Quel est l’impact du pharmacien dans la prise en charge des maladies chroniques ? Prof. Valérie Santschi, Prof. HES ordinaire, Pharmacienne diplômée, PhD Institut et Haute Ecole de la santé, La Source-HES-SO, Lausanne (Pour le résumé : Prof. Alain Pécoud, « soins ambulatoires et de 1er recours ») Président de la Commission d’experts Depuis plusieurs années, les responsables des systèmes de santé s’intéressent à la collaboration entre médecins et pharmaciens, en posant la question: est-ce que cette collaboration professionnelle ne pourrait-elle pas être encore plus efficace, dans le futur, au vue des défis qui nous attendent, tels que le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques qui en découlent (diabète, maladies cardiovasculaires, hypertension) ? Et on ajoutera à ces défis, celui de la relève des médecins, notamment celle des médecins généralistes. Les pharmaciens, grâce à leur connaissance des médicaments, leur facilité d’accès, leur habitude de collaborer avec les médecins ne seraient-ils pas des professionnels clefs pour aider à la création de véritables ponts thérapeutiques, encore plus efficaces que ceux qui existent maintenant ? Depuis quelques années, plusieurs fonctions nouvelles sont venues enrichir l’espace de travail entre pharmacien et médecin. A titre d’exemples, une aide à la gestion du médicament prescrit par le médecin grâce à un entretien de polymédication effectué en pharmacie, qui offre un temps supplémentaire pour s’assurer de la compréhension du patient; une aide à la prévention et à la détection des effets indésirables; de nouvelles prestations faites directement en pharmacie par le pharmacien (vaccination); une plus forte attention aux comportements de santé (diète, activité physique, tabagisme) pour la prévention des maladies chroniques; un suivi pour améliorer le contrôle, par exemple de l’hypertension ou du diabète; une plus grande attention portée à l’adhésion au traitement, c’est-à-dire au fait que le patient prenne réellement les médicaments prescrits ainsi qu’une coordination médecin-pharmacien portant sur la qualité de la prescription, sous la forme des groupes de qualité réunissant ces professionnels. Ces exemples montrent qu’une forte présence du pharmacien dans la prise en charge des maladies chroniques peut améliorer l’efficacité du traitement et la sécurité du patient. A cela s’ajoute un potentiel d’économie pour l’ensemble du système de santé. Mais est-ce que tout cela est réalisable ? Est-on sûr que les démarches de ce type ont vraiment l’effet escompté ? De très nombreuses études ont été réalisées ces dernières années pour démontrer l’efficacité de ces approches. Peut-on leur faire confiance ? Ne sontelles pas biaisées par l’enthousiasme des protagonistes de ces développements ? Mme la Professeur Santschi, pharmacienne et docteure ès sciences pharmaceutiques (PhD), va tenter de répondre à cette question. Elle a elle-même pratiqué certaines de ces approches dans une pharmacie de ville, liée à la Faculté de biologie et de médecine à Lausanne. Par ailleurs, elle conduit actuellement une étude clinique évaluant la prise en charge par équipe (médecin, pharmacien et infirmier) de l’hypertension. Plus particulièrement, elle a réalisé un important travail de revue systématique, qu’elle a mené avec son équipe, de tout ce qui a été publié dans le domaine de la prise en charge par le pharmacien des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et du diabète. Elle a publié ce qu’on appelle des «revues de littérature systématiques avec métaanalyses», c’est-à-dire des analyses détaillées et critiques, menées sur plus d’une trentaine d’études cliniques, qu’elle a jugées crédibles et qui ont évalué le bénéfice de l’intervention du pharmacien, seul ou en équipe, dans la prise en charge des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et du diabète. Dans ces études, on voit, que comparé à la pratique habituelle, les patients suivis par un pharmacien, travaillant en équipe ou simplement en sus de l’activité du médecin, bénéficient d’améliorations plus importantes de leur valeurs de pression artérielle, de glycémie et de cholestérol sanguin, sans augmentation des effets indésirables. Ils sont aussi plus nombreux à cesser de fumer. Demain, nous aurons très probablement moins de médecins et plus de patients à soigner, de façon plus régulière et plus longtemps. Un travail d’équipe bien construit entre médecins et pharmaciens nous permettra peut-être de soigner tout de même tous ces patients, de façon efficiente et plus sûre. C’est un des défis de l’inter-professionnalité. Références Santschi V, Chiolero A, Burnand B, Colosimo A, Paradis G. Impact of Pharmacist Care in the Management of Cardiovascular Disease Risk Factors: a Systematic Review and Metaanalysis of Randomized Trials. Arch Intern Med 2011; 171: 1441-53. Santschi V, Chiolero A, Paradis G, Colosimo A, Burnand B. Pharmacist Interventions to Improve Cardiovascular Disease Risk Factors in Diabetes: A Systematic Review and MetaAnalysis of Randomized Controlled Trials. Diabetes Care 2012; 35: 2706-17. Santschi V, Chiolero A, Colosimo A, Platt R, Taffé P, Burnier M, Burnand B, Paradis G. Improving blood pressure control through pharmacist interventions: a meta-analysis of randomized controlled trials. J Am Heart Assoc. 2014; 3:e000718 doi:10.1161/JAHA.113.000718. Merçay C. Médecins de premier recours – Situation en Suisse, tendances récentes et comparaison internationale. Analyse de l'International Health Policy Survey 2015 du Commonwealth Fund sur mandat de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Observatoire suisse de la santé (Obsan), Neuchâtel, 2015.