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Directeur de la publication :
Jean-Paul Fitoussi
ISSN N° 0751-66 14
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Commission paritaire n° 65424
Mise en page : Nathalie Ovide
Imprimerie Bialec, Nancy
Prix : 4,50 €
Maquette : Najette Moummi
sommation privée et investissement)
sont en panne. En raison de la cure
d’austérité, la Grèce verrait le taux de
chômage (qui a atteint 12 % en mai,
contre 8,5 % un an plus tôt) continuer
de progresser, et une baisse du revenu des
ménages, qui auraient pour conséquence
une baisse des recettes fiscales. En outre,
la faiblesse de la compétitivité externe ne
permettra pas au commerce extérieur de
tirer la croissance.
Politique budgétaire: une lueur d’espoir
Pour parvenir à respecter son engage-
ment de ramener le déficit public à 8,1%
du PIB à la fin de l’année, contre 13,6 %
en 2009, l’État dispose des leviers de la
politique budgétaire, réduction des
dépenses ou hausse des impôts. À l’heure
actuelle, les deux leviers sont conjugués
avec succès, comme le montrent les trois
«
paquets
» fiscaux successifs adoptés
entre janvier et mars 2010. Le premier
examen trimestriel du programme éco-
nomique du gouvernement grec, mené
conjointement par la Commission
européenne, la BCE et le FMI, a conduit
à un bilan positif : au premier semestre
2010, le déficit public atteignait
11,4 milliards d’euros, contre 19,7 mil-
liards au premier semestre 2009 (soit une
baisse de 40 %). Si cet effort devait se
poursuivre à l’identique au second
semestre, le déficit atteindrait -10 % du
PIB en 2010, soit une réduction consi-
dérable de 3,6 % par rapport à 2009,
mais toutefois inférieure à l’engagement
pris d’atteindre -8,1% du PIB. De jan-
vier à juin, des progrès importants ont
été réalisés sur le plan des réformes struc-
turelles, avec l’adoption de la réforme
des retraites par le Parlement et la mise
en œuvre des réformes fiscales et
budgétaires. Cette réduction du déficit
s’explique davantage par une réduction
des dépenses (avec une baisse de 10 %
sur les sept premiers mois de l’année, par
rapport à la même période de 2009) que
par une hausse des recettes, qui n’ont
augmenté que de 4,1% pour la même
Charges d’intérêts, taux de croissance et niveau de la dette en 2010
Dette
publique/PIB
en 2009 (d t )
Charge
d’intérêts de la
dette/PIB
en 2010 (i)
Croissance du
PIB en valeur
en 2010 (g)
Solde
primaire/PIB
en 2010 (d t+1)
Prévision dette
publique /PIB
en 2010 (d t+1)
Allemagne 73,2 3,4 1,9 -3,2 77,5
Espagne 53,2 3,3 -0,2 -8,9 63,9
France 77,6 2,8 1,7 -5,8 84,3
Grèce 115,1 4,5 -3,8 -3,3 127,9
Irlande 64,0 3,8 -0,7 -8,9 75,8
Italie 115,8 4,0 1,1 -0,5 119,7
Portugal 76,8 3,9 1,0 -4,3 83,3
Sources : prévisions OCDE juin 2010, Eurostat.
période. Dès lors, les marges de manœu-
vre en matière fiscale demeurent
importantes (lutte contre l’économie
souterraine et réforme de la fiscalité).
Refonder le Pacte de stabilité et
de croissance
Restaurer la soutenabilité des finan-
ces publiques grecques ne pourra se faire
que concomitamment à la refonte de la
politique budgétaire dans l’Union
européenne. La crise grecque a montré
que les critères de convergence mis en
place par le Pacte de stabilité et de crois-
sance (PSC) étaient insuffisants pour
conduire une politique budgétaire crédi-
ble. L’absence de mécanismes de
solidarité au sein de la zone euro a mon-
tré ses limites dans un contexte de
finances publiques dégradées. Pour y
pallier, les initiatives se multiplient :
après le plan de secours de 750 milliards
d’euros approuvé dans l’urgence, les ini-
tiatives récentes visent à une plus stricte
application du PSC par la création d’un
organe de supervision budgétaire. En
revanche personne ne songe à modifier le
PSC lui-même.
Pourtant, comme l’a montré la crise
grecque, l’indépendance budgétaire était
un leurre. D’une part, les pays de la zone
euro sont interdépendants. D’après la
Banque des règlements internationaux
(BRI), les créances des banques étran-
gères en Grèce totalisent 177 milliards
d’euros. Les banques européennes en
détiennent 141 milliards, soit 80 %
(42 % pour les banques françaises, 25 %
pour les banques allemandes). Cette
forte imbrication entre pays européens
suggère qu’une faillite au sein de la zone
euro aurait des répercussions immédiates
sur les autres pays, notamment les plus
fragiles. D’autre part, les pays de la zone
euro partagent une monnaie commune.
Or, le manque de crédibilité de la Grèce
dans la gestion de crise a entraîné une
dépréciation de l’euro, avec des con-
séquences sur l’ensemble de la zone.
La seconde limite du PSC tient à son
asymétrie : il ne tient pas compte des
effets cycliques de l’activité. En période
de ralentissement d’activité, un PSC
appliqué à la lettre pourrait rapidement
avoir des conséquences préjudiciables à
la croissance par une action procyclique
négative. Plutôt que des ratios qui ne
tiennent pas compte du cycle d’activité,
il faudrait une règle économique qui
impose le rééquilibrage budgétaire en
période de croissance, et qui permette
une action budgétaire contracyclique en
période de récession ou de croissance
molle. Ainsi, entre 2000 et 2007, la
croissance moyenne a été de 4,2 % par
an en Grèce. Bien que reposant sur des
bases fragiles, notamment un faible taux
d’exportation, une dégradation continue
de la balance commerciale et un niveau
d’endettement individuel élevé, elle
aurait néanmoins pu permettre l’assai-
nissement des finances publiques en
haut de cycle, libérant ainsi des marges
de manœuvre dans des périodes moins
favorables. Il semble donc plus judicieux
d’appliquer des règles budgétaires con-
traignantes sur l’ensemble du cycle
plutôt que sur une année donnée.
La troisième limite du PSC vient du
fait que les ratios sont identiques pour
tous les pays de la zone alors même que la
notion de soutenabilité budgétaire varie
d’un pays à l’autre. Le PSC ne tient donc
pas compte des différences de croissance
et de taux d’intérêt pourtant essentiels
pour déterminer la trajectoire appropriée
d’évolution de la dette. En outre, les
caractéristiques intrinsèques d’un pays
(notamment la part de l’investissement
public, le poids des engagements futurs
et la croissance potentielle future)
sont occultées.
Les politiques budgétaires autono-
mes, appuyées par quelques indicateurs
de convergence, ont montré leurs limites
concernant la surveillance budgétaire.
Plutôt que de chercher à sauver le PSC,
n’est-il pas temps de créer une autorité
budgétaire européenne dont la tâche
principale consisterait à coordonner les
développements des plans budgétaires
nationaux, comme le préconise la Ban-
que centrale européenne ? À l’heure où
l’Europe pâtit d’un déficit de crédibilité,
sans doute s’agit-il d’un nouveau pas
décisif dans la construction européenne.
Encore faut-il accepter de le franchir.
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