Les déterminants des taux longs nominaux aux États

publicité
Diagnostics Prévisions
et Analyses Économiques
N° 65 - Mars 2005
Les déterminants des taux longs nominaux aux États-Unis et dans la zone euro ?1
Après avoir atteint des sommets au cours des années quatre-vingt, les taux longs se sont inscrits depuis lors sur
une pente décroissante et ils ont atteint des niveaux historiquement bas ces deux dernières années. La reprise de
l’activité aux États-Unis et le rebond des anticipations d’inflation depuis un an n’ont eu pour l’instant qu’un
impact très limité sur le marché obligataire et les rendements restent à des niveaux exceptionnellement bas. Dans
ce contexte, il est légitime de se demander si le marché obligataire est aujourd’hui sur-évalué au regard de ses
déerminants traditionnels.
Un taux d'intérêt nominal de long terme peut se décomposer en un taux d'intérêt réel moyen, assurant l'équilibre
entre l'offre et la demande de titres, une estimation de l'inflation moyenne anticipée sur la durée correspondant à
la maturité du titre, et une prime de risque liée à la préférence des agents pour la liquidité, à leur incertitude sur
les anticipations d'inflation et au risque de dépréciation de la monnaie.
Une estimation du taux d'intérêt réel d'équilibre de long terme est délicate, notamment parce que les primes de
risque et les anticipations d'inflation ne sont pas observables. On cherche alors à identifier directement les déterminants macro économiques des rendements des obligations souveraines aux États-Unis et dans la zone euro.
Ce marché a l'avantage d'être très liquide et de présenter des risques de crédit faibles et peu variables dans le
temps.
Aux États-Unis, les taux obligataires semblent déterminés par les taux d’intérêt de court terme, le PIB, l'inflation
sous-jacente et le déficit public. En zone euro, outre le niveau des taux courts et celui du déficit public, les taux
obligataires américains auraient une influence significative sur les taux longs.
Cette modélisation retrace bien la baisse des taux longs au cours des années 90. En revanche, elle ne permet pas
d'expliquer le très bas niveau des taux observé actuellement : à partir de la fin 2001, les rendement obligataires se
seraient sensiblement écartés de leurs valeurs d’équilibre :
• Aux États-Unis, les taux longs observés sont restés bas, autour de 4%, alors qu’il aurait été légitime qu’ils se
redressent sous les effets conjugués de l'accroissement des déficits publics, du resserrement monétaire et de
l'accélération du PIB. L'écart entre la valeur estimée et la valeur observée s'élevait fin 2004 à 170 pdb.
• Le résultat est le même pour la zone euro mais reflète directement le niveau «anormalement bas» des taux
longs aux États-Unis.
Divers facteurs conjoncturels ont pu alimenter une demande soutenue sur l'obligataire souverain au cours de
cette période et conduire à un niveau de taux longs inférieur à ce que suggèrent leurs déterminants macro-économiques traditionnels : réaménagement des portefeuilles des investisseurs institutionnels vers les placements
obligataires suite au krack boursier, abondance de liquidité, recherche de rendement sur les maturités longues
dans un contexte de taux bas, interventions de change des banques centrales asiatiques.
1. Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique et ne reflète pas nécessairement
la position du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
Sommaire
des derniers numéros parus
Mars 2005
Fév. 2005
Janv. 2005
n°64 • L'activité aux États-Unis est désormais aussi stable que dans la Zone Euro, CharlesAntoine Giuliani
n°63 • Les taux marginaux d'imposition : quelles évolutions depuis 1998 ? Ludivine Barnaud,
Layla Ricroch
n°62 • Effets macro-économiques à long terme d’un changement d’assiette de la taxe professionnelle, Emmanuel Bretin
n°61 • Les particularités de la reprise de 2003 en zone euro, Alexandre Espinoza,
Jean-Marie Fournier
n°60 • La conjoncture belge : révélatrice de la conjoncture de la zone euro ? Marceline Bodier,
Éric Dubois, Emmanuel Michaux
n°59 • Formation des prix dans les secteurs de la viande et des fruits et légumes, Anna Lipchitz
Déc. 2004
n°58 • Affirmative action et discrimination positive, une synthèse des expériences américaines et
européennes, Denis Maguain
n°57 • L’existence d’un biais dans les anticipations de marché sur la politique monétaire en zone
euro, Sébastien Hissler
n°56 • Comment expliquer l’évolution récente du compte courant de la France, Élie Girard
Nov. 2004
n°55 • Les délocalisations d’activités tertiaires dans le monde et en France, Jérôme Letournel
n°54 • Les effets économiques du prix du pétrole sur les pays de l’OCDE, Nicolas Carnot,
Caterine Hagège
n°53 • Le marché pétrolier, Nicolas Carnot, Caterine Hagège
n°52 • Quelques données internationales sur le temps de travail, Jacques Delorme
Oct. 2004
Sept. 2004
Juil. 2004
n°51 • Retour sur les gains de productivité aux États-Unis, Vladimir Borgy, Nicolas Carnot,
Émilie Quéma
n°50 • Comment contenir les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ?
