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INTRODUCTION
Si l’ostéopathie semble avoir prouvé son efficacité dans la prise en charge des troubles et
douleurs fonctionnels, le mécanisme de ses réussites reste encore bien incertain.
La profession revendique un statut scientifique et cherche sa crédibilité au sein du paysage
médical par l’utilisation fondamentale de l’anatomie, de la biomécanique et de la physiologie.
Elle tente d’appliquer un modèle analytique à un système organique complexe mais
l’expérience ostéopathique vient confronter les limites de ce modèle. En effet, il arrive à
l’ostéopathe de se heurter à la résistance d’un corps qu’on pensait « machine », à
l’incohérence de certains systèmes de dysfonctions, il constate des libérations somato-
émotionnelles, perçoit des still points. Ces situations viennent interroger notre compréhension
du soin ostéopathique et plus vastement de l’humain. Quelle est la place de l’intention ? En
quoi la posture du thérapeute conditionne t’elle la réussite du soin ? S’adresse-t-on à un corps
physique ? Un corps psychique ? Comment le corps est-il capable de s’autoréguler ? Tend-il à
s’approcher d’un point neutre de constantes physiologiques ? Ou s’organise-t-il sous
l’impulsion d’une forme d’intelligence qui peut le faire évoluer au-delà de ce point? Dans ce
cas cette intelligence fait-elle partie intégrante de la matière ? En est-elle un constituant ? Ou
est-elle un élément superposé ? Est-elle une composante d’une intelligence supérieure ou
immanente au monde ?
En fil rouge de ces interrogations apparait la grande question existentielle et métaphysique
du rapport corps-esprit. Dans le domaine de la santé, et dans l’ostéopathie plus encore, les
connaissances et les croyances adoptées sur le sujet conditionnent le rapport à l’homme, à la
santé et donc au soin. À travers mon expérience, j’ai constaté que l’apport d’un bagage
philosophique modifiait profondément ma façon de travailler, alors qu’aucune nouvelle
technique ne m’était enseignée. Inversement, certaines expériences, certains évènements dans
mon parcours professionnel sont venus ébranler mes convictions métaphysiques.
Cette analyse rétrospective restait néanmoins très floue. J’ai donc décidé de pousser mes
recherches sur le rapport corps-esprit à travers la tradition philosophique et d’essayer de faire
le lien avec des étapes clés de mon cursus professionnel.
Évidemment, il serait illusoire de penser faire le tour de la tradition philosophique sur le
sujet en quelques pages. Cinq courants seront donc présentés de façon simplifiée afin de