », ou protection contre le bruit. image www.berlin.de.
‡ Plus performants encore, des panneaux évoquant
le lien entre la vitesse et les nuisances sonores,
comme on en voit en Allemagne ou en Autriche,
peuvent entrainer jusqu’à 3,5 dB de réduction de
niveau sonore. La pleine efficacité de ces dispositifs
reste dépendante du contrôle de la vitesse par les
forces de l’ordre8.
‡ A Gleisdorf, en Autriche, un système automatique
de réduction de vitesse se déclenche lorsque
le niveau acoustique est trop élevé. Grâce à des
microphones qui enregistrent les niveaux de bruit
en façade des bâtiments situés à proximité, des
panneaux électroniques affichent une réduction de
vitesse si le bruit provenant du trafic routier devient
trop important [Figures 3 et 4]. La vitesse de 130
km/h est ainsi limitée à 100 km/h ou 80 km/h (véhicules légers), et 80 km/h ou 60 km/h (poids lourds)
avec une réduction de bruit pouvant atteindre
jusqu’à 6 dB9.
70
Figure 3 Exemple de signalisation autrichienne évoquant le lien entre vitesse et bruit : « Je veux dormir ! S’il vous plaît, CHUT ! » (LKW = poids lourds)
Figure 4 Dispositif de réduction de vitesse à Gleisdorf (Autriche).
Légende
(1) Mesure des émissions acoustiques.
(2) Signalisation automatique alertant les automobilistes
lorsque le niveau sonore est trop élevé (PKW véhicules légers,
LKW poids lourds, photo d’un nourrisson accompagnée du
message : « Je veux dormir ! S’il vous plaît, CHUT ! »).
(3) Revêtement de chaussée peu bruyant.
(4) Ecran antibruit de 2 m.
(5) Ecran antibruit de 3 m, avec panneaux photovoltaïques.
71
Figure 5 (en haut) Carte de niveaux sonores Lden pour Berlin. Image www.berlin.de.
Figure 6 (en bas) Carte de niveaux sonores Lnight pour Berlin. Image www.berlin.de.
Le modèle allemand
Depuis 1990, les collectivités allemandes de
toute taille – aussi bien une métropole comme Berlin que des petits villages – ont mis en
place un programme global de lutte contre le
bruit.
Un programme qui se déroule en deux
phases Pour les grandes villes, par exemple,
Hambourg, Cologne ou Berlin, le programme
se déroule en deux temps. Dans une première
phase de stratégie globale, les priorités sont
identifiées, ainsi qu’un ensemble de mesures
antibruit qui peuvent être mises en œuvre à la
grande échelle pour élaborer un plan d’action
stratégique: réduction de vitesse sur des
autoroutes, alternatives au fret routier, occupation stratégique du sol, etc. Dans un second
temps, on passe au niveau du quartier pour
produire un plan d’action local, et on examine pour chaque rue quelles mesures antibruit
seront les plus efficaces et les plus adaptées
pour les inscrire au programme global de lutte
contre le bruit.
Un ensemble de mesures antibruit envisagé
à plusieurs échelles Le résultat est un ensemble de mesures antibruit qui se décline
sur plusieurs échelles et permet de traiter le
problème de manière intégrée. Pour le quartier Pankow à Berlin, par exemple, le plan
d’action antibruit comprend, tout d’abord,
des mesures à la source, pour éviter que le
bruit ne soit produit. L’approche, élaborée au
niveau municipal voire régional, vise à réduire
le volume du trafic grâce à une amélioration
du réseau cyclable et piéton ainsi que de
l’offre de transports en commun. Des mesures
ont également été envisagées pour déplacer
les activités bruyantes vers des lieux moins
sensibles, ce qui nécessite parfois la création
de nouvelles routes et une gestion de trafic
qui répartit mieux le flot de véhicules à l’intérieur du réseau local. Enfin, il a été projeté de
réduire les émissions acoustiques en réhabilitant les chaussées et les voies ferrées et en
promouvant, à petite échelle, une gestion de
trafic qui apaise la circulation10.
