qualité de philosophe n e s'obt ient pas p a r le f ait de s'occuper d e
certains problèmes, mais d'abord par l'adopt ion d'une certaine att i-
tude de l'esprit, o u plut ôt de l' êt re t out entier, p a r une conversion
radicale q u i subordonne t ous les autres intérêts a l a pure cont em-
plat ion de la vérité. Amis de Platon, ceux-la le sont de la meilleure
manière, q ui est de dire: magis arnica veritas. I l ne suff it pas, pour
être désintéressé, de s'affranchir de l' ut ilit é industrielle, i l f aut aussi
savoir échapper aux séductions de la satisfaction affective. Mais ainsi
exalté, le scrupule de vérité, lié à la possibilité de la v érification, v a
conduire a éc arter c omme insolubles, certains diront même c omme
dénués de sens, d'abord tous les problèmes métaphysiques, et bien-
tôt, de proche en proche, l a plupart des problèmes t raditionnels de
la philosophie, puisque les valeurs, q ui faisaient son princ ipal objet,
sont conques c omme étrangères au v rai et au faux, et qu'ains i une
controverse s ur une ques tion d'éthique o u d'esthétique n e se prêt e
pas a êt re tranchée p ar une discussion objective. A l a limit e, un e
philosophie ains i épurée se réduit a l'analyse de l a syntaxe logique
du discours scientifique (
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) .
De t out e façon, et même s 'il demeure implic it e, l e problème des
rapports ent re vérité et v aleur demeure l'une des apories essentielles
de l a spéculation philosophique. D' une part la philosophie se dis t in-
gue d e l a science a u moins e n ceci, qu'elle l a s urplombe po u r l a
situer dans l'ensemble des v aleurs humaines. De c e poi nt de vue,
le v rai apparaît, a côté du beau et du bien, comme une v aleur parmi
d'autres, et dont rien ne permet de préjuger qu'elle possède la s u-
prême dignité: peut-être f aut -il dire que l e moindre mouv ement de
charité passe inf ini ment t out e not re science, cela ét ant «d'un aut re
ordre». Et même l'intellectualiste le plus intransigeant, quand i l pla-
ce au sommet la v aleur de vérité, reconnaît implic it ement qu' il dis -
pose d'un principe de c hoix qui permet ainsi de la juger et qui donc,
en quelque manière, l a transcende. Mais, d'aut re part, cette hiérar-
chie des v aleurs à laquelle i l adhère, quelle qu'elle soit, e t mê me
si elle relègue la v érité a u n rang assez modeste, l e philosophe ne
la présente pas c omme l'expression d'une s imple préférence person-
nelle ou d'une constatation sociologique, n i c omme l'effet d'un décret
arbitraire. I l la professe comme une doctrine, i l s'efforce de la prou-
ver, bref il la donne pour vraie; et de c e point de vue, c'est la v éri-
entre la v ie et lui. De ce point de vue, les métaphysiques apparaissent c omme
les f ormes les plus parfaites des «mensonges v it aux « (V e rno n Lee)».
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Congrès international de philos ophie des sciences, 1935, fasc. 1, p.36-41.
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