Procédure actualisée de prise en charge globale d`un

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SPILF-COREB Infections à virus grippaux saisonniers actualisation 15 février 2016
Groupe SPILF – COREB Emergences*
Procédure actualisée de prise en charge globale d’un patient
suspect de grippe saisonnière
Document de travail** actualisé au 15 février 2016
*SPILF : Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française ; COREB : Coordination
Opérationnelle du Risque Épimique et Biologique – www.infectiologie.com, onglet COREB
** Document susceptible d’évoluer au fil des connaissances ; il pourra être actualisé selon les besoins.
F Dans le contexte actuel les épidémies de grippe saisonnière sont encore
responsables en France d’une mortalité importante, en partie évitable, il est apparu
opportun d’actualiser quelques éléments de bonnes pratiques cliniques à l’usage
des médecins, et notamment des médecins de première ligne qui accueilleront le
plus grand nombre des patients suspects de grippe dans les prochaines semaines.
F L’actualisation a pris en compte les données épidémio-cliniques et virologiques
des dernières saisons grippales, les avis du Haut Conseil de la Santé Publique de
mars à novembre 2015, notamment sur l’utilisation des antiviraux, les
recommandations de la SPILF, de la SF2H, et l’analyse de la littérature scientifique.
F En période d’épidémie grippale saisonnière, les messages suivants sont
proposés:
Les praticiens de première ligne évoquent le diagnostic de grippe dès la prise en
charge d’un patient ayant une présentation clinique compatible avec la grippe,
notamment un syndrome grippal
La recherche attentive des signes de gravité, des complications et des facteurs
de risque de progression et aggravation de la maladie doit être effectuée
systématiquement dès le premier examen, et répétée tout au long de la prise en
charge ; les complications, notamment respiratoires et les surinfections
bactériennes doivent être recherchées, diagnostiquées et traitées le plus tôt
possible chez tout patient à risque de complication (tel que défini dans l’ annexe
1), en raison de leur impact sur le pronostic.
Un prélèvement pour documentation microbiologique est recommandé chez les
patients présentant des signes de gravité et/ou en collectivité, (adressé à
l’hôpital ou au laboratoire de ville selon la situation clinique), sans retarder le
traitement précoce par les antiviraux. Il est proposé, notamment en milieu
hospitalier, chez les patients à risque de complications.
Les indications de traitement par antiviraux doivent être modulées chaque
année en fonction de la contagiosité et de la gravité de la grippe en cours et du
niveau de concordance entre les souches vaccinales et les souches circulantes.
Au moindre doute quant à une possible co-infection bactérienne, notamment
chez les patients à risque de complication (tel que définis en annexe 1),
l’indication à une antibiothérapie probabiliste doit être discutée, en faisant appel
autant que de besoin à un référent infectiologue, pour en limiter l’impact sur la
survenue d’une forme compliquée et/ou grave.!
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SPILF-COREB Infections à virus grippaux saisonniers actualisation 15 février 2016
Note introductive – Objectifs de la procédure
En France métropolitaine, sur la base des données historiques des épidémies grippales
depuis 1984, le réseau Sentinelles estime qu’entre 788 000 et 4,6 millions de personnes
consultent un médecin généraliste pour un syndrome grippal lors d’une épidémie de
grippe (selon la définition : fièvre supérieure à 39°C, d'apparition brutale, accompagnée
de myalgies et de signes respiratoires). En moyenne, 2,5 millions de personnes seraient
concernées chaque année, dont près de 50 % ont moins de 18 ans. En France, la
mortalité imputable à la grippe saisonnière concerne essentiellement les sujets âgés et
son impact socio-économique est loin d’être négligeable (durée moyenne estimée d’arrêt
de travail de 4 jours ; SPILF, 2005).
