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2. Le théâtre élisabéthain
Le théâtre en O
Le théâtre élisabéthain (c’est-à-dire sous le règne d’Elisabeth I) est un
grand O. Il représente la circularité du monde, le cosmos. La scène, le
théâtre deviennent donc les lieux géographiques et spirituels où l’on
rééchit à l’existence de l’homme et à sa relation aux autres et à la nature.
Il est l’endroit du questionnement, de la réexion et n’est plus seulement
lié à des institutions religieuses, mais devient profane. Il se trouve même un
but économique : se faire de l’argent. En eet, à cette époque, le théâtre
devient payant. Mais avant d’être un élégant O, les premières formes
théâtrales du début du XVIe siècle se jouaient dans les cours d’auberge où
avaient même lieu, quelquefois, des combats de coqs. Cependant, tous
avaient un point commun : une aire à ciel ouvert. C’est d’ailleurs pour
cette raison que les représentations avaient lieu l’après-midi. En eet,
l’éclairage n’existait pas à ce moment-là et la lumière du jour servait de
projecteur !
Un des théâtres les plus connus qui accueillit les pièces de Shakespeare fut
le Globe Theatre, construit à partir d’une forme polygonale qui comprend
le fameux « Wooden O » dont nous venons de parler. Il est édifié sur trois
niveaux couverts (1000 spectateurs) et un parterre ouvert. Si vous voulez un
jour le voir, il vous suffit d’aller faire un tour sur la South Bank de Londres,
où le comédien et metteur en scène Sam Wanamaker a reconstitué,
trois siècles plus tard, le théâtre élisabéthain à l’identique, en tentant de
respecter au mieux l’historicité. La seule diérence importante, que nous
pouvons noter, se trouve sur le plan des lumières puisqu’un éclairage
articiel a été mis en place pour les représentations du soir. La référence à
ce théâtre est clairement inscrite dans le prologue d’Henri V :
— Oh ! que n’ai-je une muse de amme qui s’élève — jusqu’au ciel le plus radieux de
l’invention! — Un royaumepour théâtre, des princes pour acteurs,— et des monarques
pourspectateursdecettescènetranscendante!—AlorsonverraitlebelliqueuxHarrysous
ses traits véritables, — assumant le port de Mars, et à ses talons — la famine, l’épée et
l’incendie,commedeschiensenlaisse,—rampantpouravoirunemploi!Maispardonnez,
gentilsauditeurs,—auplatetimpuissantespritquiaosé—surcetindignetréteauproduire
—unsigrandsujet!Cetrouàcoqspeut-ilcontenir—lesvasteschampsdelaFrance?
Pouvons-nousentasser dans cecercledebois tous lescasques — quiépouvantaient l’air
à Azincourt ? — Oh ! pardonnez ! puisqu’un chiffre crochu peut — dans un petit espace
gurerunmillion,—permettezque,zérodececompteénorme,—nousmettionsenœuvre
les forces de vos imaginations. — Supposez que dans l’enceinte de ces murailles — sont
maintenantrenferméesdeuxpuissantesmonarchies—dontlesfrontsaltiersetmenaçants
—nesontséparésqueparunpérilleuxetétroitOcéan.—Suppléezparvotrepenséeànos
imperfections;—divisez unhommeen mille,—etcréez unearméeimaginaire.Figurez-
vous,quandnousparlonsdechevaux,quevouslesvoyez—imprimerleurserssabotsdans
laterreremuée.—Carc’estvotrepenséequidoiticiparernosrois,—etlestransporter
d’unlieu à l’autre,franchissant les temps— et accumulantles actes deplusieurs années
— dans une heure de sablier. Permettez que je supplée — comme chœur aux lacunes de
cettehistoire,—etque,faisantofcedeprologue,j’adjurevotrecharitableindulgence,—
Théâtre du Globe