PARCOURS DE LECTEUR • L’École des femmes
Olivier Ythier (Horace) et Pierre Arditi (Arnolphe),
mise en scène de Didier Bezace
(Théâtre de la Commune, Aubervilliers, 2001).
La réception de l’œuvre : Des personnages vraisemblables ?
1 Quelles invraisemblances dans les caractères les
trois textes relèvent-ils ? Comment sont-elles
expliquées ? Classez vos éléments de réponse.
2 Expliquez, en vous appuyant sur le texte 2 et les
monologues d’Arnolphe (éd. Classiques Hachette,
p. 77, 81-82, 91-92), pourquoi des metteurs en scène
font souvent d’Arnolphe un personnage tragique.
MISE EN SCÈNE Comment le jeu de Pierre Arditi tra-
duit-il cette idée ?
3 Horace et Agnès sont-ils pour vous « des ados
comme il peut y en avoir tant » ? Argumentez.
Intrigue classique et
évolution d’un caractère
Personnage et caractère
Le personnage de théâtre classique se définit par un
état civil (nom, âge, situation sociale et familiale) et
se construit par sa présence sur scène, les actions
qu’il accomplit et les paroles qu’il prononce ou celles
que l’on dit sur lui. Le caractère est l’ensemble de ses
traits psychologiques et moraux, particulièrement
marqués, voire stéréotypés (exemples : l’ingénue,
l’avare, le barbon).
La règle classique prône que le comportement du per-
sonnage reste cohérent, tout au long de la pièce, avec
son caractère initial. Il ne doit, ni ne peut, évoluer.
1 @ RECHERCHE Quelle est l’étymologie du prénom
Agnès ? Quelles en sont les connotations ? Qu’est-il
arrivé à sainte Agnès ?
2 Établissez la fiche d’identité d’Agnès grâce
aux informations données à l’acte I, scène 1 (éd.
Classiques Hachette, p. 18-19), puis à celles qui sont
révélées à l’acte V, scènes 7 à 9 (p. 119 à 125).
3 Relevez dans les propos d’Arnolphe (v. 123-164,
p. 18-19), puis dans ceux d’Horace (v. 316-340,
p. 32-33) les termes définissant le caractère de la
jeune fille. Confrontez ces éléments à l’attitude
d’Agnès à l’acte II, scène 5 (p. 44 et suivantes) et à sa
lettre (acte III, scène 4, p. 73-74). Brossez le portrait
psychologique et moral de la jeune fille.
Un personnage moteur de l’intrigue
1 Dans combien de scènes Agnès apparaît-elle ?
Avec quel(s) personnage(s) ? Que remarquez-vous ?
2 Dans ses plus longs dialogues, quels éléments
révèlent l’évolution de son caractère ?
3 Relevez les actions d’Agnès, relatées dans les
actes III, scène 4 (éd. Classiques Hachette, p. 72-73) ;
IV, scène 6 (p. 90-91) et V, scène 2 (p. 104-105).
Pourquoi constituent-elles des coups de théâtre ?
Jouer Agnès
1 Relevez les didascalies et les éléments de dialogue
(v. 676 ; v. 1012-1015) précisant l’attitude d’Agnès
(mimiques, regards, etc.). Révèlent-ils la complexité
du personnage ? Quel effet ce jeu produit-il sur
Arnolphe (fin des actes II, scène 5 et IV, scène 1) ?
2 MISE EN SCÈNE Comparez les images d’Agnès : com-
ment les actrices incarnent-elles le caractère du
personnage et son évolution ?
Le triomphe du naturel
« Agnès enseigne par l’exemple qu’un esprit bien
né ne saurait être entièrement étouffé par une
mauvaise éducation, mais qu’une bonne éducation
permettrait de brûler les étapes. »
G. FORESTIER, Notice à L’École des femmes,
© Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2010.
