Revue électronique de Psychologie Sociale, 2008, N°3, pp. 25-39PAGE 27
«étudiant» ou en «professeur», parfois en «de gauche» ou en «de droite», par-
fois en «parent» ou en «enfant», etc. Dans tous ces cas, nos comportements,
nos perceptions, nos jugements, dépendent plus fortement du fait que nous
nous dénissons nous-mêmes en tant que membres d’un groupe que de nos
caractéristiques individuelles, qui nous rendent, chacun, une personne unique
et différente de toutes les autres. Il s’agit donc de comportements de groupe,
non pas nécessairement parce qu’ils sont collectifs ou parce qu’ils ont lieu dans
des contextes sociaux objectivement dénis comme «groupaux», mais parce
qu’ils découlent de notre identication psychologique à une catégorie sociale
dans une situation donnée. Loin de traduire une simple similitude, accord ou
sympathie à l’égard de quelqu’un de désirable, et une simple différence, désac-
cord, ou antipathie à l’égard de quelqu’un d’indésirable, l’effet brebis galeuses,
correspond effectivement à un comportement de groupe. Voyons comment.
Le « moi endogroupal » : métacontraste, auto-stéréotypie, favoritisme
pro-endogroupe et interdépendance au sein de l’endogroupe
De ce que nous avons vu jusqu’à présent, il découle que la DGS conçoit la
déviance comme un phénomène fortement lié à la motivation des individus
à construire et à maintenir une identité sociale positive. En fait le modèle ne
s’adresse pas tant à la déviance en soi qu’aux réactions qu’elle suscite auprès
des individus qui s’auto-catégorisent en tant que membres d’un groupe.
Métacontraste et moi endogroupal
Selon la théorie de l’auto-catégorisation, nous nous identions à un groupe
d’abord à travers la mise en œuvre d’un métacontraste: dans une situation
donnée (par exemple, un match de football), nous commençons par percevoir
une corrélation entre des stimuli présents dans la situation (par exemple, les
couleurs des maillots de joueurs) et des catégories qui nous sont cognitivement
accessibles (par exemple, leurs clubs respectifs). Nous interprétons la situation
d’autant plus fortement en termes d’opposition entre deux catégories que les
différences que nous percevons entre les membres de ces deux catégories sont
plus fortes que leurs similitudes, et que les similitudes perçues entre les mem-
bres de chacune de deux catégories sont plus fortes que les similitudes entre
membres des deux catégories opposées. La réunion de ces conditions permet
l’émergence d’un métacontraste. Le métacontraste est le processus à travers
lequel nous réduisons encore plus fortement les différences intra-catégorie tout
en augmentant les différences inter-catégories en construisant des prototypes
catégoriels. Ces prototypes correspondent à des représentations des catégories
formées uniquement par les caractéristiques qui différencient le mieux chaque
catégorie de la catégorie opposée (Turner et al, 1987; voir Encadré 1).
Une fois en possession d’un prototype représentatif de l’endogroupe, nous nous
attribuons nous-mêmes les caractéristiques de ce prototype. Elles deviennent,
par là, les caractéristiques représentatives à la fois de l’endogroupe et du moi:
le moi endogroupal (par exemple, Hogg, 1992). On parle, alors, d’un processus
d’auto-stéréotypie: dans les moments plus ou moins longs qui suivent ce pro-
cessus, nous nous voyons comme un élément représentatif de l’endogroupe, au
même titre que tous les autres membres de cette catégorie.
« souvent nos comportements, même s’ils nous semblent individuels
au premier abord, sont en réalité des comportements de groupe »