Soins Libéraux 43 Douleurs pelviennes chroniques Ou la nécessité d’un bilan complexe Le syndrome douloureux pelvien non spécifique est resté longtemps une pathologie mal connue et sous-estimée par les gynécologues comme par les angéiologues. Une fois les causes gynécologiques éliminées, reste la présence d’insuffisance veineuse... L a prévalence des douleurs pelviennes chroniques est estimée comme étant de 4 à 15 % chez les femmes de 15 à 73 ans. Les investigations recherchent les causes gynécologiques mais aussi d’autres étiologies impliquant l’appareil locomoteur, le système nerveux, digestif ou neurologique. Les causes extra-gynécologiques sont nombreuses : les algies d’origine neurologique, les tumeurs vésicales, les cystites chroniques bactériennes, la cystite interstitielle, la maladie de Crohn, le syndrome de l’intestin irritable, les douleurs d’origine osseuse. Les infections L’infection pelvienne peut être pourvoyeuse d’algies pelviennes chroniques. Rappelons que les infections génitales pelviennes peuvent résulter, soit d’un déséquilibre de la flore vaginale normale avec la prolifération d’un ou plusieurs germes saprophytes, soit d’une contamination par un micro-organisme exogène contracté lors des rapports sexuels. Comme le rappelle le Dr G. Dubernet (Paris), actuellement le nombre de MST a tendance à augmenter. En outre, les formes aiguës de salpingites étant de plus en plus rares, le tableau clinique souvent fruste (parfois décapité par une antibiothérapie mal adaptée) est responsable d’un retard diagnostique conduisant à une recrudescence des abcès pelviens ou, dans l’absence de diagnostic, à un risque d’infertilité. Parmi d’autres causes gynécologiques, citons : le kyste organique qui peut être douloureux en dehors des complications aiguës du fait de son poids ou de la mise en tension du mésoovarium, l’endométriose et les troubles de la statique pelvienne (rétroversion utérine, syndrome de Masters et Allen). La douleur On parle de douleur pelvienne chronique non spécifique devant toute douleur localisée au pelvis, non infectieuse, non inflammatoire, non endométriosique et non tumorale. Ce syndrome occasionne 15 à 20 % des consultations en gynécologie, entraîne souvent une errance médicale des patientes désespérées, et dans 12 % des cas, cela se termine par une hystérectomie. « À côté des sensations de congestion, de pesanteur pelvienne et de dyspareunie, la participation des organes de voisinage (cystalgie, pollakiurie) peut passer au premier plan et désorienter», souligne le Dr. T. Haag (Vichy). On retrouve fréquemment l’aspect congestif des muqueuses génitales, l’utérus volumineux et rétroversé, la mobilisation douloureuse du col, les ATCD obstétricaux ou de chirurgie pelvienne et/ou abdominale, certains progestatifs et THS. L’existence d’une relation physiopathologique commune entre le syndrome douloureux pelvien et la maladie veineuse au niveau des membres inférieurs a été étayée par des enquêtes épidémiologiques. Si la responsabilité d’une insuffisance veineuse pelvienne dans les douleurs pelviennes chroniques avait été retenue déjà en 1949, ce n’est qu’à l’heure actuelle que la participation des reflux veineux pelviens est mieux dépistée grâce à l’écho-Doppler (classification en trois stades selon la vitesse du flux veineux). Le but de cet examen est de confirmer la varicocèle pelvienne et de déterminer des troncs veineux incontinents : sont ainsi recherchés, au niveau des veines hypogastriques et des veines ovariennes, la dilatation et le reflux veineux, mais également un syndrome de Cockett (compression de la veine iliaque primitive gauche par l’artère iliaque droite) et un Nutcracker syndrome (compression de la veine rénale gauche par la pince aorto-mésentérique). En cas de varicocèle pelvienne, les phlébographies ne sont envisagées que dans le cadre d’un traitement par embolisation. Par ailleurs, l’examen pelvien doit être complété par la recherche de reflux, notamment non saphéniens au niveau des membres inférieurs. La cœlioscopie apprécie d’éventuelles lésions associées susceptibles d’interférer avec le flux des veines pelviennes. Traitement La cœliochirurgie permet de réaliser plusieurs gestes tels que la suppression des torsions chroniques, l’adhésiolyse, la cure de rétrodéviation utérine, la plastie veineuse et péritonéale. L’embolisation par voie percutanée est devenue depuis quelques années la technique de choix, mais parfois plusieurs séances sont indispensables. Plus récemment, l’utilisation de mousse sclérosante couplée à l’embolisation permet de simplifier la réalisation de cette intervention. L’embolisation des veines ovariennes doit toujours être réalisée en dessous du bord supérieur de l’aileron sacré de façon à éviter un risque d’embolie, avec une seule contreindication formelle, celle d’un diamètre supérieur à 10 mm de la veine ovarienne. Quant aux veines hypogastriques VII, on ne fait pas appel aux sclérosants. En ce qui concerne les résultats de l’embolisation, cette technique permet la disparition complète de symptômes dans 50 %, l’amélioration dans 80 % des cas. Toutefois, les résultats sont variables quant à la dyspareunie et ils sont insuffisants pour les varices périnéales. La question se pose de savoir s’il faut traiter les compressions veineuses avant toute embolisation dans la mesure où que les patientes ainsi traitées ont moins de récidives que celles qui ont subi une embolisation préalable. Ludmila Couturier Medec 2005 Infos ... Les causes possibles Une fois éliminées les causes organiques des algies pelviennes chroniques, il reste à évoquer les douleurs psychogènes en rapport avec des antécédents anxiodépressifs, des événements de la sexualité (agression sexuelle) et de la vie affective ou encore avec un traumatisme obstétrical ou chirurgical. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005