Les clés du succès Quelles sont, aux yeux
des acteurs allemands, les clés du succès ?
Tout d’abord, les collectivités mènent auprès
du public une campagne de sensibilisation
visant à expliciter, via des affiches et des
panneaux, le lien entre la vitesse et le bruit
[Figure 2]. Ensuite, un processus fortement
participatif permet d’institutionnaliser et
d’encourager l’implication des habitants de
la ville, qui sont souvent parmi les premiers
demandeurs de quartiers plus calmes. Enfin,
une convergence d’intérêts s’est révélée entre
les partisans de la lutte contre le bruit et les
acteurs des domaines du changement climatique, de la sécurité routière et de la pollution
de l’air, qui a débouché sur une forme d’alliance « stratégique ».
72
Figure 7 (en haut) Marquage au sol d’une zone 30.
Figure 8 (en bas) Principe d’une « onde verte » : un phasage optimal des feux tel qu’un flot de véhicules circulant à la vitesse adaptée ne rencontre que des feux verts sur son parcours.
˜–‹’—Ž›ȱ•Žœȱ–Žœž›Žœȱ™˜ž›ȱ•žĴŽ›ȱ
Œ˜—›Žȱ•Žȱ‹›ž’ȱDZȱŽ—ȱŠŒŒ˜–™Š—Š—ȱ•Šȱ
réduction de vitesse par d’autres interventions antibruit
Une simple réduction de vitesse peut ne pas entrainer de baisse de niveau sonore suffisante pour les
riverains, mais il y a rarement une solution unique en
matière de lutte contre le bruit. L’un des points forts
de l’approche développée en Allemagne consiste à
aborder le problème de bruit par plusieurs angles
de vue et à concevoir des solutions opérant à des
échelles différentes. Pour avoir un véritable impact
sur le niveau sonore et sur la qualité de vie des riverains, c’est une combinaison de mesures qu’il s’impose de mettre en œuvre.
Alors qu’une réduction de la vitesse a des conséquences acoustiques immédiates, d’autres mesures
complémentaires peuvent êtres prises, suivant le
contexte urbain et les objectifs urbanistiques du programme, et dont les effets se feront sentir à moyen
ou long terme : gestion et apaisement de trafic,
aménagement ingénieux des zones habitées le long
de la route, amélioration du réseau de transports en
commun et des infrastructures cyclables pour inciter
à une mobilité durable par exemple. La combinaison
de ces mesures permet un véritable impact sur l’environnement sonore.
Quelles mesures complémentaires sont particulièrement adaptées à des autoroutes et des voies rapides ?
Gestion de trafic Les mesures d’apaisement de trafic
permettent de ralentir les véhicules sur les rues en ville (zone 30, chicanes ou ralentisseurs, rétrécissement
des voies, etc.). La mise en place de ronds-points ou
d’« ondes vertes », dispositifs qui limitent les accélérations et les décélérations, améliore la fluidité du
trafic en maîtrisant la vitesse, ce qui réduit le bruit. En
Suisse, par exemple, le remplacement d’un feu par
un rond-point sur une artère à forte fréquentation a
conduit à une réduction sonore de 1,7 dB le jour et
de 2,9 dB la nuit (LAeq)11. Ces dispositifs s’appliquent
en ville ; ils sont rarement envisageables sur une
autoroute ou une voie rapide, sauf à la transformer en
boulevard urbain.
Interdiction de certaines catégories de véhicules ou
restriction de la circulation à certains endroits Sur
des parcours urbains où circulent des poids lourds en
forte proportion, des villes, entre autres, anglaises,
autrichiennes ou suisses, sont parvenues à mieux
contrôler la composition du trafic sur les routes en
limitant la circulation de poids lourds sur certaines
tranches horaires (notamment la nuit), ou sur certaines secteurs géographiques. Une telle mesure peut
conduire à un environnement sonore plus agréable
pendant la nuit (des réductions de 7 dB ont été me-
6
73
Figure 9 (en haut) Panneau interdisant les poids lourds.