Au cours de la saison 2014-2015, 2,9 millions de personnes ont consulté un médecin
généraliste pour syndrome grippal, il y a eu 31 000 passages aux urgences, environ
1600 cas graves de grippe admis en réanimation dont 280 décès. Parmi les personnes
hospitalisées dans les services d’urgences, 28% avaient entre 65 et 84 ans et 19%
avaient 85 ans et plus. Parmi les patients admis en réanimation, près de la moitié
avaient 65 ans ou plus ; la majorité (82%) présentait un facteur de risque de pronostic
péjoratif lié à une pathologie chronique : pulmonaire (39%), cardiaque (22%), diabète
(18%). La proportion de patients ayant présenté un syndrome de détresse respiratoire
aiguë (SDRA) (45%) ou ayant eu besoin d’une oxygénation par membrane
extracorporelle (4%) était comparable à celles observées en 2011-2012 (grippe
A(H3N2)). Environ 50% de ces patients étaient vaccinés. Un total de 280 décès a été
recensé, dont l’âge variait de 4 mois à 95 ans, et dont la majorité (87%) avait un facteur
de risque et était infecté par un virus de type A (84%). L’estimation de la surmortalité
toutes causes, extrapolée à l’échelle nationale, a été de 18 300 décès lors de cette
épidémie, supérieur de 19% à la mortalité attendue, calculée à partir des 8 années
précédentes. L’excès de mortalité s’est concentré essentiellement chez les personnes
âgées de plus de 65 ans. Il s’agit de l’excès de mortalité le plus élevé depuis l’hiver
2006-2007. Une partie importante de ces décès, dont l’estimation est en cours, est due à
la grippe. Au cours de la saison, les trois virus grippaux ont circulé avec, en médecine
ambulatoire, 53% de virus A(H3N2) dont une partie n’était pas couverte par le vaccin,
19% de virus A(H1N1)pdm09, 3% de virus A non sous-typés et 25% de virus B.
La couverture vaccinale estimée chez les personnes de 65 ans et plus se situait entre
60% et 65% jusqu’en 2009. Depuis 2009, elle est en baisse : en 2014, 46 % des assurés
à risque ont eu une vaccination antigrippale, soit 2,8 % de moins qu’en 2013. Les
populations à risque de moins de 65 ans ont un taux stable mais faible de couverture
vaccinale de 38%.
!
Du fait de ces constations, il a été proposé d’actualiser pour la saison 2015-2016 la
procédure grippe saisonnière rédigée par le groupe COREB Ile de France (2010), tenant
compte des recommandations de la SPILF (2005), de l’ANSM (2010) et du HCSP (2013
à 2015). L’objectif est de souligner l’intérêt de conjuguer les stratégies préventives
(notamment recommandations de vaccination) et les stratégies curatives avec bon
usage des antiviraux et des antibiotiques, de repréciser la place du diagnostic
virologique, et de signaler le rôle d’autres virus respiratoires et de surinfections
bactériennes, dans une perspective d’approche globale de lutte contre la maladie. Cette
procédure a été validée par les membres du groupe SPILF-COREB-Emergences et
sociétés savantes partenaires, en collaboration avec des collègues virologues,
urgentistes, hygiénistes, et médecins généralistes experts dans ce domaine.
*Références : Bonmarin I. Surveillance de la grippe en France métropolitaine. Saison 2014-2015. BEH 32-33, 13
octobre 2015, 593-598. CNAM Ministère de la san- Lancement de la campagne de vaccination contre la grippe
saisonnière « Grippe : pour éviter l’hospitalisation, passez à la vaccination ». 13 octobre 2015
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Groupe SPILF – COREB Emergences
Procédure actualisée de prise en charge globale d’un
patient suspect de grippe saisonnière
Rappel des principales caractéristiques épidémio-viro-cliniques
Epidémiologie
La grippe est une infection respiratoire aiguë contagieuse touchant en premier lieu les
voies aériennes supérieures (VAS), et pouvant se compliquer et entrainer des formes
graves. L’épidémie survient en général entre novembre et mars-avril. Les virus grippaux
mutent facilement et ne procurent pas d’immunité durable, un vaccin trivalent ou
quadrivalent est donc disponible et renouvelé chaque année en fonction des souches
virales circulantes. Les modalités de traitements spécifiques, par inhibiteurs de la
neuraminidase, voire recours à une antibiothérapie, rentrent dans une stratégie globale
de prise en charge, mais semblent être sous-prescrits, à l’origine de possibles évolutions
cliniques défavorables. La situation épidémio-clinique de la saison 2014-2015, due en
partie à l’inadéquation du vaccin avec une des souches grippales circulante, a été à
l’origine d’une situation virale inhabituelle, avec un grand nombre de consultations en
médecine libérale et aux urgences.
