EN MARS, un marchand de planches de surf d’une
île du Pacifique envisage d’acheter 100 planches en
juillet chez son fournisseur californien. Qu’il le sache
ou non, ce marchand devrait s’intéresser au régime
de change de son pays, car celui-ci gouverne le taux de change
la valeur d’une monnaie par rapport à d’autres monnaies. Si
ce pays a un régime de change fixe où la valeur de la monnaie
locale est arrimée à celle du dollar EU, il est évident que le prix
des planches de surf dans sa monnaie ne changera pas dans les
prochains mois. En revanche, si le pays a un taux de change
variable par rapport au dollar EU, la valeur de sa monnaie peut
fluctuer au gré des saisons, amenant le marchand à consacrer
plus ou moins de monnaie locale à ses achats.
En appliquant ce scénario à toutes les transactions interna-
tionales, on constate que le régime de change a une incidence
majeure sur les flux commerciaux et financiers. De plus, le
volume de ces transactions et leur rythme de croissance font
ressortir le rôle crucial du taux de change dans le monde actuel,
faisant du régime de change un volet crucial de toute politique
économique nationale.
Types de régimes
D’ordinaire, les régimes de change sont répartis en trois grandes
catégories. À un bout de l’échelle, on a les régimes d’arrimage
ferme, qui donnent cours légal à la monnaie d’un autre pays
(dollarisation intégrale) ou imposent à la banque centrale de
conserver des avoirs extérieurs d’un montant au moins égal à la
monnaie locale en circulation et aux réserves bancaires (caisse
d’émission). Le Panama, qui utilise depuis longtemps le dollar
EU, est un exemple de dollarisation intégrale, tandis que la RAS
de Hong Kong est dotée d’une caisse d’émission.
L’arrimage ferme va de pair avec une politique budgétaire
et structurelle solide et une faible inflation. Ce régime est gé-
néralement durable et offre ainsi plus de certitude quant à la
tarification des transactions internationales. Mais, la banque
centrale d’un pays doté d’un tel régime n’a pas de politique
monétaire indépendante, car elle n’a pas de taux de change
à ajuster et ses taux d’intérêt sont liés à ceux du pays de la
monnaie d’ancrage.
Au milieu de l’échelle, on a les régimes d’arrimage souple,
c’est-à-dire des monnaies qui conservent une valeur stable par
rapport à une monnaie d’ancrage ou à une unité monétaire
composite. Le taux de change peut être lié à la monnaie d’an-
crage sur une fourchette étroite (plus ou moins 1 %) ou large
(plus ou moins 30 %); dans certains cas, l’arrimage varie au fil
du temps — souvent selon les différences de taux d’inflation
entre pays. Le Costa Rica, la Hongrie et la Chine illustrent
ce type d’arrimage. Même si l’arrimage souple maintient un
«ancrage nominal» ferme (prix nominal ou quantité visés par
la politique monétaire) pour parer aux anticipations inflation-
nistes, il confère à la politique monétaire une flexibilité limitée
pour faire face à des chocs. Mais, l’arrimage souple peut être
vulnérable aux crises financières susceptibles d’entraîner
une forte dévaluation et même l’abandon de l’arrimage — et
tend à ne pas durer longtemps.
À l’autre bout de l’échelle, on a les régimes de taux de change
flottant. Comme son nom l’indique, le taux flottant est surtout
déterminé par le marché. Dans les pays dotés de ce régime, la
banque centrale intervient (achat ou vente de devises contre la
monnaie locale) surtout pour limiter les fluctuations à court
terme du taux de change. Mais, dans quelques pays (Nouvelle-
Zélande, Suède, Islande, États-Unis et zone euro notamment),
les autorités monétaires n’interviennent presque jamais pour
administrer les taux de change.
Le régime de taux flottant offre l’avantage de pérenniser
une politique monétaire indépendante. Dans les pays qui
l’appliquent, le marché des changes et les autres marchés
financiers doivent être assez développés pour absorber des
chocs sans variation majeure du taux de change. De plus, des
instruments financiers doivent être disponibles pour parer aux
risques liés à la fluctuation du taux de change. Presque toutes
les économies avancées ont des régimes flottants, de même que
la plupart des économies de marché émergentes.
Un langage commun
Le régime de change étant un aspect important de la politique
économique et monétaire d’un pays, les autorités doivent par-
ler un même langage en la matière. Après tout, un régime de
change qui paraît souple à un observateur peut sembler ferme
à un autre ce qui reflète notamment un manque d’infor-
mation des divers intervenants sur le marché des changes ou
sur les achats et ventes de devises des banques centrales.
Le FMI a mis au point le langage et la terminologie les plus
utilisés en ce qui concerne la classification des régimes de change,
dans le cadre de sa mission de surveillance des politiques de
change des pays membres. Historiquement, les régimes recen-
sés par le FMI correspondaient aux classifications établies par
les pays eux-mêmes (régimes de jure). Mais, à partir de 1999,
l’institution a commencé à recenser les régimes de facto (ceux
que l’on observe) en évaluant les informations disponibles. La
comparaison des régimes de jure et de facto révèle quelques
disparités (voir encadré).