Jean-Jacques Becker, Cédric Audenis
•
La résistance de l’économie britannique à l’appréciation de la livre enregistrée depuis
n°49
1996, Éric Dubois, Karine Hervé, Sylvie Lefranc
n°48 • La croissance potentielle de l’économie française de moyen-long terme, Emmanuel Bretin
n°47 • Les canaux de transmission de la politique monétaire en France, Fédéric Cherbonnier,
Xavier Payet
n°46 • Pourquoi l’inflation n’a-t-elle pas plus baissé en zone euro qu’aux États-Unis au cours des
deux dernières années ? Nila Ceci
n°45 • Convergence nominale et convergence réelle des nouveaux États membres (NEM),
Vanessa Jacquelain
n°44 • Les impôts locaux dus par les entreprises : éléments de comparaison internationale,
Daniel Turquety
2
Après avoir atteint des sommets au cours des années
quatre-vingt, les taux longs se sont inscrits depuis
lors sur une pente décroissante quasi-ininterrompue et ils ont atteint ces deux dernières années
des niveaux historiquement bas. La reprise de
l’activité aux États-Unis et le rebond des anticipations
d’inflation depuis un an n’ont eu pour l’instant qu’un
impact très limité sur le marché obligataire et les rendements restent à des niveaux exceptionnellement
bas. Dans ce contexte, il est légitime de se demander si le marché obligataire est aujourd’hui surévalué (c’est à dire si les taux longs sont sous-évalués).
On tente ici de répondre à cette question en examinant la relation entre les taux obligataires et ses principaux déterminants macro-économiques.
Le taux d'intérêt nominal de long terme est la rémunération d'un prêt monétaire sur une longue période,
cette dernière étant d'autant plus élevée que le risque
de non-remboursement est important. Aussi, pour
chaque qualité de crédit, il existe un taux d'intérêt différent, reflet de l'équilibre entre l'offre et la demande
d'épargne. Le taux d'intérêt le plus faible proposé par
le marché est associé à un risque de remboursement
minimal, et il constitue un taux de référence. Il sera
assimilé par la suite au rendement d'une obligation
souveraine des États-Unis et de la zone euro : ces
titres bénéficient d'un marché profond et liquide, d'un
risque de crédit très faible, et sont cotées sur une durée
suffisante pour estimer des relations économétriques
de long terme2.
D'un point de vue macro-économique, le taux d'intérêt de référence peut se scinder en deux composantes:
un taux d'intérêt réel moyen, qui permettrait d'assurer
l'équilibre de l'offre et de la demande de titres, et
l'inflation moyenne anticipée sur la durée du prêt.
D'un point de vue plus financier, le taux de long terme
peut refléter les arbitrages réalisés à partir des taux
courts nominaux présents et anticipés, ajusté d'une
prime reflétant la préférence des agents pour la liquidité3.
1. Déterminants théoriques des taux longs
Les taux longs équilibrent la demande et l'offre de
titres obligataires, ils sont inversement proportionnels
au prix des obligations. Ce prix tient compte de différents facteurs :
• les évolutions macro-économiques anticipées par
les épargnants et les emprunteurs entre
aujourd’hui et la date de remboursement de
l’emprunt,
• les incertitudes sur ces anticipations,
2. Ce qui n'est pas le cas des taux swaps pour lesquels on dispose au
mieux de cotations depuis 1987 pour les États-Unis.
