En Espagne et en Italie, ces changements étaient nécessaires pour redonner confiance aux investisseurs, pour assurer
une croissance suffisante, pour rembourser les dettes et ainsi réduire les coûts de refinancement de ces deux pays.
A cet égard, je me permets d’ailleurs de rappeler que la crise n’a pas démarré en Europe mais sur le marché immobilier
américain. La crise des « subprimes » a créé un climat de très grande incertitude sur les marchés financiers, qui a ensuite
gagné l’Europe lorsque la stabilisation indispensable des systèmes financiers de notre continent a entraîné une
augmentation substantielle des dettes publiques.
Dans ce contexte, la nature complexe de l’Union monétaire, que beaucoup d’acteurs du marché ne parviennent pas
toujours à comprendre, a accentué la crise. L’Espagne et l’Italie ont pâti de ce climat d’incertitude et ont dû verser des
intérêts sans cesse croissants à leurs créanciers, ce qui s’est aussi traduit par une hausse correspondante des coûts de
financement pour les entreprises.
Entre-temps, les doutes que les investisseurs, soudain très frileux face au risque, nourrissaient à l’égard de l’Espagne et
de l’Italie se sont dissipés. Dans le sillage des réformes, les taux d’intérêt sur les emprunts d’Etat espagnols et italiens
ont nettement chuté. Aujourd’hui, les marchés financiers rendent hommage à cette politique couronnée de succès.
Maintenant, nous devons agir tous ensemble pour lutter contre le chômage, et particulièrement le chômage des jeunes,
dont le niveau en Europe est inacceptable. Il faut fournir des efforts tant au niveau européen qu’au niveau bilatéral. Ma
collègue, la ministre allemande du Travail, et moi-même sommes en contact permanent avec nos partenaires espagnols
et portugais pour discuter de ce que nous pouvons faire à l’échelle européenne et dans le cadre des relations bilatérales
pour contribuer à remédier au problème. Nous pourrons bientôt prendre des mesures très concrètes en ce sens.
ABC: Dans une crise de la dette telle que celle qui frappe l’UE, ne croyez-vous pas que les torts sont partagés entre
créanciers et débiteurs ?
Schäuble: Pour enrayer la crise, la question n’est pas de savoir qui est coupable. Il s’agit avant tout de stabiliser notre
monnaie commune. Et nous nous y employons, ensemble et de manière solidaire. Un Etat entreprend les réformes qui
s’imposent et les autres l’aident, si besoin est. Et en ce qui concerne le crédit, l’Espagne refuserait avec indignation de
ne pas rembourser ce qu’elle a emprunté. La règle fondamentale est qu’il n’y a pas d’ordre économique stable sans
confiance et qu’il n’y a pas non plus de confiance possible sans la certitude que les contrats seront honorés et les crédits
remboursés. Sans cette certitude élémentaire, il ne pourrait pas y avoir de système financier et donc pas d’économie.
Pendant un certain temps, l’Espagne a été pénalisée par les taux élevés offerts sur les marchés financiers. Au moment où
l’Etat espagnol s’est trouvé contraint de restructurer une partie du secteur bancaire en raison de la crise immobilière, il
n’a pas pu bénéficier de conditions acceptables pour couvrir ses besoins de financement. C’est uniquement pour cette
raison que l’Espagne a sollicité un programme d’aide limité au titre du MES, pour recapitaliser ses banques. Sans cela,
elle n’aurait besoin d’aucun programme et n’aurait jamais eu besoin de ce programme-là.
ABC: Quelques économistes pensent que les Etats qui, comme l’Espagne et de nombreux autres pays européens,
assument les dettes de leurs banques font erreur. Puisque nous vivons dans une économie de marché libérale, pourquoi
ne pourrions-nous pas laisser tomber les banques ?
Schäuble: Je le répète : tous les intermédiaires financiers, les banques, l’ensemble du secteur financier et, au final,
l’économie toute entière ne peuvent exister sans la confiance. L’argent lui-même est une question de confiance. Vous
travaillez, vous obtenez un bout de papier et vous avez confiance dans le fait qu’il vous permettra d’acheter quelque
chose. Certaines banques, pas toutes, loin s’en faut, ont été sauvées par les contribuables à un moment où le climat de
confiance général entre les facteurs économiques était à ce point dégradé que l’on risquait un effondrement du système.
Parce que toute l’économie menaçait ruine, l’Etat devait intervenir pour protéger l’infrastructure financière, qui met la
monnaie, les capitaux et les liquidités à la disposition de l’économie. En dernier ressort, c’est l’Etat qui est responsable
de l’infrastructure. Il n’a pas sauvé les banques aux dépens du contribuable mais a préservé la capacité de
fonctionnement de cette infrastructure importante pour toute économie fondée sur la division du travail. En temps
normal, bien sûr, tous les investisseurs – parmi lesquels les créanciers des banques – doivent eux aussi assumer les
risques qu’ils prennent et pour lesquels ils sont rémunérés. C’est pourquoi les ministres des Finances de l’UE travaillent
plus particulièrement à améliorer la réglementation, à durcir les critères relatifs aux capitaux pour que les banques
soient mieux armées face aux crises et à moduler les systèmes d’incitations pour que les banques ne prennent pas des
risques excessifs afin de maximiser leurs bénéfices à court terme. Et nous nous efforçons aussi d’élaborer des règles