DIDIER LASAYGUES NOTAIRE La lettre de l’Étude S ommaire A ctualités Déontologie notariale : Réponse ministérielle n° 100239, JOAN 26 avril 2011 Moment de l’appréciation de la lésion : Civile 3e, 30 mars 2011, n° 10-13.756 Changement de destination et taxe locale d’équipement : CE, 27 avril 2011. La saisie-attribution n’emporte pas attribution des sûretés : Civile. 2e, 7 avril 2011 Notion de convention d’occupation précaire : Civ. 3e, 5 avril 2011, F-D, n° 10-30.158 Copropriété et portée d’une clause réputée non écrite : Civile 3e, 28 avril 2011 Sous-traitance internationale et nature de la loi du 31 décembre 1975 : Com. 27 avr. 2011, FS-P+B, n° 09-13.524 C onférence C ontacts Numéro 13 - Septembre 2011 Editorial Notre rentrée d’écoliers n’est pas des plus taciturnes. Souffle encore et toujours le vent des réformes. Plus-values immobilières, urbanisme commercial, renforcement du droit de préemption urbain, gouvernance d’entreprises, bioéthique, renforcement de l’entraide judiciaire, droit au logement, respect de la parité dans les conseils de surveillance et d’administration sont autant de domaines, sources de réflexions puis de projets de lois dont la ratification et l’entrée en vigueur peuvent être des plus rapides. Notre célérité est alors sollicitée et la pratique quotidienne s’en fait l’écho. De nouvelles moutures de nos actes voient sans cesse le jour, fruits d’une réflexion commune d’une équipe. Nos clauses sont alors ciselées et aiguisées, véritables réverbération de l’évolution législative et jurisprudentielle. Un instant, imaginez au loin, un artisan, cheville ouvrière de génie, rédacteur d’actes qui soit notaire… Seul il écrit, réécrit, corrige ses actes, déjà négociés en amont puis fait mouche. Sa transcription juridique est enfin le reflet de l’opération. Loin d’être imaginaire, cette image n’est autre que le reflet du présent et du futur de notre pratique notariale. Marie-Elisabeth Mathieu A c t ualit é s Déontologie notariale : Réponse ministérielle n° 100239, JOAN 26 avril 2011 La question porte sur les modalités de contrôle de la profession de notaire et, le cas échéant, sur les liens d’intérêt existant, au détriment de l’acheteur, entre notaires et promoteurs. Le secrétaire d’État rappelle que les notaires peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires en cas de contravention aux lois et règlements, infraction aux règles professionnelles et fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse. Ils sont aussi tenus d’un devoir de conseil indissociable de l’exercice de leurs fonctions. Ils peuvent être amenés à en répondre à l’occasion d’une action civile intentée contre eux. Le procureur de la République, accompagné par un membre de la chambre ou par un notaire inspecteur est libre d’exercer ces contrôles. Il est également compétent pour recevoir et instruire les plaintes et réclamations formées par les clients et peut saisir la chambre de discipline ou le tribunal de grande instance dans les cas les plus graves. Il est rappelé que chaque étude de notaire fait l’objet d’au moins une inspection annuelle, organisée à l’initiative de la chambre des notaires. D’ailleurs, « à la moindre suspicion portant notamment sur des malversations ou des transactions immobilières douteuses ou lors de la révélation de tels faits, les notaires peuvent faire l’objet d’une inspection occasionnelle ». Ces inspections donnent lieu à des rapports sur lesquels s’appuient le Conseil supérieur du notariat et le garde des Sceaux pour diligenter des poursuites disciplinaires. DIDIER LASAYGUES NOTAIRE Lorsque les inspections ou les vérifications comptables ont révélé des irrégularités, des négligences, des imprudences ou un comportement de nature à créer un risque sérieux de mise en œuvre de la garantie collective, « le conseil d’administration de la caisse régionale de garantie des notaires peut désigner un notaire ou un notaire associé chargé notamment de donner à l’intéressé tous avis, de procéder à tous les contrôles et de demander que soient prises toutes les mesures destinées à assurer la sécurité de la clientèle et des fonds qui lui sont confiés ». promesse synallagmatique de vente ne vaut pas vente si sa réitération par acte authentique est un élément essentiel du contrat. L’aménagement de locaux existants, autorisé au titre d’un changement de destination ne