3. A. Benassy-Quéré, L. Boone & V. Coudert, 2003, Les taux d'intérêt, collection Repères.
• les évolutions structurelles affectant la demande et
l'offre sur le marché des titres.
1.1 Position dans le cycle et niveau des taux
longs
Une accélération anticipée de la croissance devrait
s'accompagner d'un renforcement des tensions inflationnistes et conduire à un relèvement des taux d’intérêt directeurs de la banque centrale et donc, des taux
monétaires de court-terme. Le marché de l'épargne ne
devant en théorie pas présenter d'opportunité d'arbitrage4, les taux longs s'ajusteraient immédiatement de
manière à refléter cette hausse. Le niveau des taux
longs serait donc d'autant plus élevé que le resserrement monétaire anticipé est de grande ampleur ou de
longue durée.
1.2 Incertitudes et prime de risque
Toute surprise qui viendrait modifier l'équilibre décrit
précédemment est susceptible d'affecter le taux d'intérêt de long terme via un ajustement des anticipations
des agents.
Pour se prémunir contre ce risque potentiel, les épargnants exigeraient un rendement plus élevé que celui
résultant des simples arbitrages sur la pente des taux
(cf. infra). En particulier, le rendement attendu issu de
la détention d'une obligation longue pendant un an
dépasserait celui d'une obligation à rendement certain
sur un an. Cet écart peut s'interpréter comme une
prime de risque variable reflétant entre autre la préférence pour la liquidité5.
Cette prime serait par exemple influencée par un renforcement de la perception du risque de dépréciation
d'une monnaie, qui devrait conduire à un redressement des taux longs dans cette devise : les investisseurs internationaux exigent une prime de risque
supérieure pour ces placements. De même, le degré
d’iincertitude sur les prévisions d’inflation, de croissance ou de politique monétaire de la banque centrale
devrait affecter directement les taux longs via la prime
de risque.
Les variations de la situation conjoncturelle ne
devraient en théorie avoir qu’un impact modéré sur les
taux longs, reflets des anticipation de long-terme.
Pourtant, selon Gürnayak et alii6, la partie longue de la
pente des taux serait particulièrement sensible à certaines nouvelles macroéconomiques non attendues
relatives à l'inflation et au PIB. L'impact de ces surprises conjoncturelles sur les taux longs passerait par une
modification des anticipations inflationnistes de long
terme des agents, et/ou de la prime de risque qui leur
4. Entre un endettement à court terme renouvelé sur plusieurs périodes et un endettement à long terme.
5. Campbell, 1995, Some lessons from the yield curve, NBER n°5031.
6. Gürnayak, Sack & Swanson, 2003, The excess sensitivity of long
term interest rates : evidence and implications for macroeconomic
models, Fed.
3
est associée, mais il est difficile de dissocier ces deux
effets. Ce phénomène justifie notamment les efforts
importants de communication des banques centrales
visant à ancrer les anticipations d'inflation dans le
moyen terme.
1.3 Facteurs structurels
Des évolutions plus structurelles peuvent également
affecter la demande et l'offre de titres à long terme.
C'est notamment le cas de l'accroissement des déficits
publics, qui est susceptible d'augmenter l'offre de
titres de long terme s'il est financé par des emprunts
obligataires émis à long terme. Il devrait donc
s'accompagner d'une hausse des taux d'intérêt.
Il en est de même du vieillissement de la population,
qui s'accélère en raison du passage à la retraite des
baby-boomers. Ce phénomène peut avoir un effet
ambigu sur les taux longs car plusieurs facteurs jouent
en sens contraires :
– Dans la phase d'accumulation d'épargne, cette
dernière est abondante et pousse les taux à la
baisse.
– Dans la phase d'utilisation de l'épargne, deux
mécanismes opposés affectent les taux. D'un
côté les retraités auront tendance à vendre leurs
actifs afin de financer leur consommation, ce
qui pousserait le prix de l’ensemble des actifs à
la baisse. À l’inverse, l'horizon d'investissement
réduit des retraités devrait inciter à une réallocation de leur portefeuille en faveur d'obligations
sans risque au détriment d'autres actifs plus risqués, ce qui pousserait à la baisse les taux des
obligations souveraines par rapport au rendement des autres actifs.
