DP Analyses Économiques N° 37 – Avril 2004 Écarts de croissance et de productivité États-Unis/Zone euro : un usage prudent de ces écarts s’impose1 Trois indicateurs généraux sont d'usage courant pour apprécier les différents aspects de la performance des économies et les comparer entre elle, le PIB pour mesurer la «puissance» économique, le PIB par habitant pour approcher le niveau de vie, la productivité pour apprécier l'efficacité. Quand on utilise ces trois indicateurs pour comparer les performances respectives de la zone euro et des États-Unis selon ces trois approches, les résultats sont les suivants pour la période la plus récente : 1) Le niveau du PIB/habitant de la zone euro est en 2002 inférieur de 28,5 % au PIB/habitant des États-Unis quand on le mesure en parité de pouvoir d'achat. 2) Le niveau de la productivité horaire dans la zone euro est inférieur de 6,5% à celui des États-Unis en 2002. 3) La croissance du PIB a été supérieure de 1 point environ aux États-Unis de 1993 à 2003 : +3,2% par an aux États-Unis contre + 2,1% par an en zone euro. 4) La croissance du PIB par habitant a été légèrement supérieure aux États-Unis à ce qu’elle a été en zone euro sur les mêmes dix dernières années : +2,1% par an contre +1,8%. 5) La croissance de la productivité horaire a été légèrement supérieure aux États-Unis sur la même période, avec +1,9% par an, contre 1,5% par an en zone euro. Par rapport à la décennie précédente, les gains de productivité horaire ont accéléré aux États-Unis (+1,4% entre 1983 et 1993) et décéléré en zone euro (+2,2% entre 1983 et 1993). Ces différents écarts sont souvent commentés et plus encore invoqués à l'appui de préconisations de politique économique. Toutefois quelques précautions paraissent nécessaires dans l'usage de ces chiffres. Ces précautions résultent d'abord des conditions d'élaboration des statistiques. Des différences de méthodes subsistent en effet entre statisticiens européens et américains pour mesurer la croissance économique. Ces différences ont été récemment recensées par l'OCDE. L'examen auquel a procédé le département statistique de l'OCDE suggère qu'il existe dans ces comparaisons un biais en faveur des États-Unis, à la fois sur les niveaux et les évolutions. Le biais est mineur mais il est suffisant pour jeter un doute sur la robustesse des écarts sur les gains de productivité ou la croissance du PIB par habitant. Par ailleurs, le rôle des différents déterminants du volume de travail par habitant dans l'interprétation des écarts en niveau de ces grandeurs macroéconomiques est clairement établi. On a simultanément un écart important sur le PIB par tête mais beaucoup plus faible sur la productivité horaire parce que les Européens au travail apparaissent aussi efficaces que leurs homologues américains, mais qu'ils travaillent moins longtemps dans l'année et moins longtemps dans la vie. En revanche le rôle de la qualité du travail est plus ambigu. La faiblesse persistante du taux d'emploi européen est souvent présentée comme le résultat de la mise à l'écart des moins qualifiés et cette mise à l'écart doperait d’ailleurs la productivité horaire. Les données disponibles sur l'activité selon les qualifications suggèrent cependant que, si cet effet existe encore aujourd'hui, il ne semble plus de nature en 2002 à changer fondamentalement le diagnostic sur la productivité pour la zone euro. Enfin, les évolutions démographiques et les politiques de l'emploi au sens large ont contribué à faire diverger les évolutions de croissance des deux zones sur la dernière décennie. Le dynamisme démographique aux États-Unis explique ainsi presque 1 point par an d’écart vis-à-vis de la zone euro dans les évolutions des grands agrégats macroéconomiques. Les politiques de l'emploi en zone euro ont rencontré un succès certain, grâce notamment à une plus grande attention portée à l’évolution du coût minimal du travail, comme en témoigne en France la politique continue d’allègement des charges sur les bas salaires. Ces politiques de l’emploi ont permis de baisser le chômage des moins qualifiés et de freiner la dégradation de leur taux de participation. Au même moment aux États-Unis, le taux de participation des moins qualifiés s'est plus nettement affaibli et leur taux de chômage a stagné. Ces orientations des marchés du travail ont contribué à ralentir les gains de productivité en zone euro et à les accélérer aux États-Unis. Elles seraient à l'origine de la moitié de l'écart observé en faveur des États-Unis sur les gains de productivité ces dix dernières années. 1. Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la Direction de la Prévision et de l’analyse économique et ne reflète pas nécessairement la position du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. 1. Les écarts de croissance et de productivité entre les États-Unis et l'Europe sont un peu majorés par des différences de mesure a) Des caractérisations économiques différentes de certaines opérations en Europe et aux ÉtatsUnis perturbent les comparaisons des niveaux et parfois des évolutions Tableau 1 : écarts de croissance et de productivité États-Unis/Zone euro Les comptables nationaux américains traitent comme un investissement l'acquisition de matériels militaires par les armées et incluent un amortissement de ces matériels dans le PIB, alors que les comptables européens traitent l'opération comme une consommation intermédiaire et ne l'amortissent pas. Le niveau du PIB américain serait inférieur d'un ½ à 1 point selon les années si ces dépenses étaient enregistrées comme en Europe. L'effet est plus ambigu sur les évolutions, qui ne sont en tout état de cause que très marginalement affectées (l'OCDE pointe un effet négatif de – 0,06 point sur le taux de croissance annuel du PIB dans les années 90, qui se serait inversé ensuite). États-Unis Zone euro Écart Niveaux 2002a (parité de pouvoir d'achat) PIB en Md$ 10 383 7 863 – 24% PIB par tête en $ 35 977 25 824 – 28% Productivité horaire en $ 41,5 39,1 – 6% Évolution annuelle moyenneb (1993-2003) PIB +3,2% +2,1% – 1,1 pt PIB par tête +2,1% +1,8% – 0,3 pt Productivité horaire +1,9% +1,5% – 0,4 pt a. données OCDE. b. données des comptes nationaux en volume. Source : OCDE. Le tableau 1 présente les écarts de croissance et de productivité entre les États-Unis et la zone euro tels qu'ils ressortent des dernières statistiques disponibles dans la base de données de l'OCDE. En 2002, le PIB de la zone euro est d'un quart inférieur à celui des États-Unis, le PIB par européen est inférieur de 28% au PIB par américain et la productivité par heure de travail en Europe est inférieure de 6% à la productivité par heure de travail aux États-Unis. De 1993 à 2003, la croissance annuelle en zone euro a été inférieure de plus de 1 point à la croissance de l'économie américaine, l'évolution du PIB par habitant moins rapide de trois dixièmes de point par an et celle de la productivité horaire de 4 dixièmes de point par an. Selon l'OCDE2, ces comparaisons sont affectées par des principes de comptabilité nationale différents aux États-Unis et en Europe (enregistrement différent de certaines opérations et méthodes distinctes de partage prix-volume). 2. «Comparing growth in GDP and labour productivity: measurement issues», Nadim Ahmad, François Lequiller, Pascal Marianna, Dirk Pilat, Paul Schreyer, Anita Wölfl, Statistics Brief, OECD Décembre 2003 N°7. Une version plus complète de l'étude est disponible sous la forme d'un document de travail, «Comparing labour productivity growth in the OECD area: the role of measurement» OECD Statistics Working Paper 2003/5. Beaucoup de services bancaires ne sont pas facturés, et Américains comme Européens utilisent, pour estimer la production de services par les banques, la différence entre les intérêts reçus et les intérêts versés. Il faut ensuite décider de la répartition de ces services bancaires entre les consommations intermédiaires des entreprises et la consommation finale des ménages, qui seule entre dans le PIB. Jusqu'à présent, les comptables européens affectent ces services en totalité aux consommations intermédiaires des entreprises alors que les comptables américains en attribuent une partie aux ménages. L'impact en niveau est assez important puisque cela ajoute 2,3 points au PIB américain. L'impact sur la croissance