ORTHODOXIE Le terme « orthodoxe » vient du grec όρθός orthós (droit) et δόξα dóxa (gloire/opinion). Il trace une ligne claire entre d'un côté ce qui est exact, conforme, mais qui n'est pas forcément l'idée majoritaire, et de l'autre côté, ce qui diverge de l'exactitude. Ce terme est à opposer à celui d'hétérodoxie, d’hérésie. Il s’agira ici exclusivement du terme désignant l’Eglise orthodoxe en dehors de toute autre définition dans le champ du mot orthodoxe. L’orthodoxie ou christianisme orthodoxe, en grec Ὀρθοδοξία signifiant donc la pensée droite, descend des premières communautés chrétiennes fondées par les apôtres de Jésus dans les provinces orientales de l'Empire romain.. 1 - L’orthodoxie aujourd’hui A – Qu’est l’Eglise orthodoxe ? Ce que l’on appelle orthodoxie aujourd’hui sur le plan religieux correspond à l’ensemble des églises orthodoxes, ensemble rattaché au patriarcat de Constantinople, Istanbul, la deuxième Rome 1. On estime aujourd’hui à 250 millions le nombre de chrétiens orthodoxes dans le monde L’orthodoxie n’est pas une religion mais l’une des trois principales confessions du christianisme. En 1054, au moment du schisme2, cette confession fut adoptée par quatre des cinq 1 Il faut savoir que Moscou se considère depuis longtemps comme la troisième Rome après Constantinople, deuxième Rome, depuis que Kiev, berceau de l’orthodoxie russe a perdu son pouvoir à la suite des invasions des Tatares et du le joug qui les a suivies, et surtout depuis qu’à Istanbul la communauté orthodoxe est réduite à sa plus simple expression en raison du génocide arménien et du déplacement de tous les Grecs qui vivaient en Turquie. Ce fait de la perte du pouvoir de primauté du patriarcat d’Istanbul est relativement peu connu ; pourtant c’est bien le patriarche Athénagoras que Paul VI avait rencontré. 2 Le Vocabulaire de Théologie Biblique éclaire cette notion de schisme qui a un pendant plus grave, celui d’hérésie qui va aussi marquer les siècles du christianisme. « Les mots schisme et hérésie désignent tous deux une division grave et durable du peuple chrétien, mais à deux niveaux de profondeur : le schisme (schismata) est une rupture dans la communion hiérarchique, l’hérésie (haireseis) une rupture dans la foi elle-même. […] Pour Paul, les haireseis de I patriarcats de l'Église Indivise – dite Pentarchie : Constantinople, Antioche, Alexandrie et Jérusalem et le seul patriarcat à se séparer fut Rome. L'Orthodoxie dite des sept conciles 3, autre formulation revendique l'exacte conformité de ses enseignements avec ce qui était enseigné par le Christianisme des origines, des Pères de l'Église indivise4 et des sept Conciles œcuméniques. Elle se considère comme seul Christianisme, comme l'Église chrétienne « des origines », « une, sainte, catholique et apostolique », comme l'Unam Sanctam, l'Église en plénitude. C'est un constat qu'elle pose par rapport à elle-même, mais qui ne juge pas les autres : elle considère ainsi que toutes les autres Églises (ou confessions), y compris la catholique romaine, sont ses membres ou potentiellement ses membres, même si des séparations ont pu, provisoirement ou durablement, empêcher la communion 5. Les Églises dites "orthodoxes", sont présentes dans l'antique zone de culture grecque, la zone orientale du bassin de la Méditerranée, dans les zones de peuplement slave 6, ainsi qu'en Co II,19 sont à peine différents des schismata du v. 18. Toutefois une certaine gradation est probable : les déchirements (schismata) de la communauté tendent à se cristalliser en de véritables partis ou sectes (haireseis) rivales ayant leurs théories particulières, comme il en existait dans le judaïsme : Sadducéens (Ac 5,17), Pharisiens (15,5 ; 26,5), Nazaréens (24,5.14 ; 28,22), ou dans le monde grec avec ses écoles de rhéteurs (appelées aussi haireseis).», VTB, p 530-531. 3 Premier concile de Nicée, convoqué en 325 par l’empereur Constantin, second concile de Constantinople en 381 (pour la question de l’arianisme), 3ème concile en 431 (hérésie de Nestorius), 4ème concile de calcédoine en 451. Quatre autres conciles se tiendront avant la rupture entre Rome et Constantinople : Constantinople II en 553, Constantinople III en 680-681, Nicée II en 787 et Constantinople IV en 869-870. Ces conciles ont presque tous été convoqués par l’empereur et ce n’est qu’à partir du Xème siècle que le Pape prendra la relève dans cette convocation aux conciles qui se tiendront plutôt en Occident (Rome en particulier) : 21 grands conciles dont 8 en Orient et 13 en Occident (7 à Rome, 6 hors de Rome : 2 à Lyon en 1245 et 1274, à Vienne en 1311-1312, Constance en 1414-1481, Bâle-Ferrare-Florence en 1441-1142 et trente en 1545-1563). 4 Dans la 2ème moitié du IVe et au Ve siècles, la réflexion théologique se développe après trois siècles de persécutions et donne à l’Eglise son âge d’or de « Pères », ses premiers docteurs avec : - quatre grecs : St Athanase (295-373), défenseur de la foi en Orient, St Basile (329-379), législateur du monachisme, St Grégoire de Naziance (330-390), le « théologien », et St Jean Chrisostome (350-407), dit « bouche d’or », défenseur des pauvres - et quatre latins : St Ambroise (340-397), éducateur et pasteur d’âmes, St Jérôme (347-419), l’ardent propagateur du monachisme en Occident, St Augustin (354-430), l’auteur de la Cité de Dieu et des Confessions, et St Grégoire le Grand (540-604), évangélisateur des Lombards. Aux premiers nommés de cette floraison patristique, surtout en Orient, il faut ajouter, St Grégoire de Nysse, fondateur de la théologie mystique, St Hilaire de Poitiers, défenseur de la foi en Occident, St Cyrille de Jérusalem, défenseur de la divinité du Christ et auteur de catéchèses mystagogiques, St Epiphane défenseur de la doctrine trinitaire (réfutant 80 hérésies), St Cyrille d’Alexandrie, défenseur de la Theotokos, St Maxime dit le confesseur au VIIe siècle, St Jean Damascène au VIIe siècle, défenseur du culte des images contre les iconoclastes. 