D'une façon complémentaire, les nouvelles réglementations prudentielles des fonds de pensions pourraient
agir sur la demande d'obligations sans risque. Aux
Pays-Bas et au Royaume-Uni par exemple, la valeur du
marché de l'actif doit désormais couvrir la valeur de
marché du passif, cette couverture étant susceptible
de résister à une forte baisse simulée des cours boursiers (de 40% sur 2 ans aux Pays-Bas). Il en résulterait
un ajustement des portefeuilles des fonds de pension
et d'assurance à la faveur des obligations.
2. Un modèle pour expliquer les taux longs
et principaux résultats
À partir des déterminants traditionnels des taux longs,
des modèles à correction d'erreur présentant des spécifications propres aux États-Unis et à la zone euro
permettent d'estimer des niveaux d'équilibre pour les
taux longs (taux d'intérêt souverains à 10 ans) dans
chacune des zones monétaires (cf annexe).
2.1 Résultats des estimations
Tableau 1 : équation de long-terme
EtatsUnis
Période d'estimation :
de 1983 à…
Constante
Taux à 3 mois
Inflation
sous-jacente (ga)
PIB réel (ga)
Déficit des adm. publiques (% du PIB)
Démographie
Taux long américain
Taux long européen
R² centré
Zone euro
Q4 2001
Retenu
Q1 2004
Alternatif
Q4 2001
ns
0.31**
0.80**
0.56*
0.42**
-
1.48**
0.25**
0.64**
0.66**
–0.22**
–0.30**
0.32**
–0.54**
ns
ns
0.94
ns
0.45**
0.97
ns
0.95
Lecture : ns = variable non significative ; * = significative au seuil de
5% ; ** = significative au seuil de 1% ; - = variable non utilisée.
Calculs : estimation par les MCO corrigées par la méthode de NeweyWest, sur données trimestrielles.
Les spécifications sont légèrement différentes dans les
deux zones. Pour les États-Unis les taux courts, le
PIB, l'inflation sous-jacente et le déficit public expliqueraient le niveau des taux longs. En zone euro les
taux longs américains auraient une forte influence sur
les taux longs européens, aux côtés des taux courts et
du déficit public. Les estimations montrent que :
– Une hausse de 100 pdb des taux courts devrait
impliquer une hausse de 31 pdb des taux longs
aux Etats-Unis et de 42 pdb dans la zone euro
(cf. tableau).
– Le déficit public aurait un impact significatif
mais limité sur les taux longs quelle que soit la
zone considérée, de 20 et 30 pdb respectivement pour une hausse du déficit de 1 point de
PIB.
– Il existerait une causalité contemporaine des
taux longs américains vers les taux longs européens, une hausse de 100 pdb des taux longs
aux États-Unis induisant toutes choses égales
par ailleurs une hausse de 45 pdb des taux longs
dans la zone euro.
– Les taux longs américains seraient très sensibles
au PIB et à l'inflation, une accélération de 100
pdb de chacune de ces deux variables induisant
respectivement un redressement de 66 pdb et 80
pdb des taux longs américains.
– Les effets du vieillissement sur les taux d'intérêt,
ici défini par le ratio des plus de 60 ans relativement aux 40/59 ans, sont difficiles à mettre en
évidence, et restent non significatifs. Les phénomènes sous-jacents sont sans doute d'une varia-
4
bilité nettement inférieure à ce que l'équation
réussit à capter. Des estimations plus fragiles
suggèrent qu'une hausse de 1% du ratio induirait une hausse de la pente de taux à 10 ans de 5
points de base à la fois aux États-Unis et dans la
zone euro.
2.2 Les taux sont exceptionnellement bas aux
États-Unis…
La relation de long terme rend compte de manière
satisfaisante de la baisse des taux longs nominaux
entre 1990 et 1994 consécutive au ralentissement de
l'inflation. Elle explique aussi convenablement la
remontée des taux longs en 1994, suite au resserrement monétaire de la Fed.
