Consultez l`article de Benoît Paillé, ingénieur à la CSDM, publié

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LA CONSERVATION DES BÂTIMENTS
PATRIMONIAUX : UN DÉFI DE TAILLE
L’école Victoria après
sa restauration
Par Benoît Paillé, ing., CEM, Chargé de projets - Efficacité énergétique, systèmes mécaniques et gestion de l’énergie­­ //
COMMISSION SCOLAIRE DE MONTRÉAL
En entrant dans l’édifice Victoria, l’effet est
frappant. Le hall monumental, avec ses grandes
portes de bois vitrées et son imposte en forme d’arc,
rappelle cette époque révolue où l’on construisait
de façon massive et durable. Puis, c’est la richesse
des matériaux qui frappe : lambris, planchers de
bois franc et moulures imposantes. On croirait
entrer dans une luxueuse résidence, mais en
fait nous nous trouvons à l’École des métiers de
la restauration et du tourisme de Montréal. Le
bâtiment patrimonial, appartenant à la Commission
scolaire de Montréal (CSDM), a été l’objet d’un
projet de réhabilitation majeur et vient tout juste
de recevoir la certification LEED Argent. Situé
au centre-ville de Montréal, il est l’une des rares
écoles de la métropole ayant survécu au 19 e
siècle. Retour sur un projet unique et ambitieux.
UN BÂTIMENT AU RICHE PATRIMOINE HISTORIQUE
Avant le début du 19e siècle, au Québec, il n’existait pas de véritable
système d’éducation organisé. Bien que l’Église ait mis en place quelques
institutions scolaires gérées par des communautés religieuses, il faudra
attendre la deuxième moitié du 19e siècle pour que le système scolaire
québécois, tel qu’on le connaît aujourd’hui, voie le jour. La création des
deux commissions scolaires, catholique et protestante, entraîne alors
l’édification de plusieurs écoles. Les nombreux projets de construction se
feront à un rythme accéléré, au point de devenir l’objet de rivalité entre les
communautés anglophone et francophone qui s’identifient à l’architecture
de leurs bâtiments.
L’école protestante, érigée en 1887 sur la rue Saint-Luke (aujourd’hui devenue
le boulevard de Maisonneuve), est nommée Victoria en l’honneur de la
Reine Victoria, en visite au Canada cette année-là. Conçue par l’architecte
Alexander Francis Dunlop, elle ouvre ses portes le 1er septembre 1888.
Jusque dans les années 1960, elle offrira l’éducation de niveau primaire à
la clientèle anglophone protestante du quartier.
Au début des années 1960, le Québec connaît une vague de réformes
politiques qui engendrent des bouleversements sociaux importants. Dans
la foulée de ces événements, plusieurs parents protestants considèrent
l’importance de l’apprentissage du français pour assurer la réussite de
leurs enfants dans le Québec moderne. En 1962, l’école Victoria devient
LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_AUTOMNE 2015
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LA CONSERVATION DES BÂTIMENTS PATRIMONIAUX :
UN DÉFI DE TAILLE
le deuxième établissement du réseau protestant à offrir un enseignement
en français. En 1975, l’édifice Victoria accueille l’école FACE qui propose
une formation axée sur les arts. La diminution de la clientèle scolaire,
conjuguée à l’entrée en vigueur de la loi 101, oblige le Bureau des écoles
protestantes du Grand Montréal à fermer huit établissements en 1979,
dont l’école Victoria. À la suite du déménagement de l’école FACE la même
année, l’édifice Victoria ferme définitivement ses portes. Loué à l’université
Concordia, il sera cédé à la CSDM en 1999 dans la foulée de la création
des commissions scolaires linguistiques. Restauré, l’édifice constitue le plus
ancien bâtiment scolaire protestant encore existant.
LA CSDM : UN ORGANISME QUI VALORISE
LA CONSERVATION DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL
Longtemps oublié, le patrimoine scolaire suscite depuis quelques années
un intérêt marqué. Gestionnaire d’un parc immobilier important, la
CSDM manifeste un vif intérêt à l’idée d’encourager sa mise en valeur.
Plusieurs initiatives ont été amorcées dans ce sens depuis le tournant des
années 2000, dont une collaboration avec le programme de maîtrise en
Aménagement (Option Conservation du patrimoine bâti) de l’Université
de Montréal. Des inventaires et des analyses patrimoniales des écoles de la
CSDM ont ainsi été réalisés. La CSDM dispose aujourd’hui d’un guide
d’intervention architectural pour encadrer ses interventions et d’une fiche
pour chacune de ses écoles.
Avec ses 200 établissements et ses 22 000 employés, la CSDM fournit
des services éducatifs à 112 000 élèves, ce qui en fait le plus grand réseau
d’écoles publiques du Québec. Forte d’un parc immobilier imposant, la
CSDM doit toutefois composer avec des établissements vieillissants et un
taux de vétusté élevé. L’ampleur des travaux à réaliser induit une pression
importante sur la direction des ressources matérielles, chargée de planifier
et réaliser les divers projets. Cette situation ne facilite guère la conciliation
des objectifs d’ordre architectural ou environnemental avec les contraintes
de budget et de temps. En dépit des difficultés, le projet de restauration
de l’édifice Victoria a bénéficié d’une approche de rénovation qui tient
compte des aspects patrimonial et environnemental. Les interventions sur
le bâtiment ont été prévues et réalisées dans le respect de son architecture
et de ses matériaux, ainsi que selon les principes de développement durable.