Figure 10 (en bas) Revêtement de chaussée.
surées en Autriche)12 , mais elle risque de créer une certaine
gêne en début de matinée, au moment où l’interdiction est
levée. A Londres et à Stockholm, la mise en place de péages urbains qui visent à réduire le volume de trafic sur des
parcours urbains (surtout en centre-ville) n’a pas d’impact
significatif sur les niveaux de bruit13 .
Solutions technologiques Si, à des vitesses supérieures
à 50 km/h, le bruit routier provient notamment du contact
entre les pneus et la chaussée, les innovations en matière
de revêtement et pneus peu bruyants représentent une
voie pertinente pour les autoroutes et les voies rapides. Un
rapport du gouvernement danois suggère, par exemple, que
le remplacement du revêtement routier lors la mise en place
d’une mesure pour réduire la vitesse peut doubler la diminution de niveau sonore. La pérennité de la diminution sonore
n’est cependant pas garantie, la performance acoustique du
revêtement s’amenuisant avec le temps et l’usage14 .
A terme, on estime que des gains de 3 à 8 dB peuvent être atteints grâce au développement de revêtements et de pneus
peu bruyants. Si l’adoption de normes portant sur les pneus
reste très largement en dehors du périmètre d’action d’une
localité, car de niveau national, voire européen, le choix du
revêtement pourra quant à lui être décidé par des maîtrises
d’ouvrage plus locales : l’Etat en inter-région ou les départements pour les routes majeures. Ces revêtements sont pour
l’instant plus coûteux (le coût supplémentaire est de quelques pour cent) que les revêtements classiques, et la préservation de leurs propriétés absorbantes peut également nécessiter un entretien plus onéreux. Certaines caractéristiques
géographiques peuvent limitent le recours à certains types
de revêtement : en Ile-de-France, par exemple, les enrobés
74
drainants, qui sont performants sur le plan acoustique, ne
sont pas envisageables à cause du risque du gel15.
Dans la mesure où le bruit de propulsion (moteur) n’est prédominant qu’à des vitesses inférieures à 50 km/h, les véhicules utilisant des motorisations innovantes (hybride, électrique), moins bruyantes que les véhicules standards, ne sont
pas une option pour lutter contre le bruit sur des autoroutes
ou des voies rapides.
Aménagement urbain ingénieux Comme nous avons pu
le voir dans les projets d’aménagement présentés dans cette
étude, de Paris à San Francisco, de Potsdam à Villejuif, l’aménagement urbain reste une voie efficace pour lutter contre le
bruit en ville. Qu’il s’agisse de la création de zones tampons,
de la construction d’un front bâti en continu ou de grandes
emprises et de hauteurs importantes, de nombreuses approches existent qu’on peut adapter aux sites et aux objectifs
envisagés.
Amélioration de l’offre en matière de déplacements
D’autres interventions prévoient des effets sur l’environnement sonore dans le long terme. Par exemple, à Bristol, une
mesure de réduction de vitesse s’est accompagnée de la
mise en place d’un couloir de bus à haut niveau de service
(BHNS). Cette amélioration de l’offre en matière de déplacements incite à prendre les transports en commun à la place
de la voiture individuelle avec, à long terme, le potentiel de
réduire les nuisances sonores.
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Les retombées positives d’une réduction de
vitesse se déclinent sur plusieurs fronts : l’environnement sonore, la qualité de l’air et la sécurité
routière. Ce quadruple avantage débouche sur de
gains notables en termes de santé (voir encadré)
ainsi que de qualité de vie et l’attractivité des
zones riveraines.
