Université de Montréal
PROXIMITÉ À DISTANCE :
LES FONCTIONS CRITIQUES DE LA MIMÊSIS
DANS LA PENSÉE DE THEODOR W. ADORNO
par
Martin Desrosiers
Département de philosophie
Faculté des arts et des sciences
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales
en vue de l’obtention du grade de Ph.D en philosophie
Septembre 2015
©Martin Desrosiers, 2015
i
Table des matières
Résumé.............................................................................................................................................. iv
Abstract ............................................................................................................................................ v
Avertissement ................................................................................................................................... vi
Remerciements ................................................................................................................................. viii
AVANT-PROPOS : L’ÉNIGME DE LA MIMÊSIS ADORNIENNE .................................. 1
O.O. INTRODUCTION : LES FONDEMENTS NORMATIFS DE LA CRITIQUE
ADORNIENNE ............................................................................................................................. 7
0.1. Un humanisme négatif? Critique et sauvetage du kitsch humaniste ....................................... 8
0.1.1. Deutung : la nature humaine comme objet d’interprétation .................................. 13
0.1.2. Eingedenken : la nature humaine comme objet de remémoration ......................... 22
1.0. LES FONCTIONS CRITIQUES DE LA MIMÊSIS ADORNIENNE .......................... 34
1.1. Un concept polymorphe : typologie des emplois et des fonctions de la mimêsis.................. 36
1.1.1. Expression : la mimêsis comme trait bioanthropologique ..................................... 44
1.1.1a) De la mimêsis de la mort à la mimêsis agonistique .................................. 45
1.1.1b) De la mimêsis agonistique à la mimêsis de la mimêsis ............................ 55
1.1.2. Extériorisation : la mimêsis comme compétence épistémique............................... 60
1.1.2a) La critique habermasienne de la mimêsis adornienne.............................. 61
1.1.2b) Affinité mimétique et intellection............................................................. 65
1.1.3. Subversion : la mimêsis comme stratégie critique ................................................. 75
1.1.3a) Mimêsis et ruse ulysienne ........................................................................ 76
1.1.3b) Les ruses de la critique adornienne........................................................... 82
ii
2.0. MIMIKRY : LE POTENTIEL BIOANTHROPOLOGIQUE DE LA MIMÊSIS ......... 99
2.1. « Néobarbarie » : animalité et aveuglement anthropocentriques ....................................... 101
2.1.1. « Régression sous emprise » : la bêtise du sujet anthropocentrique ..................... 102
2.1.2. « Dénégation idéaliste » : la critique adornienne de l’anthropocentrisme
kantien ................................................................................................................ 110
2.2. « Le supplément » : morale et corporéité chez Adorno....................................................... 120
2.2.1. « Un motif matérialiste sans fard » : les conditions somatiques de la volonté...... 123
2.2.2. « L’impulsion pré-égoïque » : le moment mimétique de l’agir moral .................. 133
2.3. Conclusion : la Mimikry, l’expression d’une nature contrariée .......................................... 147
3.0. AFFINITÄT ET ENTÄUSSERUNG : LE POTENTIEL ÉPISTÉMIQUE
DE LA MIMÊSIS...................................................................................................................... 151
3.1. « Captivité catégorielle » : les crises de la conscience identifiante .................................... 153
3.1.1. Crise de l’expérience spirituelle : Entgeistung, ou la double déspiritualisation
de la chose et du sujet ......................................................................................... 155
3.1.2. Crise de la pratique philosophique : Entdenken, ou la fin des grands efforts
idéalistes............................................................................................................... 165
3.1.3. Crise du concept : insuffisance et surabondance de l’identification
conceptuelle ........................................................................................................ 172
3.2. « Sans victime ni vengeance » : le mouvement mimétique comme correctif à la conscience
identifiante .................................................................................................................................. 184
3.2.1. L’affinité mimétique, condition de l’intellection.................................................. 185
3.2.2. Priorité de l’objet : le moment de la destitution matérialiste ............................... 191
3.2.3. Décentrement : le moment de la dislocation critique ........................................... 201
3.2.3a) Aliénation et extériorisation dans la tradition hégéliano-marxiste ........ 204
3.2.3b) Le mouvement mimétique comme aliénation progressive ................... 221
3.3. Conclusion : le motif, le mouvement et le modèle épistémiques de la mimêsis ................. 235
iii
4.0. METHEXIS SUBVERSIVE : LE POTENTIEL STRATÉGIQUE
DE LA MIMÊSIS...................................................................................................................... 241
4.1. « Virtuosité du désespoir » : la surenchère mimétique de l’art radical............................... 243
4.1.1. L’insociable sociabilité de l’art ............................................................................ 250