UN PROJET AMBITIEUX
D’une superficie de 3 542 m² répartie sur quatre étages, l’édifice est composé
de bureaux, de vestiaires, de laboratoires, de cuisines, de salles à manger
ainsi que de salles de classe. Le projet a été confié à un consortium formé
© English Montreal School Board Archives, sans date
La façade principale de l’école Victoria.
La photographie montre également un bâtiment
situé à l’ouest de l’école aujourd’hui démolie
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LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_AUTOMNE 2015
L’école Victoria avant
sa restauration
des firmes d’architectes Vincent Leclerc et Associés et Affleck de la Riva.
Le volet mécanique et électrique a quant à lui été réalisé par WSP. Le
projet a été réalisé au coût de 12 M$.
Au démarrage du projet, l’équipe responsable de la réalisation avait
pointé la géothermie comme la solution optimale pour atteindre une
bonne performance énergétique. Or, la difficulté d’implanter un réseau
de puits géothermiques sur le site, un peu trop exigu, a forcé l’équipe à
changer son plan initial. Une centrale de production d’eau chaude et d’eau
refroidie, composée de deux chaudières à condensation au gaz naturel et
d’un refroidisseur avec condenseur à air, a plutôt été choisie. L’air neuf est
quant à lui acheminé par une unité de ventilation avec récupération de
chaleur par roue thermique. La consommation énergétique simulée est
de 33,5 % inférieure au bâtiment de référence du code modèle national
de l’énergie pour les bâtiments de 1997.
Pendant les travaux, de nombreux produits de construction ont été
réutilisés, réduisant ainsi la demande en matériaux neufs. Cela a permis
de réduire les impacts résultant de l’extraction et de la transformation de
nouvelles ressources. Par exemple, les briques des murs extérieurs et les
planchers en bois ont été récupérés et réutilisés dans la reconstruction.
Les déchets générés pendant le projet ont été triés et emmenés dans des
centres de recyclages en fonction du type de matériaux. En tout, 75 %
des déchets de construction ont été détournés des sites d’enfouissement.
Le projet a d’ailleurs reçu le Prix de la mise en valeur du patrimoine 2013
de l’Opération patrimoine architecturale de Montréal, qui récompense une
entreprise pour la restauration exemplaire d’un immeuble historique. Le
jury a souligné la qualité du projet de recyclage qui a permis de redonner
vie à un bâtiment patrimonial marquant du centre-ville montréalais.
De façon sommaire, les mesures suivantes ont été implantées :
• les planchers de bois sont 100 % FSC : le bois vient d’une forêt exploitée
de façon durable;
• les appareils sanitaires permettent de diminuer la consommation d’eau
de 48 % par rapport aux appareils standards;
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LA CONSERVATION DES BÂTIMENTS PATRIMONIAUX :
UN DÉFI DE TAILLE
L’école Victoria pendant
sa restauration
• les matériaux utilisés pour la construction des murs, plafonds et tapis
sont exempts de composants organiques volatils (COV);
aux besoins de l’école. La configuration des cuisines à proximité des deux
salles à manger et des différents locaux est optimale et facilitante. »
• la proximité des transports en commun (métro Guy Concordia et
plusieurs arrêts de bus), la présence d’une piste cyclable, de supports
à vélos devant le bâtiment et de douches favorisent le transport actif;
Les architectes du projet ont eu recours aux services de la firme Bernard et
associés, spécialisée dans le design et l’aménagement de cuisines commerciales.
Leur implication a visiblement fait une différence dans le résultat final. L’école,
qui forme 200 élèves par an, reçoit plus de 11 000 visiteurs par année.
Au-delà des considérations esthétiques, un aménagement fonctionnel est
donc plus qu’indispensable!
• l’utilisation de matériaux de pavage de couleur pâle, la mise en place
d’un système de pavage alvéolé et la plantation d’arbres fournissant de
l’ombre contribuent à réduire les îlots de chaleur;
• un système recueille les eaux de ruissellement provenant des toitures
et des surfaces imperméables et les redirige vers un bassin. Au lieu de
consommer l’eau potable, l’eau ainsi recueillie sert à l’irrigation du site.
DES ÉLÈVES ET DES CLIENTS SATISFAITS!
L’École des métiers de la restauration et du tourisme de Montréal s’est
installée dans le bâtiment à l’automne 2012. Monsieur Mario Bilodeau,
directeur de l’école, est sans équivoque :
« Le bâtiment est apprécié de tous pour sa beauté exceptionnelle et son aspect
chaleureux, mais aussi pour son aménagement qui répond parfaitement
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LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_AUTOMNE 2015
Même si la réhabilitation de ce bâtiment a constitué un projet inhabituel qui
a nécessité plus de temps et d’argent qu’un projet typique de construction,
la CSDM est fière de pouvoir offrir un environnement de cette qualité à
ses élèves. Le résultat final éclatant devrait sans aucun doute contribuer à
paver la voie aux futurs projets de réhabilitation de bâtiment patrimonial. 
Pour les amateurs de gastronomie, les élèves des programmes de Cuisine et de
Service de la restauration sont fiers de vous accueillir du mardi au vendredi
entre 11 h et 14 h et entre 18 h et 21 h
Source : Jacqueline Jabourian, M. Sc. A., Étude patrimoniale de l’école Victoria, septembre
2009
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