Qualité de l’air Outre des effets directs sur la
santé, la pollution atmosphérique a des effets au
niveau local sur les matériaux (noircissement des
bâtiments, par exemple) et les végétaux (réduction de croissance des plantes ou de résistance
à des agents infectieux), aussi bien qu’au niveau
régional (pluies acides et modification de l’ozone)
[cf. encadré ci-contre, « Les principaux polluants »].
Réduire la vitesse pourrait avoir un impact positif
surtout au niveau local. Airparif constate qu’une
réduction de vitesse sur les voies rapides ayant
une vitesse moyenne supérieure à 70 km/h
favorise la diminution des émissions d’oxydes
d’azotes (NOx) et de particules fines16. Par
ailleurs, des études théoriques traitant de la réduc-
tion de vitesse à proximité de Montpellier17 ou à
Bristol18 prédisent qu’une telle réduction pourrait
entraîner une diminution conséquente des émissions de gaz polluants.
Sécurité routière En France, la vitesse demeure
la première cause de mortalité sur les routes
(un accident mortel sur deux), devant l’alcool.
Selon la délégation à la sécurité et la circulation
routières, les excès de vitesse ont un impact sur
le temps et la distance nécessaires pour ralentir
ou manœuvrer, ainsi que sur le champ de vision
du conducteur. La probabilité et la gravité des
accidents augmentent avec la vitesse. Suite à
l’adoption en France en 1990 de la limitation de
la vitesse en ville à 50 km/h, une baisse d’environ
15% a été constatée pour les accidents corporels
et mortels19. Réduire la vitesse sur la route, en
s’assurant que la nouvelle vitesse soit respectée,
conduit sans aucun doute à une route plus sûre.
...pour la création de valeur économique et
urbaine En réduisant la vitesse sur les routes majeures, des zones riveraines délaissées en raison
des nuisances qu’elles subissent retrouvent une
attractivité résidentielle et économique.
75
Les principaux polluants
Voici, sur la base des travaux d’Airparif, une description des polluants principaux, ainsi que leurs effets
connus sur l’individu et l’environnement.
Ȋȱ Oxydes d’azote (NOx) sont responsables de trou-
Ȋȱ
Ȋȱ
Ȋȱ
Ȋȱ
bles respiratoires chez l’individu et, sur le plan
environnemental, ils contribuent à la formation
de l’ozone et aux phénomènes des pluies acides.
Monoxyde de carbone (CO), particulièrement
nocif pour le système nerveux central chez l’individu, participe à la formation de l’ozone troposphérique et à l’effet de serre.
Benzène fait partie des composés organiques volatils non méthaniques (ou COVNM), des irritants
dont certains sont cancérigènes chez l’individu.
Il intervient dans les réactions photochimiques à
l’origine de la formation de l’ozone dans la couche troposphérique.
Particules en suspension (PM), caractéristiques
notamment des véhicules diesel, peuvent provoquer des troubles respiratoires dont des maladies
pulmonaires. Dans l’environnement, les particules
sont la source du « smog » (mélange de fumée et
de brouillard) dans certaines grandes villes, ainsi
que le noircissement des façades des bâtiments.
Gaz à effet de serre (notamment, le CO2) bloque
la croissance des végétaux et agit sur le processus
de réchauffement climatique.
Les centres de recherche travaillant
sur le lien entre le bruit et la vitesse
·žŒ’˜—ȱŽȱŸ’ŽœœŽȱDZȱ•Žœȱȍȱ™•žœȱȎ
Ȋȱ Centre de recherches routières, Belgique
Ȋȱ Coût minimal : même s’il faut envisager
l’application de dispositifs visant à faire
respecter la nouvelle vitesse maximale
autorisée (nouveaux panneaux, radars ou
marquage au sol, par exemple) réduire la
vitesse est une mesure peu coûteuse en
regard de la construction de murs antibruit.
Ȋȱ Effet direct et immédiat : dès que la décision de diminuer la vitesse est prise et
appliquée, le niveau sonore diminue.