5 Organisée en de nombreuses Églises territoriales, et non nationales, formant ensemble l'« Église orthodoxe » ou « Communion orthodoxe », fidèle à la théologie des sept conciles du premier millénaire chrétien et au droit canon qui en découle , elle considère que jusqu'au schisme de 1054, les Églises d'Occident, aujourd'hui dans l'Église catholique, étaient elles aussi orthodoxes, c'est-à-dire conformes à la théologie et au droit canon des sept conciles du premier millénaire. 6 Cyrille et Méthode sont connus comme les Apôtres des Slaves pour avoir évangélisé les peuples slaves de l'Europe centrale. En 862, Rostislav, prince de Grande-Moravie, demande aux Byzantins de lui envoyer des prêtres pour former une Église locale. Le patriarche Photius lui envoie deux frères : Cyrille et Méthode, originaires de Thessalonique et connaissant le monde slave. Cyrille met au point le premier alphabet slave, le glagolitique. Leur mission est un succès. Si, au départ, ils sont soutenus par le pape, ils se heurtent à l’opposition des partisans de l’usage des « trois langues », n’admettant que le grec, le latin et l’hébreu comme langues liturgiques, et surtout à l’hostilité des évêques francs, qui ne veulent pas voir échapper la région à l’influence politique de la Germanie. Après leur mort, leurs successeurs seront chassés de Grande-Moravie. Les Bulgares, ennemis héréditaires des Byzantins, se convertissent à la même époque. En 866, le khan bulgare Boris (852 - 889) est baptisé, ce qui entraîne la conversion de tout le peuple bulgare. La Bulgarie hésite d’abord entre Rome et Constantinople. C’est Constantinople qui l’emporte et la Bulgarie fait encore actuellement partie du monde orthodoxe. Il en va de même pour un certain nombre d’autres principautés slaves, correspondant grosso modo aux Serbes actuels. L’adoption du christianisme va de pair avec celle de la civilisation byzantine. C’est Géorgie, en Roumanie et bien sûr en Grèce, et sont réparties dans le monde entier au travers de la diaspora des communautés d'origine et par le biais de convertis. CesÉglises, en inter-communion, partagent une compréhension, un enseignement et des offices suivant le rite de l'Empire romain d'orient et se considèrent comme faisant partie d'une seule et même Église. La Bible et la Liturgie sont lues dans les langues vernaculaires, nationales actuelles ou anciennes : araméen, arménien classique, grec des Évangiles, slavon ou vieux-slave,... Les Eglises autocéphales regroupées dans l’Eglise orthodoxe sont celles de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem et des pays suivants : Géorgie, Bulgarie, Serbie, Russie, Roumanie, Grèce, Chypre, Albanie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie. Des églises dites autonomes existent : Sinaï, Finlande, Japon, Chine, et celles rattachées : 1) au patriarcat de Moscou : Biélorussie, Égl. russe hors frontières, Estonie , Lettonie, Moldavie, Ukraine, 2) au patriarcat Œcuménique : Estonie 3) au patriarcat de Roumanie : Moldavie 4) au patriarcat de Serbie : Ohrid (Macédoine), Les Églises des deux conciles et celles des trois conciles se réclament aussi de « l'orthodoxie » et sont moins territoriales puisque, du fait de l'histoire des persécutions et des exils, leurs membres nestoriens, coptes et arméniens furent chassés, exclus, anathématisés par les orthodoxes des 7 conciles. B – L’Eglise orthodoxe par quelques flashes récents Quelques faits illustrent la situation actuelle de l’orthodoxie. D’abord, l’église grecque qui vient de s’illustrer récemment avec la crise financière. En effet l’église, est d’Etat, et il n’y a pas comme en France de séparation entre l’église et l’Etat, et elle passe pour être très riche et avoir un statut de privilégié (pas d’impôts), au même titre que les armateurs, comparaison qui est péjorative aux yeux de nombreux grecs (voir article du Point). donc à cette époque que se forme dans les Balkans une nouvelle frontière : celle entre le monde orthodoxe et le monde catholique. Un autre événement capital est la conversion des Russes au christianisme. La princesse Olga, sœur du prince de Kiev (Rus) Igor s’était déjà convertie au milieu du Xème siècle. En 989, le prince Vladimir Ier, soucieux d’asseoir son pouvoir plus solidement, négocie avec les Byzantins son baptême ainsi que celui de ses sujets et son mariage avec une princesse byzantine. La Russie relève directement du patriarche de Constantinople, qui désigne le métropolite de Kiev. Pendant près de 400 ans, celui-ci sera grec et contribuera à ancrer la Russie dans la sphère d’influence byzantine. D’autant que de nombreux moines du Mont Athos sont envoyés ou décident eux-mêmes d’aller évangéliser la Rus. Au Xème siècle, Mieszko Ier de Pologne, Géza de Hongrie, son fils, le futur Étienne Ier de Hongrie et Bořivoj Ier de Bohême, époux de Ludmila de Bohême et grand-père de Venceslas de Bohême sont parmi les premiers souverains à se convertir au christianisme. En Russie, le réveil de l’église est impressionnant 7: par exemple homélie du Carême par le patriarche de Moscou présentée in extenso (chose impossible en France) à la télévision,, repas de carême proposé dans tous les restaurants, réfection de monastères, d’églises, richesse de l’église, relations avec le pouvoir politique, reddition par lui des biens saisis au moment de la révolution, retour de beaucoup vers l’église (certains se découvrant réellement baptisés par les grand-parents, mariages nombreux à l’église,…). Presque chaque maison ou appartement a aussi son « coin sacré » avec une icône, une bougie,…pour prier. Le patriarche de Roumanie à la fin du régime de Ceaucescu a préféré démissionner pour laisser la place à un nouveau moins compromis avec le régime, ce n’est pas ce qui s’est passé en Russie par exemple, ni dans les autres anciennes républiques dépendant du bloc soviétique, ni en ex-Yougoslavie. 