annuelle est plus modeste, l'évolution de ces services n'étant pas beaucoup plus rapide que celle de l'ensemble de l'économie. Il est estimé à moins de 0,1 point par l'OCDE. Enfin on décèle une différence non de méthode, mais de pratique dans la façon dont sont comptabilisées les acquisitions de logiciels dans les comptes nationaux en Europe et aux États-Unis. Ces acquisitions de logiciels peuvent être traitées comme des dépenses courantes ou immobilisées comme investissements, et les règles laissent dans ce domaine une certaine latitude aux entreprises. Les comptes nationaux européens suivent en la matière les choix des entreprises. Les comptables nationaux américains ont préféré retraiter les données d'entreprise et opérer eux-mêmes la répartition. L'expérience montre que cela aboutit à peu immobiliser les logiciels en Europe et à les immobiliser davantage aux États-Unis. L'impact de cette différence de pratique sur le niveau du PIB américain serait supérieur à 1 point, et de l'ordre de ¼ de point sur la croissance annuelle de la fin des années 90, qui ont connu une très forte progression des acquisitions de logiciels. 2 b) Des méthodes différentes pour mesurer les variations de prix affectent les comparaisons des évolutions aux États-Unis et en Europe L'évolution des prix de vente des produits ou des services modifiés par le progrès technique intègre deux dimensions : une pure variation de prix, le prix à payer pour une même qualité de produit ou de service variant d'une période à la suivante, mais aussi une variation de la qualité du produit ou du service d'une période à l'autre. Une mesure exacte de la croissance implique de dissocier ces deux dimensions et d'ajuster les mouvements de prix observés pour tenir compte de l'amélioration de la qualité. Ces ajustements sont délicats, et ils ne sont pas standardisés dans les comptes nationaux. Cela aboutit à des indices de prix pour les nouvelles technologies fortement divergents d'un pays à l'autre, qui reflètent plus des différences de méthode que des mouvements de prix réels. Les États-Unis se caractérisent par des ajustements pour la qualité plutôt plus importants qu'en Europe par des méthodes dites «hédoniques». L'impact de cette différence sur les comparaisons de croissance en volume est assez délicat à établir, parce que ces produits sont fréquemment importés. La fourchette de l'impact est donc assez large, comprise entre 0,1 et ¼ de point sur la croissance américaine de la fin des années 90. D'une façon générale, le partage volume-prix est problématique dans des services qui prennent une importance croissante dans le PIB : services bancaires, commerce de détail, services de santé. Les conventions adoptées pour isoler les mouvements de prix dans ces secteurs sont différentes d'un pays à l'autre, et aboutissent parfois à des évolutions négatives de la productivité. L'OCDE a mené des simulations en calant à zéro la productivité dans ces secteurs en France et aux États-Unis. Cela aboutit à relever la croissance de 0,2 point par an en France, et seulement de 0,1 point aux USA. Enfin Américains et Européens utilisent des formules de pondération différentes pour agréger les évolutions individuelles et dégager une croissance d'ensemble de l'économie. Les Américains ont recours à des indices dits de Fischer, les Européens à des indices dits de Laspeyres. L'utilisation des indices de Fischer diminue la croissance américaine d'un peu plus de 0,1 point par an. Les biais ainsi identifiés dans la mesure favorisent les États-Unis, de 4 points sur le niveau du PIB et de 0,3 à 0,4 point sur la croissance annuelle quand on en fait masse. Ainsi les faibles écarts observés avec les statistiques actuelles sur le niveau de la productivité horaire (6,5 points) et les évolutions du PIB par habitant (0,3 point par an) ou de la productivité horaire (0,4 point par an) sont à la limite de la robustesse statistique. Tableau 2 : effets des différences de méthode sur le niveau du PIB américain et de sa croissance Impact sur le niveau du PIB Amortissement du matériel militaire ½ à 1 point – 0,06 point 2,3 points < 0,1 point 1 à 1 ½ point ¼ point Imputation des