PREMIERE PARTIE
CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE
II.1. INTRODUCTION AU CADRE THEORIQUE
Toute recherche qui ambitionne de se hisser à un niveau scientifique doit être menée
dans un cadre théorique explicite. Ce cadre théorique permet en effet de préciser le sens
donné aux concepts manipulés. Il assure une lisibilité du texte tout en permettant une
articulation entre les différentes parties, de manière à faire du travail un ensemble
cohérent, permettant ainsi une interprétation pertinente des données recueillies. C’est
une des conditions à remplir pour partager les résultats avec la communauté
scientifique. Popper (1973) parlerait de la condition de falsifiabilité.
Ainsi, après avoir justifié notre démarche, nous passerons en revue les champs
théoriques qui ont analysé les processus, les phénomènes et les concepts en jeu dans
notre recherche.
Dans cette perspective, la revue de la littérature nous a montré que la résolution de
problème, dans le cadre de l’enseignement et l’apprentissage de la physique et de la
chimie, convoque au moins deux champs théoriques qui interfèrent dans l’analyse des
processus éducatifs : la psychologie, et l’épistémologie des sciences. Ces deux
domaines de connaissance seront donc revisités en rapport avec la résolution de
problème en général, en physique et chimie en particulier.
Mais de manière plus spécifique, notre recherche s’inscrit dans le champ de la
didactique de la physique et de la chimie. Ainsi, aussi bien au niveau théorique qu’au
niveau de la recherche, le point sera fait, dans le but de préciser l’objet de notre
recherche, et de justifier notre démarche méthodologique. Le cadre théorique,
notamment son volet spécifique, permettra de bien camper la recherche dans le champ
de la didactique de la physique et de la chimie, et plus particulièrement sous l’angle de
la résolution de problème.
II.2. CADRE THÉORIQUE GÉNÉRAL
II.2.1. Justification du cadre théorique général
La résolution de problème peut être décrite comme une activité cognitive finalisée,
c’est-à-dire au service d’une tâche à effectuer dans une situation donnée (Richard,
1990). Elle fait appel à une activité psychique et à des processus intellectuels mettant en
jeu des connaissances. Celles-ci sont également acquises ou construites par le biais de
processus intellectuels antérieurs. Notre recherche s’intéressera donc à l’analyse de ces
processus à travers les différents courants psychologiques les plus pertinents qui se sont
intéressés aux phénomènes éducatifs en général.
La résolution de problème peut ainsi être abordée sous l’angle psychologique, en
relation avec les processus d’acquisition ou mieux, de construction du savoir
scientifique. C’est pour cette raison que les activités de résolution de problème sont très
valorisées dans les activités scolaires destinées à guider l’apprentissage ou à évaluer les
acquisitions des élèves. Ceci est particulièrement vrai pour les disciplines scientifiques
telles que les mathématiques, la physique et la chimie.
Cet angle d’attaque met ainsi en avant un ensemble de concepts qu'il nous faudra passer
en revue: enseignement, apprentissage, connaissances, problème, résolution de
problème. Certains concepts sont naturellement articulés avec d’autres concepts pour en
structurer le champ sémantique ou en préciser le contexte pragmatique.
L’enseignement étant indissociable de l’apprentissage, le cadre théorique devra
expliciter l’interaction entre ces deux concepts dans leur rapport avec la résolution de
problème.
Ces interactions mettant en jeu des connaissances en amont comme en aval, le cadre
théorique devra également prendre en charge la question des connaissances, de leurs
modes d'acquisition, de stockage et de transformation, et de leur utilisation dans le
processus de résolution de problème.
Il apparaît ainsi indispensable, pour fonder notre recherche, tant du point de vue
théorique que méthodologique, de revisiter les concepts-clés ainsi identifiés à la
lumière des théories de la connaissance et du comportement humain, c’est-à-dire des
théories psychologiques, mais en y adjoignant au besoin un éclairage épistémologique.
Cependant, compte tenu des interactions complexes entre ces courants, notre démarche
ne sera pas linéaire. La revue des concepts dépendra des cadres théoriques revisités et
de la place accordée dans ces courants aux concepts clés de notre recherche.
