Sandrine CARUSO
Pavages réguliers du plan
Référence : Berger
Définition. Soit Eun plan euclidien. Soit Gun sous-groupe de Iso+(E). On dit que G
est un groupe de pavage s’il existe un compact connexe d’intérieur non vide Pde Etel
que
(Axiome 1) [
gG
g(P) = E
(Axiome 2) si
g(P)
h(P)6=, alors g=h.
Les compacts g(P)sont appelés pavés.
Théorème. À conjugaison près dans le groupe GL(E), il n’existe que 5 tels groupes.
A. Le groupe Gopère discrètement sur E
Le groupe Gopère naturellement sur E. Montrons que les orbites sous cette action
sont discrètes. Il suffit pour cela de montrer que si aE, alors aest discret dans son
orbite Oa. Tout d’abord, établissons un petit lemme qui sera utile dans la suite.
Lemme 1. Un compact Kde Ene contient qu’un nombre fini de pavés.
Démonstration. Supposons que ce n’est pas le cas, et soit ε > 0tel que Pcontienne
une boule Bde rayon ε(un tel εexiste car Pest d’intérieur non vide). Si Kcontient
une infinité de pavés, on peut trouver une suite de pavés (gn(P)) contenue dans Kavec
les gn(P)deux à deux distincts. Soit xnle centre de gn(B)(qui est aussi une boule de
rayon ε). On a xnK. Une suite d’un compact a toujours une valeur d’adhérence, et
en particulier, il existe net mdistincts tels que kxnxmk< ε. Donc nécessairement,
gn(B) = gm(B). D’après l’axiome 2, on a alors gn=gm, ce qui contredit le fait que les
gn(P)soient distincts.
D’après le lemme précédent, la boule B(a, 1) n’intersecte qu’un nombre fini de
pavés, car les pavés qui l’intersectent sont inclus dans une boule ¯
B(a, δ + 1) δest
le diamètre de P. Montrons que B(a, 1) ∩ Oan’a qu’un nombre fini d’éléments, ce qui
assurera que aest isolé dans Oa. Soit g(P)(avec gG) un pavé contenant a, et soient
g1(P), . . . , gr(P)les pavés qui intersectent B(a, 1) (en nombre fini d’après le lemme
précédent). Si hGest tel que h(a)B(a, 1), alors hg(P)intersecte B(a, 1) en h(a),
d’où il suit qu’il existe un indice itel que hg(P) = gi(P). D’après l’axiome 2, ceci
entraîne hg =gi, et donc h(a) = gig1(a). On en déduit que l’intersection B(a, 1)Oa
est incluse dans {g1g1(a), . . . , grg1(a)}et donc est finie comme annoncé.
1
B. Étude des translations de G
Notons Γle sous-groupe des translations de G. Soit Rl’ensemble des vecteurs de ~
E
tel que Γest l’ensemble des translations de vecteurs parcourant R. Montrons que Rest
de la forme Z~u +Z~v, où (~u, ~v)est une base de ~
E. Les orbites sous Gétant discrètes, en
particulier, Rest un sous-groupe discret de ~
E, et donc est de la forme {0},Z~u (~u 6= 0)
ou Z~u +Z~v (~u et ~v indépendants) : c’est un résultat classique sur les réseaux.
Supposons d’abord que R={0}, c’est-à-dire que Gne contient que des rotations.
Si ret ssont deux rotations de centres distincts, alors rsr1s1est une translation de
vecteur non nul. Donc nécessairement, toutes les rotations sont de même centre ω. Mais
alors gGg(P)est inclus dans un cercle de centre ω, ce qui contredit l’axiome 1.
Supposons maintenant que R=Z~u. Soit rune rotation de G\Γ, et tΓune transla-
tion de vecteur ~w. Alors rtr1est la translation de vecteur r(~w), qui est nécessairement
colinéaire à ~u et à ~w. On en déduit que rest une rotation d’angle π. Si ret ssont deux
rotations de centres respectifs aet b,sr est la translation de vecteur 2
ab qui est encore
colinéaire à ~u et ainsi tous les centres des rotations sont alignés. Donc gGg(P)est
compris dans une bande autour de l’axe des centres, ce qui contredit encore l’axiome 1.
Donc Rest de la forme Z~u +Z~v.
C. Étude des rotations de G
D’après l’axiome 2, les rotations de Gsont nécessairement d’ordre fini. Soit α
l’ordre maximal d’une rotation de G. Étudions d’abord les cas α= 1 et α= 2.
Si α= 1, alors Gne contient que des translations, et d’après le paragraphe pré-
cédent, est conjugué au groupe des translations de vecteurs parcourant Z2(on fait le
changement de base qui envoie (~u, ~v)sur la base canonique). Le pavage obtenu est celui
représenté sur la figure 1 (page 4).