2 - L’orthodoxie, résultat d’une histoire Jésus-Christ a annoncé à l'avance la fondation de son Église en utilisant une métaphore architecturale : « je bâtirai mon Église », du grec Εκκλησία : ecclésia, communauté, dans Mat. 16, 13-20. C’est ainsi qu’après la Pentecôte va commencer à vivre l’Eglise de Jésus Christ. Elle va connaître des péripéties diverses avec les persécutions, puis les hérésies, les luttes intestines ou entre pouvoir temporel et spirituel : c’est une histoire chahutée mais celle d’une Eglise qui peu à peu grandit en Orient comme en Occident. L’histoire commune 8 de l’orthodoxie et du catholicisme est celle d’une rupture profonde lors du schisme en 1054, aggravée par le sac de Constantinople par les croisés en 1204. Cette rupture progressive est à chercher tant du côté des divergences doctrinales et liturgiques qui couvaient entre l'Église d'occident et celles d'orient depuis le VIIIème siècle 9, que 7 Les autorités politiques de l'URSS ont tenté, pendant plus de soixante-dix ans, d'éradiquer la foi orthodoxe, tenue pour responsable de l'aliénation des masses et coupable d'avoir soutenu, durant des siècles, l'empire tsariste. Cette position des autorités soviétiques n’a toutefois pas été immuable. Dans les années suivant la Révolution russe de février 1917 et le coup d'état bolchevik d'octobre, le pouvoir adopte une position clairement anticléricale. On brûle alors des églises et des reliques. La saisie des biens de l'Église est ordonnée en 1934, officiellement pour lutter contre la Grande Famine. Avec la Grande Guerre Patriotique qui commence par l'opération Barbarossa en 1941, la politique soviétique vis-à-vis de la religion orthodoxe change: pour souder la population autour du régime : il ne s'agit plus de persécuter, mais d'instrumentaliser l'Église. Celle-ci connaît un nouveau départ avec l'élection d'un nouveau patriarche (le dernier n'avait pas été remplacé à sa mort). Staline s'adresse à la radio aux citoyens en utilisant non plus le terme de товарищь, "camarades" mais celui de брать , "frères". Certes, l'emprise de l'Église sur la société reste limitée par rapport à ce qu'elle était autrefois. Mais pratiquer l'orthodoxie ne conduit plus au Goulag, et même des membres du Parti et de la Nomenklatura finissent par s'y adonner, notamment après l'instauration de la "transparence" (гласность: glasnost) et de la "réfondation" (перестройка: perestroïka) en 1985. Longtemps étouffée par les régimes communistes, la foi orthodoxe a repris souffle malgré les conflits auxquels sont confrontées les Églises, longtemps inféodées au communisme, puis au nationalisme de la Nomenklatura. Près de vingt ans après la chute du régime soviétique, qui rétablit une totale liberté de culte, des milliers d'églises ont été construites ou reconstruites et de nombreux citoyens des pays ex-communistes retournent à la religion. À côté d'une recherche spirituelle, beaucoup d'orthodoxes voient sans doute dans la religion un retour à leurs racines historiques, l'affirmation d'une culture millénaire des pays slaves de l'est et du sud, et des pays roumains, qui n'a pas été effacée par la police politique. Le mardi 30 Novembre, le président Dmitri Medvedev annonce avoir signé la loi sur la restitution des biens de l'Église. La loi prévoit de rendre à l'église Orthodoxe de nombreux monastères et églises, soit 6 584 sites religieux souvent transformés en musées. 8 A partir de 395, à la mort de Théodose, le partage définitif de l’Empire romain entre l’Orient et l’Occident est consommé. Ce partage n’a pas pour autant détruit l’unité de l’économie-monde romaine qui se prolonge en direction du Danube et vers la mer Rouge et l’Océan Indien, au-delà des frontières de l’Empire. 9 Tandis qu’elle progresse en Occident, l’Eglise s’enlisait au Proche-Orient. L’empereur Constantin, qui a pris l’Edit de Milan en 313 interdisant toute persécution, faisant des chrétiens des hommes libres de proclamer hautement leur croyance, de célébrer publiquement leur culte, et leur restituant les biens confisqués, a transféré la capitale de l’empire à Byzance, devenue la prestigieuse Constantinople, laissant Rome à la tutelle temporelle des papes, sous le du côté des rivalités politiques entre les États occidentaux qui commencent à s'affirmer, et l'Empire byzantin dont la puissance décline au XIIème siècle. Deux premiers schismes, en 787 et 863, ont deux causes principales: 1) la diminution de l'influence de l'Empire romain d'Orient en Italie, au profit des Lombards, et le souci de la Papauté de se concilier ces derniers, géographiquement plus proches ; 2) la divergence doctrinale du filioque au sujet du Saint-Esprit:10. La rupture définitive de 1054 de l'évêque de Rome, à l'époque Léon IX, avec le reste de la Pentarchie a pour origine : 1) la disparition de l'influence de l'Empire romain d'Orient en Italie, au profit des Francs et des Normands, et le souci de la Papauté de renforcer son autorité spirituelle