4.1.2. La dé-définition dialectique de l’œuvre radicale ................................................. 258
4.1.2a) L’œuvre à l’assaut de ses antécédents .................................................... 259
4.1.2b) L’œuvre à l’assaut de sa présence .......................................................... 265
4.1.2c) L’œuvre à l’assaut de son avenir ............................................................ 272
4.2. « Vivacité mortelle » : mort de l’art et art de la mort chez Samuel Beckett........................ 281
4.2.1. « Du gris au noir » : le moment expressif de la mimêsis becketienne.................. 287
4.2.2. « La miniscule promesse de bonheur » : le moment utopique de la mimêsis
becketienne ..................................................................................................................... 296
4.2.3. « Que cela pue l’artifice » : le moment autophage de la mimêsis becketienne.... 302
5.0. CONCLUSION : LA MIMÊSIS ADORNIENNE, UNE CONSTELLATION
CONCEPTUELLE .................................................................................................................. 312
Bibliographie des œuvres citées
a. Textes de Theodor W. Adorno ................................................................................... 322
a1) Œuvres complètes ........................................................................................ 322
a2) Autres ouvrages en allemand........................................................................ 323
a3) En traduction ................................................................................................ 323
a4) En langue anglaise ........................................................................................ 325
b. Autres sources primaires............................................................................................. 325
c. Sources secondaires .................................................................................................... 328
c1) Ouvrages sur Adorno.................................................................................... 328
c2) Articles et chapitres sur Adorno ................................................................... 329
c3) Autres sources secondaires ........................................................................... 331
iv
Résumé
La présente thèse entend donner sens à un concept qui occupe une place centrale
au sein de la pensée de Theodor W. Adorno mais qui, parce que notoirement
difficile à définir, n’a pas reçu l’attention qu’il mérite : la mimêsis (Mimesis). Il
s’agira, plus exactement, de comprendre la mimêsis comme un point nodal de la
critique adornienne, qui nous permet de comprendre au nom et en vue de quoi elle
se déploie. Car sous toutes ses acceptions et nous verrons qu’elles sont fort
variées la mimêsis adornienne est toujours invoquée dans le but de contrecarrer
les tendances hétéronomes (c’est-à-dire : déshumanisantes) propres aux sociétés
capitalistes avancées. Surtout, elle est constamment présentée comme un correctif
matérialiste au type de rationalité abstraite qui sous-tend ces sociétés.
Cette tâche s’avère d’autant plus lourde que, malgré son important poids normatif,
la mimêsis ne fait pas l’objet, chez Adorno, d’une théorisation explicite. Il nous
faudra pallier cette indétermination, en identifiant d’abord les assises normatives
les plus premières de la critique adornienne (0.0. Introduction : les fondements
normatifs de la critique adornienne), pour ensuite rendre compte des fonctions
particulières qu’occupe la mimêsis au sein de cette critique (1.0. Les fonctions
critiques de la mimêsis adornienne). Ce travail de débroussaillage exégétique et
interprétatif nous permettra de constater que la mimêsis adornienne recèle trois
types de potentiels critiques distincts. D’abord, en ce qu’elle est présentée dans
les travaux des années 1930 et 1940 surtout comme une impulsion
psychosomatique à même de trahir, l’instant d’une brève résistance, la violence
infligée à la nature intérieure et extérieure de l’homme par les forces réificatrices
de la rationalité instrumentale (Instrumentelle Vernunft), la mimêsis adornienne
peut être comprise comme un mimétisme (Mimikry) bioanthropologique dont la
valeur est principalement expressive (2.O. Mimikry : le potentiel
bioanthropologique de la mimêsis). Ensuite, lorsqu’elle sera pensée à partir de la
fin des années 50 surtout comme une compétence proprement épistémique qui
permet au sujet connaissant de rencontrer à nouveau puis de redéterminer les
objets de son expérience, la mimêsis adornienne peut être comprise comme un
correctif critique à la logique appropriative de la pensée identifiante
(identifizierendes Denken) (3.O. Affinität et Entäusserung : le potentiel
épistémique de la mimêsis). Enfin, dans la mesure où elle informe le modus
operandi de l’œuvre d’art d’avant-garde telle que défendue par Adorno dans la
Théorie esthétique, et qui consiste à détourner, en les retournant contre elles-
mêmes, les contraintes imposées par le monde totalement administré (total
verwaltete Welt), la mimêsis peut être comprise comme une Methexis subversive,
c’est-à-dire comme une stratégie séditieuse à même de conjurer l’hétéronomie
sociale en l’anticipant et en l’incorporant (4.0. Methexis subversive : le potentiel
stratégique de la mimêsis). Ainsi, tout en voulant rendre justice à la très grande
polysémie du concept, nous aimerions démontrer que la mimêsis adornienne
pointe constamment vers une forme ou une autre de résistance : comme
expression, comme extériorisation ou comme subversion.
Mots clés : Philosophie Adorno Mimêsis Nature Histoire Dialectique.
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