Graphique 1 : États-Unis, taux longs d’équilibre
12
%
Baisse du taux long
observé mais hausse du
taux d'équilibre
11
10
Maintien des taux
longs observés
9
Niveau très bas
des taux longs
observés
8
7
Taux longs observé
400
Taux long d'équilibre estimé uniquement
grâce à la relation de long terme
4
3
1985
1987
1989
1991
1993
1995
Mds de $
1997
1999
2001
2003
2005
sources : datastream, DGTPE
Graphique 2 : taux longs simulés7 et contributions
des variables explicatives
4
2
0
Taux courts à trois mois
PIB réel
Inflation sous-jacente
Deficit public
Taux longs observés
2000
100
0
-100
Instruments de crédit
Titres publics
Obligations corporate
Actions
-200
2000
2001
2002
2003
2004
Compagnies d'assurance-vie, autre compagnies d'assurance, fonds de
pension privés et publics ; Source : Fed.
%
6
-4
300
200
Elle a en revanche plus de mal à expliquer le niveau
des taux longs à partir de fin 2000. Il y aurait donc
depuis une évolution atypique des marchés obligataires souverains au regard des déterminants traditionnels des taux longs.
-2
Des facteurs exceptionnels auraient également contribué à éloigner durablement les taux estimés des taux
observés à partir de fin 2001. Les taux longs estimés
se redressent à partir de fin 2001 et jusqu'au 3ème trimestre de 2002, essentiellement à cause de la progression du PIB réel, tandis que les taux longs observés
diminuent sur la même période. Alors que la situation
macro économique s'améliorait, la structure des portefeuille des investisseurs et des gestionnaires s'est
sensiblement réorientée vers des produits de taux et
notamment ceux présentant peu de risque comme
l'obligataire souverain (phénomène de flight to quality).
Graphique 3 : États-Unis - achats nets des fonds de
pension et des compagnies d'assurance
6
5
Le taux long estimé a tout d'abord considérablement
diminué au cours de 2001, avec un plus bas de 3% en
fin d'année, suite à une forte baisse des taux courts et
une contraction du PIB. Les taux longs observés sont
restés largement supérieurs sur cette période, autour
de 5%, peut-être parce que les marchés faisaient
l'hypothèse d'une reprise rapide de l'activité économique et anticipaient un assouplissement monétaire
d'une ampleur et d'une durée moindre. Un meilleur
ancrage des anticipations inflationnistes dans le long
terme a aussi pu aboutir à un moindre ajustement à la
baisse des taux longs.
2001
Simulation dynamique des taux longs
2002
2003
2004
2005
Sources : Datastream, DGTPE ; Lecture : la valeur du taux long
produite par une simulation dynamique est égale à la somme des
contributions de chaque variable explicative. Le résidu correspond à
l'écart entre la simulation dynamique et le taux long observé.
7. Une simulation dynamique permet d'estimer le niveau des taux
longs en chaque période à partir de l'estimation de la période précédente donnée par l'équation.
Ce mouvement peut en partie s'expliquer par un sentiment accru du risque macro économique liés à la succession de chocs ayant frappé l'économie mondiale
(chute des cours boursiers, incertitudes géopolitiques
après le 11 septembre, pratiques comptables douteuses). À cette demande obligataire accrue doivent certainement s'ajouter des effets de rareté sur les bons du
Trésor à maturité longue (fin des émissions obligataires à 30 ans en octobre 2001, et politique de rachat).
Depuis le troisième trimestre 2002, les taux longs estimés sont supérieurs aux taux longs effectivement
observés sur les marchés. Cette différence s'est accentuée dès le troisième trimestre 2003, la reprise économique américaine étant alors le principal facteur
pouvant justifier la hausse des taux longs estimés tandis que les taux longs observés demeuraient à des
niveaux exceptionnellement bas. Au dernier trimestre
5
2004, le taux long observé était inférieure de 170 pdb
à la valeur d’équilibre estimée par notre modèle.
En plus de la poursuite de l'aversion au risque sur les
marchés d'actions, divers facteurs conjoncturels ont
pu alimenter une demande soutenue sur l'obligataire
souverain au cours de cette période (abondance de
liquidité, recherche de rendement sur les maturités
longues, interventions de change et notamment des
banques centrales asiatiques). Les risques de déflation,
relayés par les messages répétés de la Fed jusqu'à l'été
2003, ont également alimenté la crainte d'une durée
très longue de taux bas, poussant les rendements à la
baisse alors même que l'activité montrait des signes de
redémarrage. Bernanke et alii estiment que le financement du déficit américain par les interventions de
change des banques centrales asiatiques aurait diminué de 50 à 100 pdb le taux long américain par rapport
à un taux d'équilibre8.
creusement des déficits publics aurait accentué la
hausse des taux longs simulés, alors que les contributions des taux courts se seraient tassées.