sur ces puissants voisins ; 2) la rivalité politique entre Léon IX et le patriarche de Constantinople Michel Cérulaire, le premier interprétant son statut de Primus inter pares dans le sens d'une autorité canonique sur les autres Patriarches, le second réfutant cette interprétation ; 3) la volonté papale d'uniformiser dans le sens latin les rites dans la partie sud de l'Italie, récemment conquise par les Normands sur les Byzantins, qui se heurte à l'opposition du même Michel Cérulaire (Keroularios), tout aussi soucieux de les uniformiser dans le sens grec ; 4) la pierre d'achoppement fut l'usage du pain azyme (dont la pâte n'a pas été levée) en Occident. Il s'ensuivit un échange de lettres peu amènes dans lesquelles fut discutée l'œcuménicité du patriarcat de Constantinople 11. Mais à la fin du XIème siècle, il n'est pas question de schisme. Ce n'est qu'au XIIIème siècle que les choses se gâteront au moment des croisades. L'événement déterminant sera le sac de Constantinople par la quatrième croisade en 1204 12. contrôle plus nominal que réel d’un légat impérial à Milan ou à Ravenne. Depuis, chrétiens d’Orient et chrétiens d’Occident commençaient à s’éloigner les uns des autres : ils ne parlaient pas la même langue, le grec en Orient et le latin en Occident, n’avaient pas le même tempérament, plus intuitif en Orient et plus rationnel en Occident. De plus par suite des divisions politiques successives, ils appartenaient à des empires différents souvent en lutte l’un contre l’autre. Enfin l’Islam commençait à occuper des territoires qui avaient servi de berceau au christianisme, fragilisant l’empire d’Orient et l’isolant encore plus de l’Occident. Il faut noter que sur le plan linguistique l’Empire romain a fonctionné avec deux systèmes officiels. Les langues vernaculaires ont été conservées un peu partout mais dans les écoles le bilinguisme latin-grec était appliqué dans l’Empire romain d’Occident, et le monolinguisme grec dans celui d’Orient. La langue officielle, celle de l’administration romaine était le latin ; ainsi un oriental voulant devenir fonctionnaire devait apprendre, adulte, le latin. On peut sans doute trouver là l’un des germes du schisme, né entre personnes qui ne se comprenaient plus. 10 Selon l'évêque de Rome, celui-ci découle du Christ autant que du Père : par conséquent seule une âme chrétienne peut être sauvée et par conséquent le devoir de l'Église est de convertir tout incroyant ; selon le reste de l'Église restée fidèle au symbole de Nicée-Constantinople et donc selon les patriarcats orthodoxes, le Saint-Esprit ne découle que du Père et celui-ci peut sauver qui Il veut, sans condition de religion. 11 L'intransigeance des deux protagonistes mène à la rupture, alors que l'empereur Constantin IX est partisan d'une alliance avec Rome et se veut conciliant. Le pape Léon IX envoie à Constantinople les légats Humbert de Moyenmoûtier, Frédéric de Lorraine (plus tard pape sous le nom d'Étienne IX) et Pietro d'Amalfi. Humbert et Michel Cérulaire sont aussi susceptibles l'un que l'autre. Michel Cérulaire met en doute la validité du mandat des légats. Le débat tourne à l'échange de propos injurieux. Humbert soulève le problème du Filioque. Le 16 juillet 1054, Humbert et les légats déposent la bulle d'excommunication de Michel sur l'autel de la cathédrale Sainte-Sophie, sortent et secouent la poussière de leurs chaussures. Le 24 juillet, le synode permanent byzantin réplique en anathématisant les légats. Toutefois, contrairement à ce qui est souvent affirmé, l'excommunication n'est pas réciproque entre Rome et Constantinople car le pape n'y est pas mis en cause (il était mort et remplacé quelque temps avant l'arrivée d'Humbert à Constantinople, rendant la mission de ce dernier caduque), et l'affaire n'est pas prise très au sérieux à l'époque, malgré l'excommunication, quelques années plus tard de l'empereur Alexis Ier Comnène, d'ailleurs levée par le pape Urbain II. 12 Lequel avec son flot de barbaries et d'actes satanistes (les croisés font danser des prostituées dans les églises, sur les autels et sur la chaire de St Jean Chrysostome, où ils forniquent avec elles) choquera profondément et durablement les Orthodoxes. Le sac de Constantinople par les Croisés va consommer la rupture. À deux occasions, au deuxième concile de Lyon en 1276 et au concile de Florence en 1439, pour obtenir le soutien des armées occidentales contre la conquête musulmane, des empereurs byzantins reconnaissent la primauté du pape de Rome, mais sont désavoués par la hiérarchie de l’Église orthodoxe. Après la chute de l'empire d'Orient, du XIe au XVe siècle, l'Église occidentale 3 - L’orthodoxie dans ses différences A - La territorialité de l'Église orthodoxe Une Église orthodoxe considère que tous les chrétiens résidant dans son territoire canonique relèvent de sa responsabilité pastorale même si certains d'entre eux ne la reconnaissent pas comme leur patrie spirituelle 13. Elle voit donc avec plus ou moins de surprise les nombreuses confessions évangéliques ouvrir sur son propre secteur des Églises parallèles. Cette surprise se manifeste aussi pour l'évangélisation catholique s'insérant en milieu orthodoxe. Dans cette optique, la papauté, lorsqu'elle cesse de se manifester comme archevêché de Rome ou patriarcat d'Occident, pour agir en super-diocèse mondial, devient un obstacle à la réunion des Églises : pour les orthodoxes, c'est en effet dans la collégialité apostolique que doit s'effectuer la réunion 14. Pour les orthodoxes, l'épiscopat est donc le plus haut rang de la hiérarchie ecclésiastique: l'évêque possède la plénitude du sacerdoce chrétien, il est en cela une image du Christ, le seul grand prêtre et le seul sacrificateur de la Nouvelle Alliance. Chaque évêque est successeur de l'ensemble des douze apôtres et cette succession est matérialisée par la succession apostolique, par la consécration de tout évêque par d'autres évêques, eux-mêmes consacrés par des lignées d'évêques qui remontent, à travers les siècles, jusqu'à un apôtre 15. B – L’organisation synodale et presbytérale de l’Orthodoxie n'aura de cesse que de reconquérir les petites églises en sorte d'isoler les églises orthodoxes de la Pentarchie, ce qui n’aura évidemment pas le meilleur effet sur les orthodoxes. 