Évolution des tendances
Actuellement, 48 pays ont de facto des régimes d’arrimage
ferme, 60 pays des régimes d’arrimage souple et 79 pays des
42    Finances & Développement Mars 2008
Régimes dechange:   fixes ouflottants?
L’ABC DE 
L’ÉCONOMIE
Mark Stone, Harald Anderson et Romain Veyrune
taux flottants un changement net par rapport au début
des années 90. Depuis lors, il y a eu deux grandes tendances.
D’abord, celle du «juste milieu», qui a débuté vers 1990
(voir graphique). À l’époque, les flux de capitaux mondiaux
s’étaient accélérés après l’élimination du contrôle des mouve-
ments de capitaux et la création de nouveaux produits finan-
ciers et de nouveaux marchés. Mais les entrées de capitaux
dans certains pays ont cessé brusquement, souvent dans un
contexte d’accroissement du déficit courant, et entraîné une
baisse de la demande de leurs monnaies. Dans certains cas
— Europe de l’Ouest en 1992 et Asie de l’Est à la fin des an-
nées 90 la demande a accusé une baisse si spectaculaire que
les pays ont été dépourvus de réserves internationales pour
défendre leurs arrimages et ont dévaluer leurs monnaies.
Ils ont généralement adopté soit un régime d’arrimage ferme
qui résiste aux apports financiers, soit un régime flottant qui
n’a pas besoin d’un taux de change convenu.
La tendance du «juste milieu» a pris fin en 2001. Depuis
lors, il y a eu une évolution subtile des régimes de change
choisis par les pays. Parmi ceux qui ont adopté des régimes
flottants, les partisans du flottement dirigé (par opposition au
flottement libre) sont plus nombreux, tandis que l’arrimage
souple retrouve en partie sa popularité antérieure. Bien des
pays ne peuvent ni ne souhaitent adopter un arrimage ferme,
et ne sont pas favorables au flottement libre en raison des
carences des marchés financiers et parce que les fluctuations
des taux de change peuvent avoir un impact considérable sur
la position financière des pays, l’inflation et la croissance. En
outre, dans certains cas, l’évolution de facto vers des régimes
plus étroitement dirigés a eu lieu sans modification déclarée
(de jure) des politiques de change.
Perspectives
Que peut-on attendre des régimes de change dans l’avenir?
D’aucuns estiment que les avantages des blocs monétaires
— groupes de pays utilisant une monnaie unique (dol-
lar EU, yen ou euro) sont si importants que le nombre
de monnaies indépendantes diminuera inévitablement et
s’établira probablement à un chiffre. Cela simplifierait les
transactions internationales, mais empêcherait chaque pays
membre d’un bloc de mener une politique monétaire et de
change indépendante.
D’autres soulignent les bienfaits d’un taux flottant et d’une
politique monétaire indépendante, et prédisent la pérennide
nombreuses monnaies nationales assorties de divers ancrages
nominaux. La persistance d’un grand nombre de monnaies à
taux flottant ou le regroupement de ces monnaies en un petit
nombre de blocs monétaires auront des répercussions très
différentes pour les entreprises, les décideurs et les marchands
de planches de surf. n
Mark Stone est chef de division adjoint, Harald Anderson est
assistant de recherche et Romain Veyrune est économiste au
Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI.
Finances & Développement Mars 2008 43
Régimes dechange:   fixes ouflottants?
Des choix fluctuants
Le passage de l’arrimage souple au flottement et à l’arrimage
ferme dans les années 90 a été suivi par des changements
plus subtils après 2001.
(pourcentage du total)
Sources : rapports des services du FMI; FMI : base de données du Rapport annuel sur les
régimes et les restrictions de change (AREAER).
Note : Régimes de change à la fin avril 2007.
Author: b2b, 2/19/08
Proof 1
1990 92 94 96 98 2000 02 04 06
0
20
40
60
80
100
Flottement
Arrimage souple
Arrimage ferme
Peut-on se fier aux apparences?
Depuis plus d’une décennie, les pays s’emploient à donner
l’impression d’avoir un régime de change plus souple qu’en
réalité une tendance de plus en plus évidente dans le système
de classification des régimes de change du FMI, qui présente
les régimes de facto et de jure de tous les pays membres. En
voici quelques exemples.
Vers la fin des années 90, plusieurs pays ont déclaré des
régimes de change flottants, mais ceux-ci ont été classés de
facto comme étant arrimés. Par la suite, certains d’entre eux
ont été amenés à adopter des régimes de facto flottants sous
la pression des marchés.
Actuellement, 25 pays déclarent un régime souple, même
s’ils ont de facto un arrimage classique. En outre, 14 pays dé-
clarent un régime de flottement libre alors qu’ils pratiquent
de facto un flottement dirigé.
Qu’est-ce qui explique le décalage entre ce qu’on dit et
ce qu’on fait? Probablement, le désir des pays d’être perçus
comme étant favorables aux marchés, ainsi que leur réticence
à donner l’impression d’un engagement à maintenir le taux
de change à un certain niveau.
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