Le modèle tend toutefois à sur-estimer légèrement le
niveau actuel des taux longs européens depuis fin
2004, date à laquelle la corrélation entre taux longs
américains et européens s'est relâchée. Les taux longs
américains observés sont désormais supérieurs de 50
pdb aux taux longs européens, probablement du fait
d'anticipations inflationnistes de long terme plus élevées aux États-Unis, mais aussi car les investisseurs
exigeraient une prime de risque supplémentaire sur
leurs placements aux États-Unis au regard du risque
de dépréciation du dollar. Le différentiel de taux
d'intérêt pourrait ne pas se résorber à court terme,
notamment si les perspectives de croissance aux
États-Unis demeurent mieux orientées qu'en zone
euro.
Graphique 5 : taux longs simulés et contributions des
variables explicatives
2.3 …Comme en zone euro
L'équation de long terme permet de reproduire de
manière satisfaisante les évolutions du taux long
observé en zone euro depuis 1985. Il sous-estime toutefois la baisse du taux long nominal entre 1996 et
1999 ainsi que sa hausse entre 1999 et 2000.
Graphique 4 : taux longs d'équilibre en zone euro
%
6
4
2
12
%
0
11
2000
10
-2
9
8
3
1985
2003
2004
Taux longs américains
Déficit public
Inflation sous-jacente
Taux longs observés en zone euro
Simulation dynamique
2005
Sources : Datastream, DGTPE ; Lecture : la valeur du taux long
produite par une simulation dynamique est égale à la somme des
contributions de chaque variable explicative. Le résidu correspond à
l'écart entre la simulation dynamique et le taux long observé.
6
4
2002
-4
7
5
2001
Taux courts à trois mois
Taux long observé
Taux long d'équilibre estimé uniquement grâce à
la relation de long terme
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
Sources : Datastream, DGTPE
Contrairement au modèle sur les taux américains, le
modèle européen ne suggère pas d’anomalie sur le
marché obligataire européen depuis 2000, à taux longs
américains donnés. Néanmoins, l'inclusion des taux
longs américains comme variable explicative permet
vraisemblablement de tenir compte de certains facteurs conjoncturels qui affectent parallèlement les
marchés obligataires des deux zones (aversion au risque et réallocation de portefeuilles, abondance de
liquidité), ce qui explique sans doute en partie ce résultat.
Depuis 2000, le niveau des taux longs américains
expliquerait principalement les évolutions dynamiques de taux longs européens. A partir de 2002, le
8. Bernanke, Reinhart & Sack, 2004, Monetary policy alternatives at
the zero bound : an empirical assessment, Fed.
3. Le marché obligataire est plutôt surévalué
Le modèle présenté permet d'inférer un niveau de
référence des taux longs. Comparé à leur valeur observée, il donne un ordre de grandeur de l'effet des facteurs conjoncturels exceptionnels (c'est-à-dire non
pris en compte dans le modèle).
Selon ces estimations, le marché obligataire américain serait clairement sur-évalué depuis le
milieu de l’année 2003, la valeur d’équilibre des
taux à 10 ans se situant aujourd’hui proche de 6%.
Toutefois la relation d'équilibre pourrait surestimer le
niveau des taux longs dans la mesure où elle ne reflète
qu’imparfaitement la meilleure crédibilité des banques
centrales depuis le milieu des années 90.
Par ailleurs, l'utilisation de l'inflation et du PIB
observé comme variable explicative n'autorise pas de
distinguer l'impact de pressions inflationnistes sur les
6
taux longs via une modification de la trajectoire de
politique monétaire future ou via une modification
des anticipations d'inflation de long terme.
Pour essayer de tenir compte de cette limitation, Bernanke et alii (cf. supra) utilisent une modélisation de la
structure des taux d'intérêt par terme en intégrant des
variables macroéconomiques comme facteurs explicatifs de la pente des taux. Si l'erreur d'estimation
demeure en moyenne assez proche d'un modèle à correction d'erreur, ce type de modèle permet d'inférer
directement une pente des taux d'équilibre, tout en
autorisant l'existence d'une prime de risque variable
sur les taux longs. Le résultat de cette étude aboutit
aux même conclusions : les taux longs seraient
aujourd’hui très en dessous de leur niveau d’équilibre
compte tenu du niveau des taux courts.