services bancaires non facturés Immobilisation des logiciels Impact sur la croissance Ajustement qualité pour les prix des nouvelles technologies – 0,1 à ¼ point Indices des prix dans certains services – 0,1 point Technique d'agrégation – –0,15 point Total 4 points 0,3 à 0,4 point Source : OCDE, calculs DP. Les conclusions des calculs d'évolution sur le PIB par habitant ou la productivité horaire sont par ailleurs assez sensibles au choix de l'année de départ, en raison du déphasage des cycles au début des années 90 entre l'Europe et les États-Unis ou au choix du champ (l'union européenne plutôt que la zone euro). En d'autres termes, une fois passés au crible, seuls les éléments suivants paraissent robustes dans les écarts de performance économique entre l'Europe et les États-Unis : un niveau de PIB par habitant supérieur, un niveau de productivité horaire comparable, une croissance plus rapide aux États-Unis, des gains de productivité qui accélèrent aux États-Unis alors qu'ils décélèrent en Europe. 2. Les écarts sur le taux d'emploi et la durée du travail paraissent expliquer l'essentiel de l'écart de niveau de vie, mais ils pourraient masquer une productivité intrinsèquement plus faible en Europe a) Les écarts sur la quantité de travail expliquent que le niveau de vie soit plus faible en zone euro alors que la productivité observée est à peu près la même Tableau 3 : quantité de travail aux États-Unis et en zone euro 2002 États-Unis Zone euro Zone euro/ États-Unis Population totale (en millions) 289 305 +5% Population en âge de travailler (15-64 ans, en millions) 192 203 +5% Population participant au marché du travail (en millions) 146 142 –3% Emploi total (en millions) 138 130 – 6% 1815 1548 –15% 250 201 –20% Durée moyenne par employé (en heures par an) Heures travaillées (en milliards) Source : OCDE. 3 En 2002, la population de la zone euro est légèrement supérieure à la population des États-Unis, et la part de la population en âge de travailler dans la population totale est exactement la même dans les deux économies, à 67%. Ainsi les caractéristiques démographiques ne sont pas un facteur d'explication du retard de production ou de niveau de vie de la zone euro en 2002. Elle dispose même à cette date d'un peu plus de personnes en âge de travailler. En revanche les caractéristiques du marché du travail et la durée du travail sont à l'origine d'un écart très important sur le nombre moyen d'heures travaillées par personne en âge de travailler, 1300 par an aux États-Unis et 990 en zone euro, soit 24% d’écart. Trois facteurs, aujourd'hui bien documentés3, mènent à ce résultat. Le taux de participation est plus beaucoup plus faible en zone euro chez les 15-24 ans et les 55-64 ans. Par ailleurs le taux de chômage est plus élevé d'environ 2 points. Au total, parmi les 15-64 ans, 64% ont un emploi en zone euro contre 72% aux États-Unis. Enfin la durée annuelle du travail des employés est inférieure de 15 % en zone euro à ce qu'elle est aux États-Unis. Ces éléments expliquent pourquoi la zone euro accuse un tel retard sur le niveau du PIB par habitant alors que sa productivité horaire n'est que légèrement inférieure à celle des États-Unis. 3. «D'où viennent les écarts de richesse par habitant entre les ÉtatsUnis, la zone euro, la France et le Japon ?» DP Analyses Économiques n°9 septembre 2003. b) Le niveau honorable de la productivité en zone euro tiendrait peu désormais à la mise à l'écart des moins qualifiés La faiblesse du taux d'emploi en zone euro a pu jeter un doute sur la signification de la productivité observée. Une interprétation serait que cette dernière est au niveau de celle des États-Unis, mais au prix de la mise à l'écart des moins productifs. Elle ne serait pas le reflet d'une efficacité comparable de la combinaison productive, mais le résultat d'une sélection plus sévère sur le marché du travail. Les moins productifs seraient en Europe voués au chômage ou à l'inactivité. Si l'on réintégrait ces gens dans l'emploi à hauteur de ce qui se passe aux États-Unis, la productivité chuterait et l'efficacité de l'économie de la zone euro apparaîtrait plus nettement inférieure à celle de la