L
a prévalence des douleurs pel-
viennes chroniques est estimée
comme étant de 4 à 15 % chez
les femmes de 15 à 73 ans. Les investi-
gations recherchent les causes gynécolo-
giques mais aussi d’autres étiologies
impliquant l’appareil locomoteur, le sys-
tème nerveux, digestif ou neurologique.
Les causes extra-gynécologiques sont
nombreuses : les algies d’origine neurolo-
gique, les tumeurs vésicales, les cystites
chroniques bactériennes, la cystite intersti-
tielle, la maladie de Crohn, le syndrome
de l’intestin irritable, les douleurs d’origine
osseuse.
Les infections
L’infection pelvienne peut être pour-
voyeuse d’algies pelviennes chroniques.
Rappelons que les infections génitales
pelviennes peuvent résulter, soit d’un
déséquilibre de la flore vaginale normale
avec la prolifération d’un ou plusieurs
germes saprophytes, soit d’une contami-
nation par un micro-organisme exogène
contracté lors des rapports sexuels.
Comme le rappelle le Dr G. Dubernet
(Paris), actuellement le nombre de MST a
tendance à augmenter. En outre, les
formes aiguës de salpingites étant de plus
en plus rares, le tableau clinique souvent
fruste (parfois décapité par une antibio-
thérapie mal adaptée) est responsable
d’un retard diagnostique conduisant à
une recrudescence des abcès pelviens
ou, dans l’absence de diagnostic, à un
risque d’infertilité. Parmi d’autres causes
gynécologiques, citons : le kyste orga-
nique qui peut être douloureux en dehors
des complications aiguës du fait de son
poids ou de la mise en tension du méso-
ovarium, l’endométriose et les troubles
de la statique pelvienne (rétroversion uté-
rine, syndrome de Masters et Allen).
La douleur
On parle de douleur pelvienne chro-
nique non spécifique devant toute dou-
leur localisée au pelvis, non infectieuse,
non inflammatoire, non endométrio-
sique et non tumorale. Ce syndrome
occasionne 15 à 20 % des consulta-
tions en gynécologie, entraîne souvent
une errance médicale des patientes
désespérées, et dans 12 % des cas, cela
se termine par une hystérectomie. « À
côté des sensations de congestion, de
pesanteur pelvienne et de dyspareunie,
la participation des organes de voisi-
nage (cystalgie, pollakiurie) peut passer
au premier plan et désorienter», sou-
ligne le Dr. T. Haag (Vichy). On retrouve
fréquemment l’aspect congestif des
muqueuses génitales, l’utérus volumi-
neux et rétroversé, la mobilisation dou-
loureuse du col, les ATCD obstétricaux
ou de chirurgie pelvienne et/ou abdomi-
nale, certains progestatifs et THS. L’exis-
tence d’une relation physiopathologique
commune entre le syndrome doulou-
reux pelvien et la maladie veineuse au
niveau des membres inférieurs a été
étayée par des enquêtes épidémiolo-
giques. Si la responsabilité d’une insuffi-
sance veineuse pelvienne dans les dou-
leurs pelviennes chroniques avait été
retenue déjà en 1949, ce n’est qu’à
l’heure actuelle que la participation des
reflux veineux pelviens est mieux dépis-
tée grâce à l’écho-Doppler (classification
en trois stades selon la vitesse du flux
veineux). Le but de cet examen est de
confirmer la varicocèle pelvienne et de
déterminer des troncs veineux inconti-
nents : sont ainsi recherchés, au niveau
des veines hypogastriques et des veines
ovariennes, la dilatation et le reflux vei-
neux, mais également un syndrome de
Cockett (compression de la veine iliaque
primitive gauche par l’artère iliaque
droite) et un Nutcracker syndrome
(compression de la veine rénale gauche
par la pince aorto-mésentérique). En cas
de varicocèle pelvienne, les phlébogra-
phies ne sont envisagées que dans le
cadre d’un traitement par embolisation.
Par ailleurs, l’examen pelvien doit être
complété par la recherche de reflux,
notamment non saphéniens au niveau
des membres inférieurs. La cœlioscopie
apprécie d’éventuelles lésions associées
susceptibles d’interférer avec le flux des
veines pelviennes.
Traitement
La cœliochirurgie permet de réaliser plu-
sieurs gestes tels que la suppression des
torsions chroniques, l’adhésiolyse, la cure
de rétrodéviation utérine, la plastie vei-
neuse et péritonéale. L’embolisation par
voie percutanée est devenue depuis
quelques années la technique de choix,
mais parfois plusieurs séances sont indis-
pensables. Plus récemment, l’utilisation
de mousse sclérosante couplée à l’em-
bolisation permet de simplifier la réalisa-
tion de cette intervention. L’embolisation
des veines ovariennes doit toujours être
réalisée en dessous du bord supérieur
de l’aileron sacré de façon à éviter un
risque d’embolie, avec une seule contre-
indication formelle, celle d’un diamètre
supérieur à 10 mm de la veine ova-
rienne. Quant aux veines hypogastriques
VII, on ne fait pas appel aux sclérosants.
En ce qui concerne les résultats de l’em-
bolisation, cette technique permet la dis-
parition complète de symptômes dans
50 %, l’amélioration dans 80 % des cas.
Toutefois, les résultats sont variables
quant à la dyspareunie et ils sont insuffi-
sants pour les varices périnéales. La
question se pose de savoir s’il faut traiter
les compressions veineuses avant toute
embolisation dans la mesure où que les
patientes ainsi traitées ont moins de réci-
dives que celles qui ont subi une embo-
lisation préalable.
Ludmila Couturier
Medec 2005
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005
Soins Libéraux 43
Douleurs pelviennes chroniques
Ou la nécessité d’un bilan complexe
Le syndrome douloureux pelvien non spécifique est resté
longtemps une pathologie mal connue et sous-estimée
par les gynécologues comme par les angéiologues. Une
fois les causes gynécologiques éliminées, reste la pré-
sence d’insuffisance veineuse...
Infos ...
Les causes possibles
Une fois éliminées les
causes organiques
des algies pelviennes
chroniques, il reste à
évoquer les douleurs
psychogènes en
rapport avec des
antécédents anxio-
dépressifs, des
événements de la
sexualité (agression
sexuelle) et de la vie
affective ou encore
avec un traumatisme
obstétrical ou
chirurgical.