ne puisse être refait e n'import e quand par tous ceux qui possèdent
la compétence suffisante. Ses énoncés s ont des passages logiques
(dans les sciences formelles) ou des faits d'expérience (dans les scien-
ces naturelles). Ils ont un caractère pérempt oire; ils prétendent à une
reconnaissance universelle, mais , e n mê me temps, i l ne souffrent
aucune perte lorsque cette reconnaissance le ur est refusée par quel-
ques personnes. Ces personnes sont s implement repoussées, a cause
de leur refus même, dans le monde négligeable des incompétents.
La science fait alors recours a ce que Perelman appelle, avec Ferdi-
nand Gonseth, le «principe de technicité». Elle f ait recours à sa con-
science collective et réussit, de cette manière, à passer au-dessus de
ses divergences intérieures. Ce que cette conscience considère accep-
table, c'est-à-dire intégrable au patrimoine de ses notions précédem-
ment acquises, reste dès lors définitiv ement prouvé.
Une théorie scientifique pourra néanmoins être sujette à une rév i-
sion, elle reste même cont inuellement sujette à une révision a cause
des nouvelles expériences qui peuvent toujours se présenter, et qu',ffle
doit chaque fois intégrer. Mais cela ne s ignifie pas qu'elle sera aban-
donnée, elle sera seulement redimensionnée, placée dans une nou-
velle perspective, ains i qu ' il est arriv é pa r exemple à l a phys ique
classique, au f ur et a mesure que la physique atomique s'est imposée
de plus en plus. Nous pourrions appeler ce principe «principe de cor-
rigibilité». Grâce a celui-c i, dans la science beaucoup s e crée, r i en
ne se détruit.
La connaissance philosophique est t out e différent e. El le est s ub-
jective, privée, émotiv ement qualifiée. On peut la poursuivre unique-
ment dans la recherche personnelle. Ses énoncés ne concernent pas
des faits d'expérience ni des passages logiques, mais des valeurs ; ils
n'ont rie n d e péremptoire, il s mérit ent u n consentement univers el
mais ils ne sauraient l'imposer. En même temps, et justement parc e
qu'ils ne peuvent pas s'imposer, ils ont besoin d'être aimés , choisis
et défendus, et souffrent de tout e reconnaissance q u i leur est niée,
bien que, même dans ce cas, ils conservent toute leur validité.
Le princ ipe de technicité n'a auc une légitimité dans le c hamp de
la philosophie. Le philosophe ne peut pas, c omme le f ait l'homme de
science, repousser les objections des adversaires en qualif iant ceux -
ci d'incompétents, parce que le c rit érium de la compétence renvoie
dans s on cas a ux fondements mêmes de sa pensée et l'oblige pa r
conséquent à une «pétition de principe». I l n'y a en effet aucune con-
science collective a laquelle i l puisse faire recours, et i l n' a pas l a
possibilité d'int égrer les résultats de sa recherche au pat rimoine phi-
losophique précédemment constitué.
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