zone euro. Cette interprétation suppose un taux de participation plus faible ou un taux de chômage plus fort des moins productifs. Les données disponibles, qui croisent niveau de formation initiale, taux de participation et taux de chômage, ne permettent qu'une approche indirecte de la question. La formation initiale est une approximation de la productivité supposée d'une personne, approximation de plus en plus grossière avec l'âge. Cette précaution posée, ces données tendent plutôt à nuancer l’effet sur l’écart de productivité en Europe de l'inactivité des moins qualifiés. Le taux de participation des gens qui ont reçu seulement une formation primaire est certes plus faible en Europe qu'aux États-Unis (44% contre 50%, cf. graphique 2), alors que le taux de participation des plus instruits est le même. Mais le taux de chômage des moins formés est le même aux États-Unis et en zone euro et c'est seulement chez les mieux formés que le taux de chômage est plus élevé. Ces données indiquent en outre que la zone euro mobilise mieux dans l'emploi les gens qui ont suivi une formation secondaire de base que les États-Unis. Graphiques 1 et 2 : taux de participation et taux de chômage selon le niveau d'éducation en 2002 Taux de participation Taux de chômage 90% 18% 80% 16% 70% 14% 60% 12% 50% 10% 40% 8% 30% 6% 20% 4% 10% 2% 0% 0% Primaire Secondaire États-Unis Secondaire supérieur Zone euro Tertiaire Primaire Secondaire États-Unis Secondaire supérieur Tertiaire Zone euro Source : OECD Labor Force Statistics. 4 On peut, à partir de ces éléments, tenter un chiffrage de ce qui se passerait sur la productivité en zone euro si l'on y faisait travailler les moins qualifiés dans des proportions comparables aux États-Unis. On considère, sur la base des taux de participation, des taux de chômage des moins qualifiés et des effectifs concernés de part et d'autre, que le quart de la faiblesse relative de l'emploi en zone euro tient à l'exclusion des moins productifs. On retient pour le calcul une productivité horaire de 10 $ pour les moins qualifiés en zone euro. Cela correspond à un salaire brut à mi-chemin des salaires horaires minimum en France (7,19 €) et aux États-Unis (5,15 $)4 compte tenu des parités de pouvoir d'achat, et à une part des salaires dans la valeur ajoutée analogue à ce qui est observée dans les secteurs à forte intensité de main d'œuvre. Dans ces conditions, si l'on remettait ces personnes au travail, la productivité horaire en zone euro perdrait 2 points et serait désormais inférieure de 8,5% à celle des ÉtatsUnis, un peu au delà du doute statistique indiqué plus haut. Avec les hypothèses retenues, l'effet existe, mais il n'est pas massif. Graphiques 3 et 4 : consommation et consommation par tête aux États-Unis et en zone euro Évolution annuelle de la consommation privée 5,0% 4,5% 4,0% 3,5% 3,0% 2,5% 2,0% 1,5% 1,0% 0,5% 0,0% 1994 1995 1996 1997 1998 États-Unis 1999 2000 2001 2002 2003 2001 2002 2003 Zone euro Évolution annuelle de la consommation par tête 5,0% 4,5% 4,0% 3,5% 3,0% 2,5% 3. Les évolutions démographiques et les politiques de l'emploi ont fait diverger les évolutions récentes des deux économies 2,0% 1,5% 1,0% 0,5% 0,0% 1994 a) Le dynamisme démographique alimente la croissance d'ensemble aux États-Unis Entre 1993 et 2003, la population totale a connu une progression de +1,1% par an aux États-Unis contre +0,3% par an dans la zone euro. Ce dynamisme démographique associé à une fécondité et une immigration plus forte alimente une croissance moyenne plus élevée. Indépendamment des gains d'efficacité, l'économie américaine dispose année après année de ressources en main d'œuvre supplémentaires. Elles lui permettent d'accroître sa production sans se heurter à des pénuries de main d'œuvre susceptibles de la ralentir. Cette croissance de la force de travail et de la production alimente, au delà des accidents conjoncturels, une croissance analogue de la demande intérieure. Ainsi les évolutions des grands agrégats macroéconomiques incorporent à moyen terme ce dynamisme d'origine démographique et progressent de ce fait plus vite aux États-Unis qu'en zone euro. L'écart qui en résulte est loin d'être négligeable. Il atteint presque 1 point par an sur des évolutions de 2 à 4%. Les graphiques 3 et 4 ci-dessous montrent ce que cela peut donner sur l'évolution de la consommation des ménages. 