Ȋȱ « Quadruple avantage » : réduire la vitesse
est une solution gagnante sur plusieurs
fronts : le niveau sonore, la qualité de l’air, la
sécurité routière et l’attractivité des zones
riveraines.
Ȋȱ Amélioration sanitaire pour les riverains :
Moins de bruit, moins de nuisances,
™•žœȱŽȱšžŠ•’·ȱŽȱŸ’ŽȱŽȱ
d’environnement
Ȋȱ Institut fédéral de recherche sur l’autoroute
(Bundesanstalt für Strassenwesen (BASt)),
Allemagne
Deux enseignements principaux peuvent être tirés de
cette analyse :
Ȋȱ Pour qu’un quartier et ses riverains jouissent de
niveaux sonores acceptables voire agréables, il
faut envisager les dispositifs antibruit au sein d’un
ensemble de mesures diversifiées.
Ȋȱ Réduire la vitesse a un quadruple effet d’amélioration du niveau sonore, de la qualité de l’air, de la
sécurité routière et de la valeur urbaine des zones
riveraines.
Ȋȱ CROW : plate-forme technologique pour les
Lutter contre le bruit par la réduction de vitesse contribue ainsi à créer une ville plus saine, riche d’une qualité
de vie plus agréable.
Ȋȱ Laboratoire central des Ponts et Chaussées
infrastructures, la circulation et les transports, Pays-Bays
Ȋȱ Institut danois des routes (DRI), Danemark
Ȋȱ Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) : Laboratoire
transport environnement (LTE)
(LCPC), France
Ȋȱ Lärmkontor GmbH (Allemagne)
les riverains y gagnent également sur le
plan environnemental et sanitaire.
Ȋȱ Laboratoire de recherche sur les transports
Ȋȱ S’accompagne facilement d’autres
(Transport Research Laboratory (TRL)), Royaume-Uni
mesures antibruit : une réduction de vitesse n’empêche pas la mise en œuvre d’autres
interventions pour lutter contre le bruit, elle
est en effet plus performante lorsqu’elle fait
partie d’un ensemble de mesures antibruit.
Ȋȱ Université de technologie de Vienne (Technische Universität Wien), Austria
Ȋȱ VTI : Institut national suèdois de recherche
Ȋȱ Particulièrement attractif dans les zones
sur les routes et les transports, Suède
denses où les effets multiples et positifs
peuvent être appréciés par les riverains.
7
76
··›Ž—ŒŽœ
1 ȱAgence d’urbanisme de la région grenobloise et Syndicat mixte du schéma
directeur, CERTU (ed.), Chronoaménagement et autoroute autrement : la proximité
au secours du territoire, avril 2009.
10 http://umwelt.berlin.de/sen/umwelt/laerm/laermminderungsplanung/de/
p3_strategien.shtml
11 Bendtsen, H. et al., op. cit.
2 Graphique créée par l’auteur de l’étude, à partir des données présentées par
Andersen, B, Réduction des nuisances sonores routières (Støjudsendelse fra biler på
vejnettet), Direction nationale danoise des transports, Lyngby, Rapport 2, 2003.
12 Ibid.
13 Ellebjerg, Lars (ed.)., op. cit.
3 Andersen, B, Réduction des nuisances sonores routières (Støjudsendelse fra biler
på vejnettet), Direction nationale danoise des transports, Lyngby, Rapport 2, 2003.
4 Bendtsen, H. ; Haberl, J. ; Litzka, J. ; Pucher, E. ; Sandber, U. ; et Watts, G. Traffic
management and noise reducing pavements, Road Directorate, Danish Road Institute, Roskilde, Report 137, 2004.
5 Ellebjerg, Lars (ed.). Noise reduction in urban areas from traffic and driver management. A toolkit for city authorities, rapport issu du Projet SILENCE de la Commission européenne, août 2008.