constitue pas, par lui-même, un agrandissement dès lors qu’il n’emporte aucune augmentation de la surface hors œuvre nette. Il n’est par suite pas soumis à taxe locale d’équipement et aux taxes à l’assiette identique. Moment de l’appréciation de la lésion : Civile 3e, 30 mars 2011, n° 10-13.756 Changement de destination et taxe locale d’équipement : CE, 27 avril 2011 La lésion s’apprécie au moment de la rencontre des volontés sur les éléments essentiels du contrat, ce qui correspond normalement à la date de la promesse synallagmatique de vente, même en présence d’une condition suspensive. En l’espèce, une promesse synallagmatique sous condition suspensive est signée en 1994, sans être réitérée par acte authentique, et ce, bien que le prix ait été intégralement versé par l’acquéreur. Dix ans plus tard, le terrain, non constructible à l’origine, le devient, sa valeur en étant multipliée par cent. C’est alors que l’acquéreur demande la réitération de la promesse par acte authentique. Le vendeur l’assigne en rescision pour lésion, action dont les juges du fond le déboutent en appréciant la valeur du terrain au moment de la formation du contrat. Si la lésion doit en principe s’apprécier au jour de la signature de la promesse de vente, il en va autrement lorsque l’objet du contrat est modifié entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique, la lésion devant alors être estimée à la date de la réitération. La Cour de cassation rejette ce raisonnement et retient « le moment de la vente » visé par l’article 1675 du Code civil. Il est celui de la rencontre des volontés sur les éléments essentiels du contrat, à savoir, la chose et le prix, ce qui correspondait normalement à la date de la promesse de vente, même en présence d’une condition suspensive. La cour d’appel en a donc déduit à bon droit que la date du « compromis » était celle à laquelle devait être appréciée la lésion. La lésion s’apprécie « au moment de la vente », et ce moment est celui de la rencontre des volontés sur les éléments essentiels du contrat, ce qui correspond « normalement » à la date de la promesse de vente. La solution s’infère de l’article 1589 du Code civil, qui dispose que la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Ceci justifie qu’une jurisprudence constante situe le moment d’appréciation de la lésion à la date de la conclusion de la promesse synallagmatique. Mais si ce type de promesse vaut vente en principe, c’est à la condition que les parties n’aient pas érigé une formalité en condition supplémentaire de formation de leur contrat. Une Dans cette décision du 27 avril 2011, le Conseil d’État estime qu’un changement de destination de locaux commerciaux sans création de surface hors œuvre nette (SHON) ne peut donner lieu à perception de la taxe locale d’équipement (TLE) et de taxes d’urbanisme à l’assiette identique. Un permis de construire a été délivré le 14 mars 2001 à une société a responsabilité limitée (SARL) afin qu’elle transforme des locaux commerciaux abandonnés en des places de stationnement. La question était ici celle du champ d’application de l’article 1585 A du code général des impôts relatif à l’assiette de la TLE établit cette dernière « sur la construction, la reconstruction et l’agrandissement des bâtiments de toute nature ». La question de la prise en compte des transformations de locaux dans le champ d’application de la TLE fait l’objet d’une interprétation divergente de la part de l’administration et du juge administratif. L’arrêt du Conseil d’État du 27 avril 2011 est donc le bienvenu. Le Conseil considère que « doit être regardée comme un agrandissement une opération conduisant à une augmentation de la surface hors œuvre nette ; qu’ainsi l’aménagement de locaux existants, autorisé au titre d’un changement de destination, ne constitue pas, par lui-même, un agrandissement dès lors qu’il n’emporte aucune augmentation de la surface hors œuvre nette La saisie-attribution n’emporte pas attribution des sûretés : Civile. 