Repenser les IRP pour que vive le dialogue social par Guy Groux (Sociologue) et Jean-Dominique Simonpoli (Directeur
Général de l'association Dialogues)
La rentrée sociale va être marquée par l’ouverture de la négociation interprofessionnelle relative à la qualité et à
l’efficacité du dialogue social dans les entreprises et à l’amélioration de la représentativité des salariés.
Parmi les thèmes de négociation, certains d’entre eux suscitent de nombreuses interrogations.
Le premier relatif à l’évolution des Instances Représentatives du Personnel nous renvoie à l’effectivité du dialogue social
dans l’entreprise. Du début des années 2000 à aujourd’hui, et ce quelle que soit la couleur politique des gouvernements
en place, nous sommes passés d’un système de régulation sociale dominé par l’accord de branche à un système de
régulation dominé par la signature d’accords collectifs d’entreprise.
Au-delà du nombre d’accords négociés, en constante augmentation depuis de nombreuses années, cette évolution nous
amène à revoir notre façon de penser le social. Le débat ne porte plus sur l’opportunité ou pas de faire de l’entreprise le
lieu central de la régulation sociale, mais bien de redéfinir une articulation renouvelée entre l’entreprise, le groupe, la
branche et le niveau interprofessionnel. Avec comme préoccupation première, quel que soit le niveau de négociation, le
besoin d’avoir des représentants formés pour être en mesure de défendre les intérêts des salariés et de leur entreprise.
Or que l’on soit dans une grande entreprise, une TPE ou une PME, les situations sont très hétérogènes.
La négociation collective dans les groupes, les grandes entreprises doit se doter de nouveaux outils. La négociation à
venir sur l’évolution des IRP doit permettre au législateur de franchir un pas supplémentaire avec une redéfinition du
rôle et des prérogatives de chacune des instances. La loi du 20 août 2008 a défini la représentativité des organisations
syndicales, par le vote des salariés. Aujourd’hui, il est nécessaire d’aller plus loin, de conférer à ces organisations
syndicales une plus grande légitimité en leur offrant la possibilité de devenir des codécideurs des orientations et des
décisions de leurs entreprises du point de vue social mais aussi économique et sur le plan des organisations. En effet,
souligner la nécessité de produire des accords prenant mieux en compte la compétitivité des entreprises implique
d’intéresser plus encore les élus des personnels aux décisions économiques ou à celles concernant les organisations.
Pour ce faire, une expérimentation pourrait être lancée avec la création d’une instance de négociation de discussion et
de concertation, au sein des entreprises ou des groupes, dotée de moyens lui permettant de négocier et de conclure
des accords entre les directions d’entreprises et les organisations syndicales. Cette instance récupérerait les
prérogatives économiques des Comités d’Entreprises ou d’Établissements qui conserveraient celles liées aux activités
sociales. Les accords négociés seraient nécessairement majoritaires et applicables au contrat de travail de l’ensemble
des salariés concernés.
La généralisation du principe majoritaire pour la conclusion des accords et leur mise en œuvre sont indispensables à la
redynamisation du fait syndical dans notre pays. Il est tout autant nécessaire de favoriser les lieux où syndicats et
salariés peuvent se retrouver. C’est la raison pour laquelle il faut revitaliser le rôle et les fonctions du délégué du
personnel et leur offrir des moyens d’intervention élargie et des capacités de propositions notamment pour ce qui est
des évolutions du travail et de l’organisation des tâches à la base, dans les bureaux et les ateliers.
La situation des TPE, et plus généralement des entreprises dépourvues d’instances de négociation et/ou sans présence
syndicale, est sensiblement différente. Il faut aider les entreprises à dépasser leurs craintes de voir apparaître des
organisations syndicales en leur sein et les aider également à construire un dialogue social en se dotant des
compétences nécessaires. Les branches professionnelles pourraient accompagner les entreprises concernées par des
effets de seuil en mettant à leur disposition des équipes dédiées composées par exemple d’anciens responsables
d’entreprises, de consultants et d’anciens syndicalistes, ces équipes apportant leurs expériences de « praticiens » du
social. Les pouvoirs publics encourageraient ces efforts par un lissage, dans le temps, des effets de seuils.
Si aucune étude ne permet d’affirmer de façon convaincante que la suppression des seuils sociaux permettrait de créer
des emplois, d’autres études mettent en relief la relation positive entre la qualité du dialogue social et le taux d’emploi.
Il faut espérer que la négociation qui va s’ouvrir ce mois-ci permettra au dialogue social d’en sortir vainqueur.
Il s’agit de redéfinir un fonctionnement des IRP qui ne soit pas chronophage, qui soit utile et compréhensible pour et par
les salariés, juridiquement sécurisant pour les entreprises, responsabilisant pour les organisations syndicales avec la
généralisation du principe majoritaire.
Et enfin que cette négociation, à venir, permette à toutes les entreprises inquiètes par les effets des seuils sociaux de
réaliser que leur compétitivité dépend aussi de la qualité de leur dialogue social.