13 Une erreur commune confond la territorialité avec la nationalité. Les Églises orthodoxes ne sont pas ethniques mais territoriales, et les titulatures des évêques ne renvoient pas à des peuples mais à des lieux, principe affirmé par le premier concile œcuménique, celui de Nicée I, principe déjà largement appliqué depuis les apôtres : en un lieu donné, un évêque et un seul, est garant à la fois de l'unité et de la communion de tous les chrétiens du lieu ainsi que de l'unité et de la communion avec les Églises des autres lieux. Chaque Église locale, rassemblée autour de son évêque, est en communion avec les Églises des autres lieux. Par exemple, il n'y a pas d'Église "finnoise" mais une Église de Finlande qui rassemble les orthodoxes du lieu qu'ils soient Finnois, Russes ou Suédois. Ce principe connaît toutefois de nos jours plusieurs entorses importantes. Depuis le début du XXe siècle, en raison des conflits et des bouleversements politiques, idéologiques et démographiques, plusieurs Églises ont fondé des paroisses parallèles puis des évêchés « superposés » dans des pays qui ne sont pas traditionnellement orthodoxes, c’est-à-dire dans la diaspora (Europe occidentale, Amériques, Asie du Sud et de l'Est, Australie et Océanie). C'est le cas de la quasi totalité des Russes qui ont fui la révolution bolchévique. L'Afrique a échappé à cet éparpillement parce que le patriarche d'Alexandrie y est bien identifié comme le primat du lieu. Depuis la chute de l'Union soviétique en 1990, il y a, dans plusieurs pays de l'Europe de l'Est (Pays baltes, Moldavie, Ukraine) des doubles, voire triples appartenances juridictionnelles, les orthodoxes locaux revendiquant pour eux-mêmes le principe de la territorialité dans les frontières de leurs états nouvellement ou à nouveau indépendants, tandis que le patriarcat de Moscou continue à se référer à la territorialité de l'ancienne Union soviétique. Avec ces paroisses qui, dans une même ville ou un même pays, relèvent ici d'un évêque et là d'un autre, voire d'une autre Église autocéphale, l'Église orthodoxe se trouve confrontée à un vrai défi. Ou bien l'approche politique l'emporte et elle se figera dans une situation de contradiction par rapport à ses principes fondateurs, ou bien l'approche spirituelle reprend le dessus et elle aura le courage de faire vivre la tradition qui est la sienne, pour trouver des solutions acceptables et adaptées aux diverses situations pastorales. 14 Des intérêts politiques et économiques font perdurer ces divergences: par exemple, dans les pays anciennement communistes, les églises catholiques de rite oriental se sont vu confisquer leurs biens au profit des églises orthodoxes, et le contentieux ainsi apparu n'est toujours pas résolu. 15 L'Église orthodoxe ne confond pas cette tradition sacramentelle, inhérente à la dignité épiscopale, avec les différents usages honorifiques destinés à rappeler l'ancienneté et l'origine apostolique de telle ou telle Église particulière. On dit en effet que le pape de Rome ou celui d'Alexandrie sont successeurs respectivement de Pierre ou de Marc, que l'évêque d'Antioche est également successeur de Pierre : ce sont de simples formules de politesse, des souvenirs historiques, certes importants, mais qui n'enlèvent rien à la dignité des autres évêques. L'Église orthodoxe se conforme sur ce point aux recommandations de saint Grégoire Ier, pape de Rome, qui craignait qu'un titre épiscopal grandiloquent revienne à glorifier un évêque et à rabaisser les prérogatives des autres (Livre V, lettre 8). En matière d’organisation et de discipline, sur les plans juridique et spirituel, l’Église orthodoxe est une communion d’Églises indépendantes, mais intimement liées entre elles sur le plan dogmatique. Autocéphale, chacune d’elles est dirigée par son propre synode habilité à choisir son primat 16. Outre les langues employées lors du culte, seules des traditions mineures diffèrent en fonction des pays. Les évêques primats à la tête de ces Églises autonomes peuvent être appelés patriarches ou archevêques. Ces primats président les synodes épiscopaux qui, dans chaque Église, constituent l’autorité canonique, doctrinale et administrative la plus élevée. Il existe, entre les différentes Églises orthodoxes, une hiérarchie honorifique, déterminée en fonction de l’histoire plutôt que par leur force numérique actuelle. Les évêques sont choisis parmi les moines, tandis que prêtres et diacres peuvent être mariés avant d'être ordonnés, mais ne peuvent pas se marier une fois ordonnés. Le patriarche, l'archevêque primat ou le métropolite portant le titre de primus inter pares (« premier entre les égaux »), président les assemblées d'évêques, puis viennent les évêques (du grec episkopos : surveillant, inspecteur), prêtres (du grec presbyteros : ancien), enfin les diacres (grec. diakonos : aide ou assistant). Tous les évêques sont juridiquement et spirituellement égaux : un