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Cours 9 - La sculpture grecque aux Ve et IVe siècles
Plan
I. Fin de l'Archaïsme (500-480)
Égine, temple d'Athéna Aphaia (500-490) : les frontons sculptés
II. Style Sévère (480-450)
Caractéristiques
Tyrannoctones de Critios et Nésiotès (477)
Olympie, temple de Zeus (472-457) : frontons et métopes
Statues d'athlètes : Myron, Discobole
Grands bronzes : Poséidon du Cap Artémision, Aurige de Delphes
III. Premier Classicisme (450-400)
Le style parthénonien : frontons et frise du Parthénon, parapet du temple
d'Athéna Nikè, Nikè de Paionios de Mendé
La pondération des statues : Polyclète
IV. Second Classicisme (400-320)
Praxitèle
Lysippe
L’objectif du cours est de poursuivre l’histoire de la représentation humaine dans la
ronde bosse et dans le relief, tels que les pratiquent les Grecs durant l’époque classique, entre
les Guerres Médiques (490-480) et la mort d’Alexandre le Grand (323).
La connaissance actuelle de la statuaire classique souffre d’une grave lacune : les
œuvres originales ont presque toutes disparu et ont été remplacées par des répliques romaines
qui transposent presque toujours le bronze original dans le marbre. Il est à craindre que les
mieux réussies soient en fait de belles infidèles… Il faut leur préférer les originaux de la
plastique mineure. Par contre, les décors sculpturaux des grands édifices sont des témoins
véridiques.
Lorsqu’on franchit le seuil qui sépare l’âge archaïque de l’âge classique, il est
nécessaire de s’interroger sur le sens de la mutation qui nous fait passer du kouros abstrait à
une représentation humaine beaucoup soumise aux impératifs de la réalité vivante. Certes, le
nu archaïque évolue, mais à l’intérieur du rigide cadre frontal. Détachée de l’archaïsme, la
statue prend une signification révolutionnaire. On a parlé de « miracle grec », de
« rationalisation » de l’art, de « réalisme », et pourtant, ces grandes notions n’épuisent pas la
richesse et la grandeur des créations sculptées des Ve et IVe siècles.
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I. Fin de l'Archaïsme (500-480)
Égine, temple d'Athéna Aphaia (500-490) : les frontons sculptés
Le lumineux temple d'Athéna Aphaia à Egine est le plus important édifice de l'époque.
C’est un périptère de 6 x 12 colonnes et de 13,77 x 28,81 m. Les colonnes, fines et élancées,
sont couvertes de stuc clair. La ligne est légère et vive, toute lourdeur est exclue. Le rapport
entre diamètre inférieur et hauteur de colonne est de 5,32. Les chapiteaux sont souplement
profilés et il n'y a aucun emprunt à l'ionisme : tout n'est que lignes, jeu régulier de surfaces et
volumes. La cella est classique avec pronaos et opisthodome à deux colonnes in antis. Elle est
séparée en trois nefs par deux colonnades de cinq colonnes sur deux registres. La cella a
6,38m de large, dont 3,05m pour la nef centrale.
Le bâtiment est en tuf (calcaire local). Il mesure 13,80 m sur 28,50 m. Il repose sur une
crépis de trois marches. Il est périptère et hexastyle dorique, ce qui donnait douze colonnes
par côté et six par façades. Les colonnes extérieures hautes de 5,272 m (24 des 32 colonnes
originelles sont encore debout, plus ou moins hautes) faisaient trois pieds doriques (93 cm) de
diamètre à la base et étaient séparées de huit pieds doriques. Toutes les colonnes extérieures
étaient monolithes, à part trois sur le côté nord, constituées de tambours, apparemment pour
des raisons de facilité de construction de l'intérieur. L'architrave est pratiquement totalement
conservée, tandis que l'entablure a été restaurée sur les côtés nord et ouest, avec la
restauration de triglyphes, de métopes et de la corniche.
Le sécos (l'intérieur) était (selon les canons architecturaux) divisé en deux : un naos (ou
cella) avec son pronaos et un opisthodome avec deux colonnes in antis. Dans le pronaos
étaient exposés les rostres des trières samiennes capturées à Kydonia. On voit encore sur les
colonnes les traces de la grille qui fermait le temple. L'originalité du naos repose dans les
deux étages intérieurs. Là, deux colonnades, de cinq colonnes de chaque côté, surmontées
d'une nouvelle colonnade, au "premier étage" soutenaient le toit.