Sébastien HISSLER
Directeur de la Publication : Jean-Luc TAVERNIER
Rédacteur en chef : Philippe GUDIN DE VALLERIN
Mise en page : Maryse DOS SANTOS
(01.53.18.56.69)
7
Annexe : estimation d'une équation pour les taux longs aux États-Unis
et dans la zone euro
On estime un modèle à correction d'erreur à partir des déterminants macroéconomiques des taux longs selon la
méthode de Engle et Granger. Les régressions sont réalisées depuis 1983 et les taux longs correspondent aux
taux d'intérêt nominaux souverains à 10 ans en zone euro et aux États-Unis. Pour la zone euro, les séries de taux
longs utilisées sont fournies par l'OCDE avant 1994 (pondération des taux des principaux pays), puis par la
BCE à partir de cette date.
Choix de la relation de long terme
Les taux longs américains s'expliqueraient dans le long terme par le niveau des taux courts courants, le taux
d'inflation, le taux de croissance du PIB et le niveau du déficit public.
Le modèle de long terme retenu pour la zone euro prend en compte le niveau du taux court courant de la zone
euro, le niveau du déficit public et les taux longs observés aux États-Unis, mais ne fait intervenir ni le taux de
croissance de l'activité ni le rythme de l'inflation. D'une part, il met donc en évidence une causalité à sens unique
des taux longs américains vers les taux longs européens ; d'autre part, le pouvoir explicatif des taux longs américains apparaît supérieur à celui du PIB et de l'inflation de la zone euro, alors que le modèle serait surdéterminé
lorsque le PIB et l'inflation sont inclus dans l'équation aux côtés des taux longs américains.
Afin de ne pas perturber les estimations par les facteurs exceptionnels qui affectent les taux longs depuis 2002
(cf. infra), la régression pour les États-Unis n'est réalisée que jusqu'en fin 2001. Ce n'est pas le cas pour la zone
euro, l'équation capturant une partie de ces facteurs grâce à la présence des taux longs américains comme variable explicative.
Les relations de long terme choisies sont associées à des R² élevés (cf. tableau dans le corps du texte). La déviation moyenne du taux long d'équilibre par rapport à sa valeur estimée est de l'ordre de 80 pdb aux États-Unis et
de 44 pdb en zone euro.
La dynamique de court terme
L'estimation de la relation de court terme suggère qu'il existe bien une spécification de long terme entre les
variables sélectionnéesa. La structure des retards est construite afin d'extraire le maximum d'information possible sur la relation de court terme en utilisant le minimum de variables.
L'équation de court terme aux Etats-Unis prend en compte les taux longs (RLT) et les taux courts nominaux
(RCT), le solde des finances publiques (cafi) et le PIB réel :
ZE
ZE
ZE
US
US
∆R LT ( t ) = – 0, 24Residu t – 1 + 0, 40∆R LTt – 1 – 0, 23∆R LTt – 5
US
US
+ 0, 45∆R CTt – 0, 44∆R CTt – 1 + 0, 14∆R CTt – 2 + 0, 20∆R CTt – 5
– 0, 10∆cafi t + 0, 16∆PIB t
En zone euro, l'équation de court terme inclus les taux longs et les taux courts nominaux, ainsi que l'inflation de
la zone euro (IPCH) :
ZE
ZE
ZE
ZE
∆R L ( t ) = – 0, 19Residu t – 1 + 0, 29∆R CTt – 0, 19∆R CTt – 1 – 0, 21∆R CTt – 4
ZE
+ 0, 45∆R LTt – 1 + 0, 34∆IPCH t + 0, 2∆IPCH t – 4
Tous les coefficients sont au moins significatifs au seuil de 5%. Lorsque la composante de court terme est
rajoutée à la relation de long terme, les erreurs d'estimation sont très faibles, mais semblent être autocorrélées
d'ordre 1.
a.Le coefficient du résidu de cointégration est significativement inférieur à 1.
8
Téléchargement