patriarche, un archevêque ou un métropolite n'ont pas plus d'autorité ni de droit juridictionnel que n'importe quel autre évêque dans le territoire canonique d'un évêque voisin. Ils dirigent toutefois collégialement avec les évêques du synode, et ils représentent l'Église à l'extérieur. Les résolutions engageant une Église entière ne peuvent être prises que par la communauté des évêques lors d'un concile ou un synode. Dans son diocèse, chaque évêque exerce la juridiction épiscopale pleine et entière. C – L’organisation sacramentelle de l’Eglise orthodoxe Les Églises orthodoxes connaissent sept sacrements, plus exactement nommés mystères , bien que la notion des 7 sacrements soit très tardive : le baptême, la chrismation (qui succède immédiatement au baptême), l'eucharistie (donnée la première fois également directement après le baptême), les Saints Dons, la confession (réconciliation ou pardon), l'ordination, le mariage, le sacrement des malades - onction des malades (qui n'est pas réservé aux mourants). Les 7 mystères sont très semblables à ceux de l'Église catholique : seule la Chrismation en diffère, le septième sacrement étant la Confirmation pour l'Église romaine. La différence c'est que dans l'Église orthodoxe, les 7 sacrements ne sont pas fixés dogmatiquement comme c'est le cas dans l'Église catholique depuis le concile de Trente. Ainsi, la délimitation n'est pas claire entre sacrement et sacramentalité (p. ex. un enterrement ou un ondoiement) 17. D – La liturgie orthodoxe 16 Elles peuvent avoir compétence sur d'autres Églises, dites autonomes parce qu'elles ne désignent pas seules leur primat. 17 Contrairement à la plupart des religions du monde, les Églises orthodoxes ne célèbrent aucun rituel de transition de l'enfant à l'adulte ; mais beaucoup de traditions locales sont pratiquées par des jeunes et ressortissent de ce type de célébration : en Grèce, par exemple, plonger dans un fleuve ou dans la mer et en rapporter la croix que le prêtre y a jetée lors de la célébration du Baptême du Christ, ou Épiphanie, le 6 janvier. Le cœur de la spiritualité orthodoxe est riche, principalement dans le chant de la liturgie fortement symbolique, dont la forme actuelle, au moins partiellement, s'enracine dans l'époque constantinienne du IVème siècle. La première partie de la liturgie, appelée Liturgie des catéchumènes avec prière et lectures bibliques se réfère au culte synagogal, tel que Jésus dut le connaître ; la deuxième partie, la Liturgie des fidèles qui célèbre l'eucharistie, est d'origine proprement chrétienne. Le nom de chacune des parties se réfère au temps où tous les candidats non encore baptisés devaient quitter l'église après la première partie et où l'on fermait les portes à clef. La liturgie originale dure cinq heures, la liturgie basilienne dure environ deux heures, la liturgie de Jean Chrysostome ne dure environ qu'une heure et demie et c'est celle qui est célébrée la plupart des dimanches tandis que, pour certaines occasions (dimanches du grand carême, fête de saint Basile) le τυπικόν, typikon ou cérémonial de l'Église, prévoit la liturgie de saint Basile 18. Le chant possède une importance particulière dans la liturgie russe orthodoxe. Les chants sont compris comme prière à part entière ; ils ne doivent donc être produits que par les voix humaines. L'utilisation des instruments n'est pas admise dans les Églises russes orthodoxes parce que les instruments ne peuvent prier. Dans les autres Églises orthodoxes, la musique instrumentale est rare 19. Dans la liturgie orthodoxe, on se signe chaque fois que la Trinité est mentionnée. Le signe de croix se pratique selon un mouvement de droite à gauche 20: front, poitrine, épaule droite, épaule gauche. Le pouce, l'index et le majeur sont liés pour représenter la Trinité, tandis que l'annulaire et l'auriculaire sont repliés dans la paume pour signifier la double nature. On se signe aussi en admirant une icône avec ou sans prière et dans d'innombrables autres occasions, laissées à la discrétion du croyant. Le fidèle est, en principe, debout à l'office ; beaucoup d'églises n'ont de sièges que le long des murs pour les personnes âgées ou affaiblies. La position à genoux est peu fréquente ; le dimanche, on connaît quelques grandes prosternations dans les Églises d'Europe centrale ou d'Égypte. E – Le calendrier liturgique et les fêtes orthodoxes Un fait important est que certaines Églises orthodoxes ont adopté le calendrier grégorien entre 1923 et 1963 alors que d'autres utilisent encore le calendrier julien. Ainsi, pour les membres de ces dernières (Églises de Jérusalem, Russie, Géorgie, Serbie, Mont-Athos), les dates des fêtes religieuses sont décalées par rapport à celles des autres orthodoxes, et par rapport au calendrier civil, qui est partout le calendrier grégorien. Ainsi, ces orthodoxes fêtent bien Noël le 25 18 Avec l’orthros (matînes), les petites heures, les prières avant et après la communion, l'office dominical peut durer trois heures, ou plus les jours de fête. De plus, l'usage de l'agrypnie ou vigile nocturne s'est conservé, non seulement pour Pâques, comme en Occident, mais aussi pour d'autres fêtes et en particulier pour les fêtes patronales, votives ou panégyrie. Dans certains grands monastères, la célébration de la fête patronale peut durer toute la nuit. De ce fait, tous les fidèles ne restent pas du début à la fin des célébrations. L'antienne Kyrie eleison (Seigneur, prends pitié), fréquente, est typique tant de la prière liturgique que de la prière individuelle. 