2e, 7 avril 2011 La saisie-attribution emporte attribution au créancier saisissant de la créance de somme d’argent disponible dans le patrimoine du tiers saisi ainsi que de ses accessoires exprimés en argent. La saisie-attribution ne transfère en sus de la créance exclusivement que les accessoires exprimés en argent (intérêts et autres). La solution n’était pas nécessairement évidente à la lecture de l’article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 aux termes duquel « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate DIDIER LASAYGUES au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires ». Les accessoires en question auraient très bien pu être assimilés aux accessoires de l’article 1692 du code civil. Tel n’est pas le cas. En définitive, le créancier poursuivant peut se faire payer sur la totalité de la créance, qui comprend le principal de la créance et ses accessoires comme la TVA, les intérêts ou encore le montant d’une clause pénale, mais il ne saurait être subrogé dans les droits du débiteur saisi pour l’exercice des garanties. Les sûretés ne sont pas un accessoire au sens de l’article 43 de la loi du 9 juillet 1991. Par suite, le créancier saisissant ne pouvait se prévaloir du privilège de prêteur de deniers dans la procédure de distribution du prix. Notion de convention d’occupation précaire : Civ. 3e, 5 avril 2011, F-D, n° 10-30.158 La location, par un bailleur social, d’une aire de stationnement vacante à un tiers est nécessairement consentie à titre précaire. La propriété commerciale ne peut alors être admise. La frontière entre la notion de « bail » et celle de « convention d’occupation précaire » est parfois ténue. Selon la jurisprudence, la seconde se différencie de la première en ce qu’elle se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par une cause autre que la seule volonté des parties. Au cas particulier, un occupant d’aires de stationnements revendiquait l’application du statut des baux commerciaux à l’égard d’un bailleur d’HLM. À l’appui de sa demande, il faisait remarquer que la durée de la convention était entièrement soumise à la seule volonté de l’une ou l’autre des parties, une stipulation permettant à chaque contractant de mettre fin à la relation « à tout moment au cours de la reconduction ». Et pour cause puisque, au-delà de la stipulation susmentionnée, la convention imposait au preneur l’obligation de céder les emplacements loués si les locataires de la résidence en faisaient la demande. Il ne pouvait d’ailleurs en aller autrement puisque, aux termes des deux derniers alinéas de l’article L.411-1 du code de la construction et de l’habitation, d’ordre public, si les organismes d’HLM peuvent librement louer les aires de stationnement vacantes dont ils disposent par application de l’article L.442-6-4, « la location est consentie à titre précaire et révocable à tout moment par le bailleur ». Le texte poursuit en précisant qu’un locataire de ce bailleur ne peut se voir opposer un refus de location d’une aire de stationnement au motif que cette aire est louée librement à une personne ne louant pas un logement dans le parc de ce bailleur. NOTAIRE Copropriété et portée d’une clause réputée non écrite : Civile 3e, 28 avril 2011 L’assemblée générale dont les scrutateurs n’ont pas été élus mais désignés conformément à une clause du règlement de copropriété doit être annulée et la clause incriminée doit être déclarée non écrite. Au cas particulier, conformément aux stipulations d’un règlement de copropriété, en début d’assemblée, les deux copropriétaires détenteurs du plus grand nombre de millièmes avaient été désignés en qualité de scrutateurs. Contraire aux dispositions, d’ordre public, de l’article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, qui exige un vote, cette pratique avait été contestée par un copropriétaire. Celui-ci demandait à la fois l’annulation de l’assemblée générale dans son ensemble et que la clause litigieuse soit réputée non écrite. S’il a obtenu gain de cause sur le second point, il a été débouté de sa demande d’annulation de l’assemblée par les juges du fond, au motif que les clauses du règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par une décision de justice exécutoire. Cette solution est censurée par les hauts magistrats, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir tiré les conséquences légales de leur constat que la clause litigieuse était réputée non écrite. Ainsi donc, par l’effet du caractère non écrit de la stipulation du règlement relative au mode de désignation des scrutateurs, l’assemblée générale se trouve-t-elle annulée dans son intégralité. Sous-traitance internationale et nature de la loi du 