Comprendre l’autre, c’est aussi dire l’autre. Du paradigme
de la traduction dans les sciences humaines
On assiste dans les années soixante-dix à une sorte de translation turn (D. Robinson, 1991). Dépassant
les usages métaphoriques de la notion, Michel Serres fait de la traduction, dans Hermès III, l’un des
quatre systèmes de transformation donnant accès au savoir. Un an plus tard, en 1975, Michel Callon
applique le « concept » à la sociologie. Le paradigme se répand, en philosophie (Jacques Derrida,
François Jullien, Barbara Cassin) comme en anthropologie (Eduardo Viveiros de Castro).
Nous mettrons cette réflexion méthodologique, épistémologique et éthique au service du travail de
recherche, qui est toujours un rapport à l’autre, en tant que texte, individu, groupe, pratique sociale…
Nous y sommes toujours en quelque sorte les traducteurs d’un monde et d’une culture, à l’adresse des
nôtres. Ce qui interroge aussi l’idée d’un savoir universel.
Dans une première séance, nous nous demanderons ce qu’est « penser » : la difficulté de la recherche
tient aussi à nos angles morts, c’est-à-dire davantage à ce que nous croyons savoir qu’à ce que nous ne
savons franchement pas. Autrement dit, penser c’est d’une certaine façon dénaturaliser nos savoirs.
Mais aussi les complexifier. Peut-il y avoir une « pensée unique » ? La formule défie la diversité des
langues, des cultures, la multiplicité des « régimes de savoir ». Le « plus qu’une langue » (Derrida) vient
brouiller la question de la valeur (comment décider du vrai, du faux, du meilleur et du pire, de
l’acceptable et de l’inacceptable… ?), qu’écartent chacun à sa façon l’universalisme et le relativisme.
C’est aussi la question du « traducteur », de la « bonne » ou « mauvaise » traduction.
À cette question, Leibniz, Nietzsche répondent par le perspectivisme, que revisite aujourd’hui une
certaine anthropologie.
Dans une seconde séance, nous examinerons plus précisément quelques « régimes » de lecture comme
la littérature, le mythe ou l’histoire. Nous travaillerons pratiquement, expérimentalement, à dégager
quelques paradigmes et protocoles capables de définir certains types de procédure de vérité, de récit,
etc.
Nous nous appuierons pour cela sur les contributions contemporaines de Michel Serres, de Michel de
Certeau, d’Eduardo Viveiros de Castro, de Patrice Maniglier, ainsi que sur les leçons de la traduction
comme pratique et pensée de la différence, en élargissant leurs usages possibles aux sciences humaines.
Séances
Mardi 6 décembre (9h-12h)
Lundi 12 décembre (9h-12h).
EMF 2016-2017