19 Une théorie, envisageant cette aversion contre la musique instrumentale, la rapproche des orchestres usuels dans les jeux du cirque romains ; les chrétiens considèrent les jeux du cirque, dans lesquels ils étaient parfois les victimes, comme un culte idolâtre. 20 Ce sens est dit emprunté au fait que le fidèle est face au prêtre qui lui se signe de cette manière. décembre dans le calendrier julien. Leur fête tombe donc le 7 janvier du calendrier civil grégorien (avant 1900, elle tombait le 6 janvier) 21. La date de Pâques est cependant commune à toutes les Églises orthodoxes (à l'exception de l'Église autonome de Finlande) parce qu'elle est partout fixée à partir du calendrier julien. La journée liturgique commence la "veille" au soir, au coucher du soleil, conformément à l'usage sémitique. Elle comprend donc une nuit de veille et un jour conformément au récit de la Genèse "Il fut un soir, il fut un matin, premier jour". Certaines célébrations sont fêtées le même jour que leurs équivalentes du calendrier liturgique romain. Le calendrier comprend douze grandes fêtes qui sont souvent représentées sur les murs des églises. Nativité de la Très Sainte Mère de Dieu, le 8 septembre. Exaltation de la Très Sainte Croix, le 14 septembre). Présentation de la Très Sainte Mère de Dieu au Temple, le 21 novembre. Nativité du Seigneur, le 25 décembre. Baptême du Christ ou Théophanie, le 6 janvier. Présentation du Christ au Temple ou Chandeleur, le 2 février. Annonciation, le 25 mars. Entrée du Christ à Jérusalem ou Rameaux (une semaine avant Pâques). Ascension du Seigneur (40 jours après Pâques). Pentecôte (50 jours après Pâques) Transfiguration du Christ sur le mont Thabor, le 6 août. Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, le 15 août. Tous les orthodoxes célèbrent une même fête à la même date (celle qui est indiquée cidessus) mais cette même date tombe d'abord selon le calendrier grégorien puis treize jours plus tard selon le calendrier julien. Les fêtes mobiles en revanche sont fêtées le même jour par tous les orthodoxes et à des dates différentes des deux calendriers. La Fête des fêtes, Solennité des solennités, est la Pâques,qui est fêtée par les Russes chaque dimanche appelé Résurrection (voskréssénié) 22 inaugurant la semaine du Renouveau et le temps pascal qui dure en tout quarante jours. Les autres grandes fêtes sont le Baptême du Christ et la Transfiguration. D’autres fêtes rythment aussi l’année : celles de saints, la résurrection de Lazare,… Deux Carêmes principaux celui de Noël et surtout le Grand Carême pour Pâques avec des jeunes très stricts. F – Les icônes Les icônes, et les fresques, sont les seules représentations autorisées chez les orthodoxes : aucune statue ni autre art. D’ailleurs même les icônes ont posé un problème à un époque qui a vu 21 Ce changement de calendrier a été condamné par un concile local à l'époque comme une innovation contraire à la tradition. Ainsi, une petite partie de ces Églises orthodoxes qui ont refusé d'adopter le calendrier grégorien, ont également fait scission et se nomment les Églises orthodoxes vieilles-calendaristes. Ces dernières ont mis en avant le problème du calendrier de référence mais leurs revendications conservatrices sont bien plus profondes et font d'elles les pendants orthodoxes des catholiques traditionalistes. Il est donc important de bien comprendre qu'une Église orthodoxe ayant gardé le calendrier julien n'est donc pas forcément une Église orthodoxe vieille-calendariste. 22 A Pâques est dit Xristos voskriès, vahistinou voskriès. la guerre des iconoclastes 23 contre les iconodules. Les premiers disant qu’il n’était pas possible et qu’il était même hérétique de représenter Jésus par exemple, car cette image n’avait pas de valeur religieuse. Les autres signifiant, et ils ont finalement eu gain de cause, que toute image pieuse avait la valeur de représentation et aussi que la présence réelle de la personne représentée était manifeste et qu’en ce sens vénérer une icône avait la même valeur que vénérer la personne ellemême. Les fresques qui couvraient la totalité des murs intérieurs des églises byzantines, et orthodoxes par la suite, avaient et ont toujours valeur catéchétique, et étaient destinées à la formation des fidèles. 23 Saint Jean Damascène qui deviendra, vers 730, conseiller théologique du patriarche de Constantinople, Jean V, s’est fait le brillant défenseur des icônes et de leur vénération. Il écrivait en particulier à leur propos : « Il faut se prosterner devant elles, les baiser et les chérir de nos yeux, de nos lèvres et de notre cœur comme une imitation du Dieu fait chair, de sa mère ou de ses Saints, qui ont partagé ses souffrances, et comme une imitation de la gloire du Christ et de ceux qui ont vaincu et anéanti le diable et ses démons, et leur folie.[…] Je ne me prosterne pas devant la matière, mais devant le créateur de la matière, qui pour moi est devenu matière, qui a établi sa demeure dans la matière et a accompli mon salut par la matière. “Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ” (Jn 1,14) car il est clair pour tous que la chair est matière et qu’elle est une créature. Je vénère donc la matière par qui est advenu mon salut, je la respecte et je me prosterne devant elle, et je la vénère non pas comme un dieu, mais comme remplie d’énergie divine et de grâce. » Tout ceci a été repris à peu près dans ces termes par l’horos de la foi du VIIème concile œcuménique de Nicée en 787, convoqué par le patriarche Tarasios à la demande de l’impératrice Irène d’Athènes, veuve du basileus Léon IV, dans le but de restaurer la vénération des saintes icônes. Annexe Le schisme de 