Introduction
La première page de l’Esthétique de Hegel (sous le titre de Délimitation et place de l’Esthétique)
commence par cette affirmation : «Avec ce terme nous excluons immédiatement le beau naturel».
Dans ses cours, en effet, Hegel propose de concentrer sa réflexion sur la beauté artistique en tant
qu’elle est «générée et régénérée par l’esprit». Par conséquent, objet de l’esthétique est «le vaste
royaume du beau et, plus de près, […] l’art, ou mieux, le bel art». Ayant ce but, donc, Hegel ne
peut pas ne remarquer que le terme «Esthétique» est inadéquat puisqu’il «indique plus exactement
la science du goût, du sentir, et, dans cette signification d’une science nouvelle […], il a eu son
origine dans l’école wolffienne, au moment où, en Allemagne, on considérait les œuvres d’art en
relation aux sentiments qu’elles devaient produire». Étant donné que la science qu’il entend
considère non pas le beau en général, mais purement le beau de l’art, Hegel remarque que même le
terme «Callistique», proposé par certains, est insuffisant ; enfin, il conclut son introduction en
affirmant que «le véritable terme pour notre science est «philosophie de l’art», et plus
spécifiquement «philosophie du bel art»1.
Cette définition est très utile comme point de départ de ce travail puisqu’elle nomme explicitement
plusieurs problèmes qui seront abordés dans les pages suivantes. Avant tout, l’allusion à l’école
wolffienne nous révèle quelle est la signification, du point de vue étymologique, du terme
«esthétique», comme il est conçu par Baumgarten au moment où il crée ce terme en 1735. Ensuite,
la délimitation proposée par Hegel (le bel art) manifeste deux des limites parmi lesquelles se situe
l’esthétique au XVIIIe siècle, c’est-à-dire le beau et l’art. Enfin, chez Hegel il y a l’exclusion du
territoire de l’esthétique d’un champ sur lequel la pensée européenne n’a pas cessé de réfléchir :
«nous excluons immédiatement le beau naturel…».
1 G. W. F. Hegel, Vorlesungen uber die Ästhetik, Stuttgart, F. Frommann, 1964, p. 1: «Durch diesen
Ausdruck nun schließen wir sogleich das Naturschöne aus. [...] Denn die Kunstschönheit ist die aus dem
Geiste geborene und wiedergeborene Schönheit. [...] Diese Vorlesungen sind der Ästhetik gewidmet; ihr
Gegenstand ist das weite Reich des Schönen, und näher ist die Kunst, und zwar die schöne Kunst ihr Gebiet.
Für diesen Gegenstand freilich ist der Name Ästhetik eigentlich nicht ganz passend, denn „ Ästhetik“
bezeichnet genauer die Wissenschaft des Sinnes, des Empfindens, und hat in diese Bedeutung als eine neue
Wissenschaft oder vielmehr als etwas, das erst eine philosophische Disziplin werden sollte, in der
Wollfischen Schule zu der Zeit ihren Ursprung erhalten, als man in Deutschland die Kunstwerke mit
Rücksicht auf die Empfindungen des Angenehmen, der Bewunderung, der Furcht, des Mitleidens usf. Um
des Unpassenden oder eigentlicher um des Oberflächlichen dieses Namens willen hat man denn auch andere,
z. B. den Namen Kallistik, zu Bilden versucht. Doch auch dieser zeigt sich als ungenügend, denn die
Wissenschaft, die gemeint ist, betrachtet nicht das Schöne überhaupt, sondern rein das Schöne der Kunst.
Wir wollen es deshalb bei dem Namen Ästhetik bewenden lassen, weil er als bloßer Name für uns
gleichgültig und außerdem einstweilen so in die gemeine Sprache übergegangen ist, dass er als Name kann
beibehalten werden. Der eigentliche Ausdruck jedoch für unsere Wissenschaft ist „Philosophie der Kunst“
und bestimmter „ Philosophie der schönen Kunst“».
Pour améliorer la fluidité de lecture, on a traduit les citations des sources primaires directement dans le texte
et on a indiqué la version originale aux notes au bas de la page.