Wolfgang Schäuble : Je sais que c’est difficile et j’ai un grand respect pour la France. Mais je constate que
l’Allemagne a consacré en 2012 environ 3 % de son PIB à la recherche et développement, alors que la France n’a
consacré que 2,26 %.
Je pense que le pacte de responsabilité est une très bonne initiative et j'espère que ceux qui sont concernés, y compris les
syndicats, comprennent qu’ils doivent prendre leurs responsabilités. Tous les syndicats. Bien sûr qu’il y a des intérêts
divergents entre les partenaires sociaux mais il y a une responsabilité commune. L’économie ne peut pas aller bien sans
stabilité sociale, vous ne pouvez pas améliorer les prestations sociales sans une économie qui marche.
Le Monde : La France vous déçoit ?
Wolfgang Schäuble : Non. La France est un grand pays. Il n’est pas toujours facile pour la majorité de mettre en œuvre
les décisions du président François Hollande ou du premier ministre, Manuel Valls. Mais I’UMP aussi a quelques
problèmes, peut-on dire de façon diplomatique. Les partis démagogiques profitent de cette situation. Je ne crois pas que
les Français, dans leur grande majorité, se détournent de l’Europe. Je n’ai pas de conseil à donner, mais sans une France
forte l’Europe ne peut pas aller bien.
Le Monde : On dit Berlin opposé à la nomination de Pierre Moscovici comme commissaire européen chargé de la
politique économique et monétaire. Jugez-vous que l’endettement de la France discrédite l’ex-ministre des finances ou
bloque toute candidature française à ce poste ?
Wolfgang Schäuble : J’ai une relation de confiance avec Pierre Moscovici. On a toujours bien travaillé ensemble. Les
décisions sur la composition de la future Commission doivent renforcer la confiance dans la capacité d’agir de la
Commission. Elle devra faire appliquer de manière objective et fiable les règles européennes mises en place ces
dernières années.
Le Monde : Le faible niveau d’inflation en Allemagne vous inquiète-t-il ?
Wolfgang Schäuble : II n’y a pour le moment aucun signe de déflation. Je pense que ni les banques centrales ni les
économistes ne sont capables d’expliquer pourquoi, au niveau mondial, avec la masse de liquidités que l’on a et avec
l’endettement très élevé des pays industriels, comparable en fait à celui de l’après-guerre, l’inflation reste si basse. Les
recettes classiques de la croissance engendrée par des déficits publics ou par de la création monétaire ne fonctionnent
plus.
Le Monde : Comment voyez-vous l’avenir de la zone euro ?
Wolfgang Schäuble : Avec l’union bancaire, nous avons fait un grand pas pour stabiliser encore davantage la zone
euro, mais nous devons améliorer sa gouvernance avec une meilleure participation du Parlement européen et de la
Commission. Le droit primaire européen doit mieux refléter la situation dans la zone euro. Certains pensent qu’il faut
modifier les traités, d’autres non. Mais il faut modifier la gouvernance de la zone euro.
Le Monde: Les pays émergents, Chine, Inde, Russie, Brésil et Afrique du Sud, veulent créer leur banque de
développement et une sorte de Fonds monétaire international. Qu’en pensez-vous ?
Wolfgang Schäuble : C’est dans tous les cas pour le G 7 et pour l’Occident un signal que les institutions internationales
ne doivent pas être utilisées d’une façon telle que certains aient le sentiment qu’elles ne servent que d’autres intérêts.
J’espère que le Congrès américain va comprendre qu’il doit enfin mettre en place les réformes décidées en 2010,
prévoyant d’accorder davantage de sièges aux pays émergents au sein du FMI.
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