1054 a séparé l'Église dite « orthodoxe » de l'Église dite « catholique ». Le protestantisme s'est ensuite séparé du catholicisme. Plusieurs querelles théologiques et canoniques les séparent : - Les orthodoxes considèrent que l'ajout au credo du mot filioque24, que l'Église orthodoxe refuse pour trois raisons : • cet ajout ne serait pas conforme au texte de l'évangile (Jean 15, 26). • il modifierait les relations entre les personnes de la Trinité et rabaisserait le SaintEsprit. • il impliquerait, selon elle, que Dieu ne peut sauver que des âmes chrétiennes (mais les catholiques n'en tirent pas cette conclusion). - La doctrine augustinienne sur la grâce, que l'Église orthodoxe refuse pour deux raisons : • cette doctrine, selon elle, serait très personnelle, et ne serait pas partagée par le concert des Pères de l'Église, tant en Orient qu'en Occident (principe de collégialité). • interprétée à la façon de Luther, cette doctrine annihilerait la liberté de l'homme : si c'est la grâce qui fait tout, quelle est la part de l'homme ? (les catholiques, à la suite de saint Thomas d'Aquin, se réclament aussi de saint Augustin mais l'interprètent différemment). - Le baptême par immersion. L'Église orthodoxe baptise par immersion pour trois raisons : • c'est la tradition depuis les origines évangéliques. • c'est le sens même du mot baptême en grec. • cela symbolise bien l'adhésion totale au Christ et le fait de « revêtir le Christ ». - La notion d'« hospitalité eucharistique », que l'Église orthodoxe ignore pour trois raisons : • À la Cène, c'est le Christ lui-même « qui offre et qui est offert, qui reçoit et qui distribue » comme le répète chaque liturgie. Aucun prêtre, aucun évêque, aucun patriarche n'a le droit de s'interposer entre le Christ et la conscience du fidèle. • Si une personne est en communion de foi avec l'Église (celle du Christ qui s'exprime en plénitude dans l'orthodoxie), c'est à elle-même de faire librement la démarche d'en devenir membre, et cette démarche sera scellée par la communion eucharistique. • Si une autre personne n'est pas en communion avec l'Église, que sa conscience soit respectée et ne soit pas violentée, qu'elle ne communie pas sans conviction et que nul rituel mensonger ne vienne obscurcir sa relation avec Dieu. - L'Église orthodoxe autorise l'ordination d'hommes mariés (mais non le mariage des prêtres déjà ordonnés). Seuls les moines qui vivent à l'écart de la société dans les monastères orthodoxes doivent faire vœu d'abstinence sexuelle. C'est parmi eux que sont choisis les évêques. - L'Église orthodoxe considère le Pape comme le patriarche de Rome, il a une place de primauté en cas de Concile œcuménique, le Christ étant chef de l'Église pour ces deux confessions. Si les catholiques considèrent le pape comme seul successeur de Pierre et vicaire du Christ à la tête du corps mystique de l'Église, les orthodoxes en revanche ont une conception plus restreinte de la primauté de Pierre : la primauté d’honneur est justifiée par l'ancienneté, mais n'engage aucune 24 Le filioque a modifié le texte d'un concile œcuménique (Ier concile de Constantinople). Il a été introduit par le concile de Tolède en 589, adopté par l’Eglise des Francs au VIIIe siècle, par le pape Benoît VIII et par l’Eglise de Rome en 1014 et confirmé par le concile général de l’Eglise romaine à Lyon en 1274. Certains disent que cet ajout aurait été suggéré par l'empereur Charlemagne qui souhaitait asseoir son pouvoir en latinisant l'Église occidentale ; et ce, contre l'avis du pape de Rome saint Léon III et de la plupart de ses successeurs durant plus d'un siècle (IXe siècle). Seule exception notable: le Nicolas Ier. Ce Filioque fut accepté par l’empereur byzantin Jean VIII Paléologue et le patriarche Joseph de Constantinople, mais leurs successeurs les désapprouvèrent en 1450 autorité réelle. Rien, pour les orthodoxes, n'étaye ni le Dictatus papæ, ni le dogme de l'infaillibilité pontificale. - Les Églises orthodoxes, pour la plupart d'entre elles, sont membres du Conseil œcuménique des Églises, qu’elles ont rejoint en 1961. Elles entretiennent aussi un dialogue œcuménique avec l'Église catholique et la Communion anglicane. Elles ne sont cependant pas prêtes, même si une décision est votée à la majorité, à envisager d'adopter des notions et des pratiques non traditionnelles (présidence d'une pasteure lors d'une célébration commune, évolution de la langue liturgique, libéralisme théologique etc.) Conditions des Orthodoxes pour la réunion des Églises catholique et orthodoxe ou « Afin que tous soient un... » (Jean 17 :21) - La donation de Constantin est considérée par Constantinople (l'Église orthodoxe) comme un faux rédigé au IXème siècle au bénéfice des intérêts de Rome. Ce qui est aujourd'hui reconnu par l'Église catholique. Cette condition est donc aujourd'hui accomplie. - Abandon du Dictatus papæ (pour un orthodoxe seul un Concile œcuménique peut avoir une telle autorité) et du dogme de l'infaillibilité papale. - Réexamen de la Réforme grégorienne : les chrétiens d'Orient y voient une forme d'autoritarisme spirituel et de renversement graduel des traditions. Cette réforme impose entre autres le célibat des prêtres. À noter, cependant, que l'Église catholique a toujours accepté le maintien de la discipline orthodoxe traditionnelle en matière de célibat (célibat imposé uniquement aux moines et aux évêques) pour toutes les églises orientales rejoignant l'Église catholique. Cette condition pourrait donc être satisfaite relativement aisément. - Organisation à Rome d'un VIIIème Concile œcuménique pour rétablir l'unité.