6 Ellebjerg, Lars (ed.), op. cit.
14 Bendtsen, H. et al., op. cit.
15 Discussion avec Rodolphe Guyon, Chef du département à la DiRIF – Service
de l’Aménagement du Réseau, Responsable du Département d’Ingénierie Ouest
16 Airparif, Evaluation de la réduction potentielle des émissions de polluants due à
l’application de la mesure de limitation des vitesses en cas d’épisode de pollution au
dioxyde d’azote ou à l’ozone, 2003.
Disponible à : www.airparif.asso.fr/airparif/pdf/question_7.pdf
17 Santacreu, Alexandre (sld)., Impacts de la réduction permanente de la vitesse sur
l’A9, rapport du CETE Méditerranée, octobre 2009.
7 Ibid.
8 Bendtsen, H. et al., op. cit.
9 Ibid.
18 Crawshaw, Steven, Assessment of Noise and Air Quality : Impacts of Speed Limit
Options on the M32 : Bristol, rapport du Bristol City Council, avril 2007.
19 Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la
Mer, Vitesse : première facteur d’insécurité routière. Dossier de presse du 19 juin 2003.
Disponible à : www.securiteroutiere.gouv.fr/IMG/pdf/vitesse_cle21a561.pdf
77
Conclusion
A
ujourd’hui, un ensemble de solutions de
lutte contre le bruit sont à la disposition
des professionnels de l’aménagement
de la ville. Il n’y a pas de solution unique :
chaque mesure doit s’adapter au contexte urbain dans lequel le projet s’inscrit ainsi qu’aux
objectifs urbanistiques fixés par la collectivité. Qu’il
s’agisse de stratégies d’aménagement pour faire face
aux nuisances acoustiques ou de mesures réglementaires pour limiter l’émission de bruit à la source, telle
qu’une nouvelle limite de vitesse, plusieurs options
ont été analysées dans cette étude :
du bruit à l’intérieur du site, même si la végétation
n’a pas d’impact réel sur les niveaux sonores.
t
Ȋȱ A la Porte des Lilas, à cheval sur le boulevard
périphérique parisien, dont une portion a été recouverte, la forme et la disposition des immeubles
protègent les riverains du bruit routier. Il s’agit
d’une forme massive qui consiste en de longues
façades entourant des cours intérieures calmes où
le niveau sonore est environ de 25 dB(A) (LAeq)
inférieur à celui constaté au niveau du boulevard
périphérique. Quant à la couverture du boulevard
périphérique, les simulations des niveaux sonores
indiquent qu’ils restent élevés aux abords de la
portion couverte à cause de la forte circulation de
surface. Cependant, on ne peut ignorer que les
gains sonores pour les habitants sont loin d’être
négligeables. En outre, les riverains jouissent des
effets positifs du recouvrement en termes esthétiques, pratiques et symboliques.
Ȋȱ A San Francisco et à Potsdam, des immeubles
font office d’écran antibruit pour conduire, dans
les deux cas, à une réduction du niveau sonore de
15 à 20 dB(A) (LAeq). A San Francisco, un immeuble longeant la courbe d’une voie ferrée dispose
d’une façade en continu de 180 m de long et de
11 m de haut pour faire obstacle aux nuisances
sonores ; à Potsdam, le long d’une autoroute, dix
bâtiments sont reliés entre eux par des plaques de
verre afin de former un écran de 400 m de long et
de 15 m de haut. Les deux projets intègrent également des détails architecturaux, tels que les portes d’entrée de double épaisseur (San Francisco)
ou une double façade du côté de la voie rapide
(Potsdam), afin d’optimiser la protection acoustique de l’aménagement. A Potsdam, un cadre
paysager riche contribue à adoucir la perception
peu élevés en surface.
t
Alors que le recouvrement du boulevard périphérique joue un rôle essentiel sur le plan pratique,
esthétique et symbolique, il ne représente pas sur
ce site une solution antibruit efficace dans la mesure où la forte circulation des rues environnantes
entretien des niveaux sonores gênants. Néanmoins, les mesures effectuées tendent à montrer
que le recouvrement peut avoir un impact sonore
positif si les niveaux sonores restent relativement
78
Le Parc des Hautes Bruyères, situé le long de
l’autoroute A6 à Villejuif propose un aménagement paysager avec deux éléments topographiques astucieux qui améliorent nettement la
qualité de l’environnement sonore. D’une part,
une butte végétale de 5 m de hauteur par rapport
à l’autoroute fait écran au bruit routier et protège
ainsi l’ensemble du parc, réduisant l’exposition
au bruit d’environ 20 dB(A) (LAeq) en moyenne.