1995 1996 1997 1998 États-Unis 1999 2000 Zone euro Source : OCDE. b) Les évolutions sur le marché du travail ont sans doute freiné les gains de productivité en zone euro Il subsiste assurément aujourd'hui un écart important en faveur des États-Unis sur le taux de participation et le taux de chômage comme on l'a vu plus haut. Mais les évolutions de ces dix dernières années sur ces deux indicateurs du marché du travail ont été plus favorables en zone euro qu'aux États-Unis. Le taux de participation a augmenté de 5 points en zone euro quand il baissait de 2 aux États-Unis. Le taux de chômage a perdu 2 points en Europe pour moins de 1 aux ÉtatsUnis. Il est malheureusement impossible de croiser cette bonne performance d'ensemble de la zone euro sur les évolutions de la décennie avec les données sur la qualification. Ces dernières en effet ne sont disponibles que depuis 1997 ou 1998 selon les pays. Ce que l'on peut voir sur cette courte période est cependant digne d'intérêt. 4. http://www.dol.gov/dol/topic/wages/minimumwage.htm. 5 Graphiques 5 et 6 : taux de participation et taux de chômage 1993-2003 Taux de participation 1993-2003 Taux de chômage 1993-2003 80% 12% 10% 75% 8% 70% 6% 4% 65% 2% 60% 1993 1994 1995 1996 1997 1998 États-Unis 1999 2000 2001 2002 2003 0% 1993 1994 Zone euro 1995 1996 1997 1998 États-Unis 1999 2000 2001 2002 2003 Zone euro Source : OCDE. Graphiques 7 et 8 : variation de la participation et du chômage entre 1997 et 2002 Variation du taux de participation Variation du taux de chômage 2% 2,0% 1,5% 1% 1,0% 0% 0,5% 0,0% -1% -0,5% -2% -1,0% -3% -1,5% -4% -2,0% -2,5% -5% Primaire Secondaire États-Unis Secondaire supérieur Tertiaire Zone euro Primaire Secondaire États-Unis Secondaire supérieur Tertiaire Zone euro Source : OECD Labor Force Statistics. Ces données par qualification montrent certes que la zone euro n'a pas amélioré la participation au marché du travail des personnes n'ayant reçu qu'une éducation primaire. C'est le seul poste sur lequel sa performance en évolution n'est pas meilleure que les États-Unis. Mais elle a un peu amélioré la participation des gens munis d'une éducation secondaire de base. Surtout, elle a très nettement abaissé le taux de chômage des moins qualifiés, alors qu'il stagnait aux États-Unis. Ce faisceau d'indices suggère que l'amélioration globale du taux d'emploi dans la zone euro à la fin de la décennie résulte pour partie de l'intégration dans l'emploi de moins qualifiés auparavant au chômage. Ce phénomène est sans doute à relier aux politiques de l'emploi qui ont rencontré un succès certain, grâce notamment à une plus grande attention portée à l’évolution du coût minimal du travail, comme en témoigne en France la politique continue d’allègement des charges sur les bas salaires. Ces politiques de l’emploi ont permis de réemployer des travailleurs peu qualifiés et peut-être aussi de réduire le travail au noir. Cela a pu contribuer au ralentissement des gains de productivité. On peut là aussi risquer un chiffrage. Le taux d'emploi s'est globalement amélioré de 4,5 points en zone euro sur la décennie. Cela représente 9 millions d'emplois de plus en 2003. Dans le même temps, il a baissé de 1,7 point aux États-Unis, soit 3,2 millions d'emplois en moins. En imaginant qu'un tiers de ces emplois en plus ou en moins aient une productivité égale au quart de la productivité moyenne, cela a contribué à ralentir les gains de productivité en zone euro de deux dixièmes de point par an, et à les accélérer de nettement moins d'un dixième de point par an aux États-Unis. C'est peu, mais c'est plus de la moitié de l'écart global observé sur les gains de productivité entre la zone euro et les États-Unis entre 1993 et 2003 (i.e de l’écart apparent avant toute prise en compte des corrections statistiques évoquées au point 1). Laurent MENARD Directeur de la Publication : Jean-Luc TAVERNIER Rédacteur en chef : Philippe MILLS Mise en page : Maryse DOS SANTOS (01.53.18.56.69) 6