La statue de la déesse se trouvait au centre de la cella. Celle-ci aurait été
chryséléphantine, en or et ivoire. On voit encore les trous de la grille de bois qui protégeait la
statue. L'opisthodome, à l'arrière, contenait ce qui serait apparemment des tables en
maçonnerie.
Des traces de peinture (enduit stuqué rouge sur le sol du sécos par exemple) sont encore
par endroits visibles. Le temple d'Aphaïa à Égine a apporté, avec le Théséion d'Athènes la
preuve de la polychromie des temples antiques qui n'étaient pas blancs comme on l'imagine
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face aux ruines immaculées actuelles.
Le toit aurait été en marbre de Paros alors que le reste du bâtiment était en calcaire.
Les frontons :
Ils sont considérés comme le plus bel exemple de sculpture de la transition entre la
période archaïque et la période classique.
Les frontons étaient réalisés en marbre de Paros. Ils représentent tous les deux un
combat devant Troie. Chacun des combats se déroule en présence d'Athéna, personnage placé
au centre. C’est pour cette raison que le temple était appelé Athéna-Aphaïa. Des Éginètes sont
à chaque fois présents : Télamon à l’Est et les deux Ajax (Ajax fils de Télamon, roi de
Salamine et Ajax fils d'Oïlée, roi de Phocide) à l’Ouest. Cette présence de héros éginètes
pourrait rappeler la participation héroïque de l’île à la bataille de Salamine. La date des
frontons renforce la vraisemblance de cette hypothèse.
Le fronton est représente un combat lors du siège mené par Héraclès contre Laomédon.
Il comporte onze statues. Le personnage central est Athéna. Elle marche vers la droite, mais
son regard est tourné vers le spectateur. Elle brandit l’égide vers un Troyen à sa gauche. On
l’identifie le plus souvent à Priam qui achève son adversaire grec. Le guerrier grec a
visiblement plus d’une blessure à la poitrine. Il a perdu son casque, qu’un autre Grec lui
rapporte.
Plus loin, Héraclès, reconnaissable à sa peau de lion, tire ses flèches vers l’armée
troyenne. Il a touché Laomédon qui se meurt. Derrière Héraclès, un guerrier grec agonise,
touché par les flèches de l’archer troyen qui répond symétriquement à l’archer Héraclès. Cette
organisation est liée à la forme même du fronton. À la droite d’Athéna, Télamon poursuit un
Troyen qui fuit ses coups tandis qu’un autre Troyen cherche à lui porter secours. Ensuite, il y
a l’archer et un blessé ou un cadavre.
Le fronton ouest représente un combat lors du siège par Agamemnon. Il contient treize
statues et deux objets. Athéna est au centre et regarde le spectateur. À sa gauche, un combat
entre un Troyen et un Grec. Ensuite, Teucer, tirant à l’arc, a touché le Troyen allongé à sa
gauche. Un autre corps se trouve à l’extrémité du fronton. À droite d’Athéna, Ajax s’attaque à
un Troyen. Ensuite, l’archer est identifié avec Pâris. Puis, on trouve un guerrier agenouillé, un
bouclier et enfin, dans le coin, un casque.
La transition entre le style archaïque et le style classique se voit principalement dans le
fronton est. En effet, on dispose de deux versions de ce fronton. Lorsqu’un premier fronton,
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sculpté à la même date que le fronton ouest (fin du VIe siècle avant notre ère) fut détruit, il fut
remplacé par celui visible à Munich et qui serait l’œuvre d’Onatas. Les fragments du premier
fronton qui ont été retrouvés sont encore caractérisés par le célèbre sourire archaïque. Les
statues du second fronton de plus sont intégralement sculptées, en ronde-bosse, même les
parties non destinées à être vues, comme pour les marbres du Parthénon. Les détails sont aussi
plus travaillés.