Agent pathogène
La grippe est due aux virus Influenzae, virus à ARN de la famille des Orthomyxoviridae,
qui se répartissent en 3 types : A, B et C (pour mémoire, car responsable de cas
sporadiques). Les virus grippaux A sont divisés en sous-types en fonction de leurs
glycoprotéines de surface, Neuraminidase N et Hémagglutinine H (ex : H1N1, H3N2,
H5N1). Chez l'homme, les épidémies de grippe saisonnière sont actuellement dues
aux virus A(H1N1), A(H3N2) ou B.
Transmission
La transmission est interhumaine directe par voie aérienne via des gouttelettes de 5
µm. La contamination indirecte par des objets souillés est possible mais plus rare
(persistance sur les mains de 5 à 30 min, sur les surfaces inertes plusieurs heures, dans
les selles plusieurs jours). La transmission peut se faire avant le début des signes
cliniques jusqu’à 6 jours après le début des symptômes, elle est raccourcie si un
traitement antiviral est pris, et elle peut être plus prolongée chez les enfants, les patients
immunodéprimés, et en cas de gravité clinique.
Le nombre de personnes contaminées à partir d’un patient grippé est de moins de 2.
Présentation clinique
La période d’incubation est de 24-72h après le contage. Les caractéristiques cliniques
sont dépendantes de l’immunité de l’individu, de ses comorbidités (individu identifié
comme « à risque de complications »), de la virulence du virus infectant, de l’inoculum.
Les individus à risque de complications et de formes graves sont ceux ciblés par les
recommandations vaccinales : principalement les personnes de plus de 65 ans, les
femmes enceintes, les personnes obèses, les personnes souffrant d’une pathologie
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respiratoire / cardiaque / rénale / hépatique / neurologique chronique grave, les
personnes diabétiques, les personnes immunodéprimées (cf Annexe 1).
Le syndrome grippal, en phase d’invasion, peut associer : malaise, frissons, fièvre,
céphalées et myalgies. La phase d’état est variable pouvant associer à des degrés
divers: fièvre élevée, tachycardie, frissons, asthénie, anorexie, abattement, rhinorrhée,
douleurs pharyngo-laryngées, dysphagie, dysphonie, brûlures rétro-sternales, toux
sèche, céphalées vives frontales et rétro-orbitaires, photophobie. Les formes pauci voire
asymptomatiques sont possibles, représentant 10 à 15% selon les études.
Les formes extra-respiratoires sont rares et peuvent égarer le diagnostic : troubles
digestifs, méningite lymphocytaire avec ou sans encéphalite, péricardite voire
myocardite, myosite chez l'enfant.
Evolution
Elle est en général favorable et brève : la température décroît en deux à quatre jours, les
autres signes s’estompent parallèlement, sauf l’asthénie et la toux qui peuvent persister
plus de deux semaines.
Les complications peuvent être liées à l’extension de l’infection virale avec survenue de
localisations plus rares, à une surinfection bactérienne, à la décompensation d’une
pathologie sous-jacente ou à un autre évènement intercurrent. Elles peuvent conduire à
une forme grave.
La forme grave est définie par la survenue d’une défaillance d’organe, cause de décès
possible.