31 décembre 1975 : Com. 27 avr. 2011, FS-P+B, n° 09-13.524 La Cour de cassation rejette la qualification de loi de police à propos de l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, qui interdit à l’entreprise principale de céder ou nantir les créances résultant du contrat passé avec le maître de l’ouvrage, qui correspondent à des travaux sous-traités, en l’absence, en l’occurrence, d’un lien de rattachement de l’opération avec la France au regard de l’objectif de protection des sous-traitants poursuivi par la loi de 1975. Cet arrêt a pour point de départ un contrat de sous-traitance. L’entrepreneur principal s’est vu consentir une ouverture de crédit par une banque en garantie de laquelle il a cédé à cette dernière, dans les formes prévues par l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, la créance qu’il détient sur le maître de l’ouvrage. Il s’agit donc d’une cession Dailly à titre de garantie. Or, l’article 13-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 prohibe pour l’entreprise principale la cession ou le nantissement des créances résultant du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qui correspondent à des travaux sous-traités, sous réserve d’obtenir le cautionnement de sous-traitance visé à l’article 14 de cette même loi. DIDIER LASAYGUES NOTAIRE Il se trouve qu’il était ici question de sous-traitance internationale. Le client – le maître de l’ouvrage – était une société italienne, le fournisseur – l’entrepreneur principal – une société française, le premier ayant commandé au second du matériel de télécommunication, dont la fabrication a été sous-traitée à une autre société italienne. La société française ne s’étant pas acquitté du prix du sous-traité – elle a même été mise en redressement judiciaire – le sous-traitant a cherché à invoquer l’inopposabilité de la cession Dailly à son encontre. Il s’agit là, en effet, de la sanction habituellement retenue par la jurisprudence en cas de non-respect, par l’entrepreneur principal, des prescriptions de l’article 13-1. Le contrat de sous-traitance était, en l’occurrence, soumis au droit suisse, mais le sous-traitant italien avait cherché à se prévaloir de l’article précité de la loi française en tant que loi de police. D’où la cassation et le renvoi des parties devant la cour d’appel de Paris, laquelle considère néanmoins que la loi française « étant une loi de protection du sous-traitant et de sauvegarde de l’organisation économique du pays, elle doit être considérée comme une loi de police ». On peut évidemment s’étonner, à première vue, de la teneur de cet arrêt, que l’on pourrait qualifier « de résistance ». La solution dégagée en 2006 cesserait, par conséquent, de refléter le droit positif. On ne saurait blâmer les juges parisiens d’avoir appliqué mécaniquement cette nouvelle jurisprudence. Pourquoi, dès lors, la cassation est-elle de nouveau prononcée ? Tout simplement parce que la cour d’appel de Paris a attribué à cette jurisprudence une portée qu’elle n’a sans doute pas. La chambre mixte avait, en effet, pris soin de souligner que la qualification de loi de police de la loi de 1975 devait être retenue en matière de sous-traitance immobilière et dès lors que l’immeuble était construit en France. Or le contexte est ici radicalement différent : il est question de la fourniture de biens mobiliers, ce qui semble se rattacher à de la sous-traitance industrielle. Pour autant, la Cour de cassation ne paraît pas exclure par principe, dans cette hypothèse, la qualification de loi de police. Si tel était le cas, elle irait finalement plus loin que la solution posée par l’arrêt de 2007. P rochaine C onférence Mercredi 12 octobre Regards sur la responsabilité des investisseurs (établissements de crédit, fonds…) : prévenir les risques. C ontacts Didier Lasaygues didier.lasaygues@ lasaygues.com Hubert de Vaulgrenant hubert.devaulgrenant@ lasaygues.com François Gauthier francois.gauthier@ lasaygues.com Marie-Elisabeth Mathieu marie-elisabeth.mathieu@ lasaygues.com Tél. 01 42 68 83 50 Cette lettre a été rédigée à l’attention de nos Clients et des membres de l’Etude notariale Didier Lasaygues. Les informations et opinions qu’elle contient ne prétendent pas à l’exhaustivité. En aucun cas elles ne peuvent se substituer à des avis spécifiques sur des situations particulières. www.lasaygues.com