Si α= 2, les seules rotations sont des symétries centrales. On fixe ale centre d’une
de ces symétries centrales, qu’on note r. Alors pour bE,best centre d’une symétrie
centrale de Gsi et seulement si la translation de vecteur 2
ab est dans G. En effet, si b
est centre de sG\Γ, alors sr est la translation de vecteur 2
ab, et réciproquement, si
test la translation de vecteur 2
ab,tr1est la symétrie de centre b. Ainsi, un tel groupe
est conjugué, par exemple, au groupe des translations de vecteurs parcourant 2Z×Zet
des symétries de centres parcourant Z×1
2Z(figure 2).
Supposons maintenant que α>3. Montrons d’abord que les centres des rotations
de Gforment un ensemble discret. Pour cela, montrons que toute boule ouverte Bne
contient qu’un nombre fini de tels centres. D’après ce qui a été dit dans le paragraphe A.,
il n’y a qu’un nombre fini de pavés intersectant B: notons-les g1(P), . . . , gr(P). Soit g
une rotation de Gdont le centre aest dans B. Par l’axiome 1, il existe un pavé contenant
a, et comme celui-ci intersecte manifestement B(en a), il s’écrit sous la forme gi(P)
2
pour un certain i. De même, étant donné que le pavé ggi(P)intersecte lui aussi B(en
a=g(a)), il existe un indice jtel que ggi(P) = gj(P). Par l’axiome 2, il vient ggi=gj
et donc g=gjg1
i. On en déduit que les rotations de Gdont le centre appartient à B
sont en nombre fini et donc qu’il en est de même de ces centres.
Soit rune rotation d’ordre αet d’angle 2π
α(on peut toujours en trouver une en
utilisant au besoin le théorème de Bézout). Notons ale centre de cette rotation. Comme
les centres des rotations forment un ensemble discret, il existe b6=ale centre d’une
rotation d’ordre >2(il en existe : la composée de ravec une translation de vecteur non
nul en est une) tel que la distance entre aet bsoit minimale, et notons sune telle rotation
dont l’angle est 2π
β. Soit t= (rs)1. Alors test une rotation d’angle 2π
α2π
β; ce n’est
pas une translation car les conditions α, β > 2entraînent que cet angle ne peut pas être
nul modulo 2π. On notre cle centre de t,γson ordre et 2πn
γson angle. Montrons que le
choix de bentraîne que n= 1.
Tout d’abord, on constate que les angles du triangle abc sont π
α,π
βet
γ(cf figure ci-
dessous, où Iest le centre du cercle inscrit dans abc, et où x,yet zsont les symétriques
de Ipar rapport à [bc],[ac]et [ab]respectivement).
π
απ
β
γ
ab
c
x
y
z
I
Soit la rotation t0de centre cet d’angle 2π
γ(qui est dans Gen utilisant encore une fois le
théorème de Bézout). On considère la rotation s0= (rt0)1, et on note b0son centre; s0
est, tout comme s, d’ordre β. Si n > 1, la situation est donnée sur la figure suivante :
π
γ
ab
c
b0
Ainsi, b0est plus proche de bque a, ce qui contredit la définition de b. Donc n= 1.
3
FIG. 1 : α= 1 FIG. 2 : α= 2 FIG. 3 : α= 3
FIG. 4 : α= 4 FIG. 5 : α= 6
Comme la somme des angles d’un triangle vaut π, on en déduit que 1
α+1
β+1
γ= 1.
Cherchons les entiers α>3,β>3et γ>2qui peuvent vérifier une telle égalité, avec
αle plus grand des trois. Les possibilités sont les suivantes :
γ= 2,β= 3 et α= 6 (figure 5),
γ= 2,β= 4 et α= 4 (figure 4),
γ= 3,β= 3 et α= 3 (figure 3).
Les 5 cas rencontrés ci-dessus fournissent bien au moins 5 classes de conjugaisons
dans GL(E)distinctes car deux groupes conjugués ont des rotations de même ordre. Il
reste à s’assurer que si deux groupes sont dans le même cas, ils sont conjugués. Ceci
a déjà été fait dans le cas α= 1 et α= 2. Dans les trois autres cas, on remarque que
les groupes correspondant à chaque cas sont même conjugués dans le groupe des simi-
litudes. En effet, ils sont entièrement déterminés par la forme du triangle abc construit
ci-dessus (un triangle équilatéral pour le cas α= 3, un triangle isocèle rectangle pour le
cas α= 4, et un demi-triangle équilatéral pour le cas α= 6).
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