II. Style Sévère (480-450)
Caractéristiques
Les grandes caractéristiques du style sévère :
un art du mouvement
un art sérieux : fin du sourire archaïque et des schématisations archaïques
Un exemple : l’éphèbe de Critios
Provenant le l’Acropole d’Athènes, l’éphèbe de Critios est le meilleur témoignage
antérieur au saccage des Perses d’avant 490, de la révolution intellectuelle et morale qui
s’accomplit dans les 20 premières années du Ve siècle. L’axe du cadre archaïque est rompu,
la vie apparaît dans ce jeune corps, l’attitude s’anime grâce au léger déhanchement ; mais la
disparition d’une harmonie immobile impose la difficile recherche d’un rythme accordé au
fléchissement d’un côté du corps. Cette recherche va durer 20 ans et s’axer sur l’inflexion
timide de la hanche, le mouvement de la tête vers l’épaule et le retrait de la jambe droite,
traite marquants de l’éphèbe.
Dans la ligne de cet éphèbe de Critios se situent l’Apollon Philésios créé par Canachos
de Sicyone pour le sanctuaire de Didymes (vers 494), aujourd’hui disparu, et un torse
masculin du théâtre de Milet conservé au musée du Louvre.
Les tyrannoctones de Critios et Nésiotès (477)
Créé par Critios et Nésiotès, le groupe présente Harmodios et Aristogiton marchant vers
Hipparque, fils de Pisistrate pour le frapper, l’un de taille, l’autre d’estoc. Le mouvement est
désormais bien libéré : il semble que les sculpteurs bronziers se soient inspirés des frontons,
notamment ceux d’Egine. L’emploi du bronze a d’ailleurs permis en partie cette libération,
comme le prouve un petit bronze imitant l’éphèbe de Critios, le jeune homme de Castevetrano
en Sicile. Ici, le bras est détaché du corps ; Critios, travaillant le marbre, était tenu de
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maintenir les mains aux cuisses. La maîtrise de la fonte en creux ouvre à la statuaire de
nouvelles possibilités. Le marbre permet cependant de plus subtils effets de modelé et de
coloris.
Olympie, temple de Zeus (472-457) : frontons et métopes
Les débuts du classicisme en Grèce continentale sont marqués par une oeuvre majeure :
le temple de Zeus à Olympie, érigé par Libon. Comparable au temple de Héra II de Paestum,
il possède les mêmes proportions un peu lourdes d'une puissante solidité. Mais la polychromie
et les valeurs décoratives aèrent et allègent la recherche des volumes.
Sur un talus artificiel de 3 mètres se dresse la crépis à trois assises avec un stylobate
plus haut que les deux premiers degrés (0,56 contre 0,48m). La colonnade est de 6 x 13
colonnes qui présentent de légères variantes (2,25m de diamètre en façade et 2,23m sud
côtés). Les colonnes latérales sont inclinées de 6cm ver l'intérieur, celles de façades sont
verticales (sauf les deux d'angle): ce sont de subtils rapports que l'on retrouve dans le rythme
de la colonnade et de l'entablement, réalisés pour la satisfaction d'un oeil exercé au jeu des
lignes...
Dans la cella, l'espace est divisé par deux colonnades à deux registres comme à
Paestum. Mais l'étroitesse de la nef centrale jure avec l'énormité de la statue chryséléphantine
de Zeus de Phidias, réduisant les nefs latérales au rôle de couloirs. Aussi l'harmonie extérieure
contraste avec la faiblesse de la composition intérieure: le chemin est tracé pour les
architectes futurs afin de parer à cet inconvénient.
Le temple de Zeus Olympien porte la marque de l'esthétique dorienne : masses et
volumes puissamment structurés, respect des lignes équilibrées et développées en des
ensembles géométriquement organisés, association de l'architecture et de la sculpture dans un
même rythme. En même temps, il porte aussi les marques de ses limites: manque d'espaces
plus libres et plus dégagés, peu de valeur décorative des éléments architectoniques, édifices
trop peu intégrés dans une composition plus largement organisée.
Le hasard de l’événement historique qui a déterminé la construction du temple de Zeus
à Olympie entre 468 et 465 a permis à l’auteur inconnu du décor sculptural de recueillir tout
le fruit de l’élan libérateur qui emportait l’art grec depuis les guerres médiques. Plus que ses
prédécesseurs le Maître d’Olympie renouvelle le langage plastique, invente des gestes et des
attitudes nouvelles, crée une véritable mise en scène mythologique. Les thèmes sont choisis
en fonction de la vocation panhéllenique d’Olympie et du patriotisme local.
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