116 Diversité des pratiques de contrôle budgétaire…
Le contrôle budgétaire est un dispositif central du contrôle de
gestion. Associé à l’émergence des grandes organisations (Chandler,
1962), il aurait favorisé la « décentralisation par le contrôle » (Sloan,
1963) à l’aide de trois mécanismes (Donner, 1932). D’abord, le calcul
des écarts à partir de coûts standard ou prévisionnels permet la
décentralisation de la décision. Ensuite, les re-prévisions budgétaires
tout au long de l’année facilitent la coordination entre les divisions.
Enfin, l’évaluation de la performance des managers en fonction de
l’atteinte de leurs objectifs budgétaires permet de s’assurer que les
prévisions seront réalisées. Le contrôle budgétaire aurait ainsi joué un
rôle important dans le succès de General Motors en facilitant la
décentralisation de la prise de décision, la coordination et la
motivation des managers (Johnson et Kaplan, 1987). Depuis, ce
dispositif s’est diffusé dans de nombreuses organisations, notamment
en France à partir des années 30 (Berland, 1999).
Dans les années 50, à la demande de la Controllership Foundation,
Argyris (1953) s’est intéressé aux effets du contrôle budgétaire dans
les usines. Il a notamment montré que celui-ci peut avoir des effets
néfastes sur la coopération entre les managers, leur stress et par
conséquent sur la performance de l’organisation. De nombreuses
études se sont ensuite succédées. Elles avaient pour objectif de
comprendre l’impact de l’utilisation du budget pour évaluer la
performance des managers sur la performance des organisations, et de
mettre en évidence les critiques qui peuvent lui être adressées
(Berland, 2004). De manière générale, les résultats concernant les
effets du contrôle budgétaire demeurent largement contradictoires
(Hartmann, 2000).
Si l’étude des effets du contrôle budgétaire a donné lieu à de
nombreuses recherches, l’explication de la diversité des pratiques en
la matière est moins étudiée (Speklé, 2001). On considère le plus
souvent que les techniques de contrôle de gestion se diffusent
uniquement du fait de leur efficience. Il semble pourtant important de
ne pas confondre les rôles affichés des outils de contrôle et les raisons
« réelles » qui ont conduit à les mettre en place (Burchell et al., 1980).
Rôles affichés et rôles réels ne sont en effet pas toujours convergents
(Zrihen, 2002 ; Gignon-Marconnet, 2003) et il semblerait que
l’utilisation du contrôle budgétaire puisse aussi s’expliquer dans
certains contextes par une recherche de légitimité (Covaleski et
Dirsmith, 1988a). L’objectif de cette recherche est ainsi d’expliquer la
diversité des pratiques de contrôle budgétaire. En d’autres termes, cet