Chez l’enfant, le diagnostic clinique de grippe est plus difficile. La présentation clinique
peut être trompeuse, avec, avant 1 an, des formes asymptomatiques allant jusqu’à un
état septique grave, et avant 3-5 ans, des symptômes de somnolence (50 % avant 4
ans) pouvant aller jusqu’à des troubles de conscience, des signes digestifs (40 %), ou
une fièvre isolée élevée mal tolérée. De plus, les infections aux autres virus respiratoires
hivernaux sont plus fréquentes, rendant le diagnostic spécifique d’infection grippale plus
difficile. Les enfant les plus à risque de décès, d’hospitalisation ou de complications
outre les enfants à risque définis dans les indication de la vaccination, sont les moins de
2 ans et surtout les moins de 6 mois.
Conduite à tenir
1) pister
Patient suspect = Manifestations cliniques ET Exposition possible
1. Critères cliniques
Toux fébrile* a fortiori avec d’autres manifestations du syndrome grippal tel que décrit
ci-dessus. Plus rares, mais possibles des symptômes évocateurs d’atteinte des voies
aériennes inférieures (polypnée, foyer de crépitants, douleur thoracique) ou d’autres
organes
Et
2. Exposition
- Notion de contage auprès d’une personne grippée dans les 1 à 3 jours avant
l’apparition des symptômes,
- En période d’épidémie grippale en cours la notion de contage devient difficile à
caractériser et la symptomatologie clinique suffit à suspecter le diagnostic d’infection
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respiratoire aigüe probablement grippale.
* selon les études, en période de circulation des virus de la grippe saisonnière, la présence simultanée
de ces deux signes a une valeur prédictive positive de 79 à 87 %
Diagnostics alternatifs
Les manifestations cliniques ne sont pas spécifiques et peuvent être dues à :
- une infection par d’autres pathogènes communs de l’appareil respiratoire (autres
virus type adénovirus, VRS, rhinovirus et/ ou bactéries de type Mycoplasma
pneumoniae, Streptococcus pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Légionella
pneumophila),
- une bactériémie,
- une méningite virale ou bactérienne,
- une infection par un virus respiratoire émergent potentiellement grave, dont la
recherche d’exposition doit être faite par un interrogatoire minutieux : notion de
voyage en zone à risque principalement.
2) Protéger
Devant une suspicion ou un diagnostic de grippe saisonnière, les précautions
standards et complémentaires de type « gouttelettes » doivent être mises en place en
complément des précautions standard (déjà appliquées pour toute prise en charge), et
ce quel que soit le statut vaccinal du patient, de son entourage, et du soignant vis-à-vis
de la grippe (HCSP 2011 et 2015, SF2H 2013 et 2015).
Mesures à mettre en place dès qu’un patient suspect d’infection grippale
saisonnière est pris en charge en milieu de soins (MS) tels que établissement de
santé, établissement médico-social ou cabinet médical :
Pour le patient en MS: masque chirurgical (de soins) si le patient peut le supporter +
hygiène des mains par frictions hydro-alcooliques. Pour le patient en milieu
communautaire : hygiène des mains par lavages fréquents à l’eau et au savon
Pour le soignant : Précautions complémentaires de type « gouttelettes » soit : stricte
application des précautions standards avec un focus sur l’hygiène des mains par
frictions hydro-alcooliques, + port de masque chirurgical. Lors de manœuvres invasives
(fibroscopie, aspiration bronchique, kinésithérapie respiratoire...), le soignant portera
un APR de type FFP à usage unique
De plus, que ce soit en MS ou en milieu communautaire, un isolement relatif avec
conseils de mesures de distanciation physique est également souhaitable
3) Prendre en charge
La prise en charge comporte, en priorité, les étapes suivantes :
1. Recherche des complications et évaluation de la gravité
Les complications des voies aériennes, virales et/ou bactériennes, sont les
complications les plus fréquentes : elles peuvent toucher les voies aériennes
supérieures, avec otites, sinusites, laryngites, ou inférieures, avec bronchites et surtout
pneumopathies (foyer de crépitants à l’auscultation). Elles peuvent plus rarement
atteindre d’autres organes. Elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital suite à une
défaillance d’organe ou à la décompensation d’une pathologie chronique préexistante.
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