1 Lisez les passages où il est question de l’éducation
des filles (Actes I, scène 1, éd. Classiques Hachette,
p. 16-18 ; III, scènes 3, 4, 5, p. 66-77 ; V, scène 4,
p. 114). Qu’a-t-on enseigné à Agnès ? Quel rôle cette
éducation donne-t-elle aux femmes ? Que critiquent
Chrysalde, Horace et Agnès ?
2 Quels « fâcheux périls » (v. 1414 et suivants)
Agnès court-elle à cause de cette éducation ?
3 Le « naturel » d’Agnès joue-t-il un rôle détermi-
nant dans son émancipation ? Expliquez.
FICHE DE LECTURE 1
9 L’École des femmes
189
⁄. Molière, La Critique de l’École des femmes
Uranie réunit dans son salon des amis et connaissances. La conver-
sation s’oriente sur la pièce de Molière que tous ont vue. Uranie et
Dorante s’y sont amusés, les autres sont très critiques.
Scène VI
URANIE. – Pour moi, je trouve que la beauté du sujet de L’École
des femmes consiste dans cette confidence perpétuelle ; et ce
qui me paraît assez plaisant, c’est qu’un homme qui a de l’es-
prit, et qui est averti de tout par une innocente qui est sa maî-
tresse, et par un étourdi qui est son rival, ne puisse avec cela
éviter ce qui lui arrive.
LE MARQUIS. – Bagatelle, bagatelle.
CLIMÈNE. – Faible réponse.
ÉLISE. – Mauvaises raisons.
DORANTE. – Pour ce qui est des enfants par l’oreille, ils ne sont
plaisants que par réflexion à Arnolphe1 ; et l’auteur n’a pas mis
cela pour être de soi un bon mot, mais seulement pour une
chose qui caractérise l’homme, et peint d’autant mieux son
extravagance, puisqu’il rapporte une sottise triviale qu’a dite
Agnès comme la chose la plus belle du monde, et qui lui donne
une joie inconcevable.
LE MARQUIS. – C’est mal répondre.
CLIMÈNE. – Cela ne satisfait point.
ÉLISE. – C’est ne rien dire.
DORANTE. – Quant à l’argent qu’il donne librement, outre que la
lettre de son meilleur ami lui est une caution suffisante, il n’est
pas incompatible qu’une personne soit ridicule en de certaines
choses et honnête homme en d’autres.
MOLIÈRE, La Critique de l’École des femmes, Scène VI, 1663.
1. Si on les rapporte au personnage d’Arnolphe.
Philippe Clévenot et Anouk Grinberg,
mise en scène de Bernard Sobel, 1985.
Didier Sandre et Dominique Valadié,
mise en scène d’Antoine Vitez, 1978.
¤. Didier Bezace,
metteur en scène
Ainsi L’École s’inverse : elle
devait être celle d’un magister 1
tyrannique à l’égard d’une jeune
conscience brimée, celle de l’ap-
propriation, de la bêtise et de la
cruauté, celle que l’on subit encore
tout près de chez nous sous certains
voiles, elle devient l’apprentissage
forcé de l’humain par un homme
solitaire et têtu. Si le combat de la
vie semble gagné d’avance, celui de
la lucidité apparaît comme perdu :
Arnolphe restera jusqu’au bout un
mauvais élève et la fin de la pièce le
met au piquet pour toujours.
Est-ce cette fin sans appel qui
fait de L’École une tragédie autant
qu’une farce ?
D. BEZACE, Extrait du programme du
spectacle (Théâtre de la Commune,
Aubervilliers, 2001-2002).
1. Maître d’école.
‹. Jean-Pierre Vincent,
metteur en scène
Oh, nos jeunes amis ne sont
pas des génies, pas des surdoués,
non ! Agnès et Horace sont des
personnes très ordinaires, loin du
luxe baroque de Roméo et Juliette :
une naïve et un gaffeur, comme on
en voit dans les feuilletons, des ados
comme il peut y en avoir tant.
J.-P. VINCENT, Dossier de l’Odéon
(Théâtre de l’Europe, Paris, 2008).