D’autre part, un « jardin de silence », aménagé à
l’intérieur du parc dans une ancienne carrière à
12 m de profondeur, propose un lieu d’un calme
presque absolu -- le lieu étant presque deux fois
moins bruyant que l’autoroute à proximité.
Si ces quatre références urbaines proposent des solutions pour lutter contre le bruit par la voie de l’aménagement, des mesures pour limiter les émissions
sonores à l’amont en affrontant le bruit à la source
sont également envisageables.
Une fiche technique en dernière partie de l’étude
propose une vue d’ensemble des recherches théoriques sur le lien entre réduction de la vitesse autorisée
sur les infrastructures routières majeures et baisse du
niveau sonore, ainsi qu’un aperçu sur les villes qui sont
passées à l’acte. L’expérience allemande dans ce domaine est particulièrement pertinente, dans la mesure
où la mise en oeuvre d’une nouvelle limite de vitesse,
réalisée dans des collectivités et sur des infrastructures routières de toute taille, s’inscrit toujours dans un
programme antibruit global comportant des solutions
opérant à des échelles différentes. Outre son coût
minimal et son effet direct et immédiat sur les niveaux
acoustiques, une mesure de réduction de vitesse a
l’avantage de pouvoir aisément accompagner d’autres
solutions antibruit. Elle est performante non seulement
sur le plan sonore, mais également sur la qualité de l’air
et la sécurité routière.
Réduction des nuisances sonores et amélioration de
la qualité de vie en ville, diminution de la pollution
atmosphérique, amélioration de la sécurité routière,
création de valeur économique et urbaine pour
des terrains délaissés, telles sont quelques-unes des
conséquences positives d’une gestion intégrée de la
question du bruit routier dans la ville.
79
Bibliographie
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Disponible à : www.acoucite.asso.fr/IMG/pdf_Article_sante.pdf
Remerciements
L’auteur souhaite remercier chaleureusement les personnes ayant apporté
des contributions à cette étude :
Milène Adolf, DRIEA
Architectes Baller
Daphné Boret, DRIEA
Estelle Chevallier, DRIEA
Steven Crawshaw, Sustainable City Group, Bristol City Council
Ian Dunn, David Baker + Partners Architects
Andrea Gaffney
Florence Goupy, SEMAVIP
Rodolphe Guyon, DiRIF
Daniel Jarry, Val-de-Marne
Béatrice Jermidi, SEMAVIP
Kelley Kahn, San Francisco Redevelopment Agency
Olivier Le Boursicot, LLTR Architectes Urbanistes
Ludovic Leclercq, ENTPE
Joël Lelong, INRETS
Brian McManus, City of Dublin
Enda Murphy, University College Dublin
Pierre Pellissier, DRIEA
Hélène Peskine, DRIEA
Christian Popp, Lärmkontor GmbH
Amit Price Patel, David Baker + Partners Architects
Michael Prytula
Michel Rudyj, DRIEA
Petra Runge, ProPotsdam
Jean-Michel Vincent, DRIEA
Jeff White, San Francisco Redevelopment Agency
Henk Wolfert, Working Group Noise Eurocities
81
Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement
et de l’Aménagement d’Ile-de-France
21/23 rue Miollis
75732 PARIS cedex 15
Tél. 01 40 61 82 63
Fax 01 40 61 80 00
Direction de la Stratégie, du Pilotage et de l'Animation - Département du Contrôle de Gestion
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