En cela, nous tiendrons compte de la réalité éducative. Celle-là nous révèle que les
activités éducatives sont au carrefour de fondements multiples. Ceux-ci, explicités ou
non, déterminent des choix, des prises de décision, des stratégies, des méthodes et des
innovations. La psychologie occupe une place privilégiée parmi les nombreux
fondements du champ éducatif.
Depuis l’émergence au 15
ème
siècle du néologisme « psychologie » attribué à
l’Allemand Mélanchton pour désigner l’étude de l’âme et de l’activité mentale, jusqu’à
l’accès au statut de science, la psychologie a eu pour objet une question centrale :
pourquoi l’être humain agit-il comme il le fait ? (Raynal et Rieunier, 1997).
Pour répondre à cette question-clé, divers points de vue et approches se sont succédés,
ou ont cohabité. Une analyse chronologique des différentes approches psychologiques
s’avère donc difficile, surtout si on prend en compte le point de vue de Popper (1973)
sur la logique de la découverte scientifique: la présentation à posteriori des
« découvertes » scientifiques correspond rarement à la chronologie de leur avènement.
Il est donc indispensable, dans le cadre de cette recherche, de disposer d’une grille de
lecture explicite de ces différentes approches psychologiques.
Dans cette perspective,.Gagné (1985) crit le champ de la psychologie dans un espace
à deux dimensions croisant des niveaux d’analyse et des types de comportement. Les
comportements selon Gagné, ont trois modalités : le comportement social, le
comportement intellectuel, le comportement psychomoteur. Ces comportements sont
croisés avec deux niveaux d’analyse : le niveau cognitif et le niveau affectif.
Nous proposons d’ajouter comme troisième niveau d’analyse, le niveau psychomoteur.
On obtient ainsi un tableau à double entrée symétrique. Le croisement de chaque niveau
d’analyse avec un type de comportement permet de délimiter un objet du champ de la
psychologie. Le tableau suivant permet de décrire l’espace psychologique selon
Gagné(1985) , élargi au troisième niveau d’analyse que nous avons introduit.
Tableau 10 : description de l’espace psychologique (adapté de Gagné, 1985)
Comportement
social Comportement
intellectuel Comportement
psychomoteur
Niveau affectif 1 2 3
Niveau cognitif 4 5 6
Niveau psychomoteur 7 8 9
La première colonne du tableau donne différents niveaux d’analyse, alors que la
première ligne spécifie les types de comportement. Ainsi chaque case correspondant à
un numéro permet de définir une approche psychologique.
Par exemple, la case 1 croise le niveau affectif et le comportement social. Cette case
définit ainsi la partie de la psychologie qui s’intéresse aux interactions entre les
comportements au sein d’un groupe et l’affectivité. Elle constitue en elle-même un
cadre problématique implicite. Elle permet par exemple de poser un certain nombre de
questions :
- Comment l’affectivité des individus peut-elle influer sur le fonctionnement d’un
groupe ?
- Les groupes peuvent-ils être caractérisés par des comportements affectifs
spécifiques ?
La case 5 quant à elle met en relation le niveau d’analyse cognitif et le comportement
intellectuel. Comme nous le verrons plus loin, cette case permet de définir le champ de
la psychologie cognitive.
Il faut souligner tout de suite que du fait de la globalité du comportement humain, cette
décomposition ne met en évidence que des cas limites. L’analyse la plus complète du
comportement humain devra certainement faire appel à plusieurs niveaux.
De manière plus opérationnelle Tardif (1992) définit trois courants psychologiques : la
psychologie béhavioriste, la psychologie humaniste et la psychologie cognitive. Ces
différents courants psychologiques identifiés par Tardif (1992) s’intègrent parfaitement
dans l’espace proposé par Gagné(1985). C’est ainsi que la psychologie béhavioriste est
au croisement du niveau d’analyse psychomoteur et du comportement intellectuel. La
psychologie humaniste s’intéresse au comportement intellectuel analysé sous l’angle
affectif. Quand à la psychologie cognitive, elle croise le comportement intellectuel et le
niveau d’analyse cognitif.
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